L’appel à une vie juste

image_pdfimage_print

https://soundcloud.com/eel-toulouse/lapppel-une-vie-juste

Lecture biblique Amos 2.6-8

Le prophète Amos prêche au 8e siècle avant Jésus-Christ, c’est un éleveur juif qui va s’adresser essentiellement au royaume du Nord d’Israël – le royaume d’Israël s’étant divisé environ 150 ans avant Amos. Le royaume du Nord, Israël, composé de dix tribus sur les 12, est beaucoup plus grand et important que le royaume du Sud, Juda, qui n’a gardé que le territoire de 2 tribus, autour de Jérusalem et du Temple. A l’époque d’Amos, le royaume du Nord vit une période faste, riche, prospère – apparemment tout va bien. Amos va pourtant aller à la rencontre des dirigeants du Nord pour révéler le point de vue de Dieu sur la vie de ce royaume.

Lecture               PVI

1)   Le constat d’un peuple corrompu

Par le prophète Amos, Dieu dénonce la corruption qui gangrène son peuple, il la dénonce ici rapidement, mais il développera ses accusations dans les chapitres qui suivent. E parlant de corruption, on vise la corruption judiciaire, bien sûr, mais au-delà, c’est la mentalité de tous les dirigeants qui est visée, puisqu’ils vivent tous d’une manière tordue, décalée de la volonté de Dieu, en détournant les lois à leur profit ou simplement en les transgressant. Ainsi, Amos relève quelques scandales quotidiens de la vie dans le royaume du Nord.

Par exemple, à l’époque, se vendre comme esclave était une possibilité pour payer ses dettes, quand on n’avait plus aucune ressource pour les rembourser, et l’esclavage durait le temps équivalent au remboursement, comme un paiement en nature, en travail. Amos dénonce le fait de forcer des gens à se vendre pour des dettes dérisoires, d’en venir à priver des compatriotes de leur liberté alors que d’autres solutions étaient envisageables. Les juges vont même jusqu’à décréter la vente d’innocents parce qu’un tel leur a donné un bon pot-de-vin. Quand les gens ne sont pas vendus, on réquisitionne leurs biens, on en profite largement, sans respecter les conditions de gage et de prêt, et on en profite notamment lors du culte, apportant au culte des biens acquis de manière injuste.

Autre exemple, au verset 7, où un homme et son fils ont des relations avec la même femme. Il s’agit sûrement de servantes employées de maison, privées de respect et de protection, livrées à la merci de leurs employeurs. Amos s’attaque, là, moins à la dépravation sexuelle ou à l’adultère qu’à la vulnérabilité des petits, des employés, des pauvres, qui subissent des abus de toute sorte et ne peuvent pas se défendre.

En quelques phrases, Amos nous livre le portrait décapant d’une société où règnent l’injustice, les inégalités, les abus, la loi du plus fort, la cruauté et l’appât du gain. Cette société, ce n’est pas le monde païen, c’est Israël, c’est le peuple de Dieu ! Dieu accuse son peuple d’avoir transgressé ses commandements, pas seulement sur le plan religieux ou moral, mais aussi sur le plan social, civil : la justice est mal appliquée, les employés travaillent dans des conditions dangereuses, etc. On touche là à une spécificité de la situation d’Israël dans l’A.T. : Israël est à la fois un groupe religieux, qui honore le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, leurs ancêtres, mais c’est aussi une réalité politique, une nation souveraine. Et dans les lois que Dieu a données à Moïse, il y a des règles morales (tu ne tueras pas), des règles cultuelles (voici comment faire un sacrifice) et des règles civiles (si quelqu’un a tué, voici la procédure). Ces règles civiles gèrent la vie en société, comme nos lois françaises, formulées et appliquées par l’Etat.

Une des difficultés pour les chrétiens, par rapport à ces textes, c’est que notre réalité est différente. L’Eglise est une réalité religieuse, car nous sommes rassemblés autour de Jésus-Christ, le Messie qu’attendait Israël, mais nous ne sommes pas une nation, nous sommes de toutes les nations, nous venons de différents pays, nous nous réunissons dans différents pays, et nous ne nous identifions pas à un Etat. Du coup, on ne peut pas juste transposer les règles de la vie de la nation religieuse d’Israël à notre situation, et quand on lit l’AT, on se pose souvent la question : qu’est-ce qui reste valable pour nous aujourd’hui ?

Il me semble que ce qui reste toujours valable, même dans des lois juridiques qui ne nous concernent pas directement, même dans des lois sociales qui ne sont pas les mêmes que dans notre pays, ce sont les valeurs que Dieu nous révèle. Derrière les lois et les règles données à Israël, et derrière les accusations de Dieu face à un peuple qui ne respecte pas la loi, on découvre les principes, les valeurs, les préoccupations de Dieu, qui est le même hier, aujourd’hui, et demain. J’aimerais, à partir du texte d’Amos et de ses dénonciations, simplement relever deux principes pour nous aujourd’hui.

2)   Culte et vie quotidienne

Le premier principe que j’aimerais relever, c’est le lien entre le culte et la vie quotidienne. Amos dit qu’en écrasant les pauvres, en commettant des abus à l’égard des petits, en vivant de manière injuste, on insulte l’honneur de Dieu, ou dans une autre traduction, on profane son nom. Autrement dit, notre vie  de tous les jours, nos choix, nos attitudes, nos paroles et nos gestes, toute notre vie concerne Dieu.

En effet, même si notre relation avec Dieu commence souvent dans par des questions spirituelles – qui est Dieu, quel regard Dieu porte-t-il sur moi, quelle espérance devant la mort – notre relation avec Dieu a un impact au-delà du cadre spirituel. En réalité, Dieu nous invite tous entiers dans cette relation avec lui, en prenant en compte l’intégralité de notre personne, de nos actes, nos pensées, nos projets, nos relations.

Amos nous décrit une situation où le mal perpétré au quotidien corrompt le culte, la relation avec Dieu : aucune louange n’est acceptée, aucun sacrifice n’est apprécié, venant de ceux qui se complaisent dans le mal envers autrui. De manière plus fondamentale, notre péché envers autrui entrave notre relation avec Dieu. La solution que Dieu nous apporte à ce problème, c’est la croix de Jésus-Christ, qui inverse la tendance, en nous réconciliant d’abord avec Dieu, en nous justifiant, en nous rendant proches de lui, ce qui va influencer notre vie de tous les jours et y implanter les caractéristiques de la vie avec Dieu : justice, paix, vérité, amour etc. En Jésus-Christ, notre relation avec Dieu est redressée, ce qui doit nous conduire à redresser nos relations avec les autres.

Comment la justice et la vérité et la paix et l’amour découverts auprès de Dieu peuvent-ils redresser notre vie quotidienne, en famille, au travail, dans notre voisinage, de façon à ce que notre vie corresponde aux valeurs de notre créateur ?

Très concrètement, ça commence par nourrir notre relation avec Dieu, apprendre à le connaître, découvrir sa vision des choses (souvent très différente de la nôtre) et nous approprier ses valeurs. Ca passe par la lecture de sa Parole et par la prière, où on apprend à demander ce que Dieu veut et non pas ce qui nous arrange. En nous mettant à l’écoute de Dieu, nous apprenons ce qui est droit, bon, saint, juste, parfait.

Cela étant, il ne suffit pas de savoir pour faire. Je pense que beaucoup des personnes critiquées par Amos savaient, en théorie, qu’il y avait des lois pour protéger les faibles, les innocents, les employés, mais ils ne les mettaient pas en pratique. Pour passer du savoir à la pratique, il me semble que Dieu nous donne deux aides : le Saint Esprit et l’Eglise. Le Saint Esprit travaille dans notre cœur, et la communauté de nos frères et sœurs en Christ nous encourage de l’extérieur. C’est avec d’autres chrétiens, qui ont un point de vue et une expérience différents de nous, que nous pouvons chercher ensemble comment améliorer telle attitude, concrètement, comment redresser telle relation. Ca se fait un peu au culte, mais il est essentiel que chacun ait un moment, un lieu, de partage dans l’église avec d’autres chrétiens, pour aborder ces mille défis que nous avons tous, pour écouter ensemble ce que Dieu veut nous dire, très concrètement, pour prier, pour s’encourager les uns les autres, pour apprendre ensemble à laisser la vie avec Dieu transformer notre vie de tous les jours.

3)   Le souci de Dieu pour la justice

Le texte d’Amos attire notre attention sur ce qui est important aux yeux de Dieu : notre vie, dans son intégralité. Vous avez remarqué, peut-être, que dans ce texte, Dieu concentre ses accusations sur des problèmes sociaux, de justice collective. Dieu est le Dieu des veuves et des orphelins, le champion des petits, des faibles, des victimes. Il est du côté de ceux qu’on rejette, qu’on méprise, qu’on écrase, qu’on harcèle, qu’on brutalise. Admettons-le, cet aspect de la justice de Dieu, nous l’oublions parfois. Pour nous, chrétiens, vivre de manière juste, c’est souvent une question de morale personnelle : ne pas mentir, ne pas se saouler, être fidèle… Mais ce souci de justice globale, sociale, nous échappe parfois. Nous avons tendance à nous focaliser sur les questions de morale personnelle, familiale, en oubliant la morale sociale. Je ne parle pas de politique, pas du tout, en tout cas pas dans le sens d’un programme de parti, mais du souci de la justice commune qui dépasse notre moralité individuelle.

Est-ce que l’église doit, comme Amos, dénoncer les maux de notre société et s’élever contre ses inégalités, son injustice, ses travers ? Le NT ne nous rien, directement, sur cette question. On peut répondre « non », parce que cette société n’est pas le peuple de Dieu, c’est l’église ; on peut aussi répondre « oui », pour annoncer et favoriser la justice de Dieu dans le monde. Si on répond oui, et qu’on veut dénoncer les travers de notre société, alors il me semble qu’il nous faut refléter les préoccupations de Dieu, et pas simplement s’exprimer sur des problèmes familiaux ou individuels, mais qu’on peut, au nom du Dieu juste, au sens fort, appeler à la défense des faibles, à la lutte contre la corruption, à la protection des petits, à la lutte contre l’esclavage etc. C’était un des buts du défi Michée, par exemple, qui interpelle les dirigeants mondiaux sur la justice sociale.

Même si on considère que ce n’est pas le rôle de l’église de dénoncer les travers de la société, parce que ce serait deux mondes étanches, l’interpellation de Dieu demeure : comment favorisons-nous en tant qu’église la justice de Dieu ? Souvent nous nous préoccupons des questions de pureté, de vérité, mais comment vivons-nous cet appel au respect des petits, à l’accompagnement des faibles ? L’évangile dépasse le culte dominical, il nous fait approcher du Royaume de Dieu, un royaume où la justice et la paix habiteront. Comment préparons-nous ce royaume ? Comment l’annonçons-nous ? Ces réponses passent par l’association 1901 de notre église, association d’entraide et d’activité chrétienne, mais ce ne sont pas des réponses secondaires, ou déconnectées de notre foi. Jésus nous appelle à avoir faim et soif de justice, à être des ouvriers de paix, à nous préoccuper des petits : comment voulons-nous répondre ensemble, en église, à cet appel ?

Prions : merci Seigneur parce que tu n’es pas le Dieu d’une religion, mais tu es le Créateur qui as donné ton Fils pour racheter le monde, pour recréer un monde où ta paix et ta justice habiteront. Pardonne-nous nos œillères, élargis notre regard : montre-nous comment ton Evangile peut transformer notre vie, comme un signe aujourd’hui du royaume qui vient. Donne-nous soif d’une vie plus proche de toi, qui reflète toujours davantage tes valeurs. Elargis aussi notre regard au-delà de notre vie personnelle et donne-nous faim de justice pour les autres. Fais de nous des ouvriers de paix, porteurs de la paix acquise à la Croix, dans l’attente de ton Royaume.

Laisser un commentaire