Archives mensuelles : avril 2018

image_pdfimage_print

Vivre le changement (2) la sanctification

image_pdfimage_print

https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-le-changement-2-la

Je continue la série commencée la semaine dernière avec Vincent : vivre le changement. Aujourd’hui, nous allons rester sur le développement de la vie chrétienne, ce qu’on appelle parfois la sanctification. J’ai choisi un texte de l’apôtre Paul, qui écrit à des chrétiens en Grèce, à Philippes. Paul veut les encourager à progresser dans leur vie chrétienne.

Lecture biblique: Philippiens 2.12-16a

Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, non pas seulement en fonction de ma présence mais d’autant plus maintenant, en mon absence, mettez en œuvre votre salut avec crainte et tremblement. 13 Car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire pour son bon plaisir.

14 Faites tout sans maugréer ni discuter, 15 pour être irréprochables et purs, enfants de Dieu sans défaut au milieu d’une génération perverse et dévoyée, dans laquelle vous brillez comme les lumières du monde, 16 en portant la parole de la vie. 

Paul ne fait pas dans le politiquement correct ! Surtout la dernière phrase… C’est comme ça que vous vous décrivez ? Les mots sont forts ! Et l’ambition, élevée : être irréprochables, purs, lumières du monde, porteurs de vie… Ca paraît très présomptueux ! Un peu méprisant aussi pour la génération perverse et dévoyée… Mais même si les mots pour le moins nous interpellent, le message de Paul ne nous est pas si étranger. Nous désirons faire quelque chose de notre vie : de faire la différence, d’être utiles, d’agir pour la justice, de faire du monde un espace plus fraternel et bienveillant – ça c’est en termes politiquement corrects ;). Pas forcément dans l’univers entier ! Mais au moins autour de nous : dans notre famille, avec nos enfants, nos amis, au travail – que notre vie ait un impact positif sur ceux qui nous entourent. Et que nous ne soyons pas rangés avec les corrompus, les lâches, les menteurs, les indifférents, les égoïstes… sans même parler des pervers !

Paul nous dit que nous pouvons assumer cette ambition élevée, car ce n’est pas la nôtre : c’est celle de Dieu ! Notre ambition n’est pas le fruit de l’égoïsme ou de l’orgueil, mais de la vocation que Dieu lui-même nous adresse, à chacun de nous.

En effet, grâce à Jésus, nous recevons le pardon de Dieu pour nos compromissions, nos fautes, nos failles, nos déviances… En lui nous sommes innocents, purs, saints aux yeux de Dieu ! Par grâce ! Mais nous ne recevons pas que le pardon… Nous recevons aussi une vocation : que la vie de Dieu se diffuse en nous, dans tous les domaines de notre vie, et autour de nous, pour faire la différence. La sanctification, c’est simplement ce parcours de vie où nous apprenons à vivre comme Dieu, à briller de la même lumière que lui. Pas pour obtenir le salut, mais pour le laisser transformer notre vie. Nous apprenons à assumer la sainteté que Jésus nous a accordée. Beau projet de vie, non ?

1)     Un chantier permanent       

La sanctification, c’est un parcours, ou pour prendre une autre image, un chantier. Et nous sommes tous concernés par ce chantier. Le salut reçu en Jésus, c’est le projet d’architecte validé par l’urbanisme. En plus Jésus nous donne les fonds : il a payé pour que nous puissions construire cette vie belle et bonne.

La difficulté, je l’avoue, c’est que le chantier de notre sainteté ne sera jamais vraiment terminé sur terre… Même quand on aura posé les fondations, qu’on aura bâti les murs, mis en place électricité et tuyauterie, posé les placos, peint les murs… il restera des failles à combler, des finitions à rattraper, une toiture ou un crépi à refaire… Même quand les grues ont quitté le chantier, une maison s’entretient toute la vie !

Sachant cela, est-ce que ça vaut le coup de se lancer dans le chantier ? Oui !!! parce qu’on peut espérer aller assez loin pour que cette maison devienne un beau lieu de fraternité et d’amitié, de joie et de chaleur, même s’il reste toujours des travaux à accomplir.

Permettez-moi d’insister sur le chantier permanent. Nous sommes tous en chantier – ne vous laissez pas impressionner par les belles façades des autres ! Nous avons tous besoin que la vie de Dieu nous transforme un peu plus profondément. Que nous soyons jeunes ou vieux, convertis depuis peu ou depuis longtemps, pasteur ou visiteur pour la première fois : nous sommes tous en chantier.

Toute notre vie, à 7 comme à 87 ans, nous avons un double mouvement à vivre : abandonner ce qui nous sépare de Dieu, couche par couche, et renoncer à ce qui nous déforme. Pour certains points ce sera facile, pour d’autres, nos points faibles souvent, il faudra revenir à la charge ! Parfois ce sera la tentation du pouvoir, du mensonge, de l’argent, le regard qu’on porte sur l’autre, la peur, une tendance à l’orgueil ou à l’amertume…

Evacuer… pour construire ! Laisser le salut avoir des résultats concrets, positifs, dans notre vie : l’humilité, la générosité, la bienveillance, la joie, la paix, la patience, l’amour de la vérité… et toujours la foi ! Toujours nous avons besoin de redécouvrir qui est Dieu, quel regard il porte sur nous, l’ampleur de sa puissance et de son amour… Devant une nouvelle situation (naissance d’un enfant, mariage, deuil, nouveau travail ou perte de travail, une maladie…), bien souvent il nous faudra réapprendre à faire confiance à Dieu. Ce qui était acquis dans tel contexte devra se réapprendre dans un autre. Ce qu’on aura appris à 40 ans, on le réapprendra, autrement, à 80 ans…

2)     L’équipe de constructeurs   

Quelle équipe pour ce chantier ? Nous, bien sûr ! Mais heureusement, nous ne sommes pas seuls ! Dieu travaille avec nous. Plus, dit Paul, Dieu opère en nous le vouloir et le faire. Autrement dit, il nous donne l’impulsion et les forces pour aller dans la bonne voie. Dieu pèse avec poids en faveur de notre changement. Il vient nous aider, faire avec nous, faire pour nous quand nous sommes trop démunis. De l’intérieur, par l’Esprit, il prépare le terrain, renforce les décisions, enracine les nouvelles habitudes que nous prenons…

Vous avez peut-être déjà expérimenté ça : « normalement, avec untel ou devant telle situation, j’aurais réagi comme ça, mais là, pas du tout ! J’étais patient/ calme/ je me suis tu au lieu de parler/ j’ai résisté. » C’est Dieu qui a raccordé l’électricité et permis de mettre une lampe là où c’était sombre. Et je n’ai encore jamais vu quelqu’un se lamenter de ne plus se reconnaître : eh oui, Dieu enlève ce qui est mauvais en nous, ce qui nous afflige et nous déforme. Par contre, tout ce qu’il construit c’est avec du beau matériel, pour améliorer la construction.

Si Dieu travaille avec et pour nous par son Esprit, est-ce que nous avons encore notre place dans l’équipe ? Oui ! car Dieu ne travaille pas sans nous. D’une part il faut bien lui laisser les clefs – j’ai l’impression que sur certains sujets, Dieu ne va pas travailler si on ne le lui demande pas. D’autre part, Dieu nous confie des tâches à accomplir avec lui : nous ne sommes pas sur le côté à regarder de loin, mais avec lui au cœur de l’action, à apprendre, tester, s’entraîner.

3)     Les outils 

Une équipe sans outil n’ira pas très loin ! J’en nommerai 3 – ce n’est pas exhaustif !

  • la Bible : nous y apprenons à connaître Dieu, son projet pour nous, ce qu’il faut évacuer et ce qu’il faut construire. C’est notamment là que Dieu nous parle et nous inspire pour notre vie. Peu importe la version, la longueur des textes, si nous utilisons un guide, un site, ou pas. Si nous sommes lassés d’une façon de faire, faisons autrement ! L’essentiel, c’est de se plonger régulièrement dans ces textes où Dieu nous parle.
  • la prière : elle nous met en relation avec Dieu. Mais c’est aussi un temps où nous apprenons à voir les choses autrement, à orienter nos désirs, notre ambition, notre volonté dans une meilleure direction – Dieu nous transforme dans la prière.

La prière et la lecture de la Bible, seul ou en groupe, dans l’échange et l’encouragement ou le recueillement, sont des outils essentiels pour grandir.

  • les moments pivots, bons ou mauvais. parfois des prises de conscience, des rencontres, des grandes décisions. parfois des difficultés. Nous ne pouvons pas les provoquer – et dans le cas des difficultés, nous ne voulons pas ! Pourtant, dans le bon comme dans le mauvais, Dieu est à nos côtés, Dieu agit en nous et pour nous. Pour ce qui est douloureux, nous avons tendance à dire : surtout pas ! Mais pour de nombreux croyants, c’est aussi dans la difficulté qu’ils ont grandi. Il ne s’agit pas de chercher la souffrance, ou l’épreuve, mais de prendre conscience que c’est aussi un outil que Dieu utilise. Car dans les moments difficiles en particulier, nous nous recentrons sur l’essentiel. C’est là que nous nous débarrassons du superflu, de ce qui détruit, de ce qui est à la mauvaise place. C’est là que nous apprenons à mettre en pratique la foi et la grâce. Ce sont des moments où nous apprenons de Dieu de manière privilégiée, si nous les vivons avec lui.

Conclusion

Un chantier permanent, avec une équipe de choc, et des outils simples mais efficaces ! Quel est le rythme du chantier ? Nous savons tous qu’il y a des périodes où ça avance plus vite que d’autres. Parfois c’est normal : il faut laisser la peinture sécher… laisser se consolider ce que nous venons de construire avant d’ajouter autre chose. Mais à d’autres moments, on a l’impression que le mur qu’on vient de construire s’écroule… Alors il faut revenir aux fondements, aux fondations, au Christ, à ce qu’il est pour nous et ce que nous sommes pour lui. C’est pareil quand on stagne : là aussi, revenons au salut et à l’appel que nous avons reçu. Retrouvons la vision globale du projet de Dieu. Reprenons nos outils, et demandons à Dieu de venir relancer le chantier. D’expérience, Dieu ne laisse pas ce genre de prière sans réponse ! Car l’objectif est trop grand pour que Dieu ne fasse pas tout ce qui est possible pour nous aider à l’atteindre : briller comme des lumières dans ce monde. Etre des relais de la lumière que Dieu est. Porter aux autres la bonté de Dieu, la paix de Dieu, la justice de Dieu. Dieu a donné son propre fils pour que nous puissions devenir nous-mêmes porteurs de sa lumière. Alors laissons la lumière de Dieu nous éclairer, nous purifier, nous transformer !

Pour terminer, je vous invite à un moment de prière, avec cette question : où en êtes-vous dans ce chantier ? où en êtes-vous avec Dieu ? que vous soyez au début ou vers la fin du chantier, dans quel domaine aimeriez-vous voir des changements ? est-ce que vous avez l’impression peut-être de stagner ? nous avons tous besoin de nous replacer devant Dieu.

Canevas

Vivre le changement (1) La repentance

image_pdfimage_print

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-le-changement-1-la

Nous débutons ce matin une série de prédications liées à la thématique du changement. Depuis que nous sommes engagés dans le parcours Vitalité, nous disons souvent que nous avons besoin de changer. Mais le but n’est pas de changer pour changer… Le changement n’est pas bon en lui-même : ça dépend pourquoi et en vue de quoi on change ! Et il y a même des choses qui ne doivent pas changer…

Il n’empêche que de nombreux textes bibliques nous appellent bien à un changement et nous vous proposons d’aborder plusieurs de ces textes lors des prochains dimanches. Et nous commencerons par un des changements qui est à la base de toute vie chrétienne : la repentance.

Actes 2.37-39
37Quand les gens entendent cela, ils sont très émus, ils demandent à Pierre et aux autres apôtres : « Frères, qu’est-ce que nous devons faire ? » 38Pierre leur répond : « Changez votre vie ! Chacun de vous doit se faire baptiser au nom de Jésus-Christ. Ainsi, Dieu pardonnera vos péchés et il vous donnera l’Esprit Saint. 39En effet, la promesse de Dieu est pour vous et pour vos enfants. Elle est pour tous ceux qui sont loin, pour tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. »

1 Thessaloniciens 1.7-10
7Ainsi, vous êtes devenus un modèle pour tous ceux qui croient, en Macédoine et en Akaïe. 8En effet, c’est de chez vous que la parole du Seigneur est partie pour se faire entendre en Macédoine et en Akaïe. De plus, on sait partout que vous croyez en Dieu, nous n’avons donc pas besoin d’en parler. 9Les gens racontent en parlant de nous comment vous nous avez reçus chez vous et comment vous vous êtes tournés vers Dieu. Vous avez laissé les faux dieux, pour servir le Dieu vivant et vrai 10et pour attendre que son Fils vienne des cieux. Ce Fils, c’est Jésus que Dieu a réveillé de la mort et qui nous délivre du jugement de Dieu, qui est proche.

Un changement radical

Dans le discours de Pierre, il est question de repentance au verset 38. Le même terme grec est traduit différemment selon les versions :

  • Segond : « Repentez-vous »
  • TOB : « Convertissez-vous »
  • PdV : « Changez votre vie »
  • BFC : « Changez de comportement »
  • Semeur : « Changez »

Toutes ces expressions traduisent le verbe grec metanoeô, qui signifie littéralement « changer de pensée ». Il y a le verbe noeô, penser et le préfixe meta. En grec il indique ce qui est après ou à côté, mais aussi ce qui dépasse, qui englobe, qui est au-dessus. En français, on le retrouve par exemple dans « métamorphose » (changement de forme). La metanoia biblique implique donc une sorte de métamorphose de la pensée, une différence aussi radicale que celle qu’il y a entre une chenille et un papillon

L’idée est vraiment celle d’un bouleversement dans la façon de penser, de réfléchir, de voir les choses… et donc de vivre. Aujourd’hui en français, le mot repentance est essentiellement associé à une demande de pardon, un regret, un repentir… mais il n’a pas toutes les connotations de changement qu’il y a dans le terme grec de metanoia. C’est pourquoi les versions modernes font bien de traduire par changement plutôt que par repentance.

C’est bien ce qu’il faut entendre : la repentance, c’est un changement radical.

Le texte de l’épître aux Thessaloniciens permet d’aller un peu plus loin. Le mot metanoia n’y est pas utilisé mais la même idée y est présente, à travers une série de verbes qui veulent dire la même chose : « vous vous êtes tournés vers Dieu, vous avez laissé les faux dieux, pour servir le Dieu vivant et vrai. » (v.9). En réalité, en grec, il n’y a qu’un seul verbe pour exprimer un double mouvement. Littéralement : « vous vous êtes tournés vers Dieu loin des idoles. »

On est proche de l’idée de conversion mais avec ce double mouvement vers Dieu d’une part et loin des idoles d’autre part. Les idoles, c’est tout ce qui prend la place de Dieu. Dans la repentance, il ne s’agit pas seulement de se détourner des idoles (on pourrait dire se repentir de ses péchés), il faut les remplacer par le Dieu vivant et vrai.

Voilà pourquoi il s’agit d’un véritable changement radical. Pas seulement une demande de pardon pour nos péchés mais l’entrée dans une vie nouvelle, avec le Dieu vivant plutôt que nos idoles. C’est un changement de vie !

Au début de la vie chrétienne

Qui donc est concerné par ce changement radical ? Dans le discours de Pierre, l’appel s’adresse à ceux qui entendent le message de l’Evangile et sont touchés. Il appelle les foules à la repentance lorsque celles-cil lui demandent : « Que devons-nous faire ? »

Dans la réponse de Pierre, la metanoia est associée au baptême et au pardon des péchés. On parle bien du début de la vie chrétienne. L’enjeu c’est le salut : Paul parle d’une foi en Jésus-Christ « qui nous délivre du jugement de Dieu » (1 Th 1.10). La repentance est donc la réponse que le croyant apporte à l’appel de l’Evangile. C’est le prolongement du « Viens et suis-moi » que Jésus adresse à ses disciples dans les Evangiles, ou des appels au « retour à Dieu » que ne cessent de répéter les prophètes de l’Ancien Testament. Il est donc aussi légitime de traduire l’appel de Pierre dans ce discours par « convertissez-vous » (TOB).

De plus, il s’agit bien d’une expérience universelle, qui n’est pas liée au contexte de l’époque de la Pentecôte puisque « la promesse de Dieu est pour vous et pour vos enfants. Elle est pour tous ceux qui sont loin, pour tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera ». La metanoia est donc la réponse du croyant à l’appel de Dieu.

On peut y associer d’autres expressions bibliques comme la « nouvelle naissance », cette entrée dans la vie nouvelle offerte par Dieu en Jésus-Christ, qu’il est plus ou moins facile à situer chronologiquement selon les cheminements personnels mais qui est l’expérience nécessaire pour être sauvé, selon les paroles de Jésus à Nicodème : « Je te le dis, c’est la vérité, personne ne peut entrer dans le Royaume de Dieu, s’il ne naît pas d’eau et d’Esprit. » (Jean 3.5)

On le sait, certains arrivent à dater précisément le jour de leur conversion, parce qu’elle est liée à une expérience facilement identifiable. D’autres peuvent parler d’une période de leur vie où ils ont pris conscience d’être déjà engagé sur le chemin et d’avoir vécu cette metanoia biblique même s’ils n’arrivent pas à l’associer à une date précise. Peu importe, l’important est d’être sur le chemin aujourd’hui !

Parce que d’autres ont clairement rejeté l’appel à la repentance et ont choisi de ne pas suivre le Christ. D’autres encore s’interrogent, hésitent… sachant bien qu’ils n’ont pas encore franchi le pas. Et on peut comprendre cette hésitation : la repentance est un changement radical, un vrai acte de foi !

Et pourquoi pas après aussi ?

La repentance n’est-elle alors que pour les non-croyants ? Est-ce que c’est un appel que nous n’avons plus à entendre dès lors que nous lui avons répondu un jour ? Je ne pense pas.

Il y a par exemple plusieurs appels à la repentance adressés aux 7 Eglises de l’Apocalypse. Et ce sont bien à des chrétiens qu’ils s’adressent ! Il y a parfois chez les chrétiens des comportements, des convictions dans lesquelles nous nous enfermons et qui nous éloignent de Dieu. Et pour sortir de ces ornières, on a parfois besoin d’un changement radical !

Pensez à « notre » récit biblique (celui que nous avons retenu dans le cadre du parcours Vitalité) : la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11). Il y a bien dans ce texte deux repentances. Celle de Corneille et sa famille, évidemment, qui se convertissent en réponse à l’appel de l’Evangile. Mais aussi celle de Pierre, qui change radicalement de pensée au moment où il comprend que l’Evangile est pour toutes les nations et que Dieu accorde son Esprit saint aux païens comme aux Juifs, sans distinction. Et c’est vraiment une metanoia, un changement radical, qui ne va pas changer seulement la vie de Pierre mais celle de toute l’Eglise !

Dans le cheminement spirituelle du chrétien, il y a donc de la place pour des moments de metanoia. Je ne parle pas ici d’une repentance pour être sauvé ; cette repentance-là est lié à la nouvelle naissance, au début de notre vie spirituelle. Elle n’est pas appelée à se répéter. Je ne parle pas non plus du fait de demander pardon à Dieu pour des péchés commis, ce qui a tout à fait sa place dans la vie chrétienne… Mais je parle d’un véritable changement radical de pensée, de comportement, de vie, où il y a un avant et un après. Ca peut être lié à un comportement ou une conviction fausse dans laquelle nous nous sommes enfermés, ça peut être lié à une délivrance, mais aussi à un appel spécifique reçu du Seigneur…

Ce changement radical n’appartient pas à l’ordinaire de la vie chrétienne. Habituellement , il s’agit plutôt d’une évolution progressive, plus ou moins rapide, qu’on appelle la sanctification. Florence en parlera la semaine prochaine. Mais des changements radicaux, en réponse à un appel spécifique ou à une intervention particulière de Dieu, peuvent aussi faire partie de notre vie chrétienne. Il s’agit pour tout chrétien de rester toujours attentif à l’appel de Dieu qui peut retentir…

Conclusion

La repentance, ce changement radical en réponse à l’appel de Dieu, nous concerne tous.

D’abord parce qu’elle est la porte d’entrée dans le Royaume de Dieu, par laquelle nous recevons le salut de Dieu. Elle est la réponse à l’appel de l’Evangile qui retentit pour tous, à travers les générations. Elle manifeste le changement radical que constitue la vie avec Dieu, qui nous est proposée à tous. Elle est donc d’abord un acte de foi que chacun est appelé à faire un jour dans sa vie.

Mais la metanoia peut encore nous atteindre après notre conversion, non pas que nous ayons besoin d’être sauvé une fois de plus, mais parce que l’appel de Dieu peut à tout moment retentir, un appel qui peut nous mener à un nouveau changement radical dans notre vie.

Découvrir l’amour

image_pdfimage_print

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/decouvrir-lamour

Ephésiens 2.1-10
1 Autrefois, vous étiez morts à cause de vos fautes, à cause de vos péchés. 2 Vous viviez dans le péché en suivant les forces de ce monde. Vous obéissiez au chef des puissances mauvaises qui règnent entre ciel et terre. Ce chef, c’est l’esprit du mal qui agit maintenant chez ceux qui désobéissent à Dieu. 3 Autrefois, nous aussi, nous faisions tous partie de ces gens-là quand nous vivions selon nos désirs mauvais. Nous obéissions à ces désirs et à nos pensées mauvaises. À cause de notre nature, nous méritions la colère de Dieu comme les autres.
4 Mais Dieu est riche en pitié : à cause du grand amour dont il nous a aimés, 5 à nous qui étions morts à cause de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ. Oui, vous êtes sauvés par grâce. 6 Avec le Christ Jésus, il nous a réveillés de la mort et avec lui encore, il nous a fait asseoir dans les cieux. 7 Ainsi, en montrant sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, Dieu a voulu prouver pour toujours la richesse extraordinaire de sa grâce. 8 En effet, c’est par la grâce que vous êtes sauvés, au moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. 9 Ce salut ne vient pas de vos actions à vous, donc personne ne peut se vanter ! 10 Oui, c’est Dieu qui nous a faits. Il nous a créés dans le Christ Jésus pour que nous menions une vie riche en actions bonnes. Et ces actions, Dieu les a préparées pour que nous les fassions.

 

Découvrir l’amour change une vie. Radicalement. Dans ma vie, il y a clairement un avant et un après ma rencontre avec celle qui est devenue ma femme ! Ma vie n’était pas la même avant et après !

C’est vrai aussi (c’est même encore plus vrai !) pour notre rencontre avec l’amour de Dieu. Il y a un avant et un après…

Un avant et un après

L’amour de Dieu, au cœur de ce texte, est à la base d’un changement radical, le plus grand changement possible dans la vie d’un être humain. Paul évoque bien ici un avant et un après :
Un avant : « Autrefois vous étiez mort à cause de vos fautes… » (v.1). Et la description continue jusqu’au verset 3 qui se termine par cette conclusion : « nous méritions la colère de Dieu comme les autres. »
Un après : « Mais Dieu est riche en pitié » (v.4), et un peu plus loin : « A nous qui étions morts à cause de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ. » (v.5)

Autrement dit : autrefois, nous étions morts, maintenant nous sommes vivants !

On parle souvent de la vie chrétienne, et c’est bien une image biblique, comme d’une vie nouvelle, qui débute avec une nouvelle naissance. C’est ce que Jésus disait à Nicodème : « Je te le dis, c’est la vérité, personne ne peut voir le Royaume de Dieu, s’il ne naît pas de nouveau. » (Jean 3.3)

Mais le langage utilisé par Paul ici est encore plus fort. Cette nouvelle naissance, c’est une résurrection ! Il ne s’agit pas seulement de changer de vie, de choisir une vie meilleure… il s’agit de passer de la mort à la vie ! Une résurrection !

La vie chrétienne est alors perçue comme une expérience de résurrection, grâce à l’amour de Dieu. La notion même de résurrection implique un changement radical, une vie nouvelle. La résurrection du Christ n’est pas une simple réanimation de son corps. C’est l’entrée dans une vie nouvelle qui ne connaîtra plus la mort. Il est vivant, pour toujours ! C’est la même chose pour notre expérience chrétienne.

L’amour de Dieu, ce n’est pas seulement d’avoir donné son Fils Jésus-Christ, mort et ressuscité, il y a 2000 ans. C’est aussi de nous rendre aujourd’hui participants de cette mort et de cette résurrection.

La vie chrétienne à laquelle l’Evangile nous appelle, c’est une vie de résurrection, de changements, d’évolution permanente, au contact de l’amour de Dieu. Notre sève, notre force vitale, le sang qui coule dans nos veines spirituelles, c’est l’amour de Dieu ! Le même qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts !

Les mots de l’amour

Un seul terme ne suffit pas à décrire l’amour de Dieu ! En plus de l’expression « le grand amour dont il nous a aimés », au verset 5, on trouve aussi utilisé, au verset 4, le terme « pitié » (PdV), que la NBS traduit par « compassion » et la TOB par « miséricorde ». Et puis au verset 7, la bonté. On pourrait encore ajouter la mention, à trois reprises (v.5,7,8) de la grâce comme une expression de l’amour de Dieu.

Le terme le plus englobant, c’est l’amour, qui traduit le grec agapê. C’est le terme que les auteurs du Nouveau Testament ont choisi pour décrire l’amour de Dieu, l’expression même de sa personne puisque, selon Jean dans sa première épître, « Dieu est amour » (1 Jn 4.8). Dans notre texte, Paul le dit avec une certaine emphase : « A cause du grand amour dont il nous a aimés » (v.4)

Cet amour de Dieu se décline ici sous trois formes : la pitié, la bonté et la grâce.

  • La pitié (eleos), ou la compassion, c’est l’amour qui pousse à venir en aide à ceux qui sont dans la détresse. Dieu ne veut pas nous laisser dans le péché : « Autrefois vous étiez morts… » et Dieu ne peut pas se satisfaire de cela. Alors dans son amour, il prend pitié de nous et met en œuvre son projet de salut.
  • La bonté (chrestotês), c’est l’amour qui se montre généreux. Ici, la bonté est associée à « la richesse extraordinaire de sa grâce ». Ce sont les bienfaits de Dieu qui sont répandus sur tous, comme quand Jésus dit « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. » (Mt 5.45)
  • Quant à la grâce, c’est le don gratuit de Dieu. Elle est associée par deux fois au salut dans notre texte, et une fois à l’abondance de la bonté de Dieu manifestée en Jésus-Christ. La grâce est la réponse de Dieu à notre culpabilité, la solution au péché : c’est son pardon.

La pitié, la bonté et la grâce. Trois termes qui qualifient l’amour agapê de Dieu, manifestés à leur paroxysme dans la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ. Il a eu pitié de nous : il est venu à notre secours en se faisant serviteur. Dans sa bonté il a tout donné, jusqu’à sa propre vie. Sa grâce s’est manifestée dans son sacrifice à la croix, allant jusqu’à dire en agonisant : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Parler de l’amour de Dieu, ce n’est donc pas simplement parler du « bon Dieu ». C’est parler de la façon concrète dont Dieu a témoigné son amour envers nous. C’est parler d’un amour à multiples facettes, dont la pitié, la bonté et la grâce font partie… mais il y en a bien d’autres encore que nous sommes appelés à découvrir tout au long de notre vie chrétienne.

Les fruits de l’amour

Si, précédemment, Paul a décrit la vie nouvelle reçue en Christ comme une résurrection, au verset 10 il la compare à une véritable nouvelle création : « Oui, c’est Dieu qui nous a faits. Il nous a créés dans le Christ Jésus pour que nous menions une vie riche en actions bonnes. Et ces actions, Dieu les a préparées pour que nous les fassions. » (v.10)

L’image est aussi forte et traduit bien la nouveauté radicale que cela représente. En Christ, nous sommes de nouvelles créatures… et nous devons agir comme telles. Il s’agit alors de mener une vie « riche en actions bonnes », des actions que Dieu a préparées pour nous.

Il faut bien comprendre cette expression. Paul n’est pas en train de dire qu’il aurait établi une liste de choses à faire et puis qu’il nous dirait ensuite : « allez-y, j’ai préparé la liste, maintenant débrouillez-vous ! »

Dieu ne prépare pas une liste, il prépare notre cœur ! Il nous façonne, nous transforme, nous sommes son ouvrage ! Oui, c’est nous qui pratiquons ces œuvres, mais grâce à l’amour de Dieu. Ces œuvres bonnes, ce sont les fruits de l’amour de Dieu dans notre vie.

C’est pourquoi, il y a un lien entre l’amour de Dieu et les œuvres bonnes que nous sommes appelés à faire. L’amour de Dieu envers nous inspire notre amour envers notre prochain. On peut alors reprendre les trois facettes de l’amour de Dieu : la pitié, la bonté et la grâce.

La pitié, ou la compassion, nous conduit à prendre soin de ceux qui souffrent, de ceux qui sont dans la détresse… Et franchement, ce ne sont pas les occasions qui manquent. Il y a toujours, autour de nous, quelqu’un qui a besoin de nous, de notre aide, de notre écoute, de notre prière. Il suffit d’ouvrir les yeux !

La bonté de Dieu nous invite à la générosité. Dans la perspective du Royaume de Dieu, on n’est pas riche de ce que l’on possède, on est riche de ce que l’on partage. Et je ne parle pas ici seulement de notre porte-monnaie (même s’il est aussi concerné !), je parle aussi du temps qu’on consacre aux autres, de l’ouverture dont on fait preuve, de l’accueil que l’on réserve.

La grâce, enfin, nous pousse à la gratuité. L’amour véritable est gratuit, il ne calcule pas, il n’attend rien en retour. Nous avons tellement besoin de gratuité dans nos relations… et une des expressions ultimes de la gratuité, c’est le pardon !

Conclusion

L’amour de Dieu rend tous les changements possibles, il offre une vie nouvelle, une véritable résurrection, une création nouvelle. Il s’est exprimée de façon parfaite en Jésus-Christ, et il continue de nous le manifester aujourd’hui par son Esprit.

Nous sommes au bénéfice de l’amour parfait de Dieu, de sa compassion, de sa bonté et de sa grâce… et nous sommes appelés à notre tour à faire preuve d’amour envers notre prochain, dans la compassion, la bonté et la grâce. Laissons donc mûrir dans notre vie les fruits de l’amour de Dieu !

Près du tombeau vide

image_pdfimage_print

https://soundcloud.com/eel-toulouse/pres-du-tombeau-vide

Lecture biblique: Jean 20.1-18

1 Le dimanche matin, très tôt, Marie de Magdala part vers la tombe. Il fait encore nuit. Il y avait une grosse pierre à l’entrée et Marie voit qu’on l’a enlevée. 2 Alors elle part en courant, elle va trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de la tombe, et nous ne savons pas où on l’a mis ! » 
3 Pierre et l’autre disciple partent, ils vont vers la tombe. 4 Ils courent tous les deux ensemble, mais l’autre disciple court plus vite que Pierre et il arrive le premier à la tombe. 
5 Il se penche et il voit les bandes de tissu posées par terre, mais il n’entre pas. 6 Simon-Pierre arrive après lui. Il entre dans la tombe, il regarde les bandes de tissu posées par terre. 7 Il regarde aussi le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus. Ce linge n’est pas posé avec les bandes de tissu, il est enroulé à part, à un autre endroit. 8 Alors l’autre disciple, celui qui est arrivé le premier à la tombe, entre, lui aussi. Il voit et il croit. 
9 En effet, les disciples n’avaient pas encore compris ce que les Livres Saints annonçaient : Jésus doit se relever de la mort. 10 Ensuite les deux disciples retournent chez eux. 
11 Marie est restée dehors, près de la tombe, et elle pleure. En pleurant, elle se penche vers la tombe, 12 elle voit deux anges habillés avec des vêtements blancs. Ils sont assis à l’endroit où on avait mis le corps de Jésus, l’un à la place de la tête, et l’autre à la place des pieds. 13 Les anges demandent à Marie : « Pourquoi est-ce que tu pleures ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. » 
14 En disant cela, elle se retourne et elle voit Jésus qui est là. Mais elle ne sait pas que c’est Jésus. 15 Jésus lui demande : « Pourquoi est-ce que tu pleures ? Qui cherches-tu ? » Marie croit que c’est le jardinier. Alors elle lui dit : « Si c’est toi qui as emporté le corps de Jésus, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 16 Jésus lui dit : « Marie ! » Elle le reconnaît et lui dit en hébreu : « Rabbouni ! » Cela veut dire : Maître. 17 Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! En effet, je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur de ma part : “Je monte vers mon Père. Il est aussi votre Père. Je monte vers mon Dieu. Il est aussi votre Dieu.”  »
18 Alors Marie de Magdala va annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur. » Et elle leur raconte ce qu’il a dit.

A chaque fois, c’est le même étonnement. Devant l’étrangeté de cette histoire. La foi chrétienne est bâtie sur la foi en la résurrection du Christ, et pourtant, Jésus ici apparaît presque en second rôle… le miracle n’est pas décrit, Jésus ressuscité non plus – tout ce qu’on a sur lui, c’est quelques paroles. Par contre, le projecteur se braque sur les disciples, hommes et femmes, de ce matin de Pâques. C’est avec leurs yeux que nous découvrons le Christ ressuscité, non comme une théorie ou une belle métaphore, mais comme un événement historique dont les disciples se font témoins. On est plongé dans le concret de leur expérience : dans le demi-jour de l’aube naissante, règnent la tristesse, l’inquiétude, l’agitation, la confusion. Des femmes et des hommes comme nous, déroutés par la Croix.

A chaque fois je m’étonne de ces témoignages sobres et prosaïques – nulle trompette, nul triomphe, nul cortège d’anges pour chanter « Gloire à Dieu dans les cieux ». Pas de leçon non plus, pas de théologie, simplement une expérience – vécue par les premiers disciples, vécue par des milliards de chrétiens, une expérience à vivre aujourd’hui.

1)     La foi par différents chemins

Jean cite trois des premiers témoins de la résurrection : Marie de Magdala, Pierre, et le disciple que Jésus aimait (probablement Jean lui-même). Trois témoins, trois chemins. 3 chemins que je vous invite à reparcourir ensemble.

C’est Marie qui lance l’alerte : arrivée tôt au tombeau pour s’occuper du corps de Jésus, elle constate que le tombeau est ouvert. Il y a beaucoup de profanations de tombes à l’époque – on vole les corps et les objets. En plus, Jésus était très en vue, connu du grand public, arrêté et condamné dans des conditions troubles… Marie a peur, alors elle appelle la cavalerie : les disciples. Pierre l’intrépide et Jean se précipitent sur-place, et tous les deux sont confrontés à la réalité du tombeau vide. D’abord Pierre, puis Jean, constatent que la tombe est trop bien rangée pour qu’il y ait eu un vol : des malfrats auraient sûrement pris les tissus précieux, ils n’auraient pas dénudé le cadavre, et si une bandelette était tombée par terre dans la précipitation, ils ne l’auraient pas rangée !

Le tombeau vide et les linges rangés suffisent pour que Jean croie. Il croit sans comprendre : non pas que la foi s’appuie sur la bêtise ! Mais avant de comprendre intellectuellement, avant de saisir toute la portée théologique de l’événement, sans peut-être pouvoir mettre des mots dessus, Jean a cette intuition profonde que Dieu a agi, on ne sait pas comment, mais Jésus n’est plus dans la tombe, ce n’est plus le banal cadavre d’un énième condamné à mort : Dieu a agi. Le Dieu qui fait vivre a vidé la tombe et balayé la mort. C’est de l’ordre de l’évidence : Jean croit ! Il y a plusieurs façons de rencontrer Dieu, et parfois c’est simplement cette conviction dans nos tripes que Dieu est là. Que Dieu a conduit telle situation, a permis telle guérison ou telle réconciliation, a arrangé telle « coïncidence ». Cette impression d’être devant l’empreinte de Dieu, comme s’il marchait devant nous, invisible mais présent.

Pendant ce temps, Marie est revenue près du tombeau. Elle est la première à rencontrer le Christ vivant, ressuscité. Mais dans sa peine, ses larmes, son inquiétude, toute préoccupée par la mission qu’elle s’est donnée de retrouver Jésus, elle ne le reconnaît pas. Elle pense voir des hommes bien habillés – sans saisir qu’ils sont les messagers de Dieu. Elle pense voir le gardien du jardin, peut-être responsable du transfert du corps de Jésus – le généreux propriétaire du tombeau qui avait fait de la place à Jésus se serait-il ravisé ? Aurait-il finalement déplacé le corps pour ne pas être associé au condamné crucifié ? Marie est prise dans ses pensées.

Comment peut-elle ne pas reconnaître Jésus ? Peut-être que Jésus est différent d’avant, peut-être voit-elle mal ses traits dans l’obscurité et les larmes, peut-être aussi qu’elle ne le regarde à moitié, sans lui porter attention. C’est tellement impensable de voir Jésus debout qu’elle ne le voit même pas ! Marie est si absorbée par ses préoccupations qu’elle ne décode rien de ce qui l’entoure : elle a sa clef de lecture (Jésus a été déplacé) et tout ce qu’elle enregistre est interprété à cette lumière. Marie de Magdala est si proche de nous, dans notre capacité à nous auto-aveugler, à nous focaliser sur nos peurs ou nos missions au point de rater l’évidence : Dieu est présent. Jésus doit l’appeler par son nom pour qu’elle voie. C’est par une interpellation directe qu’il perce son aveuglement. Comme s’il la secouait par les épaules : « Marie, c’est moi ! »

Et là elle croit, elle se prosterne, elle le saisit – soulagée, stupéfaite, heureuse. Et Jésus lui donne alors une nouvelle mission, elle repart avec un objectif clair (témoigner auprès des autres disciples) – mais je reviendrai aux paroles de Jésus.

Car il nous reste un troisième témoin. Pierre, lui, repart ébranlé, perturbé, sans savoir trop quoi penser. Comme les autres disciples, il aura besoin de voir Jésus ressuscité pour croire. Il aura besoin d’une preuve directe – pour l’instant, il se pose des questions. Peut-être que certains parmi vous se sentent plus proches de Pierre : intrigués, ni croyants ni non-croyants, devinant que Dieu agit mais hésitant à sauter le pas de l’incroyable. Peut-être que, comme Marie et les autres disciples, vous avez besoin d’une rencontre personnelle, indubitable, avec Dieu – mais qu’il y a encore du chemin avant d’être prêt à vivre cette expérience. La bonne nouvelle, c’est que près du tombeau vide, il y a de la place aussi pour votre chemin.

Le témoignage de Jean raconte les choses telles qu’elles se sont passées, avec honnêteté et sobriété. Étonnamment, près du tombeau vide, le Christ est peu présent. Ce sont les disciples qui occupent le devant de la scène. L’accent ne porte pas sur le miracle, mais sur la réaction des hommes, sur leur foi ou leurs questions. Car Jean ne veut pas nous faire rêver en nous racontant des histoires, même merveilleuses – il veut que nous nous prenions position : et moi, qu’est-ce que je crois ? Devant le tombeau vide et bien rangé, devant tous les témoignages de ceux qui ont rencontré de Jésus ? Devant l’assurance de Marie ? Devant les doutes de Pierre qui, quelques semaines plus tard, risquera sa vie pour prêcher sur la grande place la nouvelle du Christ ressuscité ?  C’est bien de fêter Pâques, de chanter le Christ crucifié et revenu à la vie, mais si je ne crois pas, si vous ne croyez pas, Pâques n’est qu’une fête de plus. Habitué de l’église ou nouveau, peut-être même convaincu que quelque part un Dieu existe, si nous ne laissons pas le Christ ressuscité nous interpeller, nous rencontrer, nous transformer, Pâques perd son sens.

2)     Un plus grand projet

Revenons aux paroles de Jésus à Marie : elle l’a saisi, toute à sa joie. « Il est là, bien vivant ! » Mais Jésus la rassure : « tu peux me lâcher, tout va bien. Je suis là. Je ne repars pas tout de suite ! » Il la rassure, et en même temps il la prépare à son départ prochain : Jésus ressuscité va rester quelques semaines avec les disciples. Mais il ne sera plus constamment avec eux, il fera juste quelques apparitions, et il quittera la terre pour rejoindre Dieu (Ascension). Là aussi, les disciples auront du mal à comprendre : quoi, Jésus est ressuscité, le seul de l’histoire de l’Humanité à ressortir de la mort plein d’une vie surnaturelle, et il s’en va déjà ?

Pour comprendre cette parole de Jésus à Marie, il faut relire e que Jésus dit aux disciples avant son arrestation : « Maintenant, je m’en vais vers celui qui m’a envoyé (Dieu le Père). Il vaut mieux pour vous que je parte, car si je ne pars pas, celui qui doit vous aider ne viendra pas à vous, mais si je pars, je vous l’enverrai. Quand l’Esprit de vérité viendra, il vous conduira dans la vérité toute entière. » (Jean 16.5, 7, 13) A sa résurrection, Jésus reprend cette idée : « je m’en vais ! Pas pour vous laisser orphelins, mais pour vous donner l’Esprit de Dieu! » Pourquoi ? Le Christ ressuscité n’est-il pas suffisant ? Non. (ne me jetez pas de pierres !) Non le Christ ne suffit pas car il reste extérieur à nous. Il nous montre la puissance de Dieu, l’amour infini et la justice de Dieu, il œuvre pour nous, mais il reste comme un frère, extérieur à nous. Son but, le but de Dieu, c’est de venir non seulement nous entourer, mais aussi nous habiter. Que la résurrection ne reste pas un événement historique extérieur, mais prenne vie en nous, luttant contre les forces de mort et de mal en nous, pour nous restaurer et nous remplir de la lumière de Dieu. C’est l’Esprit qui fait de nous les enfants de Dieu, c’est l’Esprit qui fait de nous les témoins et les disciples du Christ, c’est l’Esprit qui trace en nous des chemins de vérité et de justice, de bonté et de paix. La venue, la mort et la résurrection du Christ, ce n’est pas la fin du projet de Dieu pour l’humanité : c’est l’inauguration ! Dieu se rend alors particulièrement présent par l’Esprit, en chacun de nous, partout où nous sommes.

Conclusion

Le Christ ressuscité était sûrement glorieux, grandiose, bouleversant ! Pourtant, autant dans les rencontres que dans ses paroles, Jésus nous renvoie à ce que nous sommes prêts à vivre avec lui, avec Dieu, dans l’Esprit. Est-ce que, comme Marie, nous chercherons ce qui n’est pas là ? est-ce que nous nous accrocherons à une certaine image de Dieu, de la réalité, de notre vie ? Ou est-ce que nous laisserons Jésus nous emmener sur des chemins qui dépassent notre imagination ? Des chemins où Dieu agit, où l’espoir transfigure la réalité, où la résurrection l’emporte sur la mort ?