L’amour fou de Dieu (I): Quand Dieu est à bout

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Lecture biblique: Osée 1 – 2.3

Pour ce mois de juillet, comme c’est un peu la tradition, je vous propose une série de prédications sur un livre biblique. J’ai choisi le livre du prophète Osée, avec 4 morceaux choisis qui conduiront nos méditations de l’été. Le prophète Osée est un « petit » prophète juif, petit par rapport aux grands prophètes que sont Esaïe, Jérémie & Ezechiel. Il a vécu au 8e siècle avant Jésus-Christ, en Israël, et comme beaucoup de prophètes, a eu un message difficile à annoncer.

Pour le comprendre, il faut remonter dans le temps. Depuis deux siècles, le peuple a beaucoup changé. David, grand roi d’Israël, roi conquérant, roi pieux, a laissé la place à son fils Salomon, roi pacifique, renommé pour sa sagesse et son succès. Le fils de Salomon, pour des raisons politiques, se met à dos une grande partie de la population, c.-à-d. 10 tribus sur les 12 qui composent le peuple. Ces dix tribus choisissent de se séparer du roi, et constituent le royaume du nord, avec pour capitale Samarie, tandis que les tribus de Juda et benjamin restent autour de Jérusalem. A partir de là, on a deux fils parallèles, deux peuples au lieu d’un. De chaque côté, intrigues politiques, injustice, corruption, syncrétisme avec d’autres croyances, des croyances en des dieux étrangers. Mais… le royaume du Nord est dans un état bien pire que celui du sud, au niveau moral, spirituel, social… C’est la catastrophe. Dieu n’est plus au centre, mais on se demande même si le peuple se souvient encore de son Dieu.

Quand Osée intervient, le royaume du nord vit une période de prospérité, d’abondance, de paix apparente… Seulement, les dirigeants en profitent pour se livrer à l’injustice, à l’égoïsme, à l’orgueil, à toutes les pratiques possibles et imaginables, pensant que rien ne peut leur arriver. Osée intervient pour leur rappeler que Dieu n’en a pas fini avec eux et qu’il les tient responsables de leurs actes et de leur immoralité.

Osée, c’est le livre de la passion de Dieu, le livre qui raconte son amour fou, passionné, pour son peuple, un amour qui l’engage dans tout ce qu’il est. Dans ce livre, Dieu crie la trahison de son peuple, sa déception, sa colère, et son amour, encore et toujours son amour, certes bafoué, certes blessé, mais toujours vivant. Pour parler de l’amour passionné de Dieu, Osée a recours à deux images : le mariage, cet amour qui unit un homme et une femme responsables dans une alliance mutuelle marquée par l’intimité et la fidélité, et la relation entre un père et ses enfants. Dans notre passage, on retrouve un peu les deux, mélangées. Le peuple a trahi de Dieu, comme une épouse trahit son mari en allant à droite et à gauche. Il a renié Dieu, comme un enfant renie l’autorité de son père et change de nom. On est blessé par ceux qu’on aime le plus : nos enfants, nos conjoints, nos proches… Dieu aime tellement son peuple que la trahison le frappe et le fait hurler – par la voix des prophètes.

Certains pensent qu’Osée a vraiment dû épouser une prostituée, mais il est plus probable qu’Osée ait plutôt fait un mime prophétique. Il a mimé ce que Dieu lui a demandé. Il est allé chercher une prostituée, et devant le peuple, a fait comme s’il l’épousait. Il a pris des enfants et a fait comme si ces enfants venaient de lui, pour en faire des paraboles vivantes, aux noms évocateurs : Mal-Aimée, Pas-mon-peuple…

1)   Le point de rupture

On a du mal à imaginer Dieu à bout… Et pourtant ce texte nous le montre sous un jour nouveau, dur à accepter. Dieu n’en peut plus de ce peuple qui ne cesse de lui tourner le dos pour s’enfuir dans des paradis artificiels, des illusions, des mensonges… Dieu n’en peut plus, et il le dit haut et fort : vous, peuple corrompu, injuste, immoral, je vais arrêter d’avoir compassion de vous, Je ne vais plus vous soutenir dans vos luttes, vos projets,  vous ne serez plus mon peuple et je ne serai plus votre Dieu. Je vais vous faire payer !

Dieu va loin ! il rebrousse chemin jusqu’à Moïse, à qui il s’était révélé en disant : « Mon nom, c’est « je suis » ! Je suis le Dieu de tes ancêtres, je suis le Dieu qui sauve, le Dieu de grâce et de vérité ». Mais maintenant, Dieu ne « sera » plus pour son peuple, il coupe les ponts, ferme les portes, tire un trait : vous n’êtes plus mon peuple. Vous êtes comme les autres peuples, ceux qui ne me connaissent pas, pour moi, vous êtes des étrangers, des inconnus, des païens.

C’est dur, mais malheureusement pour Israël, on ne peut pas dire que ce soit injuste. Quand on lit l’histoire de ce peuple, on voit la trahison s’enraciner dès le début – dès l’idolâtrie du culte au veau d’or alors que Dieu vient juste de se montrer au peuple, jusqu’au massacre de Jizréel où le changement de dynastie s’est fat dans le sang et la cruauté. Le peuple a fait tout ce que Dieu déteste, et Dieu lui demande des comptes.

Mais quand on lit l’histoire de ce peuple, on lit aussi notre histoire, de manière indirecte. On lit la noirceur de notre cœur, l’ambiguïté de nos promesses, la faiblesse et la lâcheté, la convoitise et la corruption. On y lit notre malheur, et le malheur de nos peuples, de nos sociétés, laissant Dieu à l’écart pour succomber aux fausses promesses, aux mensonges et aux illusions.

A la place de Dieu, devant de tels affronts, on tirerait un trait, on recommencerait à zéro peut-être, mais avec d’autres. C’est d’ailleurs souvent ce que l’on fait, entre nous. Combien de familles sont déchirées par le souvenir d’une trahison ? Combien d’amitiés se sont dissoutes ? Combien de couples sont brisés ? Et combien d’églises se déchirent encore, lorsque les uns et les autres invoquent l’affront subi pour couper les ponts ? Il y a toujours de bonnes raisons, des affronts à notre honneur, des confiances trahies, des blessures indélébiles…

Dans le texte, Dieu est arrivé à ce point de rupture, que nous connaissons bien. Certes, comme Dieu est lent à la colère, il a attendu plusieurs siècles avant de l’atteindre, mais il y est, à cet endroit où tout espoir semble perdu, où toute la relation est entachée par l’affront… il est tentant de couper les ponts.

2)    Le triomphe du pardon

Mais voilà que Dieu, alors qu’il vient de commencer son réquisitoire contre Israël, Dieu annonce déjà le pardon ! « Un jour, les gens d’Israël seront aussi nombreux que les grains de sable au bord de la mer. On ne pourra pas les compter. Dieu ne leur dira plus : « Vous n’êtes pas mon peuple. » Au contraire, il les appellera « Fils du Dieu vivant ». 3Dites à vos frères « Mon Peuple », et à vos sœurs « Bien Aimée ». Rebroussant encore chemin, remontant avant Moïse, il arrive à Abraham, à ses promesses : ta descendance sera comme le sable de la mer, comme les étoiles du ciel. Et là Dieu ne se dédie pas, car cette promesse, qui remonte à plus de mille ans, cette promesse il ne peut pas, lui, la trahir.

Alors, du fond de sa rage, du fond de sa colère et de son indignation, remonte la promesse, remontent sa fidélité et sa compassion : « Oui je vais vous punir, mais ensuite, je vous guérirai, je vous remontrerai le chemin, je vous remontrerai combien je vous aime, je vous donnerai un salut encore plus grand, je vous rapprocherai de moi, et vous serez mes fils, mes filles, unis à moi pour toujours, réunis ensemble pour toujours ! » Le pardon de Dieu triomphe de sa juste colère, et Dieu annonce déjà la réconciliation, avec lui et dans le peuple, entre le royaume du sud d’Israël et le royaume du nord, mais même au-delà, entre tous les peuples, entre tous les hommes. D’ailleurs les apôtres Pierre et Paul utilisent ce texte pour parler des chrétiens d’origine non-juive : nous n’étions pas le peuple de Dieu, nous étions des étrangers, mais Dieu nous a aimés, et il a fait de nous ses filles et ses fils.

Dieu a-t-il une personnalité double ? Comment peut-il dire « vous n’êtes plus mon peuple » et l’instant d’après « vous êtes mes fils » ? On touche là au cœur de la prophétie : ce n’est pas une prévision mais un avertissement, avec un message implicite : « ressaisissez-vous ! revenez à Dieu ! il n’est pas trop tard ! même quand vous avez plongé dans le mal et que vous avez touché le fond, vous pouvez crier à Dieu et revenir à lui ! » Dieu s’adresse à des criminels, des impies, des gens sans foi ni loi, et c’est à eux qu’il tend la main en rappelant ses promesses : « Revenez, et vous serez mes fils ! » C’est d’ailleurs pour ça que Dieu sauvera, à court terme, le royaume de Juda, le royaume du sud : malgré leur déchéance spirituelle et morale, à plusieurs reprises les rois se sont tournés vers Dieu, ont cherché à éliminer ce qui le déshonorait et à favoriser une vie juste, avec Dieu. Malgré leurs imperfections et leurs dérapages, ils montrent de la bonne volonté, et cela suffit pour que Dieu les sauve.

Alors certes, quelques décennies plus tard, juda suivra malheureusement le même chemin que le royaume du nord, et subira le même destin que le royaume du nord avant lui : une terre envahie, un peuple déporté, un royaume dévasté. Mais pour les deux royaumes, Dieu enverra, pendant toute cette période, grands et petits prophètes pour annoncer ce qui les attend s’ils persévèrent loin de Dieu – le jugement, mais aussi pour rappeler son amour malgré tout, et sa fidélité, malgré tout. En Jésus, les promesses faites au peuple, promesse de réconciliation avec Dieu, promesse de réconciliation avec les autres, promesse de lumière tout au fond de nos ténèbres, en Jésus toutes ces promesses se réalisent, et celui qui tend la main vers Dieu, malgré son indignité, celui-là est assuré de son salut, il est fils du Dieu vivant, enfant chéri et bien-aimé, membre du peuple de Dieu.

Conclusion

Ce texte nous invite à saisir la folie de l’amour de Dieu pour nous, cet amour pour des hommes et des femmes injustes, sales, coupables, cet amour qui surpasse tout, qui espère tout, qui promet tout, si seulement on ose saisir la main de Dieu. Osée nous encourage encore aujourd’hui à recevoir cet amour fou de Dieu pour nous, à le laisser transformer nos vies, et à l’imiter. A imiter ce pardon « injuste », dans nos familles, nos couples, nos amitiés, notre église, parce que Dieu nous a  pardonnés. Quand nous sommes à bout, à bout de patience, regardons à Dieu et puisons en lui cet amour fou, qui espère tout et qui surpasse tout, qui guérit tout, qui cherche un chemin pour rejoindre l’autre, à cause de Dieu, avec l’aide de Dieu, et en hommage à sa compassion qui nous sauve et nous repêche sans cesse.

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