Avoir Dieu pour mère

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Lecture biblique :  Esaïe 66.10-14a

Dans sa deuxième et sa troisième partie, le livre d’Esaïe s’adresse aux Juifs exilés à Babylone, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Il s’adresse à un peuple découragé, loin de son pays, en attente d’espérance. Or, au cœur de ces chapitres, il est question de consolation. Car Dieu a un projet de retour pour son peuple.

Juste avant notre texte, le prophète utilise l’image de l’enfantement pour parler de ce retour. Un miracle, sujet de joie immense. Et au cœur de notre texte, l’image se prolonge avec celle d’un bébé heureux, dans les bras de sa mère, rassasié de son lait.

Pourquoi ne pourrions-nous pas nous approprier cette image ? Car elle nous parle de Dieu et de ceux qu’il aime, de la relation qu’il veut avoir avec eux. Et on peut considérer la relation de Dieu avec le peuple d’Israël, dans l’Ancien Testament, comme un prototype de la relation qu’il veut entretenir avec les humains en général.

Et de cette image, nous pouvons déduire deux affirmations qui, il faut l’avouer, peuvent paraître surprenantes au premier abord :
– Nous sommes des nourrissons qui avons besoin d’être consolés
– Dieu est une mère qui console et nourrit

Nous sommes des nourrissons qui avons besoin d’être consolés

De simples nourrissons

L’image du nourrisson n’est peut-être pas, au premier abord, très valorisante. Un nourrisson, c’est mignon… mais c’est fragile, faible, vulnérable. Ca n’a aucune autonomie et une capacité de communication limitée.

Un nourrisson ne s’exprime pratiquement que par les pleurs. Quand il a faim, il pleure. Quand il a mal, il pleure. Quand il a peur, il pleure. Difficile d’avoir une conversation élaborée dans ces conditions ! Et pourtant, sa mère reconnaît ses pleurs. Ils ne sont pas les mêmes quand il a mal ou quand il a faim. Quand une mère entend son bébé pleurer, elle sait ce dont il a besoin.

Nous sommes bien des nourrissons devant Dieu, avec notre langage limité pour lui parler. Mais Dieu comprend nos murmures, nos cris et nos prières maladroites, comme une mère comprend les pleurs de son enfant.

Car les promesses de Dieu dans le prophète Esaïe sont aussi les réponses de Dieu aux prières de ceux qui criaient à lui dans le contexte de l’exil. Dieu les a consolé…

Le salut comme consolation

Le salut est une consolation. On associe, avec raison, d’autres notions au salut dans la Bible. Le pardon, la réconciliation, la régénération, la justification…. Ici, c’est la consolation. C’est une notion centrale chez Esaïe. La 2e partie du livre s’ouvre par cet appel : « Consolez, consolez mon peuple ! » (Es 40.1). Et la thématique de la consolation se répète de nombreuses fois dans les deuxièmes et troisièmes parties du livre. On retrouve aussi cette thématique chez d’autres prophètes, notamment Jérémie.

L’idée de consolation est liée alors au retour de l’exil. L’exil est certes l’éloignement du pays mais, spirituellement, c’est aussi et surtout l’éloignement de Dieu. Et dans le message des prophètes, le retour de l’exil est lié au retour à Dieu. La consolation est certes celle du retour au pays mais aussi celle du retour à Dieu. Comme le nourrisson qui retrouve les bras de sa mère.

Dans le Nouveau Testament, on retrouve cette idée de consolation associée au salut. Le vieux Syméon à Jérusalem, qui attendait la venue du Messie, nous est ainsi décrit par Luc : « Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint était sur lui. » (Lc 2.25) Et, prenant Jésus dans ses bras, il peut dire : « Maintenant, Seigneur, tu peux laisser ton serviteur mourir dans la paix, comme tu l’as dit. Oui, mes yeux ont vu le salut que tu nous donnes. » (Lc 2.29-30)

Nous sommes des nourrissons qui avons besoin d’être consolés. On a besoin d’être consolé quand on est triste, quand on souffre. Nous l’avons tous vécu. Mais nous avons besoin aussi d’une consolation spirituelle. Celle qui vient du salut de Dieu, de son pardon et sa grâce. Celle qui répond à la tristesse de l’éloignement de Dieu, la souffrance existentielle de la séparation avec Dieu. C’est une souffrance qu’on occulte parfois… mais qui est bien réelle. Parce que nous sommes créés par et pour Dieu, nous sommes faits pour être en relation avec notre Créateur.

Dieu est une mère qui console et nourrit

Pour illustrer cette consolation offerte par Dieu, c’est donc l’image de la mère qui est utilisée. Ce n’est pas la première fois que la Bible, à commencer par Esaïe, décrit Dieu avec des caractéristiques féminines. Et ça ne devrait pas nous étonner…

Car Dieu n’a pas de genre ! Même si Jésus nous invite à appeler Dieu « notre Père », ce dernier n’a rien à voir avec un vieillard à la barbe blanche ! Masculin et féminin sont des catégories valides pour les humains, pas pour Dieu !

Pour parler de Dieu, on en est réduit à utiliser notre langage, nos catégories. Nos mots, nos concepts, notre théologie, sont trop limités pour décrire Dieu. Nous ne sommes que des nourrissons… La perfection divine nous reste inaccessible, incompréhensible. Tout ce que nous disons de Dieu n’est que partiel. Nous ne pouvons l’enfermer dans les cases de nos mots, de nos concepts.

Mais il se révèle à nous avec le langage que nous comprenons. Comme les adultes communiquent avec les tout petits bébés par des mots et des sons adaptés. Dieu utilise notre langage pour se révéler. Il se met à notre hauteur. C’est le mouvement qui traverse toute la révélation biblique, jusqu’à son aboutissement dans l’incarnation, le Fils de Dieu devenu homme.

Avec notre langage humain, nous pouvons donc connaître ce que Dieu révèle de lui-même. Or, dans la Genèse, quand Dieu crée l’humain à son image, il les crée homme et femme. L’homme et la femme, le masculin et le féminin sont donc des catégories également valides pour parler de Dieu ! Il est tout aussi légitime de parler de Dieu comme un père que comme une mère. Nous n’avons pas besoin de chercher une autre figure féminine à élever au rang de Dieu… Dieu, notre Père, est aussi notre mère.

Dieu : une mère qui console

« Comme une mère console son enfant, moi aussi, je vous consolerai. » (v.13). Cette promesse exprime le soin personnel, intime, de Dieu pour ses enfants. C’est une image d’une tendresse incroyable pour un Dieu aussi proche de nous qu’une mère l’est pour son enfant !

Ce Dieu si proche, c’est celui qui vient habiter en nous, par son Esprit. Notez d’ailleurs que le mot hébreux pour « esprit » (rouah) est féminin… Et que dans l’Évangile selon Jean, le Saint-Esprit est appelé le consolateur !

Dieu : une mère qui nourrit

« Vous serez rassasiés comme des bébés qui tètent avec joie le sein rempli de lait de leur mère. » (v.11). Là aussi, l’image est incroyable de tendresse et d’intimité. Dieu est une mère qui nourrit. Et la nourriture que Dieu donne, c’est le lait maternel. Il donne de lui-même. Il se donne. Comme Dieu se donnera lui-même dans la personne de son Fils. Comme Dieu lui-même nous remplit de sa présence, par son Esprit.

Vous avez déjà vu le visage d’un nourrisson dans les bras de sa mère après avoir bu son lait ? C’est l’image même du bonheur, de la béatitude. La plénitude ! Ce Dieu qui se donne lui-même pour nous ne peut que nous offrir la plénitude. Une plénitude de joie, d’espérance, d’amour.

Conclusion

Ce texte, plein d’espoir pour le peuple de Juda exilé à Babylone, est aussi porteur de promesse pour nous. Car il nous décrit un Dieu tendre et proche, une mère qui prend soin des nourrissons que nous sommes.

Laissons-nous donc prendre dans les bras de Dieu, laissons-nous consoler par lui, laissons-nous nourrir par lui. Abandonnons-nous à sa tendresse et recevons la plénitude de sa joie, celle de se savoir aimé par le Créateur de l’Univers.

Ecoutons-le nous dire :

« Je prendrai soin de vous
comme une mère le fait
pour le bébé qu’elle allaite.
Elle le porte sur son dos
et le caresse sur ses genoux.
Oui, comme une mère console son enfant,
moi aussi, je vous consolerai.
(…)
Quand vous vivrez cela,
votre cœur sera dans la joie,
et votre corps reprendra vie
comme l’herbe après la pluie. »

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