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Lecture biblique: Jean 2.13-25
Jean nous dévoile un Jésus ébouriffant : en entrant dans le Temple, il se fabrique un fouet de cordes et se met à chasser les vendeurs installés dans le Temple, renverse les stands et éparpille la monnaie des bureaux de change. Avec fracas, il disperse tout le monde et fait place nette, et les quelques mots qu’il adresse aux vendeurs comme aux autorités juives, sont péremptoires et mystérieux. Ses gestes violents et ses paroles étranges réveillent l’image pâlotte que l’on se fait souvent, d’un Jésus doux et calme, tendre et paisible.
Si Jean décide de nous dévoiler ce Jésus enflammé, dès le début de son ministère, alors qu’il se montre assez sélectif dans les actes de Jésus, préférant retranscrire ses discours, c’est qu’il veut nous montrer comme cet acte est révélateur de la mission et de l’identité du Christ.
1) Jésus le Fils vient purifier le culte
D’abord, voyons de plus près quelle est la situation qui suscite une action aussi dramatique de la part de Jésus. Des vendeurs d’animaux et des changeurs de monnaie sont installés dans le temple de Jérusalem, lieu de culte, lieu de rencontre privilégié entre Dieu et son peuple. Autour du centre sacré du Temple, différentes cours accueillent les adorateurs : d’abord, au plus près, les prêtres, puis, les Israélites, puis les femmes d’Israël, puis, tout autour, un dernier parvis, plus vaste, où viennent prier les croyants d’origine non-juive.
Que font là les vendeurs et les changeurs de monnaie ? Comme la plupart des croyants ne vivent pas à Jérusalem ni même en Israël, mais viennent souvent de loin pour rendre un culte à Dieu, certains ont eu l’idée de proposer, à l’origine, en face du Temple des lieux où acheter les victimes à sacrifier (c’est quand même pratique de ne pas venir de Grèce ou d’Egypte en tirant son mouton ou son bœuf derrière soi !). De même, les changeurs de monnaie permettent de changer l’argent étranger en monnaie du temple, la seule à être acceptée pour payer l’impôt du Temple qui concerne tous les juifs adultes. Avec le temps, ces stands se sont déplacés jusque dans la cour la plus excentrée, faisant de cette cour non plus un lieu de culte pour les non-juifs mais une sorte de marché religieux.
Qu’est-ce qui énerve Jésus au point de tout chambouler, et de chasser tous ces commerçants ? Ce n’est pas tellement le commerce qui pose problème (nous pourrons continuer les stands de librairie à Noël !), mais plutôt le trouble, le bruit, l’agitation qui empêchent le recueillement devant Dieu. Comme si quelqu’un passait dans les rangs de l’église, au milieu du culte, en criant : « Demandez la feuille de culte ! Demandez une Bible ! Ca vous fera 1,50 euros ! » … Ce serait moins une aide qu’un obstacle au culte !
Jésus veut donc rectifier la situation en poussant les perturbateurs à laisser la place libre et calme pour le culte, en retournant dehors. Il le fait de manière pour le moins énergique, mais il faut bien ça pour déplacer des moutons et des bœufs !
Pourquoi Jésus prend-il cette initiative ? Parce que Jésus n’est pas un simple adorateur qui trouve qu’on ne s’entend plus prier, mais il est Dieu le Fils lui-même parmi les hommes, et ce parasitage du culte le fait sortir de ses gonds. C’est en tant que Dieu qu’il vient purifier le culte, qu’il vient recentrer l’attention des adorateurs sur ce qui est essentiel : la relation avec Dieu. Jésus vient pour restaurer notre relation avec Dieu, pour que ces rencontres soient vraies, authentiques, et que nous puissions vraiment nous approcher de Dieu, nous mettre à son écoute et nous confier à lui. C’est son but en venant sur terre, sa passion en quelque sorte, et c’est ce qui le conduit à repousser le secondaire à sa place.
Les vendeurs et les changeurs installés dans le temple, a priori pour des bonnes raisons, nous interrogent sur nos pratiques. Est-ce que parfois, même pour des bonnes raisons, nous n’en venons pas à nous décentrer nous aussi de Dieu et de l’essentiel ? Quelles sont les choses censées nous aider dans notre relation avec Dieu qui deviennent des obstacles ? des diversions ? Est-ce que nous avons des principes, des habitudes, qui prennent le pas sur l’essentiel, sur notre relation avec Dieu, lors du culte communautaire, lors de nos rencontres en semaine, ou dans notre intimité personnelle avec Dieu ?
2) Jésus l’Agneau annonce le culte véritable
Devant cette initiative de Jésus, les autorités juives viennent lui demander de prouver qu’il a bien l’autorité pour chambouler l’ordre du culte. S’ensuit un dialogue un peu irréaliste : « Quel signe miraculeux peux-tu nous montrer pour prouver que tu as le droit d’agir ainsi ? » Jésus répond : « Démolissez le Temple et en 3 jours, je le relèverai. » « Comment ? Il a fallu 46 ans pour reconstruire ce Temple et toi tu serais capable de le relever en 3 jours ? » Et le dialogue s’arrête là. Jésus donne l’impression de répondre à côté de la question, et devant l’interprétation littérale de ses paroles, il se tait.
Ce qui ressort de cet échange étrange, c’est la parole de Jésus, décalée, incomprise, que Jean, qui connaît la suite, nous explique pour nous sortir du désarroi. Dans cette prédiction mal comprise, Jésus fait référence à une autre fête de la Pâque, qui interviendra deux ans plus tard, et pendant laquelle il sera mis à mort sous l’initiative de ces mêmes autorités juives. Crucifié, il se relèvera pourtant trois jours plus tard, ressuscité jaillissant de la mort.
Jésus relie avec force le temple et son propre corps, sa propre personne, comme s’il était, lui, le véritable temple. En effet, qu’est-ce que le Temple sinon le lieu où Dieu réside, sa demeure, le lieu qu’il remplit de sa présence ? Jésus, Dieu le Fils devenu homme, est celui en qui Dieu établit sa présence, il est l’interface ultime qui nous permet de rencontrer Dieu pleinement. Jean, dans son introduction à l’évangile, dit de Jésus qu’en lui, Dieu est venu habiter parmi les hommes. Jésus est le nouveau Temple, annoncé par le Temple de pierres dans lequel il se trouve à ce moment-là. Par son geste, il montre comment doit se vivre la relation avec Dieu – il purifie le temple et la manière de rendre un culte à Dieu – mais dans son dialogue il suggère que ce culte est insuffisant, et que le vrai lieu de rencontre avec Dieu c’est lui. En quelque sorte il purifie la réalité existante mais il montre aussi qu’elle pointe vers une autre réalité.
La référence de Jésus à la croix évoque encore un autre élément. Il en parle lors de cette de la Pâque, fête qui célèbre chaque année l’exode, ce moment fondamental où Dieu a délivré son peuple de l’esclavage en Egypte, suite au 10e fléau que Dieu envoya aux Egyptiens qui refusaient de libérer Israël. Ce 10e fléau, c’est la mort de tout premier-né, sauf chez ceux qui ont sacrifié un agneau immaculé. Cet agneau, et tous les autres sacrifices, montrent qu’on ne peut pas se tenir en présence du Dieu parfait, pur, saint, et vivre. Cet agneau nous renvoie à notre péché, à notre besoin de pardon et de grâce pour pouvoir rencontrer Dieu qui s’approche de nous. Seulement, encore une fois, ce système de sacrifices, certes instauré par Dieu, est insuffisant, car il ne nous rend pas profondément, durablement dignes de vivre avec Dieu. En faisant référence à sa mort à quelques Pâque de là, Jésus évoque son propre sacrifice, le sacrifice d’un homme innocent, qui se donne volontairement à notre place, en assumant notre culpabilité pour nous offrir sa justice. Aux yeux de Dieu, nous sommes donc pardonnés, purifiés, saints, dignes de nous approcher de lui.
Jésus chasse les vendeurs du temple, mais dans ce geste énergique il y a aussi une prophétie : un jour, il n’y aura plus besoin de sacrifice car Jésus lui-même, l’Agneau ultime, parfait, prendra le péché du monde et permettra de s’approcher librement de Dieu. Par son geste et ses paroles, il indique que notre relation avec Dieu va se transformer : elle va être purifiée mais elle va aussi s’approfondir et s’intérioriser.
3) Devant Jésus le Seigneur, comment croire ?
Face à cet événement percutant, les réactions sont variées. L’apôtre Jean écrit son évangile pour que ses lecteurs connaissent Jésus, le reconnaissent dans la foi comme Dieu le Fils venu sauver les hommes, et se mettent à le suivre. Il a donc souvent le souci de montrer comment les gens ont perçu Jésus, dans le but de nous interroger sur notre réaction face à Jésus-Christ.
D’abord, on voit les autorités religieuses d’Israël qui refusent de se laisser vraiment interpeller et qui se trouvent des portes de sortie pour éviter de se remettre en question et de reconnaître le sens véritable de ce que Jésus a fait. Face à son geste lourd de sens, ils ne cherchent pas où est le problème dans leur culte mais ils s’intéressent d’abord à la légitimité de Jésus, ils enferment le geste prophétique dans un carcan de droits et de pouvoir, sans se douter que Jésus a toute autorité sur ce temple. Quand Jésus leur répond, ils s’attachent au sens premier, littéral, avec une lourdeur d’esprit consternante. Leur obstination à se considérer comme justes dans leur manière de faire, en refusant toute critique et toute remise en cause, cette obstination annonce la jalousie, la défiance et l’envie de meurtre qui vont se développer chez eux au point de comploter pour faire mourir Jésus.
D’un autre côté, il y a tous ces gens qui croient en Jésus à cause des actes spectaculaires, guérisons et miracles, qu’il accomplit, mais dont Jésus se méfie. Ces miracles ne sont pas une mauvaise raison de croire en Jésus, puisqu’il les fait aussi dans le but de susciter la foi en montrant qui il est. Toutefois, il me semble que si Jésus reste méfiant vis-à-vis de ces croyants, c’est peut-être parce qu’il sait que leur foi n’ira pas plus loin. Ils aiment les miracles, mais comment réagiront-ils aux enseignements de Jésus ? Aimeront-ils son exigence, sa radicalité ? Accepteront-ils qui il est vraiment, le Roi, le Messie prolifique qui fait des tas de miracles, mais aussi celui qui va mourir sur la croix, qui empruntera un chemin sombre et difficile, sur lequel il appelle à le suivre ? Jésus sait que l’homme tend à trier, à choisir ce qui l’arrange, ce qui lui fait du bien, mais qu’il rebrousse chemin lorsque la voie à suivre impose des remises en question trop radicales, des abandons, des difficultés.
Au milieu se trouvent les disciples, qui ne comprennent pas de suite, mais seulement après la croix, la résurrection, le don de l’Esprit. Pourtant, même sans tout comprendre, ils restent attachés à Jésus, le suivant malgré leurs doutes et leurs questions, acceptant que la réponse vienne plus tard, mais déjà convaincus que c’est lui qui les mènera à Dieu, que c’est lui, le chemin, la vérité, la vie.
A qui ressemblons-nous aujourd’hui ? Sommes-nous récalcitrants à la voix du Christ ? Sommes-nous attirés vers ce Jésus impressionnant, mais effrayés par l’implication que cela nous demande ? Ou encore sommes-nous un peu ignorants, sans trop d’assurance, mais avec la conviction que notre vie est en lui ? Où que nous en soyons, le Christ nous invite à le rencontrer et à le reconnaître tel qu’il est, Dieu le fils devenu Agneau pour nous donner le pardon et la vie.
Que de bonnes questions posées, dans ce passage, par Jean et en fin de prédication par Florence !
Vais-je au culte le dimanche, dans cette église, par habitude ?
Y vais-je pour voir, rencontrer et discuter avec une soeur, un frère que j’aime plus particulièrement ?
Pour faire autre chose ?
OU
Pour rencontrer Jésus et Lui seul avec les amis de l’église.
Pour travailler à Le mettre au centre, au coeur de ma vie de pêcheur.
Pour Le servir et me mettre au service des autres.
Voilà des questions fondamentales à se poser, pour ce remettre en question ET entrer en action, comme Jésus nous le demande dans Sa Sainte Parole Vivante.