La soumission aux autorités civiles

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Lecture biblique: Romains 13.1-7

Nous abordons aujourd’hui le 3e volet de notre série en lien avec le synode : le rapport avec les autorités civiles. C’est un sujet délicat que la Bible, comme souvent, ne traite pas d’un coup en donnant un enseignement complet et exhaustif, mais par petites touches, en fonction de contextes variés. Pour cette raison, nous avons choisi deux textes, parmi d’autres, qui illustrent deux points de vue différents sur les autorités, et que nous verrons cette semaine et la semaine prochaine.

Aujourd’hui, nous suivons le texte de Paul aux Romains, 13.1-7, au cœur d’une série d’exhortations aux chrétiens de Rome.

Paul est au milieu d’une série d’exhortations en vrac autour de la vie chrétienne, transformée par le Saint Esprit, une vie nouvelle, consacrée à Dieu, orientée autrement, marquée par le service, l’humilité et l’amour – pour Dieu, pour les frères dans la foi, pour les ennemis. Au cœur de ce développement sur l’amour qui doit être notre réponse par défaut, Paul choisit de passer quelques instants sur la question du rapport du chrétien aux autorités civiles, dans le cas de ses lecteurs, l’Empire romain.

Il appelle les chrétiens à se soumettre aux autorités, car Dieu lui-même les a instituées pour diriger la société et faire régner sa justice. Nos autorités sont les serviteurs de Dieu, et s’opposer à eux, c’est s’opposer à l’ordre établi par Dieu ! Alors, si nous aimons Dieu, soyons de bons citoyens, respectons les autorités civiles, en partant de ce qu’il y a de plus concret, et de très actuel : les impôts…

1)   La soumission dans un ordre voulu par Dieu

Le fil conducteur qui motive Paul à demander aux chrétiens de se soumettre, c’est la notion d’ordre. Se soumettre, c’est, je ne vous apprends rien, se mettre sous, dessous, c’est rentrer dans un ordre, dans un ensemble, en occupant une place inférieure, et en reconnaissant ceux qui ont une place au-dessus. C’est se sub-ordonner, et cela suppose qu’il y a un ordre, une organisation où chacun a sa place.

Paul, cohérent avec l’ensemble de l’enseignement biblique, milite pour qu’on reconnaisse que Dieu est un Dieu d’ordre, qui favorise l’équilibre, la complémentarité, l’équilibre. Dans le chapitre précédent, Paul utilise l’image du corps pour parler de l’Eglise, montrant que chacun a sa place et son rôle, et que nous sommes appelés à occuper notre place au mieux, conscients que Dieu ne demande pas à tous de faire la même chose, mais que tous sont importants. Si on se tourne vers la nature, on remarque à nouveau l’ordre que le Créateur a mis en place avec finesse, dans notre corps, dans les lois physiques, dans les écosystèmes : tout est à sa place pour que l’ensemble fonctionne au mieux.

De la même manière, dans la société au sens large, Dieu a instauré un ordre, reflet de sa sagesse. Cet ordre, c’est que certains sont responsables pour l’ensemble et veillent, plus particulièrement, à maintenir le bon fonctionnement du groupe. Ces personnes qui gouvernent, qu’elles le sachent ou non, sont en fait les délégués de Dieu pour assurer le bien commun, la possibilité de vivre ensemble. Cette conviction que toute autorité vient de Dieu, et que c’est lui qui a choisi ce mode de fonctionnement, que les gouvernants sont au service de Dieu pour gérer le monde qu’il a créé, c’est une conviction ancienne, qu’on retrouve notamment chez les prophètes juifs, et que Jésus reprend dans son entretien avec Pilate, lorsqu’il lui rappelle que Pilate, tout gouverneur romain qu’il est, n’aurait aucune autorité si ce n’était Dieu, le vrai souverain, qui la lui avait donnée.

Le regard de la foi nous révèle que Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, en est aussi le souverain ultime, il en est le Maître, le Roi. Tout ce que nous voyons d’harmonieux existe grâce à la sagesse et à la providence de Dieu, qui maintient, qui soutient, qui anime par son Esprit la création ; l’organisation sociale, l’organisation du groupe, entre elle aussi dans les dispositions de Dieu. De ce fait, reconnaître la souveraineté de Dieu, ce n’est pas seulement dire qu’il est Dieu, pas seulement décider d’adopter ses valeurs éthiques, mais c’est aussi reconnaître l’ordre qu’il a placé dans sa création, pour son bien.

2)   La soumission comme règle générale

Vous allez me dire : c’est bien beau tout ça, mais on ne peut pas vraiment dire que les autorités politiques, sociales, hier comme aujourd’hui, ailleurs et ici, remplissent vraiment le service de Dieu. Les motivations des gouvernants, les modes de fonctionnement, les injustices inscrites dans le système – sans même parler des dictatures ou des horreurs étatiques rencontrées par exemple au XXe siècle – ces réalités paraissent bien loin de ce portrait apparemment idéal des autorités, qui favorisent le bien et condamnent le mal, comme des ambassadeurs de la justice divine. Paul le sait bien, lui qui écrit au temps de l’Empire romain : un empire païen, fondé sur des valeurs pas vraiment chrétiennes, qui d’ailleurs commence à persécuter l’Eglise. L’empire romain n’était pas meilleur que nos autorités aujourd’hui, pas plus favorable, pas plus soumis à Dieu, et pourtant, Paul écrit que ces autorités-là entrent, malgré elles, imparfaitement, dans un ordre établi par Dieu, et parce que nous reconnaissons la providence de Dieu derrière des gouvernements plus ou moins bons, nous devons les respecter, au nom de notre foi dans le Dieu, souverain de sa création.

Mais quand même, faut-il toujours obéir à tout ? Qu’en est-il des situations où les autorités ne font plus le bien imparfaitement, mais s’activent pour le mal, justifient l’abominable, s’opposent clairement à Dieu ? Quand il y a cette tension entre Dieu, le Seigneur, et les seigneurs, les maîtres, dans notre société, que faire ? Est-ce que la soumission aux autorités doit nous pousser à être infidèles à l’Evangile ? Paul écrit à des chrétiens justement dans cette situation, révoltés par l’autorité romaine, révoltés par l’injustice, la persécution, et tentés d’envoyer balader tout représentant de l’autorité, au nom de l’injustice du gouvernement. Dans leur cas, Paul n’a pas besoin de s’attarder sur les situations qui appellent à la résistance, mais il essaie de leur montrer un autre aspect des autorités. Quelles que soient les personnes, la fonction d’autorité a été établie par Dieu et mérite notre respect, au nom de notre foi. Nous ne respectons pas les autorités pour leur propre valeur, mais notre critère, c’est que Dieu a choisi cet ordre des choses, c’est un critère de foi. Cela dit, d’autres textes bibliques, notamment sur l’expérience des premiers chrétiens, montrent que certains cas poussent à la résistance.

Il me semble que ce que Paul veut dire, et que Pierre reprendra d’ailleurs dans sa lettre aux chrétiens persécutés, c’est que nous ne devons résister à l’autorité que dans le cas expresse où ce que l’on nous demande contredit clairement l’Evangile. Si on nous dit de tuer, on résiste. C’est ce qui a motivé par exemple les chrétiens qui ont protégé les Juifs pendant la WW2. Toutefois, résister à une demande ne nous autorise à résister à tout et à nier en bloc l’autorité de nos dirigeants. Dit autrement, refuser de tuer n’empêche pas par ailleurs de respecter le code de la route, de payer ses impôts ou de scolariser ses enfants. Les cas de résistance existent, mais ils ne sont pas à prendre à la légère : la résistance aux autorités ne peut être qu’un dernier recours, quand il n’y a pas d’autre moyen de respecter les valeurs de Dieu, car elle est une exception au fonctionnement normal.

3)   La vocation chrétienne : servir et faire le bien

Ce texte nous renvoie indirectement à la vocation chrétienne. Nous qui sommes sauvés, quel est notre but aujourd’hui ? nous avons été réconciliés avec Dieu, pardonnés, justifiés, dans quel but ? La paix, la vie éternelle, oui. Mais ce n’est pas tout ! Nous avons été sauvés de notre vie sombre et corrompue pour vivre dans la lumière et la justice ; par la foi en Jésus-Christ, nous avons renoncé au mal, à la destruction, à l’égoïsme, au mensonge, pour nous épanouir dans une vie illuminée par Dieu, remplie par sa créativité, son amour, sa vérité. Faire le bien, c’est notre vocation chrétienne ! Non pas pour être sauvés, mais parce que nous sommes sauvés ! Nous cherchons, maintenant, à rayonner de la lumière qui nous éclairés et à offrir le plus largement possible la lumière et l’amour de Jésus-Christ. Dans les mots de Paul, nous ne faisons pas le bien par peur d’être punis, mais par conscience, en sachant que c’est notre vocation.

Le mal, ce qui nuit aux autres comme à moi, n’est plus au menu. Quand on a été inondés de l’amour du Christ, mort à cause de nos fautes, celui qui triomphe de la mort et vient nous libérer de tous nos esclavages, de nos zones d’ombre, de nos mesquineries, de nos travers, pour nous faire goûter dès maintenant par l’Esprit à une vie féconde, positive, aimante, quand on a été transformé par cet amour, quel intérêt pourrait-on encore trouver à retourner dans les bas-fonds du mensonge, du vol, de la violence, de la calomnie, de la fraude ? Même sans autorité pour nous faire peur, on n’est plus censé s’aventurer dans ces marécages boueux !

A priori, même s’il nous faut toute une vie pour le mettre vraiment en pratique, nous savons que le mal n’est plus pour nous. Mais qu’en est-il des domaines qui ne sont pas massivement mauvais ou bons ? Ni expressément demandés par Dieu (comme aimer, pardonner) ni expressément condamnés (comme voler ou tuer) ? Qu’en est-il de tous ces domaines de la vie quotidienne qui seraient un peu un « No God’s land », des domaines apparemment déconnectés de la foi ?

La réponse de Paul est claire : l’Evangile concerne tout, il n’y a pas de neutralité. Ce n’est pas parce que nous n’avons de manuel qui dise, noir sur blanc, tous les contours et les contenus de la vie avec Dieu que Dieu ne s’intéresse pas à l’intégralité de notre vie ! Paul s’appuie sur la conviction centrale que Dieu est souverain, et il en déduit que nous devons être intègres, irréprochables, pas seulement au culte, pas seulement en famille ou au travail, mais aussi au marché, face aux impôts. Il ne s’agit pas simplement d’éviter les gros péchés, mais de vivre activement dans la justice et la vérité, en reflétant partout, tout le temps, les valeurs du Dieu qui a fait de nous ses enfants.

Conclusion

Quel rapport entre mes impôts et le Christ ? Quel rapport entre ma foi et ma vie en société ? Tout ! Nous ne sommes pas compartimentés, parce que Dieu ne l’est pas. Dieu ne s’intéresse pas au spirituel ou à une case de notre vie, mais il s’intéresse à nous tout entiers, et en nous sauvant, il nous appelle à vivre sa justice intégralement, à vivre son amour intégralement. C’est un long processus, un apprentissage qui prend du temps, mais celui qui se tourne vers Dieu et qui demande les forces pour accomplir sa volonté, celui qui par la foi occupe volontairement la place qui lui revient, avec respect et intégrité, Dieu l’inspire et le conduit.

 

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