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Tous les articles par Florence VANCOILLIE

Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Les bonnes valeurs au sein de l’Eglise

https://soundcloud.com/eel-toulouse/fichier-audio-de-dimanche

Lecture biblique: Jacques 2.1-13

Aujourd’hui nous arrivons au terme de notre série qui cherchait à alimenter notre réflexion sur le thème du synode qui aura lieu la semaine prochaine : Droit/Devoir de Parole, quelle place pour nos églises dans le débat public ? Les passages bibliques que nous avons médités apportaient un regard lucide sur la société et ses responsables, et nous invitaient à nous positionner clairement en tant que chrétiens contre les travers, en gardant une attitude irréprochable. Le texte qui nous est proposé en conclusion de la série, un extrait de la lettre de Jacques, quitte la question du rapport avec la société pour nous concentrer sur le fonctionnement interne de l’église.

Lecture

Le problème que soulève l’apôtre Jacques ressemble à d’autres situations qu’on trouve dans les lettres de Paul, un peu plus tard. C’est le cas de communautés chrétiennes qui tolèrent des dysfonctionnements évidents en leur sein, sans y voir d’inconvénients. Ici, Jacques dénonce le favoritisme qui préside aux relations dans la communauté, en prenant l’exemple de l’accueil – mais le favoritisme existait sûrement aussi sous d’autres formes ! Pour l’accueil, il décrit une église qui se met en quatre pour les grands, les riches, les puissants, mais qui dédaigne les petits, ici, un pauvre mal habillé.

Aux yeux de Jacques, c’est proprement intolérable dans l’église, et il invoque pas moins de quatre arguments pour que l’église abandonne cette attitude : 1/ ce comportement est incompatible avec l’évangile, avec le message de Jésus-Christ, 2/ Dieu choisit toutes sortes de gens, même méprisés par la société, pour leur donner la plus grande dignité au monde : être enfant de Dieu, héritier des bénédictions de Dieu, 3/ d’un point de vue purement pragmatique, cette attitude n’a aucun sens, vu que les riches et les puissants n’ont rien fait pour l’église et qu’au contraire, tous les problèmes des chrétiens avec les autorités ou la justice viennent de ces puissants (pour comparer à aujourd’hui, ce ne sont pas les petits et les pauvres qui bloquent les dossiers, refusent les permis de construire aux églises, font passer des lois anti-religion etc.), et 4/ ce genre de comportement va à l’encontre du commandement d’amour, de la volonté de Dieu, et transgresser aussi grossièrement et massivement la loi de Dieu, c’est se rendre susceptible d’être jugé par Dieu lui-même.

Quatre grands arguments pour secouer la communauté et lui faire reprendre ses esprits. Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce si important de faire disparaître le favoritisme de l’église, alors que c’est somme toute une pratique moins scandaleuse que le vol, le mensonge, l’adultère… ?

1)   Une vie d’église cohérente avec la foi

La raison pour laquelle Jacques s’attaque au problème du favoritisme dans l’église, c’est que c’est incohérent avec la foi. Il est bien dans le prolongement de Jésus qui se méfiait des belles paroles et des grandes confessions de foi alors que la vie quotidienne laissait à désirer… Dans plusieurs des discours qui nous restent dans les évangiles, Jésus insiste largement sur les fruits, sur les conséquences visibles, de la foi : quand on croit en Dieu, ça doit se voir !

En effet, la foi change la vie. Ce n’est pas toujours évident de comprendre ce qu’est la foi en Jésus-Christ. A plusieurs reprises, en discutant avec des gens à qui je disais que j’étais chrétienne – ça va assez vite, quand on est pasteur ! – je me suis entendu rétorquer que c’était très bien, mais que la personne qui me parlait n’avait pas besoin de la béquille de la foi, qu’elle arrivait très bien à s’en sortir toute seule, avec ses propres forces. En fait, on ne voyait pas la foi de la même manière. Pour mes interlocuteurs, la foi était une aide, une croyance qui permet de trouver la paix dans des situations angoissantes, une sagesse ou des principes de vie. A mon avis, la foi c’est plutôt une rencontre, une rencontre avec le Christ, la conviction, en lisant ses paroles, en découvrant son attitude, la conviction qu’il est notre Sauveur. Cette conviction on ne la choisit pas ! C’est comme rencontrer quelqu’un et tomber amoureux : ça change la vie. Après, comment on agit à partir de cette rencontre, ça c’est une autre histoire. Mais la foi en Jésus-Christ, fils de Dieu venu parmi nous pour nous sauver, c’est une rencontre qui change la vie.

Quand on voit la foi de cette manière, quand on comprend que ce n’est pas d’abord une question de valeur ou de croyance, mais la rencontre avec un Dieu qui transforme notre vie, on comprend l’importance d’avoir une vie transformée. Si je suis en couple mais qu’il n’y a aucun changement dans ma vie – par exemple, que les gens me croient célibataire – ça montre que la relation est un peu inconsistante. Il ne s’agit pas d’être parfait du jour au lendemain pour prouver qu’on a Dieu dans sa vie, mais plutôt de chercher à vivre toujours plus en accord avec Celui qui change tout, à la fois sur un plan individuel et sur un plan communautaire.

2)   Le témoignage devant la société

La cohérence entre notre vie « visible » et notre foi est d’autant plus importante qu’elle ne concerne pas seulement notre propre vie devant Dieu, mais elle concerne aussi ceux qui nous entourent, car elle pèse lourd dans notre témoignage. Notre comportement en effet a un fort impact sur la crédibilité de notre parole – que ce soit le témoignage individuel ou un positionnement chrétien dans le débat public.

Notre comportement est un gage d’authenticité : si nos actes sont en accord avec nos paroles, alors c’est que nos paroles valent la peine d’être expérimentées. Si nous prêchons le pardon, l’amour, la justice, etc. – choses que tout le monde recherche mais que nous disons avoir trouvées en Jésus-Christ et nulle part ailleurs –, et que nous les vivons, ceux qui nous entourent verront que Jésus-Christ est bien le chemin, la vérité & la vie. Cela, individuellement, et en communauté. J’ai entendu, il y a quelques années, que plus de deux tiers des gens aujourd’hui s’engagent avec le Christ après avoir vu comment vit une communauté chrétienne, plus que par le témoignage d’un individu. Ce n’est pas étonnant ! La communauté a une force incomparable dans le témoignage. Que quelqu’un dise qu’il est chrétien et qu’il agisse bien, c’est peut-être une coïncidence – car il a peut-être reçu une bonne éducation, etc. Mais qu’un groupe, dont le seul dénominateur commun est le Christ, vive l’amour et la justice, là, ce n’est plus le hasard ! La qualité de notre vie communautaire  joue sur le témoignage, même s’il est individuel. Et la méfiance qu’on rencontre au nom des croisades, des injustices de l’Eglise au temps du Moyen-Age, etc. nous prouve bien l’impact des comportements communautaires sur la crédibilité de notre discours.

Ainsi, la vie d’église illustre qu’une autre vie est possible, et même, qu’une autre société est possible ! En vivant devant le monde avec d’autres valeurs que celles que nous dénonçons, d’autres motivations, d’autres moyens, nous donnons un exemple de la vie avec Jésus-Christ – pas un modèle, simplement un exemple, une preuve qu’on peut sortir du système, et vivre dans la vérité, dans la justice, dans la paix.

Que nous voulions nous exprimer dans le débat public, éthique, social, ou que nous voulions simplement annoncer l’évangile en petits comités, notre comportement est essentiel pour la crédibilité de notre parole.

Juste une précision : je crois que Dieu touche les gens même si nous ne sommes pas crédibles, nous en tant qu’individus. La Parole de Dieu est puissante, et elle a sa propre pertinence. Cela étant, même si c’est Dieu qui convainc en définitive, notre comportement ne doit pas être un obstacle à la foi, une exception à la vérité de Dieu.

3)   Enlever nos poutres

Allons plus loin avec cette question d’authenticité, de cohérence avec l’évangile. Il me semble que le problème majeur de l’église dont parle Jacques, c’est qu’elle reproduit la même injustice que dans la société, alors que l’Evangile va clairement dans une autre direction – Jésus-Christ est venu pour sauver tout type de personnes, car Dieu aime les petits comme les grands, les pauvres et les riches, et il nous appelle à aimer chacun. Au-delà de la question du favoritisme, une forme de discrimination, au-delà même de la question sociale, j’ai l’impression que cette église était, sans s’en rendre compte, sous l’influence d’une culture de la loi du plus fort, de l’argent comme valeur suprême, de recherche de pouvoir et de prestige, en décalage complet avec l’Evangile, avec la culture du Royaume de Dieu.

On est tous dans ce cas-là, tous influencés par notre culture, forcément. Quand nous rencontrons Dieu, nous commençons un très long chemin où nous comparons nos valeurs avec les siennes : quand il y a désaccord, nous sommes appelés à changer. Par exemple, si nous sommes tentés de mentir, la rencontre avec le Dieu de vérité nous invite à renoncer au mensonge et à avoir de plus en plus une parole honnête et fiable. En tant que communauté aussi, nous sommes influencés par la culture ambiante, et les travers d’une église chinoise, d’une église brésilienne ou d’une église française ne seront pas forcément les mêmes, car nos cultures n’ont pas les mêmes défauts.

Si nous sommes appelés à témoigner ensemble, en communauté, de la puissance transformatrice de l’Evangile, de sa perfection qui vient nous sortir de sociétés injustes à mille niveaux, nous devons être différents du monde qui nous entoure. Comment être cette communauté différente, porteuse des valeurs de Dieu ? Il y a déjà des différences, mais nous ne sommes pas parfaits. Je ne dis pas pour culpabiliser, c’est normal, nous sommes tous, moi la première, encore marqués par des comportements indignes de Dieu. Cela étant, ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas être saints du jour au lendemain que nous devons baisser les bras et nous complaire dans nos travers. Dieu nous appelle à marcher à la suite du Christ, qui nous emmène toujours plus près de Dieu.

Pour cela, je crois que nous devons commencer par porter sur nous-mêmes un regard de vérité, sans peur mais sans complaisance. Dieu nous aime, Dieu est présent parmi nous, mais il veut nous emmener plus loin. Quels sont les domaines où nous sommes encore décalés par rapport à l’évangile ? Quelles sont les poutres dans nos yeux dont nous ne sommes pas conscients, parce que c’est la règle dans notre société ? En tant qu’église marquée par la culture occidentale, par exemple, quel est notre rapport à l’argent ? aux étrangers ? aux gens moins utiles, moins performants, moins réputés ? quel est notre échelle de valeurs, notre rapport au temps, notre conception de la réussite ? quelles sont nos priorités ? L’église à qui écrit Jacques n’était pas consciente de ses travers, parce que la loi du plus fort était la règle dans sa société, dans sa culture. Qu’en est-il pour nous ? Que nous dirait un Jacques moderne ? Sur quoi attirerait-il notre attention ?

Ce diagnostic de vérité est essentiel, incontournable, comme une visite médicale, et il en a parfois le même caractère désagréable. On resterait bien dans notre zone de confort, avec nos poutres, nos travers, nos petits défauts inconscients, mais ce n’est pas ce à quoi Dieu nous appelle. Dieu nous veut en marche à sa suite, il nous veut rayonnants, il veut nous voir progresser, pour seulement pour notre propre bénéfice, mais aussi pour le bénéfice de ceux que nous rencontrons.

Dieu nous invite, régulièrement, à porter sur nous-mêmes ce regard de vérité, pour nous, pour les autres, pour lui. Bien sûr, c’est très difficile de faire nous-mêmes ce diagnostic, mais nous avons l’aide précieuse de la Parole de Dieu. Nous avons aussi la chance d’être plusieurs, avec nos différents points de vue, et même la chance d’être originaires de plusieurs cultures, pour remettre en question ce qui paraît évident en France, mais pas en Angleterre, en Centrafrique ou en Ukraine. Au début de sa lettre, l’apôtre Jacques nous donne cet encouragement : ceux qui ont besoin de sagesse, qu’ils la demandent à Dieu, et Dieu la leur donnera à tous, généreusement, et sans faire de reproches. Demandons, demandons à Dieu la sagesse, demandons-lui de nous ouvrir les yeux sur les prochaines étapes, sur les défis que nous devons relever, et demandons-lui son aide pour devenir toujours mieux le corps du Christ, témoin de l’Evangile. Et Dieu donnera à tous, généreusement.

 

La soumission aux autorités civiles

Lecture biblique: Romains 13.1-7

Nous abordons aujourd’hui le 3e volet de notre série en lien avec le synode : le rapport avec les autorités civiles. C’est un sujet délicat que la Bible, comme souvent, ne traite pas d’un coup en donnant un enseignement complet et exhaustif, mais par petites touches, en fonction de contextes variés. Pour cette raison, nous avons choisi deux textes, parmi d’autres, qui illustrent deux points de vue différents sur les autorités, et que nous verrons cette semaine et la semaine prochaine.

Aujourd’hui, nous suivons le texte de Paul aux Romains, 13.1-7, au cœur d’une série d’exhortations aux chrétiens de Rome.

Paul est au milieu d’une série d’exhortations en vrac autour de la vie chrétienne, transformée par le Saint Esprit, une vie nouvelle, consacrée à Dieu, orientée autrement, marquée par le service, l’humilité et l’amour – pour Dieu, pour les frères dans la foi, pour les ennemis. Au cœur de ce développement sur l’amour qui doit être notre réponse par défaut, Paul choisit de passer quelques instants sur la question du rapport du chrétien aux autorités civiles, dans le cas de ses lecteurs, l’Empire romain.

Il appelle les chrétiens à se soumettre aux autorités, car Dieu lui-même les a instituées pour diriger la société et faire régner sa justice. Nos autorités sont les serviteurs de Dieu, et s’opposer à eux, c’est s’opposer à l’ordre établi par Dieu ! Alors, si nous aimons Dieu, soyons de bons citoyens, respectons les autorités civiles, en partant de ce qu’il y a de plus concret, et de très actuel : les impôts…

1)   La soumission dans un ordre voulu par Dieu

Le fil conducteur qui motive Paul à demander aux chrétiens de se soumettre, c’est la notion d’ordre. Se soumettre, c’est, je ne vous apprends rien, se mettre sous, dessous, c’est rentrer dans un ordre, dans un ensemble, en occupant une place inférieure, et en reconnaissant ceux qui ont une place au-dessus. C’est se sub-ordonner, et cela suppose qu’il y a un ordre, une organisation où chacun a sa place.

Paul, cohérent avec l’ensemble de l’enseignement biblique, milite pour qu’on reconnaisse que Dieu est un Dieu d’ordre, qui favorise l’équilibre, la complémentarité, l’équilibre. Dans le chapitre précédent, Paul utilise l’image du corps pour parler de l’Eglise, montrant que chacun a sa place et son rôle, et que nous sommes appelés à occuper notre place au mieux, conscients que Dieu ne demande pas à tous de faire la même chose, mais que tous sont importants. Si on se tourne vers la nature, on remarque à nouveau l’ordre que le Créateur a mis en place avec finesse, dans notre corps, dans les lois physiques, dans les écosystèmes : tout est à sa place pour que l’ensemble fonctionne au mieux.

De la même manière, dans la société au sens large, Dieu a instauré un ordre, reflet de sa sagesse. Cet ordre, c’est que certains sont responsables pour l’ensemble et veillent, plus particulièrement, à maintenir le bon fonctionnement du groupe. Ces personnes qui gouvernent, qu’elles le sachent ou non, sont en fait les délégués de Dieu pour assurer le bien commun, la possibilité de vivre ensemble. Cette conviction que toute autorité vient de Dieu, et que c’est lui qui a choisi ce mode de fonctionnement, que les gouvernants sont au service de Dieu pour gérer le monde qu’il a créé, c’est une conviction ancienne, qu’on retrouve notamment chez les prophètes juifs, et que Jésus reprend dans son entretien avec Pilate, lorsqu’il lui rappelle que Pilate, tout gouverneur romain qu’il est, n’aurait aucune autorité si ce n’était Dieu, le vrai souverain, qui la lui avait donnée.

Le regard de la foi nous révèle que Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, en est aussi le souverain ultime, il en est le Maître, le Roi. Tout ce que nous voyons d’harmonieux existe grâce à la sagesse et à la providence de Dieu, qui maintient, qui soutient, qui anime par son Esprit la création ; l’organisation sociale, l’organisation du groupe, entre elle aussi dans les dispositions de Dieu. De ce fait, reconnaître la souveraineté de Dieu, ce n’est pas seulement dire qu’il est Dieu, pas seulement décider d’adopter ses valeurs éthiques, mais c’est aussi reconnaître l’ordre qu’il a placé dans sa création, pour son bien.

2)   La soumission comme règle générale

Vous allez me dire : c’est bien beau tout ça, mais on ne peut pas vraiment dire que les autorités politiques, sociales, hier comme aujourd’hui, ailleurs et ici, remplissent vraiment le service de Dieu. Les motivations des gouvernants, les modes de fonctionnement, les injustices inscrites dans le système – sans même parler des dictatures ou des horreurs étatiques rencontrées par exemple au XXe siècle – ces réalités paraissent bien loin de ce portrait apparemment idéal des autorités, qui favorisent le bien et condamnent le mal, comme des ambassadeurs de la justice divine. Paul le sait bien, lui qui écrit au temps de l’Empire romain : un empire païen, fondé sur des valeurs pas vraiment chrétiennes, qui d’ailleurs commence à persécuter l’Eglise. L’empire romain n’était pas meilleur que nos autorités aujourd’hui, pas plus favorable, pas plus soumis à Dieu, et pourtant, Paul écrit que ces autorités-là entrent, malgré elles, imparfaitement, dans un ordre établi par Dieu, et parce que nous reconnaissons la providence de Dieu derrière des gouvernements plus ou moins bons, nous devons les respecter, au nom de notre foi dans le Dieu, souverain de sa création.

Mais quand même, faut-il toujours obéir à tout ? Qu’en est-il des situations où les autorités ne font plus le bien imparfaitement, mais s’activent pour le mal, justifient l’abominable, s’opposent clairement à Dieu ? Quand il y a cette tension entre Dieu, le Seigneur, et les seigneurs, les maîtres, dans notre société, que faire ? Est-ce que la soumission aux autorités doit nous pousser à être infidèles à l’Evangile ? Paul écrit à des chrétiens justement dans cette situation, révoltés par l’autorité romaine, révoltés par l’injustice, la persécution, et tentés d’envoyer balader tout représentant de l’autorité, au nom de l’injustice du gouvernement. Dans leur cas, Paul n’a pas besoin de s’attarder sur les situations qui appellent à la résistance, mais il essaie de leur montrer un autre aspect des autorités. Quelles que soient les personnes, la fonction d’autorité a été établie par Dieu et mérite notre respect, au nom de notre foi. Nous ne respectons pas les autorités pour leur propre valeur, mais notre critère, c’est que Dieu a choisi cet ordre des choses, c’est un critère de foi. Cela dit, d’autres textes bibliques, notamment sur l’expérience des premiers chrétiens, montrent que certains cas poussent à la résistance.

Il me semble que ce que Paul veut dire, et que Pierre reprendra d’ailleurs dans sa lettre aux chrétiens persécutés, c’est que nous ne devons résister à l’autorité que dans le cas expresse où ce que l’on nous demande contredit clairement l’Evangile. Si on nous dit de tuer, on résiste. C’est ce qui a motivé par exemple les chrétiens qui ont protégé les Juifs pendant la WW2. Toutefois, résister à une demande ne nous autorise à résister à tout et à nier en bloc l’autorité de nos dirigeants. Dit autrement, refuser de tuer n’empêche pas par ailleurs de respecter le code de la route, de payer ses impôts ou de scolariser ses enfants. Les cas de résistance existent, mais ils ne sont pas à prendre à la légère : la résistance aux autorités ne peut être qu’un dernier recours, quand il n’y a pas d’autre moyen de respecter les valeurs de Dieu, car elle est une exception au fonctionnement normal.

3)   La vocation chrétienne : servir et faire le bien

Ce texte nous renvoie indirectement à la vocation chrétienne. Nous qui sommes sauvés, quel est notre but aujourd’hui ? nous avons été réconciliés avec Dieu, pardonnés, justifiés, dans quel but ? La paix, la vie éternelle, oui. Mais ce n’est pas tout ! Nous avons été sauvés de notre vie sombre et corrompue pour vivre dans la lumière et la justice ; par la foi en Jésus-Christ, nous avons renoncé au mal, à la destruction, à l’égoïsme, au mensonge, pour nous épanouir dans une vie illuminée par Dieu, remplie par sa créativité, son amour, sa vérité. Faire le bien, c’est notre vocation chrétienne ! Non pas pour être sauvés, mais parce que nous sommes sauvés ! Nous cherchons, maintenant, à rayonner de la lumière qui nous éclairés et à offrir le plus largement possible la lumière et l’amour de Jésus-Christ. Dans les mots de Paul, nous ne faisons pas le bien par peur d’être punis, mais par conscience, en sachant que c’est notre vocation.

Le mal, ce qui nuit aux autres comme à moi, n’est plus au menu. Quand on a été inondés de l’amour du Christ, mort à cause de nos fautes, celui qui triomphe de la mort et vient nous libérer de tous nos esclavages, de nos zones d’ombre, de nos mesquineries, de nos travers, pour nous faire goûter dès maintenant par l’Esprit à une vie féconde, positive, aimante, quand on a été transformé par cet amour, quel intérêt pourrait-on encore trouver à retourner dans les bas-fonds du mensonge, du vol, de la violence, de la calomnie, de la fraude ? Même sans autorité pour nous faire peur, on n’est plus censé s’aventurer dans ces marécages boueux !

A priori, même s’il nous faut toute une vie pour le mettre vraiment en pratique, nous savons que le mal n’est plus pour nous. Mais qu’en est-il des domaines qui ne sont pas massivement mauvais ou bons ? Ni expressément demandés par Dieu (comme aimer, pardonner) ni expressément condamnés (comme voler ou tuer) ? Qu’en est-il de tous ces domaines de la vie quotidienne qui seraient un peu un « No God’s land », des domaines apparemment déconnectés de la foi ?

La réponse de Paul est claire : l’Evangile concerne tout, il n’y a pas de neutralité. Ce n’est pas parce que nous n’avons de manuel qui dise, noir sur blanc, tous les contours et les contenus de la vie avec Dieu que Dieu ne s’intéresse pas à l’intégralité de notre vie ! Paul s’appuie sur la conviction centrale que Dieu est souverain, et il en déduit que nous devons être intègres, irréprochables, pas seulement au culte, pas seulement en famille ou au travail, mais aussi au marché, face aux impôts. Il ne s’agit pas simplement d’éviter les gros péchés, mais de vivre activement dans la justice et la vérité, en reflétant partout, tout le temps, les valeurs du Dieu qui a fait de nous ses enfants.

Conclusion

Quel rapport entre mes impôts et le Christ ? Quel rapport entre ma foi et ma vie en société ? Tout ! Nous ne sommes pas compartimentés, parce que Dieu ne l’est pas. Dieu ne s’intéresse pas au spirituel ou à une case de notre vie, mais il s’intéresse à nous tout entiers, et en nous sauvant, il nous appelle à vivre sa justice intégralement, à vivre son amour intégralement. C’est un long processus, un apprentissage qui prend du temps, mais celui qui se tourne vers Dieu et qui demande les forces pour accomplir sa volonté, celui qui par la foi occupe volontairement la place qui lui revient, avec respect et intégrité, Dieu l’inspire et le conduit.

 

L’appel à une vie juste

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Lecture biblique Amos 2.6-8

Le prophète Amos prêche au 8e siècle avant Jésus-Christ, c’est un éleveur juif qui va s’adresser essentiellement au royaume du Nord d’Israël – le royaume d’Israël s’étant divisé environ 150 ans avant Amos. Le royaume du Nord, Israël, composé de dix tribus sur les 12, est beaucoup plus grand et important que le royaume du Sud, Juda, qui n’a gardé que le territoire de 2 tribus, autour de Jérusalem et du Temple. A l’époque d’Amos, le royaume du Nord vit une période faste, riche, prospère – apparemment tout va bien. Amos va pourtant aller à la rencontre des dirigeants du Nord pour révéler le point de vue de Dieu sur la vie de ce royaume.

Lecture               PVI

1)   Le constat d’un peuple corrompu

Par le prophète Amos, Dieu dénonce la corruption qui gangrène son peuple, il la dénonce ici rapidement, mais il développera ses accusations dans les chapitres qui suivent. E parlant de corruption, on vise la corruption judiciaire, bien sûr, mais au-delà, c’est la mentalité de tous les dirigeants qui est visée, puisqu’ils vivent tous d’une manière tordue, décalée de la volonté de Dieu, en détournant les lois à leur profit ou simplement en les transgressant. Ainsi, Amos relève quelques scandales quotidiens de la vie dans le royaume du Nord.

Par exemple, à l’époque, se vendre comme esclave était une possibilité pour payer ses dettes, quand on n’avait plus aucune ressource pour les rembourser, et l’esclavage durait le temps équivalent au remboursement, comme un paiement en nature, en travail. Amos dénonce le fait de forcer des gens à se vendre pour des dettes dérisoires, d’en venir à priver des compatriotes de leur liberté alors que d’autres solutions étaient envisageables. Les juges vont même jusqu’à décréter la vente d’innocents parce qu’un tel leur a donné un bon pot-de-vin. Quand les gens ne sont pas vendus, on réquisitionne leurs biens, on en profite largement, sans respecter les conditions de gage et de prêt, et on en profite notamment lors du culte, apportant au culte des biens acquis de manière injuste.

Autre exemple, au verset 7, où un homme et son fils ont des relations avec la même femme. Il s’agit sûrement de servantes employées de maison, privées de respect et de protection, livrées à la merci de leurs employeurs. Amos s’attaque, là, moins à la dépravation sexuelle ou à l’adultère qu’à la vulnérabilité des petits, des employés, des pauvres, qui subissent des abus de toute sorte et ne peuvent pas se défendre.

En quelques phrases, Amos nous livre le portrait décapant d’une société où règnent l’injustice, les inégalités, les abus, la loi du plus fort, la cruauté et l’appât du gain. Cette société, ce n’est pas le monde païen, c’est Israël, c’est le peuple de Dieu ! Dieu accuse son peuple d’avoir transgressé ses commandements, pas seulement sur le plan religieux ou moral, mais aussi sur le plan social, civil : la justice est mal appliquée, les employés travaillent dans des conditions dangereuses, etc. On touche là à une spécificité de la situation d’Israël dans l’A.T. : Israël est à la fois un groupe religieux, qui honore le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, leurs ancêtres, mais c’est aussi une réalité politique, une nation souveraine. Et dans les lois que Dieu a données à Moïse, il y a des règles morales (tu ne tueras pas), des règles cultuelles (voici comment faire un sacrifice) et des règles civiles (si quelqu’un a tué, voici la procédure). Ces règles civiles gèrent la vie en société, comme nos lois françaises, formulées et appliquées par l’Etat.

Une des difficultés pour les chrétiens, par rapport à ces textes, c’est que notre réalité est différente. L’Eglise est une réalité religieuse, car nous sommes rassemblés autour de Jésus-Christ, le Messie qu’attendait Israël, mais nous ne sommes pas une nation, nous sommes de toutes les nations, nous venons de différents pays, nous nous réunissons dans différents pays, et nous ne nous identifions pas à un Etat. Du coup, on ne peut pas juste transposer les règles de la vie de la nation religieuse d’Israël à notre situation, et quand on lit l’AT, on se pose souvent la question : qu’est-ce qui reste valable pour nous aujourd’hui ?

Il me semble que ce qui reste toujours valable, même dans des lois juridiques qui ne nous concernent pas directement, même dans des lois sociales qui ne sont pas les mêmes que dans notre pays, ce sont les valeurs que Dieu nous révèle. Derrière les lois et les règles données à Israël, et derrière les accusations de Dieu face à un peuple qui ne respecte pas la loi, on découvre les principes, les valeurs, les préoccupations de Dieu, qui est le même hier, aujourd’hui, et demain. J’aimerais, à partir du texte d’Amos et de ses dénonciations, simplement relever deux principes pour nous aujourd’hui.

2)   Culte et vie quotidienne

Le premier principe que j’aimerais relever, c’est le lien entre le culte et la vie quotidienne. Amos dit qu’en écrasant les pauvres, en commettant des abus à l’égard des petits, en vivant de manière injuste, on insulte l’honneur de Dieu, ou dans une autre traduction, on profane son nom. Autrement dit, notre vie  de tous les jours, nos choix, nos attitudes, nos paroles et nos gestes, toute notre vie concerne Dieu.

En effet, même si notre relation avec Dieu commence souvent dans par des questions spirituelles – qui est Dieu, quel regard Dieu porte-t-il sur moi, quelle espérance devant la mort – notre relation avec Dieu a un impact au-delà du cadre spirituel. En réalité, Dieu nous invite tous entiers dans cette relation avec lui, en prenant en compte l’intégralité de notre personne, de nos actes, nos pensées, nos projets, nos relations.

Amos nous décrit une situation où le mal perpétré au quotidien corrompt le culte, la relation avec Dieu : aucune louange n’est acceptée, aucun sacrifice n’est apprécié, venant de ceux qui se complaisent dans le mal envers autrui. De manière plus fondamentale, notre péché envers autrui entrave notre relation avec Dieu. La solution que Dieu nous apporte à ce problème, c’est la croix de Jésus-Christ, qui inverse la tendance, en nous réconciliant d’abord avec Dieu, en nous justifiant, en nous rendant proches de lui, ce qui va influencer notre vie de tous les jours et y implanter les caractéristiques de la vie avec Dieu : justice, paix, vérité, amour etc. En Jésus-Christ, notre relation avec Dieu est redressée, ce qui doit nous conduire à redresser nos relations avec les autres.

Comment la justice et la vérité et la paix et l’amour découverts auprès de Dieu peuvent-ils redresser notre vie quotidienne, en famille, au travail, dans notre voisinage, de façon à ce que notre vie corresponde aux valeurs de notre créateur ?

Très concrètement, ça commence par nourrir notre relation avec Dieu, apprendre à le connaître, découvrir sa vision des choses (souvent très différente de la nôtre) et nous approprier ses valeurs. Ca passe par la lecture de sa Parole et par la prière, où on apprend à demander ce que Dieu veut et non pas ce qui nous arrange. En nous mettant à l’écoute de Dieu, nous apprenons ce qui est droit, bon, saint, juste, parfait.

Cela étant, il ne suffit pas de savoir pour faire. Je pense que beaucoup des personnes critiquées par Amos savaient, en théorie, qu’il y avait des lois pour protéger les faibles, les innocents, les employés, mais ils ne les mettaient pas en pratique. Pour passer du savoir à la pratique, il me semble que Dieu nous donne deux aides : le Saint Esprit et l’Eglise. Le Saint Esprit travaille dans notre cœur, et la communauté de nos frères et sœurs en Christ nous encourage de l’extérieur. C’est avec d’autres chrétiens, qui ont un point de vue et une expérience différents de nous, que nous pouvons chercher ensemble comment améliorer telle attitude, concrètement, comment redresser telle relation. Ca se fait un peu au culte, mais il est essentiel que chacun ait un moment, un lieu, de partage dans l’église avec d’autres chrétiens, pour aborder ces mille défis que nous avons tous, pour écouter ensemble ce que Dieu veut nous dire, très concrètement, pour prier, pour s’encourager les uns les autres, pour apprendre ensemble à laisser la vie avec Dieu transformer notre vie de tous les jours.

3)   Le souci de Dieu pour la justice

Le texte d’Amos attire notre attention sur ce qui est important aux yeux de Dieu : notre vie, dans son intégralité. Vous avez remarqué, peut-être, que dans ce texte, Dieu concentre ses accusations sur des problèmes sociaux, de justice collective. Dieu est le Dieu des veuves et des orphelins, le champion des petits, des faibles, des victimes. Il est du côté de ceux qu’on rejette, qu’on méprise, qu’on écrase, qu’on harcèle, qu’on brutalise. Admettons-le, cet aspect de la justice de Dieu, nous l’oublions parfois. Pour nous, chrétiens, vivre de manière juste, c’est souvent une question de morale personnelle : ne pas mentir, ne pas se saouler, être fidèle… Mais ce souci de justice globale, sociale, nous échappe parfois. Nous avons tendance à nous focaliser sur les questions de morale personnelle, familiale, en oubliant la morale sociale. Je ne parle pas de politique, pas du tout, en tout cas pas dans le sens d’un programme de parti, mais du souci de la justice commune qui dépasse notre moralité individuelle.

Est-ce que l’église doit, comme Amos, dénoncer les maux de notre société et s’élever contre ses inégalités, son injustice, ses travers ? Le NT ne nous rien, directement, sur cette question. On peut répondre « non », parce que cette société n’est pas le peuple de Dieu, c’est l’église ; on peut aussi répondre « oui », pour annoncer et favoriser la justice de Dieu dans le monde. Si on répond oui, et qu’on veut dénoncer les travers de notre société, alors il me semble qu’il nous faut refléter les préoccupations de Dieu, et pas simplement s’exprimer sur des problèmes familiaux ou individuels, mais qu’on peut, au nom du Dieu juste, au sens fort, appeler à la défense des faibles, à la lutte contre la corruption, à la protection des petits, à la lutte contre l’esclavage etc. C’était un des buts du défi Michée, par exemple, qui interpelle les dirigeants mondiaux sur la justice sociale.

Même si on considère que ce n’est pas le rôle de l’église de dénoncer les travers de la société, parce que ce serait deux mondes étanches, l’interpellation de Dieu demeure : comment favorisons-nous en tant qu’église la justice de Dieu ? Souvent nous nous préoccupons des questions de pureté, de vérité, mais comment vivons-nous cet appel au respect des petits, à l’accompagnement des faibles ? L’évangile dépasse le culte dominical, il nous fait approcher du Royaume de Dieu, un royaume où la justice et la paix habiteront. Comment préparons-nous ce royaume ? Comment l’annonçons-nous ? Ces réponses passent par l’association 1901 de notre église, association d’entraide et d’activité chrétienne, mais ce ne sont pas des réponses secondaires, ou déconnectées de notre foi. Jésus nous appelle à avoir faim et soif de justice, à être des ouvriers de paix, à nous préoccuper des petits : comment voulons-nous répondre ensemble, en église, à cet appel ?

Prions : merci Seigneur parce que tu n’es pas le Dieu d’une religion, mais tu es le Créateur qui as donné ton Fils pour racheter le monde, pour recréer un monde où ta paix et ta justice habiteront. Pardonne-nous nos œillères, élargis notre regard : montre-nous comment ton Evangile peut transformer notre vie, comme un signe aujourd’hui du royaume qui vient. Donne-nous soif d’une vie plus proche de toi, qui reflète toujours davantage tes valeurs. Elargis aussi notre regard au-delà de notre vie personnelle et donne-nous faim de justice pour les autres. Fais de nous des ouvriers de paix, porteurs de la paix acquise à la Croix, dans l’attente de ton Royaume.

La résurrection de Jésus, un Dieu qui nous échappe

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Lecture biblique: Marc 16.1-8

Le récit qui termine l’évangile de Marc nous laisse sur notre faim : pas de corps, pas d’explication sur la résurrection, pas de rencontre avec le ressuscité, juste quelques femmes et un homme, une consigne qui n’est même pas mise en œuvre. La fin de cet évangile est abrupte : les femmes n’ont rien fait car elles avaient peur, et nous restons comme en suspens, au point très tôt dans l’histoire de l’église, il y a eu la tentation de donner une vraie fin, en ajoutant une conclusion rassurante. Pourtant, l’originalité de Marc, qui s’arrête plus tôt que les autres évangélistes, a le mérite de nous plonger dans l’intensité de ce qui s’est passé et de faire résonner encore jusqu’à aujourd’hui l’interpellation de ce matin de Pâques.

1)   Un choc qui déchire l’ordinaire

Pour décrire cet événement indescriptible, Marc choisit de nous montrer la scène du point de vue des femmes qui découvrent le tombeau vide. Il prend le temps de nous décrire leur état d’esprit : malgré leur chagrin après le supplice et la mort du Maître, elles s’affairent pour achever l’enterrement. Après la crucifixion, elles ont repéré dans quel caveau on plaçait le corps de Jésus mort, et, dès que le sabbat, jour férié, est passé, elles achètent les huiles nécessaires pour parfumer le mort, et éviter qu’il ne sente trop. Le lendemain matin, elles partent dès le lever du soleil vers la tombe, pour ne pas perdre de temps. Avec bon sens, elles réfléchissent en chemin aux détails pratiques, et là, mince, elles se rendent compte qu’elles n’ont pas pensé à tout : la grande pierre qui ferme le caveau est trop lourde pour qu’elles puissent la déloger. Espérant trouver quelqu’un sur place, un gardien, un soldat, un visiteur, elles continuent leur route.

En arrivant, c’est étrange, la pierre est déjà roulée. Bon, elles entrent et elles trouvent dans la petite entrée du caveau un jeune homme, rayonnant, qui les fait presque sursauter de surprise et de crainte : qui est cet homme ? que fait-il ici ? Est-ce qu’elles se seraient trompées de tombeau ? Le jeune homme les rassure – c’est bien la tombe de Jésus, de Nazareth, crucifié le vendredi d’avant. Mais après les avoir rassurées, il les jette dans la confusion : Jésus n’est plus là, oui il s’est levé, il est parti et il laisse un message à transmettre aux apôtres : rendez-vous en Galilée. Prises de panique, les femmes s’enfuient au plus vite, et s’arrêtent, grelottantes, hébétées, en essayant d’encaisser le choc de cette nouvelle.

En décrivant la scène du point de vue des femmes, Marc évite le surnaturel, le merveilleux, le glorieux, même. Tout est ordinaire, et le tombeau vide apparaît presque comme un accident, une déviation en cours de route : ah non, vous ne pouvez pas embaumer le corps, il n’est pas là. Le messager ne prend particulièrement de pincettes, il n’explique rien, simplement Jésus n’est plus là et voici où vous pouvez le trouver. La résurrection, flash de vie divine qui vient déchirer la mort et la fatalité, la résurrection n’est pas donnée à voir, elle n’est pas décrite, il n’y a pas de mots pour rendre compte d’un tel chamboulement.

Notre seule échelle pour mesurer l’ampleur de ce qui s’est passé, c’est la réaction des femmes. Ce sont des femmes de bon sens, des femmes pratiques qui ont en vu et qui ne se laissent pas facilement impressionner : elles ont suivi Jésus, elles l’ont vu agoniser sur la croix, elles ont l’habitude de s’occuper des cadavres parfois abîmés. Pourtant, là, elles sont terrifiées. ter-ri-fiées ! Le tombeau vide, c’est l’écroulement de leurs certitudes, de leurs habitudes, de ce qui est le plus sûr dans notre vie, le plus universel : nous mourrons tous un jour. Cette certitude est ébranlée : la mort n’a pas eu le dernier mot, et Jésus en est sorti. Plus elles y pensent, plus elles ont le vertige devant ce tombeau vide, trace en creux de l’intervention du Dieu vivant qui déchire l’horizon, qui franchit les frontières de l’ordinaire : Jésus s’est réveillé, la vie de Dieu a triomphé de la mort.

Ce matin-là, tout est pareil, mais tout est différent. Nouveau jour, nouvelle semaine, nouvelle ère : dans le quotidien, la vie de Dieu a fait irruption.

2)   Où voir Jésus ? L’invitation à se mettre en route

Le tombeau vide n’a pas de sens en lui-même, c’est une empreinte, un manque qu’il faut interpréter, et sans la parole du messager qui affirme la résurrection de Jésus, son réveil d’entre les morts, ce tombeau vide pourrait avoir un tout autre sens : déplacement du corps, vol… Il en est du matin de Pâques comme des autres interventions divines : les faits ne parlent pas d’eux-mêmes, mais ils demandent de se mettre à l’écoute de Dieu pour les comprendre et en saisir la portée.

La parole du messager, au matin de Pâques, est centrale, cruciale, et réserve d’autres surprises que le miracle inouï de la résurrection du Christ. En effet, le messager confirme aux femmes que Jésus s’est dérobé à la mort, d’une part, mais aussi à leurs yeux. Plus tard, le ressuscité apparaîtra, mais dans un premier temps, comme pendant sa vie sur la terre, il est insaisissable. Devant ceux qui voulaient faire de lui le Roi, le libérateur, le vainqueur triomphant, sans comprendre le chemin douloureux qu’il avait choisi, il se dérobait. Devant ceux qui venaient à lui par soif de spectaculaire, sans se soucier de Dieu, il se dérobait.

Je me demande s’il n’y a pas là la même dynamique : ce miracle est tellement extraordinaire, grandiose, bouleversant, que peut-être les femmes n’auraient pas pu entendre ce que Jésus avait à leur dire si elles l’avaient vu, dans sa gloire de ressuscité. Submergées de soulagement, de joie, d’émerveillement, d’adoration-même, elles auraient peut-être été sourdes à ce que Jésus voulait leur dire. Avouons que c’est notre tendance, d’enfermer Dieu même dans sa puissance, même dans ses miracles, et d’être sourds à ce qu’il veut nous dire. Nous sommes tellement enclins à nous choisir un Dieu qu’on peut mettre sous vitrine, posséder, maîtriser, que devant ses miracles et sa grandeur nous sommes parfois tentés de nous dire : ce Dieu-là va changer ma vie, j’ai besoin de ça, ça…

Mais il n’est pas ici, il ne se laisse pas enfermer, ni par la mort, ni par notre vision limitée, ni par nos désirs, nos questions. Il n’est pas un porte-bonheur qui améliore notre quotidien, mais il est Dieu, grandiose, insaisissable. Et il veut nous parler. Le miracle n’est pas seulement un événement extérieur qui nous subjugue, comme les chutes du Niagara ou une étoile filante, c’est une interpellation, c’est l’intervention de Dieu qui veut résonner dans notre vie, dans le cœur des femmes ce matin-là et dans le nôtre aujourd’hui.

En fait, l’absence de Jésus oblige les femmes à se mettre en route pour le rencontrer. Elles sont obligées de faire ce pas, de prendre cette décision de foi : il est vivant, et s’il est vivant, il faut le suivre, comme elles l’ont suivi quand il sillonnait les routes. Le messager les envoie en Galilée, la région où tout a commencé pour Jésus et ses disciples. Il les appelle à se remettre en marche, à ne pas laisser le miracle de la résurrection devenir une pièce de musée, qui prendra la poussière et, une fois la première surprise passée, ne suscitera plus que des « oh » et des « ah ». Non, la résurrection est un réveil, non seulement pour Jésus qui est revenu d’entre les morts, mais aussi pour nous, l’occasion d’ouvrir les yeux sur ce que Dieu a fait, sur ce que Dieu est, sur sa puissance et ses promesses. C’est l’occasion de sortir de nos carcans, de notre fatalité, de nos propres tombes, pour nous mettre en route à la suite du Christ, les yeux ouverts sur un nouvel horizon où l’aube paraît, où la lumière de Dieu vient nous illuminer, et entrer dans les projets de Dieu.

Conclusion

Marc nous laisse devant le tombeau vide, au côté des femmes paniquées, où résonne encore l’invitation à croire à l’incroyable et à se mettre en route. Même si, par d’autres évangiles, nous savons que les femmes ont fini par transmettre le message et rejoindre Jésus, restons quelques instants avec elles, dans ces premiers moments de stupeur et de crainte. Est-ce vrai ? Y croirons-nous, aujourd’hui encore ? croirons-nous que la mort n’a pas eu le dernier mot ? Et si nous le croyons, accepterons-nous de quitter nos plans, nos habitudes, nos routines rassurantes et fatales, pour marcher derrière le Christ ressuscité, sur cette route inconnue qui nous conduit vers le Dieu vivant ?

Pour une relation nouvelle avec Dieu

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Lecture biblique: Jean 2.13-25

Jean nous dévoile un Jésus ébouriffant : en entrant dans le Temple, il se fabrique un fouet de cordes et se met à chasser les vendeurs installés dans le Temple, renverse les stands et éparpille la monnaie des bureaux de change. Avec fracas, il disperse tout le monde et fait place nette, et les quelques mots qu’il adresse aux vendeurs comme aux autorités juives, sont péremptoires et mystérieux. Ses gestes violents et ses paroles étranges réveillent l’image pâlotte que l’on se fait souvent, d’un Jésus doux et calme, tendre et paisible.

Si Jean décide de nous dévoiler ce Jésus enflammé, dès le début de son ministère, alors qu’il se montre assez sélectif dans les actes de Jésus, préférant retranscrire ses discours, c’est qu’il veut nous montrer comme cet acte est révélateur de la mission et de l’identité du Christ.

1)    Jésus le Fils vient purifier le culte

D’abord, voyons de plus près quelle est la situation qui suscite une action aussi dramatique de la part de Jésus. Des vendeurs d’animaux et des changeurs de monnaie sont installés dans le temple de Jérusalem, lieu de culte, lieu de rencontre privilégié entre Dieu et son peuple. Autour du centre sacré du Temple, différentes cours accueillent les adorateurs : d’abord, au plus près, les prêtres, puis, les Israélites, puis les femmes d’Israël, puis, tout autour, un dernier parvis, plus vaste, où viennent prier les croyants d’origine non-juive.

Que font là les vendeurs et les changeurs de monnaie ? Comme la plupart des croyants ne vivent pas à Jérusalem ni même en Israël, mais viennent souvent de loin pour rendre un culte à Dieu, certains ont eu l’idée de proposer, à l’origine, en face du Temple des lieux où acheter les victimes à sacrifier (c’est quand même pratique de ne pas venir de Grèce ou d’Egypte en tirant son mouton ou son bœuf derrière soi !). De même, les changeurs de monnaie permettent de changer l’argent étranger en monnaie du temple, la seule à être acceptée pour payer l’impôt du Temple qui concerne tous les juifs adultes. Avec le temps, ces stands se sont déplacés jusque dans la cour la plus excentrée, faisant de cette cour non plus un lieu de culte pour les non-juifs mais une sorte de marché religieux.

Qu’est-ce qui énerve Jésus au point de tout chambouler, et de chasser tous ces commerçants ? Ce n’est pas tellement le commerce qui pose problème (nous pourrons continuer les stands de librairie à Noël !), mais plutôt le trouble, le bruit, l’agitation qui empêchent le recueillement devant Dieu. Comme si quelqu’un passait dans les rangs de l’église, au milieu du culte, en criant : « Demandez la feuille de culte ! Demandez une Bible ! Ca vous fera 1,50 euros ! » … Ce serait moins une aide qu’un obstacle au culte !

Jésus veut donc rectifier la situation en poussant les perturbateurs à laisser la place libre et calme pour le culte, en retournant dehors. Il le fait de manière pour le moins énergique, mais il faut bien ça pour déplacer des moutons et des bœufs !

Pourquoi Jésus prend-il cette initiative ? Parce que Jésus n’est pas un simple adorateur qui trouve qu’on ne s’entend plus prier, mais il est Dieu le Fils lui-même parmi les hommes, et ce parasitage du culte le fait sortir de ses gonds. C’est en tant que Dieu qu’il vient purifier le culte, qu’il vient recentrer l’attention des adorateurs sur ce qui est essentiel : la relation avec Dieu. Jésus vient pour restaurer notre relation avec Dieu, pour que ces rencontres soient vraies, authentiques, et que nous puissions vraiment nous approcher de Dieu, nous mettre à son écoute et nous confier à lui. C’est son but en venant sur terre, sa passion en quelque sorte, et c’est ce qui le conduit à repousser le secondaire à sa place.

Les vendeurs et les changeurs installés dans le temple, a priori pour des bonnes raisons, nous interrogent sur nos pratiques. Est-ce que parfois, même pour des bonnes raisons, nous n’en venons pas à nous décentrer nous aussi de Dieu et de l’essentiel ? Quelles sont les choses censées nous aider dans notre relation avec Dieu qui deviennent des obstacles ? des diversions ? Est-ce que nous avons des principes, des habitudes, qui prennent le pas sur l’essentiel, sur notre relation avec Dieu, lors du culte communautaire, lors de nos rencontres en semaine, ou dans notre intimité personnelle avec Dieu ?

2)   Jésus l’Agneau   annonce le culte véritable

Devant cette initiative de Jésus, les autorités juives viennent lui demander de prouver qu’il a bien l’autorité pour chambouler l’ordre du culte. S’ensuit un dialogue un peu irréaliste : « Quel signe miraculeux peux-tu nous montrer pour prouver que tu as le droit d’agir ainsi ? » Jésus répond : « Démolissez le Temple et en 3 jours, je le relèverai. » « Comment ? Il a fallu 46 ans pour reconstruire ce Temple et toi tu serais capable de le relever en 3 jours ? » Et le dialogue s’arrête là. Jésus donne l’impression de répondre à côté de la question, et devant l’interprétation littérale de ses paroles, il se tait.

Ce qui ressort de cet échange étrange, c’est la parole de Jésus, décalée, incomprise, que Jean, qui connaît la suite, nous explique pour nous sortir du désarroi. Dans cette prédiction mal comprise, Jésus fait référence à une autre fête de la Pâque, qui interviendra deux ans plus tard, et pendant laquelle il sera mis à mort sous l’initiative de ces mêmes autorités juives. Crucifié, il se relèvera pourtant trois jours plus tard, ressuscité jaillissant de la mort.

Jésus relie avec force le temple et son propre corps, sa propre personne, comme s’il était, lui, le véritable temple. En effet, qu’est-ce que le Temple sinon le lieu où Dieu réside, sa demeure, le lieu qu’il remplit de sa présence ? Jésus, Dieu le Fils devenu homme, est celui en qui Dieu établit sa présence, il est l’interface ultime qui nous permet de rencontrer Dieu pleinement. Jean, dans son introduction à l’évangile, dit de Jésus qu’en lui, Dieu est venu habiter parmi les hommes. Jésus est le nouveau Temple, annoncé par le Temple de pierres dans lequel il se trouve à ce moment-là. Par son geste, il montre comment doit se vivre la relation avec Dieu – il purifie le temple et la manière de rendre un culte à Dieu – mais dans son dialogue il suggère que ce culte est insuffisant, et que le vrai lieu de rencontre avec Dieu c’est lui. En quelque sorte il purifie la réalité existante mais il montre aussi qu’elle pointe vers une autre réalité.

La référence de Jésus à la croix évoque encore un autre élément. Il en parle lors de cette de la Pâque, fête qui célèbre chaque année l’exode, ce moment fondamental où Dieu a délivré son peuple de l’esclavage en Egypte, suite au 10e fléau que Dieu envoya aux Egyptiens qui refusaient de libérer Israël. Ce 10e fléau, c’est la mort de tout premier-né, sauf chez ceux qui ont sacrifié un agneau immaculé. Cet agneau, et tous les autres sacrifices, montrent qu’on ne peut pas se tenir en présence du Dieu parfait, pur, saint, et vivre. Cet agneau nous renvoie à notre péché, à notre besoin de pardon et de grâce pour pouvoir rencontrer Dieu qui s’approche de nous. Seulement, encore une fois, ce système de sacrifices, certes instauré par Dieu, est insuffisant, car il ne nous rend pas profondément, durablement dignes de vivre avec Dieu. En faisant référence à sa mort à quelques Pâque de là, Jésus évoque son propre sacrifice, le sacrifice d’un homme innocent, qui se donne volontairement à notre place, en assumant notre culpabilité pour nous offrir sa justice. Aux yeux de Dieu, nous sommes donc pardonnés, purifiés, saints, dignes de nous approcher de lui.

Jésus chasse les vendeurs du temple, mais dans ce geste énergique il y a aussi une prophétie : un jour, il n’y aura plus besoin de sacrifice car Jésus lui-même, l’Agneau ultime, parfait, prendra le péché du monde et permettra de s’approcher librement de Dieu.  Par son geste et ses paroles, il indique que notre relation avec Dieu va se transformer : elle va être purifiée mais elle va aussi s’approfondir et s’intérioriser.

3)   Devant Jésus le Seigneur, comment croire ?

Face à cet événement percutant, les réactions sont variées. L’apôtre Jean écrit son évangile pour que ses lecteurs connaissent Jésus, le reconnaissent dans la foi comme Dieu le Fils venu sauver les hommes, et se mettent à le suivre. Il a donc souvent le souci de montrer comment les gens ont perçu Jésus, dans le but de nous interroger sur notre réaction face à Jésus-Christ.

D’abord, on voit les autorités religieuses d’Israël qui refusent de se laisser vraiment interpeller et qui se trouvent des portes de sortie pour éviter de se remettre en question et de reconnaître le sens véritable de ce que Jésus a fait. Face à son geste lourd de sens, ils ne cherchent pas où est le problème dans leur culte mais ils s’intéressent d’abord à la légitimité de Jésus, ils enferment le geste prophétique dans un carcan de droits et de pouvoir, sans se douter que Jésus a toute autorité sur ce temple. Quand Jésus leur répond, ils s’attachent au sens premier, littéral, avec une lourdeur d’esprit consternante. Leur obstination à se considérer comme justes dans leur manière de faire, en refusant toute critique et toute remise en cause, cette obstination annonce la jalousie, la défiance et l’envie de meurtre qui vont se développer chez eux au point de comploter pour faire mourir Jésus.

D’un autre côté, il y a tous ces gens qui croient en Jésus à cause des actes spectaculaires, guérisons et miracles, qu’il accomplit, mais dont Jésus se méfie. Ces miracles ne sont pas une mauvaise raison de croire en Jésus, puisqu’il les fait aussi dans le but de susciter la foi en montrant qui il est. Toutefois, il me semble que si Jésus reste méfiant vis-à-vis de ces croyants, c’est peut-être parce qu’il sait que leur foi n’ira pas plus loin. Ils aiment les miracles, mais comment réagiront-ils aux enseignements de Jésus ? Aimeront-ils son exigence, sa radicalité ? Accepteront-ils qui il est vraiment, le Roi, le Messie prolifique qui fait des tas de miracles, mais aussi celui qui va mourir sur la croix, qui empruntera un chemin sombre et difficile, sur lequel il appelle à le suivre ? Jésus sait que l’homme tend à trier, à choisir ce qui l’arrange, ce qui lui fait du bien, mais qu’il rebrousse chemin lorsque la voie à suivre impose des remises en question trop radicales, des abandons, des difficultés.

Au milieu se trouvent les disciples, qui ne comprennent pas de suite, mais seulement après la croix, la résurrection, le don de l’Esprit. Pourtant, même sans tout comprendre, ils restent attachés à Jésus, le suivant malgré leurs doutes et leurs questions, acceptant que la réponse vienne plus tard, mais déjà convaincus que c’est lui qui les mènera à Dieu, que c’est lui, le chemin, la vérité, la vie.

A qui ressemblons-nous aujourd’hui ? Sommes-nous récalcitrants à la voix du Christ ? Sommes-nous attirés vers ce Jésus impressionnant, mais effrayés par l’implication que cela nous demande ? Ou encore sommes-nous un peu ignorants, sans trop d’assurance, mais avec la conviction que notre vie est en lui ? Où que nous en soyons, le Christ nous invite à le rencontrer et à le  reconnaître tel qu’il est, Dieu le fils devenu Agneau pour nous donner le pardon et la vie.