image_pdfimage_print

Tous les articles par Florence VANCOILLIE

Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Jésus, Dieu avec nous – même dans la violence

https://www.youtube.com/watch?v=csnQkBM4bXI

Noël est une fête de joie et de paix, même au-delà de nos églises, et on y espère affection, réconciliation, meilleures résolutions… Ce qui n’arrive pas toujours ! Mais les cantiques et les récits de la Naissance du Christ nous plongent dans la bonne nouvelle que Dieu nous aime et nous rejoint, pour nous donner sa paix.

Il y a pourtant un épisode autour de la naissance de Jésus qui tranche avec nos images d’Epinal, et que nous lisons peu : la fuite des parents de Jésus en Egypte. La naissance du Christ n’est pas que gloire et chorale d’anges, elle est assombrie par des crises qui font écho aux nôtres – et, paradoxalement, même si ce n’est pas très joyeux, cet épisode tragique appartient lui aussi à la Bonne Nouvelle de Noël.

Quelques mots de contexte. Alors que les mages venus d’Orient viennent rendre hommage au Roi qui vient de naître, ils se présentent chez le roi des Juifs, Hérode. Celui-ci n’est au courant de rien – et ça se comprend, puisque la royauté de Jésus dépasse la sphère politique. Les conseillers juifs finissent par trouver dans les prophéties des indications de l’endroit où le Messie devrait naître, les mages sont prêts à partir voir Jésus, mais Hérode, ivre de pouvoir et paranoïaque devant ce rival naissant, entre dans un double jeu : il tente de les manipuler pour trouver l’enfant et s’en débarrasser. Après avoir adoré l’enfant, les mages doivent revenir au palais – mais, avertis en rêve, ils rentrent chez eux sans rien dire à Hérode.

Lecture biblique : Matthieu 2.13-23

13 Quand les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode recherchera l’enfant pour le faire mourir. »  

14 Joseph se leva donc, prit avec lui l’enfant et sa mère, en pleine nuit, et se réfugia en Égypte. 15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode. Cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Égypte. »           

16 Quand Hérode se rendit compte que les savants s’étaient moqués de lui, il entra dans une grande colère. Il donna l’ordre de tuer, à Bethléem et dans les environs, tous les garçons de deux ans et moins, selon les indications de temps données par les savants.       

17 Ainsi s’accomplit ce qu’avait déclaré le prophète Jérémie :

18 « On a entendu une voix à Rama, des pleurs et de grandes lamentations. C’est Rachel qui pleure ses enfants, elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts. »   

19 Après la mort d’Hérode, un ange du Seigneur apparut dans un rêve à Joseph, en Égypte. 

20 Il lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère et retourne au pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant sont morts. » 

21 Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère et retourna au pays d’Israël.    

22 Mais il apprit qu’Archélaos était devenu roi de la Judée à la suite d’Hérode et il eut peur de s’y rendre. Il fut averti dans un rêve, et il partit pour la région de la Galilée. 

23 Il habita dans une ville appelée Nazareth, afin que s’accomplisse cette parole des prophètes : « Il sera appelé Nazaréen. »

Le parcours du Messie

Matthieu nous raconte cet épisode difficile pour différentes raisons. D’abord, cela permet de comprendre, tout simplement, pourquoi Jésus, qui est né à Bethlehem en Judée, grandira à Nazareth en Galilée. Pour nous, ça ne paraît pas être un enjeu de taille, mais imaginez un homme célèbre, dont la famille serait du Tarn, mais qui serait connu sous le surnom « l’Alsacien ». Matthieu prend le temps d’expliquer pourquoi Jésus le Galiléen est aussi l’enfant né à Bethlehem, annoncé par le prophète Michée.

C’est un enjeu important pour Matthieu : montrer que Jésus est l’authentique Messie, en faisant régulièrement le lien entre sa vie et les prophéties. Par exemple, il cite le prophète Osée : « d’Egypte, j’ai appelé mon fils » (Osée 11.1 // Matthieu 2.15) : Jésus repasse par les étapes du peuple d’Israel, lui aussi il sort d’Egypte pour revenir en terre d’Israel. La citation autour du Nazaréen est plus confuse, on ne trouve pas cette phrase chez les prophètes, et il s’agirait peut-être d’un jeu de mot qui fait écho au Messie comme rameau, pousse, nouvel espoir pour Israel (rameau : netser, Esaïe 11.1)

Cet épisode met aussi en lumière la foi de Joseph. Matthieu a déjà raconté comment Joseph a décidé d’épouser Marie malgré sa grossesse inexpliquée, suite à un rêve divin. Les rêves reviennent, et Joseph continue de faire confiance Dieu, malgré ce que ça lui coûte. Loin d’être un personnage secondaire, Joseph apparaît comme un modèle de foi – il déracine sa famille, d’abord en Egypte, puis quelque temps plus tard, pour retourner en Galilée. Même si Jésus n’est pas son fils biologique, Joseph fait tout pour le protéger.

Sa foi et son obéissance font évidemment contraste avec l’acharnement de Hérode qui se déchaîne contre Jésus, quitte à faire massacrer toute une génération d’enfants. Hérode entre dans la longue lignée des dirigeants cruels et violents. Si on remonte environ 1500 ans avant Jésus, à l’époque de Moïse, en Egypte, le Pharaon demande aux sage-femmes de tuer tous les nourrissons garçons chez les Juifs, pour limiter la force de ce peuple qu’il tient en esclavage. Moïse échappe à cette mesure, et il sera le libérateur du peuple d’Israel. Comme lui, Jésus sera le libérateur – du peuple d’Israel et des autres peuples !

Et si on revient à l’époque de Jésus, quelques décennies après sa naissance, on retrouve à nouveau des dirigeants assoiffés de pouvoir, paniqués par Jésus, en qui ils voient un rival spirituel et une menace pour leur autorité. Ils complotent à leur tour, mais cette fois, Jésus ne se défend plus, au contraire, il se laisse volontairement entraîner dans la spirale de leur violence et finit sur une croix.

Jésus au cœur de la violence

La violence fait partie de la vie de Jésus – sa mort injuste sur la croix est son signe distinctif. Cette violence de la crucifixion nous choque, mais le Christ assume volontairement cette mort, comme un sacrifice, sachant que la mort est le prix à payer pour que Dieu puisse librement effacer nos ardoises et nous donner une nouvelle vie. Nous sommes au bénéfice de la croix, et nous sommes reconnaissants pour la mort du Christ, car elle démontre à quel point Dieu nous aime, jusqu’où il est capable d’aller pour nous sauver.

Mais le massacre des enfants, c’est une autre violence : une violence gratuite, subie, envers des êtres fragiles et innocents. On plonge dans le scandale du mégalomane au pouvoir cruel. Et c’est stérile, rien n’en sort à part les lamentations et la désolation.

Pour Matthieu, cette tragédie ressemble aux horreurs de la chute de Jérusalem et de son royaume, à l’époque du prophète Jérémie, qui imagine la matriarche Rachel se lamenter sur ses enfants, le peuple d’Israel, soit massacré soit emmené en exil (Jérémie 31.15). Dès le début, Jésus est solidaire de la souffrance de son peuple, il la subit. Ici, il en réchappe, mais comme une victime de guerre, comme un survivant – on n’a pas besoin d’être détruit par la violence pour en être atteint.

Ces violences aveugles défigurent encore aujourd’hui notre vie. Celle qui s’abat sur un enfant, sur les victimes d’abus ou de harcèlement, sur ceux qui sont méprisés pour la couleur de leur peau ou pour leur origine, sur ceux qui doivent fuir leur pays pour survivre. C’est la violence impersonnelle qui sans explication bouleverse la trajectoire de la vie : un accident, un handicap, une maladie grave, une catastrophe naturelle… Ces violences aveugles qui font qu’on en ressort à jamais différent, avec un traumatisme peut-être bien caché mais présent, avec une mentalité de rescapé, de survivant.

En devenant un homme en Jésus, Dieu s’est rendu solidaire de nos culpabilités, pour nous en délivrer… Mais il a aussi assumé la souffrance et les lamentations des victimes ! Sur la croix, il porte le poids de la cruauté de Hérode, et des enfants sacrifiés – il meurt pour les coupables et pour les victimes.

 

Dieu avec nous, jusqu’au bout

Alors j’ai dit tout à l’heure que cette tragédie appartient à part entière à la Bonne Nouvelle de Noël… Oui, car Jésus sait. Il connaît tout de nos souffrances, il les a lui-même expérimentées. Ce récit est violent comme un témoignage peut être violent, comme la vie peut être violente – il nous met peut-être mal à l’aise, mais il dit la profondeur de la tendresse de Dieu pour nous, qui nous rejoint dans ce qu’il y a de pire. Il n’est pas devenu un homme dans les conditions idéales – on met souvent en avant la pauvreté et la précarité, mais la violence est présente elle aussi.

Dans l’épreuve, on se sent souvent isolé, incompris, seul pour porter nos fardeaux et nos peines. Mais à travers Jésus, Dieu l’a vécu et il nous dit : « je te comprends. » Nous ne sommes plus seuls à porter nos peines : il les porte avec nous. Nous pouvons nous appuyer sur lui, lui confier nos questions et nos cris – il les comprend, il les accueille ! Sa présence ne supprime pas les cicatrices ou les obstacles à surmonter, mais c’est un tel réconfort, de savoir que Dieu traverse, avec nous, ces épreuves-là.

Et puis, en demi-teinte, ce récit nous redonne de l’espoir : Jésus a survécu. Jésus a survécu : au massacre des enfants, mais aussi à la violence de la croix. Il a survécu à la mort, il est ressuscité. Il règne aujourd’hui aux côtés de Dieu, partageant sa vie avec ceux qui croient en lui. La vie que Jésus nous promet, par la foi, c’est la vie au-delà de la mort et du mal, la vie dans l’éternité de Dieu. Tout calvaire aura une fin… et la justice et la paix de Dieu triompheront.

Cette paix divine n’est pas réservée à la vie d’après : par son Esprit, Dieu nous l’offre déjà aujourd’hui. Déjà aujourd’hui, dans des situations qui semblent insurmontables, sur des blessures insupportables, Dieu insère sa vie et sa paix, la chaleur et le réconfort de son amour. Tout n’est pas réglé, mais Dieu nous redonne la force de tenir et d’avancer vers l’avenir qu’il nous réserve. Dans certains milieux, on appelle ça la résilience, la capacité à rebondir, mais je crois que Dieu, dans sa grâce, participe à nos relèvements : en nous appuyant sur sa main tendue, nous trouvons la force de nous remettre en route.

Conclusion

En ce début d’année se succèdent les vœux et les souhaits. L’année 2020, et son lot de tragédies, nous pousse peut-être à plus de prudence que d’habitude – nous ne savons pas ce qui nous attend. Les épreuves seront là, sûrement, plus pour certains que pour d’autres, et nous devrons trouver comment être solidaires et nous entraider – mais au cœur de ces épreuves, une lueur de réconfort et d’espoir brillera quoi qu’il arrive : en Jésus, par son Esprit, Dieu est avec nous, et il nous promet sa paix et sa vie.

Dieu: une lumière qui révèle la beauté

Voir la prédication en vidéohttps://www.youtube.com/watch?v=YEYNj5dT2hA

Notre vie a besoin de beauté. Sans parler de la « belle vie » qui est surtout une vie facile, nous avons besoin de beauté dans notre quotidien. Au-delà du corps ou des décorations, la beauté en général, accessible aux cinq sens, ne peut pas si facilement être qualifiée de « non-essentielle ». Les débats autour de la culture en temps de confinement ont rappelé que si l’art et la beauté ne sont pas nécessaires pour survivre physiquement, ils font partie intégrante de la vie humaine vécue dans sa richesse.

Un film de science-fiction, Equilibrium (2002), touche un peu à cette question. Dans une société utopique, on part du présupposé que les émotions humaines sont à l’origine des plus grands scandales : violence, guerre, corruption etc., et que si l’on arrivait à éliminer l’orgueil, le désir, la jalousie, la peur, la colère etc. il n’y aurait plus de problème dans l’humanité. Une pilule vient donc effacer chaque jour les émotions humaines – les mauvaises et aussi les bonnes, malheureusement. Le film n’est pas extraordinaire mais comme toutes les utopies, il fait réfléchir. Ce qui m’a interpellée, en tout cas, c’est que dans ce film, tout est gris. Murs, meubles, vêtements… Même les vitres sont recouvertes d’un film pour qu’on ne puisse pas voir au dehors les couleurs de l’extérieur. Parce que la nature, dans sa beauté, éveille en nous des émotions : le moindre promeneur du dimanche vous le dira…

La lumière que Dieu a créée et qui le caractérise si bien, est une lumière qui révèle la beauté avec ses différentes nuances et couleurs : la nuit, tous les chats sont gris, n’est-ce pas ? Mais plus qu’un simple projecteur/révélateur, la lumière en elle-même est belle, douce le soir ou ardente le midi, apaisante ou vivifiante, multicolore quand l’eau la difracte.

La beauté – de la lumière ou de ce qu’elle éclaire – suscite la joie, le contentement, et l’admiration ou l’adoration, quand elle nous tourne vers les œuvres que Dieu a faites. C’est donc tout naturel que les croyants de la Bible aient chanté Dieu pour la beauté de ses oeuvres, dans la création. Et je vous invite à lire le Psaume 8, qui médite sur la beauté du Créateur.

Lecture Psaume 8

1 Psaume de David, pris dans le livre du chef de chorale. Avec la harpe de Gath.

2 SEIGNEUR notre Maître, ton nom est magnifique sur toute la terre !

Ta beauté dépasse la beauté du ciel.            

3 Par la bouche des enfants, des tout-petits, tu affirmes ta puissance devant tes ennemis.

Ainsi, tu fais taire tes adversaires qui sans cesse luttent contre toi.    

4 Je regarde le ciel que tes mains ont fait, la lune et les étoiles que tu as fixées.

5 Et je me demande : Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ?

Qu’est-ce qu’un être humain pour que tu prennes soin de lui ? 

6 Pourtant, tu l’as fait presque l’égal des anges, tu l’as couronné de gloire et d’honneur.

7 Tu lui donnes pouvoir sur tout ce que tu as fait, tu as tout mis à ses pieds :    

8 moutons, chèvres et bœufs, tous ensemble, même les bêtes sauvages,

9 les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, et tout ce qui passe sur les routes des mers.

10 SEIGNEUR notre Maître, ton nom est magnifique sur toute la terre !

 

La beauté du Créateur

Le psaume 8 est une méditation chantée, sur la harpe, qui célèbre directement Dieu pour sa beauté et sa majesté. Impressionné par la voûte céleste, avec la lune et les étoiles, David prend conscience que celui qui a créé tant de beauté est lui-même encore plus beau, plus majestueux, plus admirable !

La beauté dans le monde nous dévoile que son Créateur n’est pas seulement puissant et sage pour produire et ordonner, mais qu’il a de la sensibilité, des émotions, du plaisir… . Il n’est pas impersonnel ! Et le récit de la création au début de la Bible (Genèse 1.1-2.3) laisse bien entendre que Dieu se réjouit du monde qu’il a créé : « Dieu vit que cela était bon »…

Ses créatures ne sont pas non plus impersonnelles, interchangeables : l’abondance des espèces, des formes, des couleurs, témoigne des infinies nuances dans la créativité de Dieu. Cette diversité harmonieuse, pleine d’innovation (puisque tout est unique), témoigne de sa vitalité débordante, joyeuse et exubérante : Dieu n’est pas gris, il est flamboyant !

La place de l’être humain

Quand on s’arrête 5 minutes pour contempler un paysage grandiose ou simplement prendre conscience de la complexité du vivant, comme David on se sent… tout-petit !  minuscule. L’être humain est si peu de chose… Un regard vers l’extérieur devrait suffire à percer la bulle d’auto-suffisance qui nous donne l’impression d’être le centre du monde, et à nous tourner vers le Créateur avec admiration et humilité.

Pourtant, en notre for intérieur, nous sentons bien que malgré notre petitesse dans ce monde, nous sommes appelés, nous humains, à de grandes choses – à une existence pleine de sens, à des actes riches d’impact, à une vie qui dépasse la survie. La nature ne l’explique pas, mais les textes inspirés, oui ! David s’inspire presque mot pour mot du récit de création au début de la Genèse pour décrire le paradoxe de l’existence humaine, créature comme les autres mais « image » de Dieu avec une responsabilité particulière dans le monde :

Genèse 1.26 : Dieu dit enfin : « Faisons l’être humain ; qu’il soit comme une image de nous, une image vraiment ressemblante ! Qu’il soit maître des poissons dans la mer, des oiseaux dans les cieux et sur la terre, des gros animaux et des petites bêtes qui vont et viennent au ras du sol ! »

Malgré sa fragilité et son humilité, l’être humain est précieux aux yeux de Dieu, et c’est ce mystère qui occupe finalement la majorité du chant de David.

D’une part, il est invité à une relation avec Dieu toute personnelle – à peine évoquée ici, cette relation dépasse la complicité d’un homme avec sa femme, ou l’affection d’un père envers son enfant. Dieu crée l’être humain pour vivre avec lui, dans une relation d’amour réciproque l’être humain ne mérite pas mais qu’il reçoit comme un cadeau.

D’autre part, l’être humain créé en image de Dieu reçoit une vocation particulière : une autorité sur le monde qui l’entoure. Pour Dieu, l’être humain n’est pas qu’une créature parmi les autres : Dieu lui délègue son autorité et la responsabilité de gérer ce que Dieu a créé. On le sait, l’humanité, malgré sa fragilité, a une influence sur le reste de la planète sans égale. Cette grande autorité avait évidemment pour but de développer et protéger la création, avec respect pour le Créateur et les créatures, et non pas de la défigurer, ce qui arrive bien trop souvent quand l’être humain se détourne du Créateur. Mais les excès et les travers de l’orgueil humain n’effacent pas la dignité que Dieu nous accorde.

La générosité de Dieu

L’abondance de la création, comme le statut inattendu de l’être humain, soulignent la générosité du Créateur. Au-delà de l’utile et du fonctionnel, Dieu ajoute du beau qui lui-même rajoute du bon… c’est comme un repas bien présenté qui paraîtra plus savoureux (expérience à l’appui). Avec le même contenu, un chant mélodieux ou un poème avec du rythme des images ou des rimes touchent davantage qu’un simple discours. D’ailleurs, les textes bibliques sont souvent composés avec un effort littéraire ou sur une musique, comme ici, pour toucher davantage celui qui se met à l’écoute de Dieu.

La beauté de ce que Dieu fait est un signe de sa grâce : il est grâcieux, au sens propre ! Il nous invite au partage, au partage d’expériences, d’émotions. A la communion ! Et la beauté en est un signe, car la beauté nous rejoint et nous réjouit. Par le beau, Dieu partage simplement sa joie avec nous… Et c’est cela son but, inlassablement, de la Genèse à l’Apocalypse, de la création à la nouvelle création : partager sa joie avec nous.

Se nourrir de beauté n’est donc pas une discipline spirituelle inutile, que ce soit avec la nature ou avec l’art : au-delà du nécessaire, le beau nous réconforte, nous émerveille, nous fait rêver… et nous rappelle sans cesse notre Dieu si généreux. Cultiver le beau enrichit aussi notre quotidien : un simple sourire, une carte d’encouragement, un cadeau bien présenté (c’est la période) témoignent de l’affection et de la solidarité au-delà des mots. Dans une société obsédée par la productivité et l’efficacité, ou tentée d’utiliser la beauté simplement pour mieux vendre, la beauté gratuite est un signe de grâce…

Pour plus de beauté : l’humilité

Il y a encore une particularité de la beauté en Dieu et qui vient de Dieu, une caractéristique étonnante chez un Dieu si puissant : la place qu’il fait aux petits (verset 3). Malgré sa puissance et sa grandeur, Dieu ne méprise pas la fragilité. Au contraire ! Il apprécie chacun, du plus petit au plus grand (qui reste petit devant lui…).

Non seulement il leur accorde la dignité de son amour, mais en plus, son goût, à lui, c’est de faire briller sa lumière par les petits, les fragiles, les humbles. Comme s’ils laissaient mieux passer sa gloire et sa magnificence que les forts et les puissants de ce monde, trop tentés de ramener les projecteurs sur eux-mêmes. Dieu aime briller par ceux qui se savent pauvres et humbles (Mt 5.3), par une simple jeune femme comme Marie, par un enfant – quel encouragement pour nous ! Là où nous nous voyons « tout-petit », sans mérite ou vide, Dieu voit un chef-d’œuvre en perspective… pour nous et pour les autres ! Pour laisser briller la beauté de Dieu en nous, il ne s’agit pas de nous refermer sur nous-mêmes par honte ou par complexe… mais pas non plus de nous gonfler d’un orgueil prétentieux qui ne peut que déformer notre perspective… Avec humilité, et reconnaissance, laissons le regard de Dieu nous éduquer à reconnaître sa beauté.

Nous sommes si précieux aux yeux de Dieu qu’il a envoyé son fils dans notre monde. Créateur des étoiles, Dieu n’a pas hésité à devenir un nourrisson langé dans une mangeoire, pour nous rejoindre au cœur de notre fragilité. Il est allé encore plus loin : lui le Glorieux, l’Eblouissant, le Vivifiant, il s’est laissé mépriser par ceux qui l’entouraient, écraser par leur violence, défigurer par leurs coups. Il a accepté de mourir, pénétrant toute la laideur et le scandale de ces ténèbres, pour y frayer un chemin de lumière et de vie, auxquels il nous invite par la foi. La beauté du Christ, sa gloire, sa fierté, ce fut de se rendre rien pour nous donner tout – par amour. C’est d’assumer notre laideur et nos ténèbres pour nous faire renaître à la beauté de la vie avec lui. C’est pourquoi, ressuscité et régnant auprès du Père, il est aujourd’hui couronné de gloire et de magnificence (Philippiens 2.6-11, Hébreux 2.5-10).

Alors, ces jours-ci comme à chaque instant, laissons-nous émerveiller par la beauté du Dieu créateur, une beauté dont la générosité et la grâce se révèlent pleinement en Christ, notre sauveur et notre seigneur. Que la belle nouvelle de son amour nous réjouisse, dans la joie du Seigneur !

Dieu: une lumière qui donne la vie

Pour parler de Dieu, la Bible utilise différentes images, et pendant l’Avent, nous avons choisi de nous centrer sur la lumière. Comment l’image de la lumière nous parle-t-elle de Dieu ? Vincent nous rappelait la semaine dernière combien, dans la Bible, la lumière éblouissante illustre la sainteté et la majesté de Dieu. La lumière est aussi ce que Dieu crée en premier, dans le récit de la création :

3 Alors Dieu dit : « Que la lumière paraisse ! » et la lumière parut. 4 Dieu vit que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité. 5 Dieu nomma la lumière jour et l’obscurité nuit. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée. (Genèse 1.3-5)

C’est à partir de la lumière que tout le reste découle… Et on le sait : la lumière est essentielle à la vie. A la vie des plantes, et donc de tout le reste de la chaîne alimentaire. Même les créatures de notre monde qui vivent apparemment dans des obscurités abyssales dépendent d’un écosystème qui a besoin de lumière pour fonctionner. De la même façon, Dieu est essentiel à la vie : lui le créateur est source de toute vie.

Mais comment cette conviction de foi nous aide-t-elle à vivre, en particulier lorsque nous sommes confrontés aux « ténèbres », à des situations obscures ou malsaines ? Le roi David, quelques siècles avant Jésus-Christ, a justement mis en chant son cheminement sur cette question, et je vous invite à lire le psaume 36.

Lecture biblique : Ps 36

1 Psaume de David, le serviteur du SEIGNEUR. Chant pris dans le livre du chef de chorale.     

2 Au fond de mon cœur, je me rappelle une phrase de l’homme mauvais.

Dans sa révolte, il dit : « Je ne vois pas pourquoi Dieu me ferait peur. »

3 Cet homme-là est trop content de lui,

il ne peut donc pas reconnaître sa faute ni la détester.                        

4 Tout ce qui sort de sa bouche est mauvais, et il ment.

Faire le bien, cela n’a plus de sens pour lui.

5 Quand il est couché, il prépare ses mauvais coups.

Il suit une route qui n’est pas bonne, il ne rejette pas le mal.   

Dès le départ, David se présente comme le serviteur de Dieu, celui qui s’applique à respecter la volonté de Dieu. Le décalage avec le malfaiteur, l’homme mauvais, non  seulement le choque mais le fait souffrir ! Evidemment, on parle ici du méchant… méchant ! Pas de nos petites transgressions ponctuelles. David décrit le cas extrême de celui qui a complètement rejeté Dieu et ce qui vient de Dieu. Qui fait l’inverse de la volonté de Dieu – ce n’est pas qu’il s’écarte ou qu’il s’égare : il fait l’inverse !

C’est le cas extrême, et on aurait peut-être du mal, en tant que chrétien, à parler ainsi de quelqu’un, et pourtant… des arrogants, profiteurs, violents, corrompus, égoïstes, humiliants, menteurs, nous en croyons, à différents degrés – ça peut être un collègue, ou pire, un chef ; un voisin qui vous cherche des problèmes ; un concurrent ; un politicien ; parfois même quelqu’un de la famille…

David est choqué par cet homme qui est à l’opposé de ce que lui aimerait vivre – en communion avec le Seigneur, une vie bonne et bienfaisante – et il le craint aussi, parce que même sans avoir soi-même le désir de faire le mal, certaines situations ou même certaines personnes mettent une telle pression qu’on est tenté de rentrer dans leur jeu : de leur obéir pour qu’ils nous laissent tranquilles, ou de se défendre en agissant comme eux. Devant cette pression, David se tourne vers Dieu pour lui demander de l’aide.

6 SEIGNEUR, ton amour va jusqu’au ciel, ta fidélité monte jusqu’aux nuages.

7 Ta justice dépasse les plus hautes montagnes, tes décisions sont profondes comme la mer.

SEIGNEUR, tu sauves les hommes et les bêtes.

8 Ton amour, mon Dieu, est vraiment précieux, les humains s’abritent à l’ombre de tes ailes.

9 Dans ta maison, tu leur donnes une nourriture abondante,

tu les fais boire au fleuve de ta bonté (littéralement : de tes délices “eden”).

10 La source de la vie est en toi, à ta lumière, nous voyons la lumière.

11 Garde ton amour à ceux qui te connaissent, et ta fidélité à ceux qui ont le cœur pur.

12 Que l’orgueilleux n’entre pas chez moi, que les gens mauvais ne me jettent pas dehors !

13 Voilà qu’ils tombent, ceux qui font du mal,

ils sont renversés, ils ne peuvent plus se mettre debout.

David prie que Dieu le garde sur le bon chemin, et qu’il le protège de ces pressions et de ces tentations. Sa prière se termine avec l’assurance que le mal n’aura pas le dernier mot, mais que c’est le bien qui triomphe. Mais entre le portrait du méchant et la prière pour tenir face au méchant, David entre dans une méditation sur la bonté de Dieu qui l’emmène peut-être plus loin que ce qu’il avait imaginé.

La lumière pour tous

Devant le mal et les malfaiteurs, les cas extrêmes, David donc se tourne vers Dieu, et il contemple ses qualités : bonté, fidélité, justice, sagesse. Et les qualités de Dieu sont elles aussi extrêmes : infiniment grandes et profondes. On pourrait imaginer que David s’arrête là, et qu’il s’appuie sur cette justice de Dieu et sur sa fidélité, sur son secours, pour demander protection et soutien face à l’adversité.

Mais David est emporté par la grandeur vertigineuse de la bonté de Dieu : il vient en aide – pas seulement aux croyants ou à ses serviteurs, mais aux humains en général, et même aux animaux. Dieu pourvoit à leurs besoins essentiels, faisant en sorte que chacun puisse boire, manger, être en sécurité. Notre corps qui fonctionne, c’est grâce à lui, notre respiration, le fait de se réveiller le matin pour voir le jour, nos pensées, toutes les opportunités et les joies de la vie. Ce n’est pas automatique ! C’est une grâce qui vient de Dieu, et c’est ce qu’on appelle en théologie la grâce commune : le fait que Dieu maintienne à ceux qui l’ont rejeté un certain nombre de bénédictions. Si Dieu retirait complètement sa vitalité de certains, ceux-ci s’effondreraient, parce que c’est Dieu, la source de la vie – qu’on le reconnaisse ou pas.

David était parti sur le plan moral, le chemin à suivre, mais en regardant Dieu, il voit plus qu’un législateur, il voit le créateur, celui qui soutient la vie de chacun – et même du méchant ! Même le méchant, le révolté, le pire que nous connaissions, même lui dépend de la lumière de Dieu pour vivre – pourquoi ? parce que Dieu l’a créé !

En même temps, la description que David fait de la vie semble dépasser les réalités biologiques de notre quotidien – il évoque la joie, le délice (en utilisant même le mot Eden – le torrent des Eden, le torrent des délices), le bonheur exaltant de puiser à la source divine. C’est la joie de celui qui reconnaît d’où viennent ces bénédictions du quotidien, et qui se nourrit de l’amour de Dieu qui est derrière. Pour être dans la plénitude, la vie, c’est la vie dans la communion avec Dieu, le Créateur, le Sauveur, à la bonté et à la sagesse infinies.

          La vie et la Vie 

          C’est normal que David lie les deux, la vie et la Vie – parce que Dieu nous a créés pour une relation avec lui marquée par la bonté, la justice, l’abondance et l’amour. Il ne nous a pas inventés pour décorer le monde, mais pour habiter avec lui ce monde. Pour échanger avec lui, pour nous réjouir de sa présence et le réjouir de notre présence. C’est ça l’amour, non ? quand on se réjouit d’être avec l’autre.

Si Dieu nous a donné le souffle, c’est pour lui parler, pour parler ensemble avec lui. Des mains pour travailler, avec lui, pour le célébrer. Des yeux pour voir et surtout s’émerveiller.

Mais au commencement de l’Histoire, l’être humain s’est détourné de Dieu en imaginant qu’il était lui-même le Maître de sa vie, comme s’il était sa propre source – c’est malheureusement un mouvement qui est imprimé en nous, plus profondément que notre ADN, et qui se répète en chacun, à chaque génération – c’est ce qu’on appelle le péché originel. Si Dieu était normal, il aurait tout arrêté, fermé les vannes, coupé l’eau. Mais Dieu n’est pas « normal » : sa bonté et sa fidélité dépassent même les plus hautes montagnes, elles sont plus larges que les galaxies, plus fines que les atomes. Et dans sa bonté « anormale », disons-le, Dieu a maintenu un certain degré de vie dans le monde. Une grande part de ce que nous vivons est douloureux et déformé, mais malgré ce que nous voyons, ce n’est pas le pire du pire, car Dieu a maintenu sa lumière et sa vie.

Alors, pourquoi l’a-t-il fait ? Pour donner à notre monde une seconde chance. Pour nous donner, à chacun, l’opportunité de venir à lui et de goûter pleinement à l’abondance de son amour. La vie que nous partageons dans la grâce commune, c’est comme un échantillon, qui en dit long sur la qualité du produit ! Et ces échantillons sont à la fois une promesse et une invitation. Parce que notre vocation, à tous, c’est de vivre dans la présence de Dieu, de boire à sa source, et de marcher à sa lumière.

La Vie reste cependant difficilement accessible, pour le révolté comme pour le croyant. Comment rejoindre ce Dieu infini, si pur, si bon, éblouissant ? Et c’est là que la bonté de Dieu devient plus anormale encore : c’est lui qui nous rejoint. C’est lui, la lumière, qui vient briller dans nos ténèbres, qui vient nous appeler, nous inviter, nous délivrer, pour que nous puissions vivre avec lui. C’est le mouvement de Noël : le Dieu très loin, très haut, qui se fait homme, en Jésus, pour percer nos ténèbres et nous ramener dans sa lumière. En Christ, la bonté de Dieu envers nous atteint des sommets vertigineux, et des profondeurs plus abyssales que les plus épaisses ténèbres.

          Louange… et discernement

Comme pour David, contempler la bonté extraordinaire d’un Dieu si juste et si sage, nous conduit à la louange. La reconnaissance fait partie des incontournables de la vie chrétienne : reconnaître que Dieu est présent et à l’œuvre, et s’en réjouir ! Parce que Dieu ne fait rien, mal, et rien de mal ! Lorsque nous souffrons, c’est plutôt que nous désirons plus d’action de Dieu, qu’elle nous manque, que nous nous sentons livrés à nous-mêmes ou confrontés aux conséquences des révoltes de ce monde. Donc une saine discipline, c’est d’apprendre à voir – et à s’émerveiller de – l’action de Dieu dans notre vie. Alors nous verrons que nous ne sommes jamais totalement démunis de sa lumière et de sa bonté.

Cette attitude vaut pour notre vie personnelle, mais aussi pour notre entourage : qu’ils soient bêtes ou méchants, rappelons-nous que Dieu vient au secours de l’homme et de la bête ! Apprenons à célébrer les étincelles de lumière chez ceux qui nous entourent… A reconnaître les traces que laisse Dieu dans leur vie.

La fin du psaume nous interdit cependant d’être naïfs : si nous ne voyons pas tout en noir et blanc, les méchants et les gentils, ne voyons pas tout en rose pour autant ! Il ne s’agit pas de tout relativiser, de dire que tout se vaut, que tous les chemins vont au même endroit… Un chemin, celui qui est connecté à la source, un seul chemin baigne dans sa lumière. David sait très bien qu’une fois qu’on a goûté à la présence pleine de Dieu, le mal est une aberration, qu’il soit mesquin ou abominable. Que ce soit en nous ou chez les autres, nous pouvons voir à la fois les étincelles de lumière ET les ombres qui demeurent… pour en nourrir notre prière. Prière de louange, prière d’intercession, pour que nous nous rapprochions de plus en plus de la source de la lumière.

La foi inclut l’incertitude

Que ce soit par les difficultés, les doutes, la peur, la lassitude… notre foi est bien souvent bousculée. Et la confusion et l’incertitude générale que nous vivons ces jours-ci n’aident pas vraiment ! Sans parler de la solitude et de la fatigue…

Nous nous sentons souvent coupables de voir notre foi chanceler, quelle qu’en soit la raison, mais la Bible nous rassure : dans ses pages, on trouve des croyants impétueux, mais aussi des peureux, des découragés, des sceptiques… et j’aimerais avec vous me tourner vers un sceptique bien connu : Thomas, l’un des douze disciples de Jésus, l’un de ses plus proches. Thomas est explicitement cité dans quelques passages de l’évangile de Jean.

Jean a sûrement écrit son évangile, sa biographie de Jésus, bien après les trois autres, ce qui explique le ton un peu différent de son texte, un ton plus méditatif, plus réfléchi. Il ne cherche pas simplement à raconter la vie de Jésus, aussi extraordinaire soit-elle, mais il se préoccupe de la réaction de ceux qui entendront parler de Jésus. Pas étonnant alors qu’il cite Thomas, le sceptique, à plusieurs reprises. D’après ce qu’on lit, Thomas est d’abord un homme extrêmement dévoué à Jésus – par exemple, une fois, il était convaincu que Jésus allait droit dans la gueule du lion, mais il l’a suivi sans regret. Cela dit, il ne comprend pas toujours ce qui se passe avec Jésus – et il le dit ! Même s’il suit Jésus de tout cœur, il est souvent dépassé.

Sa confusion atteint un nouveau palier quand, après la mort de Jésus, ses amis disciples commencent à raconter qu’ils ont vu Jésus, vivant, revenu de la mort. Alors là, c’est vraiment trop dur, trop loin du bon sens. Voici comment ça s’est passé :

Lecture biblique : Jean 20.24-31

24 Or, Thomas, l’un des douze disciples, surnommé « le jumeau », n’était pas avec eux quand Jésus vint. 25 Les autres disciples lui racontèrent : « Nous avons vu le Seigneur. » Mais Thomas répliqua : « Si je ne vois pas la marque des clous dans ses mains, et si je ne mets pas mon doigt à la place des clous et ma main dans son côté, non, je ne croirai pas. »

26 Une semaine plus tard, les disciples de Jésus étaient de nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Alors que les portes étaient fermées à clé, Jésus vient, et debout au milieu d’eux, il dit : « La paix soit avec vous ! » 

27 Puis il s’adresse à Thomas : « Mets ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté. Ne refuse plus de croire, deviens un homme de foi ! » 28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » 29 Jésus reprit : « C’est parce que tu m’as vu que tu as cru ? Heureuses sont les personnes qui n’ont pas vu et qui croient ! »

30 Jésus a accompli encore, devant ses disciples, beaucoup d’autres signes extraordinaires qui ne sont pas racontés dans ce livre. 31 Mais ce qui s’y trouve a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Et en croyant, vous aurez la vie par lui.

La foi inclut l’incertitude

« Je ne crois que ce que je vois ! » : face à l’annonce de la résurrection, le doute de Thomas est légitime, et nous aurions bien tort de le mépriser – d’ailleurs Jésus ne le méprise pas. Il répond à son doute. Bon, il le fait un peu attendre, une semaine,  puis il appuie sur le doute de Thomas en reprenant les mêmes expressions : « Tu voulais mettre ton doigt dans la cicatrice, vas-y mets ton doigt dans la cicatrice ! cesse de douter, et crois ! »

Evidemment, Thomas n’a plus besoin de ces preuves tangibles : il croit ce qu’il voit, et ce qu’il voit, c’est un homme qui rayonne de la puissance et de la majesté de Dieu. Alors Thomas s’incline.

Mais Jésus n’en a pas fini avec lui : « heureux ceux qui ne voient pas et qui croient ! » Ca c’est pour nous ! Nous qui n’avons pas vu Jésus ressuscité, dont la foi s’appuie sur les témoignages relayés dans les évangiles.

Tout voir n’est pas nécessaire pour croire. Et Jean en profite pour faire un commentaire sur son projet de livre : il n’a pas tout dit, dans son évangile. Nous ne saurons pas tout (et c’est frustrant, à une époque où l’hyper-information nous donne l’impression qu’on peut tout savoir). Comme les autres évangélistes, Jean a sélectionné quelques événements, quelques discours, quelques rencontres, suffisamment représentatifs de celui qu’était Jésus pour que nous nous fassions une idée et que nous choisissions de croire (ou pas).

Tout voir, et tout savoir, ne sont pas nécessaires pour croire. Nous avons juste besoin de comprendre qui est Jésus : Fils de Dieu devenu homme, venu parmi nous pour nous offrir le salut et la vie, dans la présence de Dieu. Les évangiles vont pousser plus loin bien sûr, et nous apprendrons, mais l’essentiel est là, en Christ.

Le salut vient par la foi, par la confiance en l’œuvre de Dieu par Jésus et l’Esprit saint, et pas par les œuvres. Ni par le savoir… Ni par le fait de tout comprendre… Quand nous ne savons pas répondre à certaines questions, quand des situations nous perturbent, quand des silences bibliques nous interrogent – je mets tout ce qui nous échappe dans le même sac, même si on peut le vivre très différemment – c’est normal ! Ca ne veut pas dire que nous n’avons plus la foi ! Simplement, nous sommes là sur des terrains où Dieu ne nous a pas donné de réponse, parce que son projet n’est pas que nous sachions tout de tout partout en tout temps. Son projet n’est pas de nous rendre omniscients, mais que nous vivions dans l’amour et la justice, à sa lumière.

          #1 Faire confiance à Dieu d’abord

L’incertitude n’est pas incompatible avec la foi. Au contraire ! C’est peut-être ce qui nous pousse à faire confiance à Dieu, à Dieu d’abord, à Dieu seul.

Admettons qu’un ami proche vous invite à monter dans sa voiture pour vous emmener « quelque part ». Selon les tempéraments, vous poserez plus ou moins de questions : peut-être la destination, le temps prévu pour le trajet, l’itinéraire choisi ( ?), l’estimation de consommation d’essence pour faire l’aller-retour, la présence d’une station essence ou éventuellement un garage sur la route pour dépanner, et puis, son état personnel l’état du trafic, l’état des autres conducteurs… Vérifierez-vous la pression des pneus et le niveau d’huile ? la réactivité des freins, l’état des airbags ? Ce sont des questions légitimes, mais même le plus méfiant d’entre nous ne posera pas toutes ces questions. Pourquoi ? Parce que c’est votre ami, et vous lui faites confiance.

Dieu nous demande de placer notre certitude en lui, et pas dans notre compréhension de ce qui se passe. C’est lui, l’objet de notre confiance. Et l’évangile de Jean, la Bible même toute entière, nous donne suffisamment d’éléments pour établir que Dieu est digne de confiance. Lui, il sait tout, il comprend tout, il peut tout, il maîtrise tout. A un niveau qui nous dépasse – mais ce n’est pas grave que nous soyons dépassés, parce que lui ne l’est pas.

Ca ne veut pas dire qu’il faille arrêter de se poser des questions ! Bien au contraire ! Dieu nous a créés avec de l’intelligence et de la curiosité : profitons-en ! Nous l’honorons, lorsque nous réfléchissons, que nous débattons, que nous creusons tel sujet. Même lorsque nous lui posons, à lui, nos questions, nous l’honorons, parce que nous utilisons les ressources qu’il nous a données et que nous lui faisons assez confiance pour lui en parler. D’ailleurs, il peut faire la grâce de nous répondre, comme Jésus avec Thomas. Mais, mais, sachons différencier l’essentiel du secondaire, l’essentiel sur lequel nous appuyons notre vie, et le reste, qui est important mais pas forcément nécessaire pour vivre avec Dieu, et qui peut rester sans réponse. Dans les psaumes, par exemple, on trouve beaucoup de questions, et des questions existentielles, mais le psalmiste tient toujours cette certitude que Dieu est qui il est : un Dieu puissant, juste, fidèle.

          #2 Dans nos relations, l’humilité et l’écoute

Accepter de ne pas tout savoir nous pousse donc à centrer notre foi sur Dieu plus que sur notre maîtrise de la situation, même si c’est inconfortable et parfois douloureux. Cette attitude de confiance et d’humilité a un impact sur notre façon d’être en relation avec les autres, et j’aimerais mettre l’accent sur deux types de relations.

1. Dans l’église.

C’est naturel, nous avons tendance à entendre et à retenir ce que nous pensons déjà, à moins que ce soit vraiment très choquant. Mais sinon, on retient ce qui va dans notre sens. Or, puisque nous ne comprenons pas tout, et que nos idées ne sont pas le cadre de référence de la vérité pure et universelle, ça peut valoir le coup d’essayer d’écouter vraiment l’autre, ce qu’il nous dit, ce qu’il comprend – même si c’est différent. C’est vrai au niveau de la communication basique, mais aussi en théologie par exemple. Lire la Bible en communauté, prier, s’encourager, c’est aussi nous mettre à l’écoute les uns des autres et apprendre de ce que l’autre vit avec Dieu.

Et là, une des limites du ministère pastoral, c’est de faire croire que le pasteur sait, parce qu’il a « fait des études » de théologie. Il sait un certain nombre de choses, mais comme tout un chacun, le pasteur en ignore aussi – même à deux, nous ne savons pas tout ! Sans parler des erreurs – nous sommes faillibles ! Et je me le prêche à moi-même, parce que c’est difficile de se retrouver coincé, dans l’erreur, quand c’est notre responsabilité ou notre passion. Mais personne ne sait tout – et personne ne sait rien… On peut toujours débattre et discuter, mais chacun dans l’église peut peser dans le débat, à partir de ce qu’il vit avec Dieu, de ce qu’il comprend dans la Parole : l’église n’est pas faite d’experts, mais de croyants qui apprennent ensemble de Dieu.

2. Dans le témoignage.

Cette humilité concerne aussi notre témoignage : nous ne sommes pas des experts, mais des croyants. Lorsque nos proches nous questionnent, il n’y a pas de honte à admettre que sur certains points nous ne savons pas ou que nous nous posons nous aussi la question ! C’est l’occasion de souligner notre confiance en Dieu, et pas une supériorité spirituelle de notre part. Et puis nos proches n’ont pas forcément envie d’un « je-sais-tout » qui a la recette miracle pour chaque heure et chaque instant. En général, ça sonne faux… car c’est faux !

Lorsque nous témoignons de notre foi, nous pouvons affirmer nos certitudes, avec humilité. Disons ce que nous savons, ce que nous expérimentons, ce que nous espérons – et laissons Dieu agir. Il sait faire naître la foi sur le terrain de l’incertitude…

Conclusion

Nous sommes dans une période qui révèle nos incertitudes. On peut chercher réponse à tout – mais nous n’y arriverons pas. On peut douter alors d’avoir la foi, mais la foi n’est pas l’absolue certitude sur tout. La foi, c’est la confiance en un Dieu fiable, un Dieu qui s’est révélé historiquement au peuple juif puis en Christ, un Dieu qui nous a touchés, personnellement, par son Esprit. Alors n’ayons pas peur de ne pas tout comprendre, de nous poser des questions, d’être déstabilisés : confions-les à Dieu, et surtout, appuyons-nous sur ce que nous savons fermement de lui : Dieu est puissant, il est juste, et il nous aime.

La honte!

Enfant, vous vous êtes sûrement déjà retrouvé dans la situation de ce petit garçon : par défi ou par maladresse, vous avez approché cet objet fragile qui s’est retrouvé par terre, brisé en mille morceaux. L’horreur, quand on voit le vase se casser !… On sait qu’on va se faire gronder, peut-être même punir, et quand on est enfant, c’est presque insurmontable ! Certains pleurent, d’autres accusent le chien, d’autres encore prennent le balai pour cacher les morceaux sous le lit – pas vu, pas pris !

Quand on se sent en faute, on a souvent envie de se cacher, de disparaître dans le sol – après une mauvaise note, quand on n’a pas encore fini le dossier urgent, quand on a dit un bourde ou pas fait ce qu’on aurait dû… C’est la honte ! Et la honte déchaîne toute une série de réactions, comme une spirale : même si on n’accuse plus le chien, au bas mot on baisse les yeux, ou on a recours à des demi-mensonges, on noie le poisson, ou on évite tout simplement ses parents/son chef/ son voisin…

Lorsque nous sommes en tort, par action ou par omission, nous sommes coupables. Il y a comme une dette, objective, qui s’inscrit sur notre ardoise. Et la culpabilité conduit, plus ou moins selon notre culture, à la honte. La honte, c’est cette conscience que la relation a été bousculée par notre culpabilité. La culpabilité est objective, alors que la honte est liée à la relation, au regard que l’autre a sur nous. La honte est liée à la peur de décevoir, la peur de blesser, la peur d’être accusé ou rejeté en bloc…

Culpabilité et honte sont liées, et ce depuis la première transgression, qui nous est relatée dans le livre de la Genèse. Lorsque Dieu crée le monde et l’humanité, il met une limite à la liberté humaine : ne pas manger de tel arbre, sous peine de mourir. Sous l’influence du tentateur, représenté par un serpent, Eve et Adam goûtent au fruit défendu. Ils découvrent alors qu’ils sont nus – et ce qui était innocent devient honteux : ils s’habillent pour cacher leur nudité. Puis Dieu entre en scène…

Lecture biblique : Genèse 3.8-13

8 Le soir, quand souffle la brise, l’homme et la femme entendirent le Seigneur se promener dans le jardin. Ils se cachèrent de lui au milieu des arbres. 

9 Le Seigneur Dieu appela l’homme et lui demanda : « Où es-tu ? » 

10 L’homme répondit : « Je t’ai entendu dans le jardin. J’ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché. »                   

11 « Qui t’a appris que tu étais nu, demanda le Seigneur Dieu ; aurais-tu mangé du fruit de l’arbre que je t’avais défendu de manger ? » 

12 L’homme répliqua : « C’est la femme que tu m’as donnée pour compagne ; c’est elle qui m’a donné ce fruit, et j’en ai mangé. »

13 Le Seigneur Dieu dit alors à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ? » Elle répondit : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé du fruit. »

 

La spirale de la honte

Très vite, Adam & Eve glissent dans la spirale de la honte. Déjà, ils se couvrent, se cachant l’un à l’autre. Même s’ils sont complices dans la faute, la honte les atteint, avec l’impossibilité de rester nus, simplement tels qu’ils sont. Leur regard a changé et quelque chose s’est perdu.

Mais le pire, c’est quand Dieu arrive. Dieu ne vient pas de manière spécialement menaçante, mais il vient avec ce qu’il est : sa puissance, sa sainteté, son autorité. C’est le moment d’assumer les conséquences de ce qui a été commis. Bien souvent, lorsque nous commettons une faute, nous relativisons, nous minimisons la règle transgressée ou l’impact de notre acte… mais quand le chef arrive, toute l’ampleur de ce qu’on a fait nous saute aux yeux à nouveau.

Pour Adam & Eve, se présenter à Dieu est insurmontable, et ils partent se cacher. Evidemment, c’est peine perdue, devant Dieu ! Adam avoue sa peur, mais remarquez le demi-mensonge : « j’ai eu peur, parce que je suis nu. » Il est nu depuis le début ! Pourquoi devrait-il avoir soudain honte devant Dieu ? Quand Dieu l’interroge davantage, Adam accuse la femme, qui à son tour accuse le serpent. Ils contournent la vérité : la relation avec Dieu est brisée.

En réalité, la honte est normale, même bonne et saine : c’est comme l’ombre de la faute qui vient assombrir la relation. Imaginez que quelqu’un grille une priorité en voiture : il vous rentre dedans, et emboutit la moitié de la voiture. Choc de l’accident, retard probable sur votre journée, peut-être blessures, coût de la réparation, temps consacré à gérer l’incident etc. Imaginez que votre chauffard ne montre aucun scrupule : « oui, je vous ai embouti, et alors ? où est le problème ? » Et c’est un inconnu ! Plus la relation est forte, plus l’ombre de la faute est épaisse. Elle entame, et parfois brise, la relation, presque comme une double peine.

 

          L’attitude de Dieu

Mais comment Dieu réagit-il ? On saute souvent au jugement qu’il va prononcer, moins sévère que prévu d’ailleurs. C’est un jugement qui va matérialiser la distance et la rupture entre Dieu et l’homme.

Mais avant le jugement, regardez l’attitude de Dieu. Il sait déjà ce qui s’est passé. Pourtant il vient à la rencontre de ses créatures en faute, il vient leur parler, il leur pose des questions. Il leur tend des perches, comme autant de chances d’avouer, de demander pardon, peut-être d’envisager ensemble des solutions.

Lorsqu’on est en tort, on a l’impression que Dieu se détourne de nous, qu’il se cache, qu’il ne veut plus nous voir, comme s’il nous renvoyait dans notre chambre. Il y a d’autres moments où on peut croire qu’il se cache, dans les épreuves et les crises par exemple – le livre de Job par exemple explore ce qui ressemble à un silence de Dieu. En tout cas, quand on est en faute, on croit que Dieu ne veut plus de nous.

Pourtant, loin de se détourner, Dieu vient à la rencontre d’Adam et Eve, il part à leur recherche. Il ne déborde pas de colère ou de rage, mais il les écoute. Alors qu’il sait !

Il peut arriver que Dieu se cache ou se détourne de nous. Mais cette attitude de Dieu au jardin, après cette faute qui a tout déréglé en déchirant la confiance qu’il y avait entre Dieu et l’homme, cette attitude est révélatrice. Par défaut, Dieu vient à notre recherche.

Et j’en veux pour preuve que cette attitude se manifeste à nouveau à travers Jésus : en Christ, Dieu vient à notre rencontre, qui que nous soyons, quelle que soit notre indignité. Loin de nous renvoyer pour toujours, il est venu se promener dans notre monde. Il nous appelle par notre nom et nous invite à la vérité. Pas pour nous accabler de culpabilité ou pour nous rejeter, mais pour nous relever. Il vient avec grâce et bonté, comme lors de cette soirée fatidique.

Je prenais tout à l’heure l’exemple d’un vase brisé. Quand on casse quelque chose de précieux, quelqu’un doit rembourser. Lorsque nous péchons, nous offensons Dieu. Pourtant, il a décidé de payer lui-même la facture, en devenant un homme qui assume nos fautes dans sa mort, comme un grand frère. En Christ, Dieu couvre nos fautes et nos hontes pour réconcilier le monde avec lui-même…

J’aimerais explorer ce que ça implique par rapport à la honte et à nos relations, mais je vous invite à une pause, pour méditer sur cette grâce de Dieu, en Christ, avec un chant : « Devant le trône du Très Haut » JEM 739.

          Application n°1 : ne pas laisser la honte nous séparer de Dieu

Quand nous sommes en tort – et malheureusement ça arrive régulièrement, à moins d’avoir l’illusion que nous sommes irréprochables ! – quand nous sommes en tort, nous avons beau savoir que Dieu est plein de grâce, c’est encore ce vieux réflexe humain de nous cacher de Dieu qui ressurgit. Cette petite voix qui nous dit : « Tu ne peux pas prier parce que tu as fait ça… Tu n’es pas cohérent, donc tu n’es pas digne de prendre la cène… Tu vas aller au culte, tu vas chanter à Dieu des louanges ? mais regarde, tu es complètement décalé… Dieu ne veut pas de toi… » Et nous imaginons un Dieu déçu, en colère, un Dieu terrifiant. Et nous nous coupons encore plus de lui…

Lorsque nous sommes en tort, c’est normal et sain d’avoir honte. Ce qui me désole, dans ma propre vie et dans celle des autres, c’est que cette honte prenne le pas sur la grâce de Dieu. Qu’elle nous écrase, et nous sépare encore plus de Dieu. Oui, notre réflexe c’est de nous cacher, parce que nous sentons que nous avons offensé Dieu. Mais qui tire bénéfice de cette honte quand elle nous paralyse ? Pas nous… pas Dieu… l’Ennemi, oui, lui qui tente par tous les moyens de nous séparer de Dieu : il utilise nos fautes mais aussi notre honte, avec des accusations qui recouvrent la voix de Dieu.

Mais ce n’est que la moitié de la vérité… car en face de notre offense, il y a la croix. En face de notre honte, il y a la main tendue de Dieu, la main du Christ sur laquelle notre nom est inscrit avec amour.

Dans la Bible, Dieu nous invite régulièrement non pas à nous cacher, mais à revenir à lui, à répondre à ses appels, pour reconstruire. C’est la repentance : le fait de reconnaître nos torts devant Dieu, de reconnaître leur impact sur notre vie et notre relation avec lui, mais pour aller plus loin… pour reconstruire ensemble. Parce que Dieu est un Dieu qui reconstruit.

kintsugi 2

Au Japon existe l’art du kintsugi : c’est l’art de réparer les vases avec du fil d’or. On vend même des vases déjà brisés comme matière première ! Dieu est un maître en kintsugi : que le vase soit une chose, un événement, ou nous-mêmes, Dieu répare avec du fil d’or ce que nous avons cassé. Ce ne sera pas comme avant, mais la vie est possible.

Que notre faute soit derrière nous ou que nous soyons encore dans l’engrenage du péché, Dieu nous invite à nous tourner vers lui. A venir à lui en vérité, pour demander son pardon et son aide. Pour retrouver la joie de sa présence et nous remettre debout…

          Application n°2 : ne pas laisser la honte briser nos relations

Nous péchons aussi les uns contre les autres. Comment la grâce que nous expérimentons auprès de Dieu peut-elle transformer nos relations humaines ?

1/ Quand nous péchons, à quel point la honte nous paralyse-t-elle ? Je trouve la grâce de Dieu tellement libératrice ! Là où la honte remet tout en question, donne l’impression que tout est fichu, et pousse à la fuite, au mensonge, à l’accusation, la grâce de Dieu me rappelle que ma faute n’est pas plus grande que son pardon. Que mon péché n’est pas plus grand que son amour. Et, peu à peu, ça joue sur ma façon de gérer la faute : si Dieu me pardonne, qui m’accusera ? Si Dieu m’accueille, qui me rejettera ?

Prendre position face à la honte, ce n’est pas minimiser la faute, c’est refuser qu’elle ait le dernier mot. C’est demander pardon en sachant que notre vie ni votre valeur ne sont en jeu, et participer à la reconstruction. La grâce de Dieu nous apprend qu’il y a toujours un avenir, même quand tout semble bouché, et que c’est dommage, que c’est gâché, de nous laisser enfermer dans la honte.

2/ De l’autre côté, quand c’est l’autre qui est en tort, quel exemple de grâce offrons-nous ? Si nous sommes offensés ou blessés, est-ce que nous renvoyons l’autre dans un coin ? nous le rayons de la carte ?  Donnant l’impression que tout est fichu ?

C’est la question du pardon… Et Jésus nous invite à l’imiter lui, pas un Dieu imaginaire rempli d’indignation ! Lui, le Dieu qui vient à notre rencontre pour reconstruire avec nous…

Je pense en particulier à l’exemple que nous donnons aux plus jeunes dans nos familles, parce que c’est dans l’enfance que s’enracinent des fonctionnements de fond. Devant l’erreur ou la faute de nos enfants, petits-enfants, neveux, etc. est-ce que nous donnons l’impression que la culpabilité enfonce et écrase, qu’elle remet tout en question, que la relation est brisée ? Ou est-ce que nous donnons l’exemple d’un amour accueillant, généreux, d’une relation qui n’est pas mise en péril par la faute ? est-ce que nous prenons le temps de nommer et reconnaître les problèmes ET d’envisager des solutions ?

 

Le problème de la honte, c’est qu’elle nous fait croire que la voie est sans issue. Que c’est fini. Or, avec Dieu, il n’y a pas de fatalité. Dieu paie la facture, mais en plus il répare avec du fil d’or ce qui était brisé. Sa grâce, dès la première faute, surpasse notre péché. Quel que soit le vase brisé, rien n’oblige à ce qu’il reste cassé. Dieu reconstruit, Dieu relève ; même du pire péché mortel, il nous fait revenir à la vie… il l’a montré en Christ !