L’amour fou de Dieu (II): Une reconquête à tout prix

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Lecture biblique: Osée 2.4-25

Nous avons tous besoin d’être heureux, d’avoir une vie pleine de sens et d’espérance, une vie qui vaut la peine d’être vécue. Qu’est-ce qui nous rend heureux ? qu’est-ce qui nous donne ce sens, cette valeur, dont nous avons tant besoin ?

Le peuple d’Israël, bien avant la venue de Jésus-Christ, a reçu des bénédictions abondantes de la part de Dieu, et pourtant, il ne croyait pas que c’était Dieu qui donnait tout cela. Ou plutôt, il s’est laissé influencer par les peuples voisins qui pensaient que c’était telle ou telle divinité qui donnait l’abondance, notamment Baal, le dieu de la fertilité et de la pluie, extrêmement important dans une société 1) basée sur l’agriculture et l’élevage, 2) située dans une région chaude et entourée de déserts. Pour Israël, le manque de pluie égale une mauvaise récolte, égale la famine du peuple entier. Par crainte que Dieu peine à pourvoir à tous les besoins, par souci de doubler les garanties, par manque de confiance en Dieu, le peuple se laisse aller à rendre un culte aussi à Baal, ce faux dieu étranger incapable de faire quoi que ce soit pour eux. Nous ne sommes pas Israël, mais nous aussi, nous pouvons avoir du mal à nous mettre notre confiance en Dieu seul pour notre avenir, nos besoins, nos projets, et nous pouvons être tentés, non pas d’adorer Baal avec des sacrifices et des fêtes solennelles, mais de compter sur nos finances, notre sagesse, le réseau que nous pouvons faire jouer, la science, la technologie, la consommation… Qu’est-ce qui nous comble ? Ou plutôt, qui nous comble ?

La semaine dernière nous avons commencé le livre d’Osée, qui déclare l’amour de Dieu à son peuple, un amour bafoué par la trahison et la méfiance, le doute et l’infidélité de ce peuple. Dieu utilise l’image de l’adultère, de l’infidélité conjugale, pour montrer à quel point cette méfiance sape toute relation avec Dieu, combien le péché, auquel se livre Israël par manque de foi et par orgueil, rend le peuple affreux et immonde aux yeux de Dieu, qui finit par demander à Osée de mettre en scène une parabole vivante : il doit « épouser » une prostituée, symbolisant Israël infidèle, qui donne des enfants, images du peuple que Dieu renie – « Mal aimée » et « Pas mon peuple ». Dans le passage que nous allons lire maintenant, Dieu développe, à la fois les raisons de sa colère, et la promesse qu’il faisait de rester fidèle malgré l’infidélité de son peuple.

1)   Au désert pour retrouver la soif de Dieu  

Nous l’avons dit, le problème d’Israël, c’est d’attribuer sa richesse agricole, sa prospérité, son bonheur à un autre que Dieu – les « amants », les dieux étrangers qui ne sont rien d’autre que des statues incapables d’agir. C’est comme si votre enfant allait remercier un inconnu dans le bus pour tout ce que vous avez fait pour lui – la nourriture que vous donnez, le vêtement, la sécurité, le confort, les opportunités, les cadeaux, l’amour… il s’en irait au bras de cet inconnu – pour être encore plus exact, l’inconnu en question serait un composteur de billets. Il aurait une photo de ce composteur dans sa chambre, et remercierait le Grand Composteur pour chaque repas, chaque vêtement, chaque journée, chaque voyage, refusant de vous regarder, de vous écouter, de vous aimer. Dieu est dans cette situation-là, devant un peuple aveugle qui se trompe royalement de chemin, et en plus va commettre des horreurs pour plaire à ce dieu imposteur : adopter la prostitution religieuse, sacrifier des enfants, adorer les astres, et j’en passe.

La réponse de Dieu, c’est de prouver que Baal n’est pas à l’origine de toute cette abondance. Comment fait-il ? Il arrête de donner : plus de pluie, plus de récoltes, plus de richesse, plus de paix, plus de victoire sur les ennemis, plus de pays. Voilà ce que Dieu va faire : priver Israël de tous les biens qu’elle pense recevoir de Baal pour montrer que ce baal, ce faux dieu, qu’elle continuera à adorer quelque temps, n’y était pour rien. Dieu ôte à Israël ce qui pouvait faire illusion, il la dénude, la vide, plus rien ne reste de ce que « Baal » est censé avoir donné suite aux sacrifices et autres horreurs pratiquées.

Dieu agit sévèrement, avec dureté, il retranche autant qu’il avait donné à ce peuple qu’il a sorti de la misère et de l’esclavage en Egypte. Souvenez-vous, quand le peuple quitte l’Egypte, quelques siècles plus tôt, sous la conduite de Moïse, Dieu promet, après la traversée du désert, l’entrée dans un pays ruisselant de lait et de miel, un pays de paix et de justice dans la présence de Dieu. Puisque le peuple a mis Dieu dehors par ses doutes et son injustice, Dieu mettra Israël dehors, la renverra au désert – pas le désert littéral (quoique) mais l’exil, chez un peuple étranger, à nouveau en esclavage, sans rien. Pourquoi agit-il ainsi ? Pourquoi ferme-t-il les portes qu’il a ouvertes ? Dieu n’agit pas pour assouvir sa colère, mais il agit ainsi pour créer une soif, pour attirer l’attention d’un peuple qui s’est rendu sourd et aveugle à l’amour de Dieu. Il casse tout, pour montrer qu’Israël vit dans un château de cartes, fondé sur l’illusion et le mensonge.

Et nous, sur quoi fondons-nous notre vie ? qui nous comble ? à qui, à quoi, regardons-nous pour assurer notre vie ? Le texte nous interpelle avec cette image frappante : Dieu ferme parfois les portes, barre les chemins avec des épines, retire certaines bénédictions, non pas par haine ou par indifférence, mais pour nous rendre attentifs. Nous prions toujours pour que Dieu ouvre les portes, mais ce sont souvent des portes dont nous avons les clefs ! Trop souvent, nous demandons un coup de pouce à Dieu dans des projets qui ne viennent pas de lui mais qui sont fondés sur les valeurs de notre société, sur nos désirs personnels, sur nos peurs. Nos épreuves ne sont pas toujours des cas de discipline, mais elles sont toujours l’occasion d’en apprendre plus sur Dieu, d’apprendre à compter sur lui dans les déserts que nous traversons. Le désert n’est pas forcément une malédiction : c’est peut-être, comme Dieu l’espère pour Israël, l’occasion de voir Dieu sans aucune diversion, sans se laisser tenter ou troubler.

Je vais l’illustrer avec des sujets difficiles : l’absence d’enfants, l’absence de travail, la maladie. Dans ces épreuves, dans ces déserts, qu’est-ce qui donne du sens à ma vie ?  qu’est-ce qui me donne de la valeur, en tant que femme, en tant qu’homme ? Tout n’est pas forcément lié à la discipline de Dieu, mais dans ces déserts-là, je peux apprendre, je peux réentendre, redécouvrir que c’est qui me donne de la valeur, parce qu’il m’a voulue, parce qu’il m’a créée, parce qu’il m’a appelée. Que je me sente féconde ou stérile, utile ou inutile, perdante ou gagnante, forte ou faible, Dieu m’aime, Dieu me donne de la valeur, Dieu donne un sens à ma vie, et une espérance, un avenir, une promesse, Dieu comble mes besoins physiques, émotionnels et spirituels, et non mon couple/ mes enfants/ mon travail/ ma réputation/ mes accomplissements.

2)   Retrouver Dieu pour retrouver du sens

Dieu conduit donc son peuple au désert pour attirer son attention, pour forcer son attention, et lui montrer à nouveau qui l’aime, qui est son Dieu, qui l’a béni depuis le départ. Cette impasse est un nouveau départ, à nouveau dans le désert, comme au temps de Moïse, lieu où Dieu – l’image est osée – va faire la cour à son peuple. Il emmène son peuple loin des imposteurs, loin des trahisons commises, pour recommencer à zéro. Dieu se met dans la peau d’un mari trahi ô combien de fois, qui emmènerait sa femme infidèle sur une île déserte, pour lui rappeler leur premier amour, pour renouveler les vœux de mariage, comme au temps des fiançailles, en mettant de côté le souvenir douloureux des infidélités et des amants. Dieu n’envoie pas Israël au désert pour la punir, pour prouver qu’il est fort et qu’il en coûte de le mépriser – même si c’est vrai – mais pour la reconquérir, pour reprendre à zéro leur histoire, par amour et par fidélité.

Quand le peuple aura retrouvé ses esprits, et comprendra que Dieu seul est à l’origine des dons et bénédictions qu’il a reçus avec abondance, alors, quand Dieu sera sûr qu’Israël a compris, Dieu recommencera à bénir : il donnera le signal au ciel, qui pleuvra sur la terre, qui nourrira les vignes, les oliviers, les champs de lin, et Israël recevra alors les cadeaux de Dieu, l’abondance à nouveau. Après le châtiment, viendra la restauration, après la déchirure, la réconciliation. Israël les recevra avec confiance, fidélité et justice, amour et tendresse. Elle les recevra d’un Dieu de qui elle est proche, qu’elle connaît intimement, qui est comme un mari fidèle, un père aimant, un Dieu bienveillant.

Après avoir compris qu’hors de Dieu il n’y a pas de salut, pas d’espoir, pas de vie, après s’être engagé envers Dieu pour ne chercher lui le salut, l’espoir et la vie, le peuple pourra recevoir à nouveau l’amour que Dieu donne, en recevant tous ses dons comme des preuves d’amour de Dieu, sans se tromper de sens.

Tous, à notre manière, nous sommes ou nous étions comme Israël se trompant de Dieu, cherchant, comme dit le prophète Jérémie, dans des vases crevassés et moisis la source de notre vie ! Pourtant, Dieu est venu nous chercher dans nos déserts, il est venu donner à notre place ce que nous n’arrivions pas à lui donner, la dot que nous n’arrivions à donner à notre fiancé : l’amour, la justice, la fidélité, la compassion. Ce que Dieu attendait de nous, et que nous étions devenus incapables de donner, il l’a fourni pour nous, en Jésus-Christ. Jésus est le lien qui nous unit à Dieu pour toujours : solidaire de l’humanité, il donne pour nous à Dieu satisfaction, et ça passe par l’expiation de nos infidélités, qu’il subit à notre place, en sa mort, afin que nous puissions repartir à zéro avec Dieu. Solidaire de Dieu, il nous donne l’amour que nous cherchons sans fin.

Conclusion

Pourquoi Dieu se donne-t-il tant de mal avec l’humanité infidèle ? pourquoi cherche-t-il à reconquérir l’homme rebelle qui s’est détourné de lui ? pourquoi tant de détermination dans son amour ? parce que Dieu nous a créés pour être en relation avec lui, pour que nous soyons ses enfants, son peuple, son épouse – pour que nous ayons envers lui une confiance plus grande qu’un enfant envers son père, une intimité plus grande qu’une épouse avec son mari, une reconnaissance et une loyauté plus grande qu’un peuple envers son roi, parce qu’il est notre Dieu, le Père tout-puissant, l’Epoux plein d’amour, le Roi protecteur. Le but de notre vie, de notre existence sur la terre, c’est de recevoir l’amour de Dieu, de l’aimer à notre tour et de partager cet amour ceux qui nous entourent.

Alors que Dieu vienne nous chercher, là où nous sommes, et qu’il ouvre nos yeux, par tous les moyens, sur son amour, pour que nous puissions trouver, en lui, la vie et l’espérance.

 

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