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Lecture biblique : Jonas 3.1-4.3
Le livre de Jonas est plein d’ironie. On pense surtout à la fin du récit, avec l’épisode du ricin que Dieu fait pousser puis sécher, pour donner une leçon au prophète qui est en train de bouder ! Mais il y a aussi le début du livre, avec la fuite de Jonas suite à l’appel de Dieu. Non, il n’ira pas où le Seigneur veut l’envoyer ! Il s’enfuit même dans la direction opposée… avant d’être rattrapé par le Seigneur qui déclenche une tempête et s’arrange pour que Jonas, jeté à la mer, soit gobé tout rond par un gros poisson et recraché sur la terre ferme. Retour au point de départ pour le prophète, non sans avoir passé trois jours dans le ventre d’un poisson ! Drôle d’histoire… Mais notre chapitre aussi a son lot d’ironie !
En effet, que demande le Seigneur à Jonas ? « Debout ! Va à Ninive, la grande ville. Annonce-lui le message que je te donne. » (v.2). Mais souvenons-nous de qui est Ninive ! C’est la capitale de l’Assyrie, le peuple qui fait peur à toute la région. Un monstre dévastateur qui conquiert, pille et détruit, partout où il passe. De plus, notre texte décrit la ville comme étant extraordinairement grande : il faut trois jours pour la traverser. Et Jonas, prophète de ce petit peuple d’Israël, doit aller dans cette ville, la traverser tout en annonçant haut et fort sa destruction prochaine. Honnêtement, je comprends pourquoi Jonas n’avait pas envie d’y aller !!!
Imaginez le pauvre Jonas, traversant la ville toute la journée et proclamant « Dans quarante jours, Ninive sera détruite ! » Logiquement, il aurait du se faire massacrer quelques minutes à peine après son arrivée ! Et c’est là que le récit du livre de Jonas nous prend encore à contre-pied. Contre toute attente, toute la ville entre dans une démarche de repentance, comme un seul homme. Le roi de Ninive lui-même descend de son trône et s’assoit sur la cendre en signe de deuil. Il ordonne à tout le monde de suivre son exemple. Il fait annoncer dans toute la ville que plus personne ne doit boire ni manger, et tout le monde doit revêtir l’habit de deuil. Et pour être sûr que personne n’est oublié, non seulement les habitants doivent le faire, mais les animaux aussi ! J’avoue que je ne sais pas trop à quoi pouvait bien correspondre des habits de deuil pour les animaux…
La réaction est si soudaine et si excessive qu’elle en devient presque comique. Et on n’en a pas fini avec les surprises puisque la conclusion du chapitre est étonnante : « Dieu voit leurs efforts pour abandonner leur mauvaise conduite. Il change d’avis. Il regrette le mal qu’il voulait leur faire, et il ne le fait pas. » (v.10)
Dieu change d’avis ! Ou comme le traduisent d’autres versions, « il revient sur sa décision » ou « il renonce au mal » qu’il avait annoncé. Ce changement d’avis de Dieu déclenchera la colère de Jonas car lui, il l’avait vu venir : « Je le savais bien, tu es plein de tendresse et de pitié, patient, plein d’amour, et tu regrettes tes menaces. » (4.2)
C’est quand même étonnant : être en colère parce que Dieu est plein d’amour ! Mais du coup, on comprend que la vraie raison pour laquelle Jonas ne voulait pas aller à Ninive, ce n’était pas la peur d’être tué par les assyriens mais la peur que Dieu pardonne à ses ennemis ! Ici encore, incroyable ironie..
Cette ironie qui parcourt tout le récit de Jonas donne à ce livre un caractère unique au sein de la Bible. Son humour veut nous faire réfléchir, nous interpeller, voire nous bousculer. A sa façon, le livre de Jonas est un ouvrage satirique !
Jonas : jaloux de la grâce !
Dans ce livre qui porte son nom, Jonas n’est pas vraiment à son avantage. C’est un peu un anti-héros. Ses réactions colériques, boudeuses, excessives, le font apparaître comme un prophète jaloux de la grâce de Dieu. Il ne veut pas que les habitants de Ninive puissent en profiter !
C’est d’autant plus étonnant que lui-même est au bénéfice de la grâce de Dieu, miraculeusement sauvé de la noyade par Dieu à travers le poissons envoyé par Dieu. Mais pour Jonas, la grâce, la bonté de Dieu, elle est pour lui, elle est pour son peuple. Mais pas pour ces païens. Ils ne la méritent pas ! Comme si la grâce se méritait…
Dans quelle mesure ne risquons-nous pas, nous aussi, d’être jaloux de la grâce de Dieu ? La bonté de Dieu, elle est pour tous ou elle n’est pas. Comme le dira Jésus : « (Dieu) fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Il fait tomber la pluie sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. » (Mt 5.45)
En réalité, être jaloux de la grâce c’est démontrer qu’on n’a pas compris ce qu’est la grâce. L’exclure pour les autres, c’est s’en exclure soi-même. C’est oublier que j’ai, moi, autant besoin de la grâce de Dieu que celui qui ne pense pas comme moi, qui ne croit pas comme moi, qui ne vit pas comme moi.
Voilà pourquoi Jésus nous invite même à aimer nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent !
Dieu : du jugement à la grâce
Dieu lui-même est un acteur étonnant du récit de Jonas. Étonnant par les moyens qu’il met en œuvre (la tempête, le poisson, le ricin) pour accomplir son plan par le prophète. Étonnant, voire déroutant, dans sa façon d’agir, donnant l’impression de changer d’avis de façon tout à fait imprévisible.
Derrière cette expression, il y a sans doute une part d’anthropomorphisme, en attribuant à Dieu des comportements humains. Mais le « changement d’avis » de Dieu décrit surtout la réponse qu’il offre à la repentance des habitants de Ninive. Comme ils ont changé d’attitude envers lui, Dieu lui aussi change d’attitude envers eux. Et il fait grâce…
Évidemment, ce qui nous étonne, c’est que le message adressé par Jonas aux habitants de Ninive ne laissait pas vraiment d’espoir. Il n’y avait aucun appel à la repentance. Et pourtant… Jonas lui-même n’était pas dupe. Il avait compris avant tout le monde les intentions de Dieu. Même si ce n’est pas dit, la repentance suspend toujours le jugement de Dieu. Comme le dit si bien Jonas, Dieu est bon, plein de tendresse et de compassion. Jamais il ne restera sourd à un cri de repentance, jamais il ne sera insensible à un cœur brisé.
Il y a là un enseignement essentiel quant aux jugements de Dieu annoncé dans sa Parole. Ils sont toujours là pour nous inviter à la repentance. Les prophéties divines ne sont pas des prévisions inéluctables, le reflet d’un destin inflexible et aveugle. Elles sont l’expression du projet de Dieu, qui inclut des mises en garde et des interpellations, ou des encouragements et des promesses. Les prophéties ne sont pas là pour nous informer, elles sont là pour nous interpeller.
Nous ne devons pas étudier les prophéties bibliques pour en tirer une hypothétique chronologies des événements à venir, quand ce n’est pas chercher une date pour la fin du monde ! Nous devons les étudier, et les écouter, pour comprendre le projet de Dieu pour nous, et pour ajuster notre vie, nos pensées, notre comportement en fonction de ce projet. Quitte à devoir entreprendre des changements radicaux.
Conclusion
J’ai appelé tout à l’heure le livre de Jonas un ouvrage satirique. En effet, il manie l’humour, l’ironie, voire une certaine caricature, pour interpeller les consciences. Derrière le personnage de Jonas, c’est le peuple d’Israël, jaloux de la grâce de Dieu, qui est visé. Comme le seront les Pharisiens au temps de Jésus, fiers d’êtres, eux, descendants d’Abraham et auxquels Jésus répondra, non sans humour, que de quelques pierres le long du chemin il peut faire des descendants d’Abraham ! Comme peuvent l’être aujourd’hui, peut-être, ceux qui se contentent d’appartenir à une famille protestante, ou d’avoir reçu une éducation chrétienne, ou d’avoir été baptisé, ou d’être membre d’une Église évangélique !
Clairement, dans le livre de Jonas, ce n’est pas le prophète qui donne l’exemple mais les habitants de Ninive. Ce n’est pas le bon croyant, serviteur de Dieu, mais ce sont les païens. Ce sont leurs cris que Dieu entend. Car ce qui compte devant Dieu, ce ne sont ni nos origines, ni notre éducation, ni notre appartenance religieuse mais notre cœur, aujourd’hui. Est-il tourné vers Dieu ou fermé sur lui-même ? C’est la vraie question que nous devons nous poser…