“Priez sans cesse” (priez sans cesse 1/3)

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La rentrée, c’est souvent la période des bonnes résolutions après le rythme différent de l’été : on s’y remet ! Pour cette rentrée, comme nous en avons l’habitude depuis quelques années, je vous propose de suivre ensemble un livret de lectures bibliques sur la prière, pour nourrir et approfondir notre relation avec Dieu.

Et pour inaugurer cette série, j’aimerais m’attarder ce matin sur le titre de ce livret, qui s’appuie sur un verset biblique : l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de l’église de Thessalonique et leur dit : « priez sans cesse » (1 Thessaloniciens 5.17).

Alors, je ne sais pas ce que cette exhortation vous évoque, mais elle est impressionnante. Absolue ! qu’est-ce qu’on met, derrière ces mots ? qu’est-ce que l’apôtre Paul entend par « sans cesse » ? faudrait-il s’enfermer dans un couvent et passer sa vie dans une chapelle ? ne marcher toujours que les mains serrées ? ou nommer Dieu dans toutes nos phrases, en citant le plus de versets bibliques possible, pour être connecté à Dieu à 100% ?

Un copain pendant mes études de théologie avait témoigné qu’il avait décidé de se lever 1h plus tôt tous les matins pour prier (vers 5h30) : ce n’est pas « sans cesse » mais c’est déjà mieux ! Son défi m’a impressionnée et je m’y suis mise. Les défis, même absolus, c’est motivant ! ça donne envie d’aller plus loin. Donc pendant 6 mois, lever à 5h30 : j’ai vécu des moments extraordinaires avec Dieu, mais comme je ne suis pas trop du matin, au bout de quelque temps j’étais lessivée, et j’ai dû arrêter parce que je ne tenais pas. Bon, en discutant avec lui, un peu honteuse, j’ai appris que lui avait tenu un mois… !

C’est le problème avec ce genre d’expression absolue : c’est motivant, on sent que la Bible nous met au défi, mais le défi paraît tellement haut que finalement on retombe, non sans culpabilité et découragement. Peut-être même que certains finissent par se dire : la prière, c’est pas pour moi !

          En effet, quand on entend ce genre d’expression, on tombe vite dans le quantitatif, mais il nous faut creuser le sens de ces mots : « prier » et « sans cesse » parce que ce n’est pas si évident que Dieu nous demande de vivre les mains constamment levées vers le ciel.

L’apôtre Paul a l’habitude d’encourager les chrétiens à prier, mais cette exhortation, on ne la trouve qu’une fois sous cette forme, et du coup ça vaut la peine de lire le contexte immédiat puisqu’il s’exprime de façon spécifique, dans cette lettre. Nous sommes à la fin de la lettre, au moment où Paul a fini de traiter les gros sujets, il leur adresse donc toute une série de recommandations, de conseils, un peu à la façon des parents le jour de la rentrée : « et surtout, tu écoutes bien la maîtresse ! » ou alors « et tu m’appelles avant de prendre le bus, et tu n’oublies pas d’aller déposer la fiche à la vie scolaire… »

Lecture biblique : 1 Thess 5.16-18

16 Soyez toujours joyeux, 

17 priez sans cesse, 

18 soyez reconnaissants en toute circonstance.

Voilà ce que Dieu demande de vous, dans votre vie avec Jésus Christ.

  1. La radicalité de la prière

Premièrement, on voit que Paul est absolu pour tout : la joie, la prière, la reconnaissance. C’est radical. J’y reviendrai.

Si on élargit encore un peu le contexte, on se rend compte que Paul évoque ce côté absolu lorsqu’il parle de sa propre pratique de la prière. Je vous donne deux exemples :

Colossiens 1.3 nous prions toujours pour vous

1 Thessaloniciens 2.13 C’est pourquoi nous remercions sans cesse Dieu de ce qu’en recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l’avez reçue, […] comme la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez.

Pourtant, on le sait, Paul a prêché, prié pour d’autres… et il a fait plein d’autres choses !

Le « sans cesse », « toujours », ne peut donc pas désigner un continuum constant [geste] : on comprend bien, d’après les exemples de Paul, qu’il s’agit de persévérance dans le temps et de régularité dans la prière.

          Revenons à notre trio joie-prière-reconnaissance. Être toujours reconnaissant, ce n’est pas forcément dire « merci » dans toutes les phrases ! et être toujours joyeux, ce n’est pas dire « je suis content je suis content je suis content » ou sourire constamment ! D’ailleurs, Paul, ou Jésus, ou même Dieu, ont des moments de tristesse, de colère, de déception…

On comprend bien qu’il s’agit plutôt d’une manière d’être, d’une posture de base : être de tempérament joyeux, cultiver la gratitude… ça passe par des moments et des actions, mais derrière ces moments et ces actions, il y a cette posture de base, comme un paramètre par défaut.

          Le côté absolu (« toujours », « sans cesse ») reprend donc toute sa force si on quitte le domaine d’une action à maintenir constamment et qu’on se focalise sur le caractère, le tempérament, la posture intérieure, le lifestyle comme disent les influenceurs. Ce côté absolu, au-delà de ce qu’on peut faire, renvoie à ce qu’on peut être. Comme si la gratitude, la joie, la prière faisaient tellement partie de notre vie, de notre tissu quotidien, qu’elles en deviennent des traits de caractère.

          Il y a quand même une différence… Je peux être joyeuse, être reconnaissante, mais je prie. Je vais prier ou j’ai prié. Dans notre pratique personnelle ou communautaire, il y a bien des moments où l’on prie, et d’autres où l’on ne prie pas du coup ! Comment la prière pourrait-elle être plus qu’une action ponctuelle, même répétée, et faire partie de notre être, de notre posture, de notre identité ?

Une clef possible, ce serait de voir la prière comme un dialogue, ou plus précisément, une voie de communication ouverte avec Dieu. Comme un appel téléphonique avec les deux téléphones connectés. Vous savez dans les très longs appels, il y a des moments sérieux, des remarques spontanées, des interruptions parce qu’Untel est rentré dans la pièce ou qu’on doit noter quelque chose, et même des moments de silence… Alors humainement, on n’appelle personne 24/24, 7/7 (ce serait pathologique !) mais Dieu est sur un autre niveau, et il est capable d’être pleinement là avec moi, avec vous, avec chacun. On pourrait imaginer qu’on a deux téléphones : un constamment en ligne, avec Dieu, et l’autre pour l’usage régulier.

Dans un livre de spiritualité, j’ai lu récemment : « la joie [en Dieu] est la musique de fond de notre vie. » Est-ce que ce serait possible d’envisager la prière ainsi ? qu’elle devienne le bruit de fond, la musique d’ambiance de notre vie ? Cet arrière-plan dans lequel tout le reste s’insère et se déploie ?

Dieu est constamment présent avec nous : sans cesse, toujours. Prier sans cesse, c’est peut-être simplement vivre ce lien avec lui, vivre ce lien constant, vivre dans sa présence. Si Dieu est toujours là, avec nous, pourquoi vivre comme si nous étions seuls ? Même si nous ne le voyons pas physiquement, il est présent ! Prier sans cesse, c’est peut-être regarder à lui comme on regarderait à un compagnon sur notre route, comme cette jeune femme sur la photo qui regarde à ses côtés.

Cela étant dit, la prière passe aussi par des moments ! Tout comme la joie et la reconnaissance ! Cette posture de base, ces traits de caractère, cette musique de fond, ça passe aussi par des moments et des actions ponctuels et concrets.

Comment pourrait-on dire de vous que vous êtes quelqu’un de reconnaissant si vous ne dites jamais merci ? ou que vous êtes quelqu’un de joyeux si vous êtes toujours renfermé ou que vous râlez une fois sur deux ?

Les moments de prière explicite, visible, audible, marquée, découlent de cette connexion avec Dieu.

Et ils viennent renforcer cette connexion, comme une habitude qui se met en place pour devenir un trait de caractère. Parce que depuis tout à l’heure je parle d’une connexion avec Dieu qui est appelée à être constante, et je le disais en début de culte : Dieu, lui, est toujours là, au bout du fil, présent, impliqué, mais nous, nous avons besoin de nous éduquer à la vie dans la présence de Dieu. Nous sommes tellement habitués à compter sur nous-mêmes, à réfléchir par nous-mêmes, à s’inquiéter par nous-mêmes, que nous avons besoin de moments dédiés pour nous pousser à nous ancrer dans la présence de Dieu et sa grâce. C’est une sorte de discipline. Avec cette idée de se former, de grandir, pas d’essayer et d’échouer, mais de vivre de mieux en mieux cette connexion avec Dieu.

Ainsi dans un seul mot, la prière, il y a en réalité toute une palette d’expériences. Comme derrière le mot « parler », il y a toute une palette derrière « parler » : on peut parler à quelqu’un pour lui raconter notre quotidien, lui parler pour lui demander de passer le sel, lui parler longuement pour faire le point sur une situation, lui parler pour lui dire nos rêves, ou notre amour, lui parler aussi pour lui demander conseil (ah il faut que je lui en parle, qu’elle me dise ce qu’elle en pense !). Je crois que la prière, c’est cette communication, ce dialogue, cette parole avec Celui qui est toujours là, à côté, et avec qui on peut prendre le temps de l’échange, de l’écoute, de la confidence, et puis parfois simplement adresser une remarque, une demande rapide, une réflexion : « T’as vu comme c’est beau ! Ca, ça me fait un peu peur, aide-moi à faire face s’il te plaît ! » ou dans une réunion un peu tendue : « ah Seigneur, dirige-moi ! »

Et même dans le silence : lorsqu’on est avec quelqu’un, même si on ne se parle pas, on voit l’autre, on le regarde, on communique… Même le silence peut s’habiter d’assurance que Dieu est là où je suis par son Esprit.

Dans ce sens, on comprend mieux le trio joie-prière-reconnaissance. Si je m’exerce à vivre de plus en plus en connexion avec Dieu, cela conduira régulièrement à la reconnaissance : en reconnaissant qu’il est là, lumière au milieu des ténèbres, fidèle et aimant, alors que je ne mérite en rien sa bonté et sa grâce, comment ne pas être dans la reconnaissance ? Et si nous sommes dans la reconnaissance, ne serons-nous pas aussi dans la joie ? la joie de nous savoir aimés, accompagnés, inspirés ?

Alors nous sommes tous en chemin, en marche, sur des routes plus ou moins sombres ou lumineuses, mais où que nous allions, Dieu est là, solide comme un roc, attentif comme un berger envers son troupeau ou un père avec ses enfants. Peu importe ce que nous traversons, nous sommes invités à vivre les grands et les petits moments avec lui.

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