Dieu: une lumière qui donne la vie

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Pour parler de Dieu, la Bible utilise différentes images, et pendant l’Avent, nous avons choisi de nous centrer sur la lumière. Comment l’image de la lumière nous parle-t-elle de Dieu ? Vincent nous rappelait la semaine dernière combien, dans la Bible, la lumière éblouissante illustre la sainteté et la majesté de Dieu. La lumière est aussi ce que Dieu crée en premier, dans le récit de la création :

3 Alors Dieu dit : « Que la lumière paraisse ! » et la lumière parut. 4 Dieu vit que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité. 5 Dieu nomma la lumière jour et l’obscurité nuit. Le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée. (Genèse 1.3-5)

C’est à partir de la lumière que tout le reste découle… Et on le sait : la lumière est essentielle à la vie. A la vie des plantes, et donc de tout le reste de la chaîne alimentaire. Même les créatures de notre monde qui vivent apparemment dans des obscurités abyssales dépendent d’un écosystème qui a besoin de lumière pour fonctionner. De la même façon, Dieu est essentiel à la vie : lui le créateur est source de toute vie.

Mais comment cette conviction de foi nous aide-t-elle à vivre, en particulier lorsque nous sommes confrontés aux « ténèbres », à des situations obscures ou malsaines ? Le roi David, quelques siècles avant Jésus-Christ, a justement mis en chant son cheminement sur cette question, et je vous invite à lire le psaume 36.

Lecture biblique : Ps 36

1 Psaume de David, le serviteur du SEIGNEUR. Chant pris dans le livre du chef de chorale.     

2 Au fond de mon cœur, je me rappelle une phrase de l’homme mauvais.

Dans sa révolte, il dit : « Je ne vois pas pourquoi Dieu me ferait peur. »

3 Cet homme-là est trop content de lui,

il ne peut donc pas reconnaître sa faute ni la détester.                        

4 Tout ce qui sort de sa bouche est mauvais, et il ment.

Faire le bien, cela n’a plus de sens pour lui.

5 Quand il est couché, il prépare ses mauvais coups.

Il suit une route qui n’est pas bonne, il ne rejette pas le mal.   

Dès le départ, David se présente comme le serviteur de Dieu, celui qui s’applique à respecter la volonté de Dieu. Le décalage avec le malfaiteur, l’homme mauvais, non  seulement le choque mais le fait souffrir ! Evidemment, on parle ici du méchant… méchant ! Pas de nos petites transgressions ponctuelles. David décrit le cas extrême de celui qui a complètement rejeté Dieu et ce qui vient de Dieu. Qui fait l’inverse de la volonté de Dieu – ce n’est pas qu’il s’écarte ou qu’il s’égare : il fait l’inverse !

C’est le cas extrême, et on aurait peut-être du mal, en tant que chrétien, à parler ainsi de quelqu’un, et pourtant… des arrogants, profiteurs, violents, corrompus, égoïstes, humiliants, menteurs, nous en croyons, à différents degrés – ça peut être un collègue, ou pire, un chef ; un voisin qui vous cherche des problèmes ; un concurrent ; un politicien ; parfois même quelqu’un de la famille…

David est choqué par cet homme qui est à l’opposé de ce que lui aimerait vivre – en communion avec le Seigneur, une vie bonne et bienfaisante – et il le craint aussi, parce que même sans avoir soi-même le désir de faire le mal, certaines situations ou même certaines personnes mettent une telle pression qu’on est tenté de rentrer dans leur jeu : de leur obéir pour qu’ils nous laissent tranquilles, ou de se défendre en agissant comme eux. Devant cette pression, David se tourne vers Dieu pour lui demander de l’aide.

6 SEIGNEUR, ton amour va jusqu’au ciel, ta fidélité monte jusqu’aux nuages.

7 Ta justice dépasse les plus hautes montagnes, tes décisions sont profondes comme la mer.

SEIGNEUR, tu sauves les hommes et les bêtes.

8 Ton amour, mon Dieu, est vraiment précieux, les humains s’abritent à l’ombre de tes ailes.

9 Dans ta maison, tu leur donnes une nourriture abondante,

tu les fais boire au fleuve de ta bonté (littéralement : de tes délices “eden”).

10 La source de la vie est en toi, à ta lumière, nous voyons la lumière.

11 Garde ton amour à ceux qui te connaissent, et ta fidélité à ceux qui ont le cœur pur.

12 Que l’orgueilleux n’entre pas chez moi, que les gens mauvais ne me jettent pas dehors !

13 Voilà qu’ils tombent, ceux qui font du mal,

ils sont renversés, ils ne peuvent plus se mettre debout.

David prie que Dieu le garde sur le bon chemin, et qu’il le protège de ces pressions et de ces tentations. Sa prière se termine avec l’assurance que le mal n’aura pas le dernier mot, mais que c’est le bien qui triomphe. Mais entre le portrait du méchant et la prière pour tenir face au méchant, David entre dans une méditation sur la bonté de Dieu qui l’emmène peut-être plus loin que ce qu’il avait imaginé.

La lumière pour tous

Devant le mal et les malfaiteurs, les cas extrêmes, David donc se tourne vers Dieu, et il contemple ses qualités : bonté, fidélité, justice, sagesse. Et les qualités de Dieu sont elles aussi extrêmes : infiniment grandes et profondes. On pourrait imaginer que David s’arrête là, et qu’il s’appuie sur cette justice de Dieu et sur sa fidélité, sur son secours, pour demander protection et soutien face à l’adversité.

Mais David est emporté par la grandeur vertigineuse de la bonté de Dieu : il vient en aide – pas seulement aux croyants ou à ses serviteurs, mais aux humains en général, et même aux animaux. Dieu pourvoit à leurs besoins essentiels, faisant en sorte que chacun puisse boire, manger, être en sécurité. Notre corps qui fonctionne, c’est grâce à lui, notre respiration, le fait de se réveiller le matin pour voir le jour, nos pensées, toutes les opportunités et les joies de la vie. Ce n’est pas automatique ! C’est une grâce qui vient de Dieu, et c’est ce qu’on appelle en théologie la grâce commune : le fait que Dieu maintienne à ceux qui l’ont rejeté un certain nombre de bénédictions. Si Dieu retirait complètement sa vitalité de certains, ceux-ci s’effondreraient, parce que c’est Dieu, la source de la vie – qu’on le reconnaisse ou pas.

David était parti sur le plan moral, le chemin à suivre, mais en regardant Dieu, il voit plus qu’un législateur, il voit le créateur, celui qui soutient la vie de chacun – et même du méchant ! Même le méchant, le révolté, le pire que nous connaissions, même lui dépend de la lumière de Dieu pour vivre – pourquoi ? parce que Dieu l’a créé !

En même temps, la description que David fait de la vie semble dépasser les réalités biologiques de notre quotidien – il évoque la joie, le délice (en utilisant même le mot Eden – le torrent des Eden, le torrent des délices), le bonheur exaltant de puiser à la source divine. C’est la joie de celui qui reconnaît d’où viennent ces bénédictions du quotidien, et qui se nourrit de l’amour de Dieu qui est derrière. Pour être dans la plénitude, la vie, c’est la vie dans la communion avec Dieu, le Créateur, le Sauveur, à la bonté et à la sagesse infinies.

          La vie et la Vie 

          C’est normal que David lie les deux, la vie et la Vie – parce que Dieu nous a créés pour une relation avec lui marquée par la bonté, la justice, l’abondance et l’amour. Il ne nous a pas inventés pour décorer le monde, mais pour habiter avec lui ce monde. Pour échanger avec lui, pour nous réjouir de sa présence et le réjouir de notre présence. C’est ça l’amour, non ? quand on se réjouit d’être avec l’autre.

Si Dieu nous a donné le souffle, c’est pour lui parler, pour parler ensemble avec lui. Des mains pour travailler, avec lui, pour le célébrer. Des yeux pour voir et surtout s’émerveiller.

Mais au commencement de l’Histoire, l’être humain s’est détourné de Dieu en imaginant qu’il était lui-même le Maître de sa vie, comme s’il était sa propre source – c’est malheureusement un mouvement qui est imprimé en nous, plus profondément que notre ADN, et qui se répète en chacun, à chaque génération – c’est ce qu’on appelle le péché originel. Si Dieu était normal, il aurait tout arrêté, fermé les vannes, coupé l’eau. Mais Dieu n’est pas « normal » : sa bonté et sa fidélité dépassent même les plus hautes montagnes, elles sont plus larges que les galaxies, plus fines que les atomes. Et dans sa bonté « anormale », disons-le, Dieu a maintenu un certain degré de vie dans le monde. Une grande part de ce que nous vivons est douloureux et déformé, mais malgré ce que nous voyons, ce n’est pas le pire du pire, car Dieu a maintenu sa lumière et sa vie.

Alors, pourquoi l’a-t-il fait ? Pour donner à notre monde une seconde chance. Pour nous donner, à chacun, l’opportunité de venir à lui et de goûter pleinement à l’abondance de son amour. La vie que nous partageons dans la grâce commune, c’est comme un échantillon, qui en dit long sur la qualité du produit ! Et ces échantillons sont à la fois une promesse et une invitation. Parce que notre vocation, à tous, c’est de vivre dans la présence de Dieu, de boire à sa source, et de marcher à sa lumière.

La Vie reste cependant difficilement accessible, pour le révolté comme pour le croyant. Comment rejoindre ce Dieu infini, si pur, si bon, éblouissant ? Et c’est là que la bonté de Dieu devient plus anormale encore : c’est lui qui nous rejoint. C’est lui, la lumière, qui vient briller dans nos ténèbres, qui vient nous appeler, nous inviter, nous délivrer, pour que nous puissions vivre avec lui. C’est le mouvement de Noël : le Dieu très loin, très haut, qui se fait homme, en Jésus, pour percer nos ténèbres et nous ramener dans sa lumière. En Christ, la bonté de Dieu envers nous atteint des sommets vertigineux, et des profondeurs plus abyssales que les plus épaisses ténèbres.

          Louange… et discernement

Comme pour David, contempler la bonté extraordinaire d’un Dieu si juste et si sage, nous conduit à la louange. La reconnaissance fait partie des incontournables de la vie chrétienne : reconnaître que Dieu est présent et à l’œuvre, et s’en réjouir ! Parce que Dieu ne fait rien, mal, et rien de mal ! Lorsque nous souffrons, c’est plutôt que nous désirons plus d’action de Dieu, qu’elle nous manque, que nous nous sentons livrés à nous-mêmes ou confrontés aux conséquences des révoltes de ce monde. Donc une saine discipline, c’est d’apprendre à voir – et à s’émerveiller de – l’action de Dieu dans notre vie. Alors nous verrons que nous ne sommes jamais totalement démunis de sa lumière et de sa bonté.

Cette attitude vaut pour notre vie personnelle, mais aussi pour notre entourage : qu’ils soient bêtes ou méchants, rappelons-nous que Dieu vient au secours de l’homme et de la bête ! Apprenons à célébrer les étincelles de lumière chez ceux qui nous entourent… A reconnaître les traces que laisse Dieu dans leur vie.

La fin du psaume nous interdit cependant d’être naïfs : si nous ne voyons pas tout en noir et blanc, les méchants et les gentils, ne voyons pas tout en rose pour autant ! Il ne s’agit pas de tout relativiser, de dire que tout se vaut, que tous les chemins vont au même endroit… Un chemin, celui qui est connecté à la source, un seul chemin baigne dans sa lumière. David sait très bien qu’une fois qu’on a goûté à la présence pleine de Dieu, le mal est une aberration, qu’il soit mesquin ou abominable. Que ce soit en nous ou chez les autres, nous pouvons voir à la fois les étincelles de lumière ET les ombres qui demeurent… pour en nourrir notre prière. Prière de louange, prière d’intercession, pour que nous nous rapprochions de plus en plus de la source de la lumière.

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