Le repos de la foi, jour après jour

image_pdfimage_print

tenir main

Lecture biblique: Philippiens 4.4-9

Début juillet, nous avons entamé une petite série sur le repos. Nous avons vu que le repos est un moment nécessaire, à la fois pour souffler, pour prendre du recul et pour se tourner vers l’essentiel, Dieu. Nous avons vu qu’une des caractéristiques du repos est la louange qui permet de découvrir et redécouvrir l’intervention de Dieu dans notre vie, et d’y répondre en conséquence, en lui faisant confiance et en le suivant. La semaine dernière nous a conduits au repos de la grâce, cet amour de Dieu si généreux qui le pousse à nous accueillir tels que nous sommes et à tout faire pour nous sauver, pour peu que nous le laissions agir dans notre vie. Ce matin, j’aimerais terminer cette série avec une méditation sur le repos que procure la foi, jour après jour. Un des contraires du repos, c’est l’in-quiétude – absence de repos étymologiquement – et je pense que nul d’entre nous n’en est indemne. La Bible parle, elle aussi, de l’inquiétude, j’ai même eu l’embarras du choix pour prendre un texte à méditer, et je vous propose de nous arrêter sur la fin de la lettre de Paul aux Philippiens, qui peut nous apporter un éclairage intéressant.

La  lettre de Paul aux chrétiens de la ville de Philippes est une lettre assez étonnante : Paul ne cesse d’y parler de joie, alors même qu’il est en prison à cause de sa foi, et que les Philippiens eux-mêmes rencontrent le rejet voire la persécution à cause de leur foi. Le grand sujet d’inquiétude, pour eux, c’est l’opposition de leur entourage, avec tout ce que ça comporte de tristesse, et de danger. Dans ce contexte, Paul les encourage : 1/ Soyez dans la joie, et 2/ Ne vous inquiétez pas !

Même sans être dans la situation de l’église persécutée, il me semble que l’inquiétude nous touche nous aussi et que nous pouvons nous approprier les encouragements de Paul dans notre contexte, où les uns et les autres sont soumis au stress de la vie quotidienne, du travail, des tâches à accomplir, des missions à remplir, mais aussi reçoivent les discours effrayants relayés par les médias (épidémies, terrorisme, crise etc.) et il y aurait encore d’autres facteurs à citer. Comment ce texte de Paul peut-il nous encourager ce matin à nous reposer dans notre relation avec Dieu, la foi, la confiance, jour après jour ?

1) L’appel à la joie en toutes circonstances

Paul commence avec un massif : « Soyez dans la joie ! Je le répète, soyez dans la joie ! » §§ Quelle que soit la situation, nous sommes appelés à nous réjouir – c’est d’ailleurs pour lui un des traits de caractère du chrétien, une des facettes du fruit de l’Esprit dans la lettre aux Galates. Ce qui saute aux yeux avec Paul, c’est que la joie n’est pas liée aux événements extérieurs, aux aléas de la vie. C’est plutôt un état intérieur, positif, marqué le contentement, que nous sommes appelés à cultiver, quelles que soient les circonstances. Ce n’est pas la conséquence de ce que nous vivons, mais plutôt l’attitude de base avec laquelle nous allons vivre, à cause de notre foi.

Comment être joyeux au milieu de la persécution, mais même ici, dans un monde dévasté, dans une vie à risques, avec nos problèmes et nos soucis, les maladies, les deuils, le chômage, la solitude, la peur… ? Même quand on n’est pas dans une situation inquiétante, la joie a rarement toute la place, et on tend à relativiser ce qu’il y a de bon en comparant avec ce qui ne va pas ou avec ce risque de ne pas aller : « Là, ça va, mais ça ne va pas durer, il ne faut pas trop profiter ou se réjouir avec trop d’insouciance, parce qu’on ne sait jamais ! Une tornade, un accident de voiture, un cancer, peuvent venir tout chambouler. »

Pour l’inquiétude, Paul invite à remettre nos besoins à Dieu, à lui confier nos soucis, nos préoccupations, nos peurs, peut-être même nos superstitions, nos peurs cachées. Remettre ses besoins à Dieu en lui confiant dans la prière, c’est un signe d’humilité et de confiance. Humilité parce qu’on reconnaît que la situation nous échappe et qu’on ne peut rien garantir, qu’on ne sait même pas où commence la solution, et confiance, parce qu’on reconnaît que la situation n’échappe pas à Dieu, qui lui est puissant, souverain, présent, et qu’il peut faire face – et nous aider à faire face – à toutes les situations.

La prière demande de faire connaître nos besoins à Dieu, tous nos besoins. Combien de fois est-on préoccupé par un sujet à 400%, sans oser ou imaginer le dire Dieu à Dieu ? Parfois on oublie, parfois aussi on a peur – peur qu’il trouve notre inquiétude illégitime ou stupide, peur qu’il fasse justement ce que l’on craint, peur qu’il ne nous écoute pas. Avouer nos inquiétudes et les lui confier, avec humilité et confiance, c’est déjà énorme, parce que dans ces prières nous invitons Dieu dans la situation. Il est déjà au courant, mais Dieu, au travers de toutes nos situations, veut approfondir la relation qu’il a avec nous, et nous inviter à lui faire toujours davantage confiance. Prier pour nos besoins approfondit le partenariat que Dieu a créé avec nous.

La prière n’est pas pour autant un soulagement automatique ou la garantie d’une solution immédiate. Paul parle, dans le texte original, de prières et de supplications : on a le droit de répéter nos prières, tant que nos besoins nous dévorent, on a le droit de supplier, de crier, d’être émotif, d’interpeler (c’est le « Jusqu’à quand ?! » des psaumes !). Ce n’est pas un formulaire anonyme que l’on remplit, mais un dialogue avec Dieu qui se vit dans le temps et qui approfondit notre proximité avec lui. Et Dieu, dans sa patience infinie, nous permet d’arriver peu à peu à une confiance plus grande, sans exiger la rapidité. Il faut parfois bien des prières et des supplications.

Paul mentionne aussi la reconnaissance. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’être reconnaissant pour la souffrance ou la perte – Dieu ne traite pas à légère le mal, commis ou subi. S’attacher à être reconnaissant, même dans l’inquiétude, c’est faire le choix de ne pas se laisser noyer et aveugler par la situation mais d’ouvrir les yeux sur l’action de Dieu en notre faveur, ce que Dieu a fait par le passé, ce qu’il fait aujourd’hui, sa manière d’être avec nous. Non seulement ça nous encourage car ça nous rappelle que Dieu est à la hauteur et qu’il nous aime, mais ça nous pousse aussi à lui faire confiance à nouveau.

2) Le fondement de notre paix et de notre joie: Dieu

Si la joie est le choix de ne pas se laisser submerger par les circonstances et de se focaliser sur Dieu, en confiant à Dieu ce qui nous inquiète, ce n’est pas un sentiment artificiel, une apparence à cultiver, un grand sourire à garder scotché quoi qu’il arrive. Certains ont pu comprendre que si on n’est pas tout le temps joyeux, on n’est pas vraiment chrétien. Je ne suis pas d’accord. Jésus lui-même a pleuré, il s’est lamenté et mis en colère, sans parler même des psaumes.

La joie fait partie de cette manière de vivre que Dieu nous offre dans sa présence, comme l’amour, le pardon, l’honnêteté, etc. Elle fait partie de ce nouveau vêtement, de cette nouvelle identité, que nous nous approprions un peu plus chaque jour : c’est notre but, l’orientation que nous voulons adopter.

Qu’est-ce qui nous motive à refuser l’inquiétude pour choisir la joie et la confiance ? Dieu. Dieu seul. Paul, dans ce court texte, donne des raisons. D’abord « le Seigneur vient bientôt », une expression qu’il ne faut pas forcément comprendre comme une indication de temps puisque ça fait quand même 2000 ans et que nous attendons toujours le retour du Christ, mais plutôt comme le rappel que Dieu est prêt à intervenir, il est à la porte, il n’a pas changé de planète, mais il est là, tout près. C’est le Dieu de Jésus-Christ, en qui nous sommes sauvés, relevés, restaurés : comment un Dieu qui a donné son propre fils pour nous sauver pourrait-il nous abandonner ? Regarder au Christ, c’est voir un Dieu tout-puissant et bon, qui a tout fait par amour pour nous.

En plus de nous rappeler qui est ce Dieu en qui nous nous confions, Paul nous adresse une promesse de la part de Dieu (v.7). Vous remarquerez qu’il n’est pas question de résolution immédiate : ça arrive, bien sûr, mais ça peut aussi ne pas arriver. Dieu ne promet pas d’être notre porte-bonheur, il promet de nous écouter, de se tenir avec nous, d’être présent, et de nous aider à avancer malgré tout. Vous savez, le terme « heureux » en hébreu, ça veut dire « en marche », et Dieu nous promet d’être avec nous pour nous aider à avancer sur un chemin parfois sombre, parfois fermé, parfois dangereux, mais il est avec nous et il nous tient par la main – voire il nous porte parfois. Lui qui a fait jaillir au milieu de la mort, nous promet de nous soutenir dans notre marche quelques soient les difficultés.

3) Confiance et action

J’aimerais, avant de terminer, m’arrêter sur les versets 8-9 que j’ai laissés jusqu’ici de côté (relire). Cette exhortation, assez classique, nous rappelle que la vie avec Dieu est un ensemble : nous sommes sauvés, délivrés, relevés, dans le but de mener une vie belle et bonne, reflétant les valeurs et le caractère de Dieu, faisant briller sa lumière, dans nos pensées, nos paroles, nos actes. Cela est vrai tant dans les moments faciles que difficiles : la bonté du Christ, sa bienveillance, sa douceur, sa patience, doivent devenir notre emblème, notre marque de fabrique, en toutes circonstances (là aussi, ça prend du temps !).

Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que ces exhortations suivent directement l’appel à ne pas s’inquiéter, il y a même un rappel entre la paix promise au croyant v.7 et la promesse que le Dieu de la paix sera avec ceux qui choisissent un mode de vie « divin » v.9.

Souvent, l’inquiétude nous pousse à des comportements désordonnés. On s’agite dans l’espoir de résoudre un problème qui nous dépasse, on panique et on fait n’importe quoi, on se décourage et on abandonne le bien, ou encore on reste paralysé par le sentiment d’impuissance devant la situation. Paul nous dit : au lieu de vous agiter, confiez la situation à Dieu, et ensuite, résistez à la tentation de vous disperser ou de vous bloquer, mais concentrez-vous sur ce que vous vivre de bon. Je trouve que c’est très juste de rappeler aux chrétiens inquiets le champ d’action possible, c’est comme si Paul disait : « voilà tout ce que vous pouvez faire, et soutenir, et encourager ». Vous n’êtes ni tout-puissants ni impuissants. Ce dont vous avez besoin, demandez-le ! Mais n’oubliez pas votre vocation, vos possibilités. Ne vous laissez pas décourager ou aveugler, mais après avoir confié la situation à Dieu, appliquez-vous à ce que vous savez faire, à ce que vous pouvez faire, même sans lien avec vos problèmes. Remettez-vous en route, sachant que Dieu marche avec vous.

Conclusion

En toutes circonstances, cultivons la joie. Apprenons à remettre à Dieu tout ce qui obscurcit notre vie, apprenons à nous concentrer sur sa présence, sur son amour pour nous, sur sa puissance et ses projets. Cultivons le repos de la confiance et de la reconnaissance, sachant que Dieu marche avec nous, qu’il nous guide et nous conduit, tel un bon Père, tel un bon berger.

Laisser un commentaire