https://soundcloud.com/eel-toulouse/la-fatigue-de-dieu
Avant de lire le texte, précisons quelques éléments de contexte. Nous sommes au Ve siècle avant Jésus-Christ. Plusieurs décennies après le retour de l’Exil, les promesses de Dieu ne semblent pas vouloir s’accomplir. Zorobabel, en qui reposait tout l’espoir, est mort. La dynastie royale issue de David n’a pas été rétablie. Le temple a bien été reconstruit mais la routine s’y est déjà installée… Bref, on est loin de la gloire annoncée par les prophètes de l’Exil ! Le peuple de Juda est désabusé… et Dieu est tenu pour responsable.
Le texte que nous allons lire est révélateur de ce contexte. Et Dieu y répond aux accusations qui sont faites à son égard en annonçant qu’il va envoyer un messager pour préparer son chemin et qu’il viendra pour exercer un jugement. Un discours que nous entendrons dans les évangiles, à travers le personnage de Jean-Baptiste, identifié dans le Nouveau Testament au messager de Malachie. Ce texte est donc bien un texte de l’Avent ! Et le jugement qu’il annonce pourrait bien être éclairé d’une lumière nouvelle avec Jésus-Christ.
Lecture biblique : Malachie 2.17-3-5
La Bible utilise souvent des anthropomorphismes pour parler de Dieu : on projette sur Dieu des attitudes humaines. Il faut bien parler de ce qu’on connaît… tout en étant conscient que c’est toujours une façon imparfaite d’évoquer Dieu, bien que parlante.
Il y a deux semaines, nous avons médité le Psaume 2 dans lequel Dieu riait de l’agitation des peuples contre lui, des attaques vaines qui ne l’atteignent pas. Ici, Dieu est fatigué par les discours de son peuple. L’image du Dieu moqueur parlait d’un Dieu qui ne peut pas être atteint par les moqueries des hommes. L’image, ici, du Dieu exaspéré montre qu’il est touché par les paroles et le attitudes de son peuple.
1. Fatigué…
« Vous fatiguez le Seigneur avec vos discours ! » Quelle force dans cette affirmation ! Elle dit que la patience de Dieu est à bout.
Vous savez, comme quand des parents n’en peuvent plus que leur enfant fasse toujours les mêmes bêtises : « tu me fatigues ! ». Ou quand quelqu’un vient toujours se plaindre à vous de la même chose : « tu me fatigues ! ».
Ou même quand Jésus en a assez de l’incrédulité de ses disciples qui ne comprennent jamais rien à rien : « Gens de peu de foi. Jusqu’à quand vous supporterais-je ? » (Matthieu 17.17 par exemple). Une autre façon de le dire n’aurait-elle pas été : « Vous me fatiguez ! » ?
Franchement, vous ne croyez pas que le Seigneur pourrait nous dire la même chose parfois ? « Tu me fatigues ! » Face à l’écart entre nos paroles et nos actes, face à nos plaintes et nos récriminations… « Tu me fatigues ! »
Si on revient à notre texte, Malachie évoque ce qui fatigue le Seigneur. Son peuple se plaint de la non-intervention de Dieu, qu’il n’accomplit pas ses promesses, pire, qu’il approuve ceux qui font le mal puisqu’il ne les juge pas ! Ça le fatigue, d’abord parce que ce n’est pas vrai et ensuite parce que ceux qui tiennent ces propos ne sont sans doute pas meilleurs que ceux qu’ils désignent comme des méchants que Dieu ne punit pas. Vous savez, c’est l’histoire de la paille et la poutre…
Voyez le verset 5 où Dieu dit aux Israélites : « Je viendrai au milieu de vous pour vous juger. » ! Vous voulez que je juge le méchant ? Mais alors vous aussi vous serez jugés… et vous avez bien des choses à vous reprocher. La liste qui suit le montre bien. Notez bien d’ailleurs qu’à part le premier reproche qui est de nature religieuse, la sorcellerie, les autres sont plutôt de nature sociale : adultères, faux serments, oppression des ouvriers, des veuves et des orphelins, des étrangers. On n’est pas au temple, là, mais dans la vie quotidienne.
Cette liste montre bien d’ailleurs qu’il y a une incohérence du peuple à accepter ces pratiques en son sein tout en reprochant à Dieu de ne pas accomplir ses promesses ! « C’est un scandale, Dieu n’accomplit pas ses promesses… » mais dans notre quotidien, on tolère ce que Dieu dénonce ouvertement. « Je ne comprends pas, Dieu ne répond pas à ma prière… » mais je fais un peu n’importe quoi de ma vie. Ca ne vous paraît pas incohérent ? Voilà pourquoi Dieu est fatigué par de tels discours…
En fait, en un mot, je crois que Dieu est fatigué par notre incohérence. Et je crois d’ailleurs aussi que cette incohérence est source de fatigue pour nous. Un des enjeux majeures de la vie chrétienne, c’est la cohérence : entre nos paroles et nos actes, entre ce que nous croyons et ce que nous faisons, entre le dimanche et le reste de la semaine, entre l’Église, la famille et le travail… L’incohérence crée un malaise devant Dieu, devant les autres, en nous-mêmes. La cohérence crée l’harmonie et la paix intérieure, le repos plutôt que la fatigue.
2. Retrouver le repos
Mais revenons à la « fatigue » de Dieu. Si le Seigneur est fatigué, c’est bien parce qu’il est touché par ce que nous disons et faisons. Il ne serait pas fatigué s’il s’en fichait, s’il ne se souciait pas de nous. C’est bien dans cette optique qu’il faut comprendre la perspective de jugement présente dans ce texte.
En réponse à sa « fatigue », Dieu annonce donc un jugement purificateur : comme le feu du fondeur et la lessive du blanchisseur. L’objectif, c’est de retrouver une pratique cultuelle agréable à Dieu : « Ainsi, les offrandes des gens de Jérusalem et des autres habitants de Juda plairont au SEIGNEUR, comme autrefois, dans le passé. » (v.4). On pourrait dire qu’alors, le Seigneur ne sera plus fatigué par son peuple !
Dans une perspective messianique, il y a bien-sûr un écho à ce jugement dans le ministère de Jésus. On pourrait même parler d’un double écho, l’un conforme à ce que Jean-Baptiste attendait et annonçait, l’autre plus surprenant.
En ce qui concerne l’écho conforme au jugement imminent que Jean annonçait, on peut penser à la colère de Jésus dans le temple, quand il renverse les tables des marchands et dénonce le commerce qui a transformé la maison de prière que devait être le temple en repaire de voleurs. Il y a dans ce coup de force de Jésus un accent prophétique dans la lignée de Malachie ou des autres prophètes de l’Ancien Testament, ou dans la lignée de Jean-Baptiste.
Mais après cette colère, Jésus ne va pas plus loin dans son coup de force. Il n’invite pas à la révolution ou la révolte. Il annonce certes la destruction du temple mais aussi sa reconstruction, en trois jours. Et c’est là que cela devient surprenant. Car il ne parle pas d’un temple fait de pierres mais du temple de son corps (Jean 2.19-21). Le culte pleinement rétabli le sera sans temple, ou plutôt à travers un autre temple, spirituel. Comme Jésus le disait à la femme Samaritaine qui lui demandait où il convenait d’adorer Dieu :
« L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. »
(Jean 4.23-24)
Alors, il n’y a plus de jugement ? Si, mais il est tombé sur Jésus, à notre place ! Une perspective que ni Jean-Baptiste ni Malachie n’avaient sans doute imaginée. Une perspective qui est devenue possible le jour de Noël, où le Fils de Dieu s’est fait homme. Jésus-Christ est notre paix, il est notre repos.
L’objectif de Dieu est toujours la restauration de la relation brisée. C’est vrai depuis la Genèse et c’est constamment rappelé par les prophètes. Le cœur de notre foi, en Jésus-Christ, c’est cette relation retrouvée avec Dieu. La mort et la résurrection de Jésus-Christ l’a rendue possible. Mais est-ce que nous en profitons vraiment ? Nous qui, si souvent, trouvons peu de temps pour prier et lire la Bible, nous qui ne mettons pas toujours les préoccupation spirituelles en priorité dans notre vie… Il ne s’agit pas de se culpabiliser mais de prendre à nouveau conscience du privilège que nous avons en Jésus-Christ. Et cela va bien au-delà d’un temple de pierre où l’on offre des sacrifices agréés par Dieu. Nous sommes aujourd’hui en communion directe avec Dieu, en Jésus-Christ et grâce à l’action en nous du Saint-Esprit !
Conclusion
En réalité, si Dieu se dit fatigué, c’est pour nous réveiller ! Il faut dire que nous sommes doués pour mettre à l’épreuve sa patience…
Les messagers qui préparent la voie du Seigneur, comme Malachie ou Jean-Baptiste, sont là pour mettre le doigt sur nos incohérences, pour que nous puissions vivre pleinement une relation restaurée avec Dieu.
Et le temps de l’Avent, où nous nous préparons à accueillir le Christ, est particulièrement propice à cette démarche. C’est le moment où nous nous souvenons que Dieu lui-même a pris l’initiative de la réconciliation, en devenant l’un des nôtres. Son œuvre en Jésus-Christ, sa mort et sa résurrection, nous offre le vrai repos, celui de la paix avec Dieu.
Plus de fatigue, ni pour nous, ni pour Dieu ! Mais le repos d’une communion retrouvée, d’une relation toujours à approfondir. Voilà la bonne nouvelle du salut en Jésus-Christ !
Ah, qu’il est bon de se reposer en Christ, dans Sa Grâce et Son Amour infini.
Ne soyons pas fatigués de Ses silences (on ne l’écoute pas ; moi le premier !), ni de travailler pour l’avancement de Son Règne, dans la moisson (pas faire n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment, non plus).
N.B. : entendre Sa Voix ne veut pas dire l’ECOUTER (ndlr).
Bises à tous, en Christ.
André