Voir la prédication en vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=YEYNj5dT2hA
Notre vie a besoin de beauté. Sans parler de la « belle vie » qui est surtout une vie facile, nous avons besoin de beauté dans notre quotidien. Au-delà du corps ou des décorations, la beauté en général, accessible aux cinq sens, ne peut pas si facilement être qualifiée de « non-essentielle ». Les débats autour de la culture en temps de confinement ont rappelé que si l’art et la beauté ne sont pas nécessaires pour survivre physiquement, ils font partie intégrante de la vie humaine vécue dans sa richesse.
Un film de science-fiction, Equilibrium (2002), touche un peu à cette question. Dans une société utopique, on part du présupposé que les émotions humaines sont à l’origine des plus grands scandales : violence, guerre, corruption etc., et que si l’on arrivait à éliminer l’orgueil, le désir, la jalousie, la peur, la colère etc. il n’y aurait plus de problème dans l’humanité. Une pilule vient donc effacer chaque jour les émotions humaines – les mauvaises et aussi les bonnes, malheureusement. Le film n’est pas extraordinaire mais comme toutes les utopies, il fait réfléchir. Ce qui m’a interpellée, en tout cas, c’est que dans ce film, tout est gris. Murs, meubles, vêtements… Même les vitres sont recouvertes d’un film pour qu’on ne puisse pas voir au dehors les couleurs de l’extérieur. Parce que la nature, dans sa beauté, éveille en nous des émotions : le moindre promeneur du dimanche vous le dira…
La lumière que Dieu a créée et qui le caractérise si bien, est une lumière qui révèle la beauté avec ses différentes nuances et couleurs : la nuit, tous les chats sont gris, n’est-ce pas ? Mais plus qu’un simple projecteur/révélateur, la lumière en elle-même est belle, douce le soir ou ardente le midi, apaisante ou vivifiante, multicolore quand l’eau la difracte.
La beauté – de la lumière ou de ce qu’elle éclaire – suscite la joie, le contentement, et l’admiration ou l’adoration, quand elle nous tourne vers les œuvres que Dieu a faites. C’est donc tout naturel que les croyants de la Bible aient chanté Dieu pour la beauté de ses oeuvres, dans la création. Et je vous invite à lire le Psaume 8, qui médite sur la beauté du Créateur.
Lecture Psaume 8
1 Psaume de David, pris dans le livre du chef de chorale. Avec la harpe de Gath.
2 SEIGNEUR notre Maître, ton nom est magnifique sur toute la terre !
Ta beauté dépasse la beauté du ciel.
3 Par la bouche des enfants, des tout-petits, tu affirmes ta puissance devant tes ennemis.
Ainsi, tu fais taire tes adversaires qui sans cesse luttent contre toi.
4 Je regarde le ciel que tes mains ont fait, la lune et les étoiles que tu as fixées.
5 Et je me demande : Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ?
Qu’est-ce qu’un être humain pour que tu prennes soin de lui ?
6 Pourtant, tu l’as fait presque l’égal des anges, tu l’as couronné de gloire et d’honneur.
7 Tu lui donnes pouvoir sur tout ce que tu as fait, tu as tout mis à ses pieds :
8 moutons, chèvres et bœufs, tous ensemble, même les bêtes sauvages,
9 les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, et tout ce qui passe sur les routes des mers.
10 SEIGNEUR notre Maître, ton nom est magnifique sur toute la terre !
La beauté du Créateur
Le psaume 8 est une méditation chantée, sur la harpe, qui célèbre directement Dieu pour sa beauté et sa majesté. Impressionné par la voûte céleste, avec la lune et les étoiles, David prend conscience que celui qui a créé tant de beauté est lui-même encore plus beau, plus majestueux, plus admirable !
La beauté dans le monde nous dévoile que son Créateur n’est pas seulement puissant et sage pour produire et ordonner, mais qu’il a de la sensibilité, des émotions, du plaisir… . Il n’est pas impersonnel ! Et le récit de la création au début de la Bible (Genèse 1.1-2.3) laisse bien entendre que Dieu se réjouit du monde qu’il a créé : « Dieu vit que cela était bon »…
Ses créatures ne sont pas non plus impersonnelles, interchangeables : l’abondance des espèces, des formes, des couleurs, témoigne des infinies nuances dans la créativité de Dieu. Cette diversité harmonieuse, pleine d’innovation (puisque tout est unique), témoigne de sa vitalité débordante, joyeuse et exubérante : Dieu n’est pas gris, il est flamboyant !
La place de l’être humain
Quand on s’arrête 5 minutes pour contempler un paysage grandiose ou simplement prendre conscience de la complexité du vivant, comme David on se sent… tout-petit ! minuscule. L’être humain est si peu de chose… Un regard vers l’extérieur devrait suffire à percer la bulle d’auto-suffisance qui nous donne l’impression d’être le centre du monde, et à nous tourner vers le Créateur avec admiration et humilité.
Pourtant, en notre for intérieur, nous sentons bien que malgré notre petitesse dans ce monde, nous sommes appelés, nous humains, à de grandes choses – à une existence pleine de sens, à des actes riches d’impact, à une vie qui dépasse la survie. La nature ne l’explique pas, mais les textes inspirés, oui ! David s’inspire presque mot pour mot du récit de création au début de la Genèse pour décrire le paradoxe de l’existence humaine, créature comme les autres mais « image » de Dieu avec une responsabilité particulière dans le monde :
Genèse 1.26 : Dieu dit enfin : « Faisons l’être humain ; qu’il soit comme une image de nous, une image vraiment ressemblante ! Qu’il soit maître des poissons dans la mer, des oiseaux dans les cieux et sur la terre, des gros animaux et des petites bêtes qui vont et viennent au ras du sol ! »
Malgré sa fragilité et son humilité, l’être humain est précieux aux yeux de Dieu, et c’est ce mystère qui occupe finalement la majorité du chant de David.
D’une part, il est invité à une relation avec Dieu toute personnelle – à peine évoquée ici, cette relation dépasse la complicité d’un homme avec sa femme, ou l’affection d’un père envers son enfant. Dieu crée l’être humain pour vivre avec lui, dans une relation d’amour réciproque l’être humain ne mérite pas mais qu’il reçoit comme un cadeau.
D’autre part, l’être humain créé en image de Dieu reçoit une vocation particulière : une autorité sur le monde qui l’entoure. Pour Dieu, l’être humain n’est pas qu’une créature parmi les autres : Dieu lui délègue son autorité et la responsabilité de gérer ce que Dieu a créé. On le sait, l’humanité, malgré sa fragilité, a une influence sur le reste de la planète sans égale. Cette grande autorité avait évidemment pour but de développer et protéger la création, avec respect pour le Créateur et les créatures, et non pas de la défigurer, ce qui arrive bien trop souvent quand l’être humain se détourne du Créateur. Mais les excès et les travers de l’orgueil humain n’effacent pas la dignité que Dieu nous accorde.
La générosité de Dieu
L’abondance de la création, comme le statut inattendu de l’être humain, soulignent la générosité du Créateur. Au-delà de l’utile et du fonctionnel, Dieu ajoute du beau qui lui-même rajoute du bon… c’est comme un repas bien présenté qui paraîtra plus savoureux (expérience à l’appui). Avec le même contenu, un chant mélodieux ou un poème avec du rythme des images ou des rimes touchent davantage qu’un simple discours. D’ailleurs, les textes bibliques sont souvent composés avec un effort littéraire ou sur une musique, comme ici, pour toucher davantage celui qui se met à l’écoute de Dieu.
La beauté de ce que Dieu fait est un signe de sa grâce : il est grâcieux, au sens propre ! Il nous invite au partage, au partage d’expériences, d’émotions. A la communion ! Et la beauté en est un signe, car la beauté nous rejoint et nous réjouit. Par le beau, Dieu partage simplement sa joie avec nous… Et c’est cela son but, inlassablement, de la Genèse à l’Apocalypse, de la création à la nouvelle création : partager sa joie avec nous.
Se nourrir de beauté n’est donc pas une discipline spirituelle inutile, que ce soit avec la nature ou avec l’art : au-delà du nécessaire, le beau nous réconforte, nous émerveille, nous fait rêver… et nous rappelle sans cesse notre Dieu si généreux. Cultiver le beau enrichit aussi notre quotidien : un simple sourire, une carte d’encouragement, un cadeau bien présenté (c’est la période) témoignent de l’affection et de la solidarité au-delà des mots. Dans une société obsédée par la productivité et l’efficacité, ou tentée d’utiliser la beauté simplement pour mieux vendre, la beauté gratuite est un signe de grâce…
Pour plus de beauté : l’humilité
Il y a encore une particularité de la beauté en Dieu et qui vient de Dieu, une caractéristique étonnante chez un Dieu si puissant : la place qu’il fait aux petits (verset 3). Malgré sa puissance et sa grandeur, Dieu ne méprise pas la fragilité. Au contraire ! Il apprécie chacun, du plus petit au plus grand (qui reste petit devant lui…).
Non seulement il leur accorde la dignité de son amour, mais en plus, son goût, à lui, c’est de faire briller sa lumière par les petits, les fragiles, les humbles. Comme s’ils laissaient mieux passer sa gloire et sa magnificence que les forts et les puissants de ce monde, trop tentés de ramener les projecteurs sur eux-mêmes. Dieu aime briller par ceux qui se savent pauvres et humbles (Mt 5.3), par une simple jeune femme comme Marie, par un enfant – quel encouragement pour nous ! Là où nous nous voyons « tout-petit », sans mérite ou vide, Dieu voit un chef-d’œuvre en perspective… pour nous et pour les autres ! Pour laisser briller la beauté de Dieu en nous, il ne s’agit pas de nous refermer sur nous-mêmes par honte ou par complexe… mais pas non plus de nous gonfler d’un orgueil prétentieux qui ne peut que déformer notre perspective… Avec humilité, et reconnaissance, laissons le regard de Dieu nous éduquer à reconnaître sa beauté.
Nous sommes si précieux aux yeux de Dieu qu’il a envoyé son fils dans notre monde. Créateur des étoiles, Dieu n’a pas hésité à devenir un nourrisson langé dans une mangeoire, pour nous rejoindre au cœur de notre fragilité. Il est allé encore plus loin : lui le Glorieux, l’Eblouissant, le Vivifiant, il s’est laissé mépriser par ceux qui l’entouraient, écraser par leur violence, défigurer par leurs coups. Il a accepté de mourir, pénétrant toute la laideur et le scandale de ces ténèbres, pour y frayer un chemin de lumière et de vie, auxquels il nous invite par la foi. La beauté du Christ, sa gloire, sa fierté, ce fut de se rendre rien pour nous donner tout – par amour. C’est d’assumer notre laideur et nos ténèbres pour nous faire renaître à la beauté de la vie avec lui. C’est pourquoi, ressuscité et régnant auprès du Père, il est aujourd’hui couronné de gloire et de magnificence (Philippiens 2.6-11, Hébreux 2.5-10).
Alors, ces jours-ci comme à chaque instant, laissons-nous émerveiller par la beauté du Dieu créateur, une beauté dont la générosité et la grâce se révèlent pleinement en Christ, notre sauveur et notre seigneur. Que la belle nouvelle de son amour nous réjouisse, dans la joie du Seigneur !