Archives mensuelles : juillet 2015

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Le repos de la foi, jour après jour

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tenir main

Lecture biblique: Philippiens 4.4-9

Début juillet, nous avons entamé une petite série sur le repos. Nous avons vu que le repos est un moment nécessaire, à la fois pour souffler, pour prendre du recul et pour se tourner vers l’essentiel, Dieu. Nous avons vu qu’une des caractéristiques du repos est la louange qui permet de découvrir et redécouvrir l’intervention de Dieu dans notre vie, et d’y répondre en conséquence, en lui faisant confiance et en le suivant. La semaine dernière nous a conduits au repos de la grâce, cet amour de Dieu si généreux qui le pousse à nous accueillir tels que nous sommes et à tout faire pour nous sauver, pour peu que nous le laissions agir dans notre vie. Ce matin, j’aimerais terminer cette série avec une méditation sur le repos que procure la foi, jour après jour. Un des contraires du repos, c’est l’in-quiétude – absence de repos étymologiquement – et je pense que nul d’entre nous n’en est indemne. La Bible parle, elle aussi, de l’inquiétude, j’ai même eu l’embarras du choix pour prendre un texte à méditer, et je vous propose de nous arrêter sur la fin de la lettre de Paul aux Philippiens, qui peut nous apporter un éclairage intéressant.

La  lettre de Paul aux chrétiens de la ville de Philippes est une lettre assez étonnante : Paul ne cesse d’y parler de joie, alors même qu’il est en prison à cause de sa foi, et que les Philippiens eux-mêmes rencontrent le rejet voire la persécution à cause de leur foi. Le grand sujet d’inquiétude, pour eux, c’est l’opposition de leur entourage, avec tout ce que ça comporte de tristesse, et de danger. Dans ce contexte, Paul les encourage : 1/ Soyez dans la joie, et 2/ Ne vous inquiétez pas !

Même sans être dans la situation de l’église persécutée, il me semble que l’inquiétude nous touche nous aussi et que nous pouvons nous approprier les encouragements de Paul dans notre contexte, où les uns et les autres sont soumis au stress de la vie quotidienne, du travail, des tâches à accomplir, des missions à remplir, mais aussi reçoivent les discours effrayants relayés par les médias (épidémies, terrorisme, crise etc.) et il y aurait encore d’autres facteurs à citer. Comment ce texte de Paul peut-il nous encourager ce matin à nous reposer dans notre relation avec Dieu, la foi, la confiance, jour après jour ?

1) L’appel à la joie en toutes circonstances

Paul commence avec un massif : « Soyez dans la joie ! Je le répète, soyez dans la joie ! » §§ Quelle que soit la situation, nous sommes appelés à nous réjouir – c’est d’ailleurs pour lui un des traits de caractère du chrétien, une des facettes du fruit de l’Esprit dans la lettre aux Galates. Ce qui saute aux yeux avec Paul, c’est que la joie n’est pas liée aux événements extérieurs, aux aléas de la vie. C’est plutôt un état intérieur, positif, marqué le contentement, que nous sommes appelés à cultiver, quelles que soient les circonstances. Ce n’est pas la conséquence de ce que nous vivons, mais plutôt l’attitude de base avec laquelle nous allons vivre, à cause de notre foi.

Comment être joyeux au milieu de la persécution, mais même ici, dans un monde dévasté, dans une vie à risques, avec nos problèmes et nos soucis, les maladies, les deuils, le chômage, la solitude, la peur… ? Même quand on n’est pas dans une situation inquiétante, la joie a rarement toute la place, et on tend à relativiser ce qu’il y a de bon en comparant avec ce qui ne va pas ou avec ce risque de ne pas aller : « Là, ça va, mais ça ne va pas durer, il ne faut pas trop profiter ou se réjouir avec trop d’insouciance, parce qu’on ne sait jamais ! Une tornade, un accident de voiture, un cancer, peuvent venir tout chambouler. »

Pour l’inquiétude, Paul invite à remettre nos besoins à Dieu, à lui confier nos soucis, nos préoccupations, nos peurs, peut-être même nos superstitions, nos peurs cachées. Remettre ses besoins à Dieu en lui confiant dans la prière, c’est un signe d’humilité et de confiance. Humilité parce qu’on reconnaît que la situation nous échappe et qu’on ne peut rien garantir, qu’on ne sait même pas où commence la solution, et confiance, parce qu’on reconnaît que la situation n’échappe pas à Dieu, qui lui est puissant, souverain, présent, et qu’il peut faire face – et nous aider à faire face – à toutes les situations.

La prière demande de faire connaître nos besoins à Dieu, tous nos besoins. Combien de fois est-on préoccupé par un sujet à 400%, sans oser ou imaginer le dire Dieu à Dieu ? Parfois on oublie, parfois aussi on a peur – peur qu’il trouve notre inquiétude illégitime ou stupide, peur qu’il fasse justement ce que l’on craint, peur qu’il ne nous écoute pas. Avouer nos inquiétudes et les lui confier, avec humilité et confiance, c’est déjà énorme, parce que dans ces prières nous invitons Dieu dans la situation. Il est déjà au courant, mais Dieu, au travers de toutes nos situations, veut approfondir la relation qu’il a avec nous, et nous inviter à lui faire toujours davantage confiance. Prier pour nos besoins approfondit le partenariat que Dieu a créé avec nous.

La prière n’est pas pour autant un soulagement automatique ou la garantie d’une solution immédiate. Paul parle, dans le texte original, de prières et de supplications : on a le droit de répéter nos prières, tant que nos besoins nous dévorent, on a le droit de supplier, de crier, d’être émotif, d’interpeler (c’est le « Jusqu’à quand ?! » des psaumes !). Ce n’est pas un formulaire anonyme que l’on remplit, mais un dialogue avec Dieu qui se vit dans le temps et qui approfondit notre proximité avec lui. Et Dieu, dans sa patience infinie, nous permet d’arriver peu à peu à une confiance plus grande, sans exiger la rapidité. Il faut parfois bien des prières et des supplications.

Paul mentionne aussi la reconnaissance. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’être reconnaissant pour la souffrance ou la perte – Dieu ne traite pas à légère le mal, commis ou subi. S’attacher à être reconnaissant, même dans l’inquiétude, c’est faire le choix de ne pas se laisser noyer et aveugler par la situation mais d’ouvrir les yeux sur l’action de Dieu en notre faveur, ce que Dieu a fait par le passé, ce qu’il fait aujourd’hui, sa manière d’être avec nous. Non seulement ça nous encourage car ça nous rappelle que Dieu est à la hauteur et qu’il nous aime, mais ça nous pousse aussi à lui faire confiance à nouveau.

2) Le fondement de notre paix et de notre joie: Dieu

Si la joie est le choix de ne pas se laisser submerger par les circonstances et de se focaliser sur Dieu, en confiant à Dieu ce qui nous inquiète, ce n’est pas un sentiment artificiel, une apparence à cultiver, un grand sourire à garder scotché quoi qu’il arrive. Certains ont pu comprendre que si on n’est pas tout le temps joyeux, on n’est pas vraiment chrétien. Je ne suis pas d’accord. Jésus lui-même a pleuré, il s’est lamenté et mis en colère, sans parler même des psaumes.

La joie fait partie de cette manière de vivre que Dieu nous offre dans sa présence, comme l’amour, le pardon, l’honnêteté, etc. Elle fait partie de ce nouveau vêtement, de cette nouvelle identité, que nous nous approprions un peu plus chaque jour : c’est notre but, l’orientation que nous voulons adopter.

Qu’est-ce qui nous motive à refuser l’inquiétude pour choisir la joie et la confiance ? Dieu. Dieu seul. Paul, dans ce court texte, donne des raisons. D’abord « le Seigneur vient bientôt », une expression qu’il ne faut pas forcément comprendre comme une indication de temps puisque ça fait quand même 2000 ans et que nous attendons toujours le retour du Christ, mais plutôt comme le rappel que Dieu est prêt à intervenir, il est à la porte, il n’a pas changé de planète, mais il est là, tout près. C’est le Dieu de Jésus-Christ, en qui nous sommes sauvés, relevés, restaurés : comment un Dieu qui a donné son propre fils pour nous sauver pourrait-il nous abandonner ? Regarder au Christ, c’est voir un Dieu tout-puissant et bon, qui a tout fait par amour pour nous.

En plus de nous rappeler qui est ce Dieu en qui nous nous confions, Paul nous adresse une promesse de la part de Dieu (v.7). Vous remarquerez qu’il n’est pas question de résolution immédiate : ça arrive, bien sûr, mais ça peut aussi ne pas arriver. Dieu ne promet pas d’être notre porte-bonheur, il promet de nous écouter, de se tenir avec nous, d’être présent, et de nous aider à avancer malgré tout. Vous savez, le terme « heureux » en hébreu, ça veut dire « en marche », et Dieu nous promet d’être avec nous pour nous aider à avancer sur un chemin parfois sombre, parfois fermé, parfois dangereux, mais il est avec nous et il nous tient par la main – voire il nous porte parfois. Lui qui a fait jaillir au milieu de la mort, nous promet de nous soutenir dans notre marche quelques soient les difficultés.

3) Confiance et action

J’aimerais, avant de terminer, m’arrêter sur les versets 8-9 que j’ai laissés jusqu’ici de côté (relire). Cette exhortation, assez classique, nous rappelle que la vie avec Dieu est un ensemble : nous sommes sauvés, délivrés, relevés, dans le but de mener une vie belle et bonne, reflétant les valeurs et le caractère de Dieu, faisant briller sa lumière, dans nos pensées, nos paroles, nos actes. Cela est vrai tant dans les moments faciles que difficiles : la bonté du Christ, sa bienveillance, sa douceur, sa patience, doivent devenir notre emblème, notre marque de fabrique, en toutes circonstances (là aussi, ça prend du temps !).

Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que ces exhortations suivent directement l’appel à ne pas s’inquiéter, il y a même un rappel entre la paix promise au croyant v.7 et la promesse que le Dieu de la paix sera avec ceux qui choisissent un mode de vie « divin » v.9.

Souvent, l’inquiétude nous pousse à des comportements désordonnés. On s’agite dans l’espoir de résoudre un problème qui nous dépasse, on panique et on fait n’importe quoi, on se décourage et on abandonne le bien, ou encore on reste paralysé par le sentiment d’impuissance devant la situation. Paul nous dit : au lieu de vous agiter, confiez la situation à Dieu, et ensuite, résistez à la tentation de vous disperser ou de vous bloquer, mais concentrez-vous sur ce que vous vivre de bon. Je trouve que c’est très juste de rappeler aux chrétiens inquiets le champ d’action possible, c’est comme si Paul disait : « voilà tout ce que vous pouvez faire, et soutenir, et encourager ». Vous n’êtes ni tout-puissants ni impuissants. Ce dont vous avez besoin, demandez-le ! Mais n’oubliez pas votre vocation, vos possibilités. Ne vous laissez pas décourager ou aveugler, mais après avoir confié la situation à Dieu, appliquez-vous à ce que vous savez faire, à ce que vous pouvez faire, même sans lien avec vos problèmes. Remettez-vous en route, sachant que Dieu marche avec vous.

Conclusion

En toutes circonstances, cultivons la joie. Apprenons à remettre à Dieu tout ce qui obscurcit notre vie, apprenons à nous concentrer sur sa présence, sur son amour pour nous, sur sa puissance et ses projets. Cultivons le repos de la confiance et de la reconnaissance, sachant que Dieu marche avec nous, qu’il nous guide et nous conduit, tel un bon Père, tel un bon berger.

Le repos du salut

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grace de dieu

Lecture biblique: Ephésiens 2.1-10

« C’est par la grâce que vous êtes sauvés, en Christ, par le moyen de la foi ». Voilà un résumé de l’Evangile, la clef de notre repos, le fondement inébranlable de notre paix. J’ai puisé dans la richesse de ce que nous avons lu quelques éléments pour nous aider à mieux nous approprier le repos du salut en Christ.

1) Sauvés par grâce

Comme toute la lettre aux Ephésiens, ce texte nous donne le vertige. Paul commence par souligner la gravité de notre situation avant d’être sauvés : nous étions morts, esclaves de nos pulsions, esclaves d’un système de pensée, esclaves d’un tentateur manipulateur et destructeur. Tous, sans exception, partent de cette situation : les païens comme les Juifs, ceux qui n’avaient aucune notion de Dieu, qui vivaient dans la débauche et dont la vision du monde était fausse, autant que ceux qui avaient grandi dans la connaissance de Dieu et de ses Ecritures. Tous, sans exception, sont esclaves. Esclaves, mais responsables aussi des injustices qui suscitent la colère de Dieu.

Dans ce tableau sombre, la lumière apparaît : « mais Dieu, riche en bonté, nous a aimés d’un grand amour ». Malgré tout, malgré notre noirceur, Dieu dans sa bonté, nous a aimés. Ca vient de lui, de sa générosité, de son cœur, et non de nos mérites. Dans son amour, il s’est tourné vers nous et nous a tendu la main pour nous relever.

Paul met l’accent sur la générosité de Dieu, sur la richesse de son action envers nous : non seulement il prend l’initiative, mais il fournit tous les ingrédients du salut. Dieu a tout fait : il nous a fait revivre, comme une nouvelle création, il nous a relevés, il nous a fait asseoir avec le Christ, il nous a préparé un chemin d’œuvres bonnes. Le salut qu’il nous offre est un repas complet, de l’entrée au café, auquel il ne manque absolument rien. Nous n’avons rien à compléter, à prouver, à confirmer : c’est parfait !

Cela ne veut pas dire pour autant que nous soyons passifs : le salut est un don parfait, mais ce cadeau il faut le recevoir, ce repas complet il faut le manger. C’est la foi : saisir la main que Dieu nous tend, de toutes nos forces. Même si la foi nous engage totalement, dans une démarche active, ce n’est pas une œuvre que nous faisons, ce n’est pas un plat ou un complément alimentaire que nous ajoutons sur notre plateau, c’est simplement le fait de recevoir.

Revenons rapidement sur le salut que Dieu nous offre. Dieu nous offre la possibilité d’être solidaires du Christ, de recevoir notre part de ce qu’il a vécu : il est mort, subissant à notre place la colère de Dieu contre le mal des hommes, il s’est relevé de la mort, il a reçu une vie nouvelle, et il est monté auprès de Dieu, à côté de qui il est assis. Tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il a reçu, il nous l’offre, il nous invite à en être bénéficiaires : sa mort, c’est notre acquittement, sa résurrection, c’est notre vie, son éternité, c’est la nôtre, sa proximité avec Dieu, la nôtre. En Christ, tout nous est offert.

La Bonne Nouvelle que nous proclamons, c’est que Dieu nous a aimés alors que nous ne méritions pas son amour, qu’il nous a fait revivre alors que nous étions morts, et que ce salut est un cadeau de A à Z. C’est la définition de la grâce de Dieu : il prend toutes les initiatives, il prépare tout, il fait tout, par amour pour nous, pour qu’aucun obstacle ne nous sépare de la vie qu’il nous offre.

2) Disciples par grâce

Dans la vie de celui qui est sauvé, il y a deux grandes phases. La première consiste à recevoir le salut en Jésus-Christ – le contact s’établit avec Dieu, c’est le début d’une vie nouvelle (cette phase peut prendre 3 secondes comme s’étaler sur 20 ans). Ensuite, c’est tout le reste, le fait de marcher sur cette route nouvelle où Dieu nous a conduits, et c’est la vie de l’enfant de Dieu qui est né à nouveau lorsqu’il a reçu le salut en Jésus-Christ et qui grandit, autrement dit, la vie de disciple.

Il y a beaucoup à dire sur ce cheminement de toute une vie, mais j’aimerais simplement en souligner un aspect : tout comme nous sommes nés de nouveau du fait de l’amour généreux de Dieu, nous grandissons par grâce. Tout comme la vie que nous avons reçue et qui nous a fait passer des ténèbres à la lumière est un don de Dieu, notre vie dans la lumière est un don de Dieu.

Il me semble que parfois, on tend à commencer par l’amour de Dieu et à continuer avec nos œuvres, comme s’il fallait mériter a posteriori le salut qu’on a reçu gratuitement, justifier l’amour de Dieu pour nous, comme si le salut nous avait été accordé sous réserve d’un potentiel que nous devons maintenant exploiter sous peine de perdre ce salut. En réalité on tend un peu, parfois, certes pas moi ni vous, à mettre des conditions à un salut inconditionnel, gratuit, offert. La vie que Dieu nous offre avec lui est un cadeau que nous ne méritons ni avant de le recevoir, ni pendant, ni après : c’est une grâce.

A un moment, nous avons fait pleinement confiance à Dieu pour croire que tout ce que Jésus-Christ a fait et vécu suffit pour nous rendre dignes de vivre en présence du Dieu saint, juste et pur, nous sommes entrés dans une vie nouvelle caractérisée par la grâce de Dieu – et il n’est pas question d’en ressortir ! Sur toutes les étapes de notre chemin, c’est le même Dieu qui nous a sauvés qui nous accompagne : celui qui déborde de générosité reste généreux, celui qui relève les cadavres nous relève quand nous tombons, celui qui éclaire la nuit illumine aussi nos jours gris.

De même que pour entrer dans cette vie nouvelle, il nous fallait croire et recevoir, de même, à chaque étape, il nous faut croire et recevoir la vitalité que Dieu nous offre. Paul parle des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance : ces œuvres font partie du salut, elles en sont la conséquence et le but. Nous avons été pardonnés, délivrés, re-créés pour vivre la vraie vie, celle qui correspond aux projets du Créateur. Nous avons été sauvés pour être justes, aimants, vrais, pacifiques, créatifs…

Une image qui éclaire la manière dont ces œuvres se réalisent dans notre marche chrétienne, c’est celle des fruits. Jésus nous invite, en Jn 15, à nous attacher à lui pour pouvoir porter du fruit. Paul, dans la lettre aux Galates, dit que Dieu insuffle sa vie en nous par son Esprit, et que des fruits en découlent : l’amour, la joie, la paix, la maîtrise de soi… Tout comme Dieu nous a fait revivre, il renouvelle en nous sa vie jour après jour, il nous transforme et nous sommes appelés à lui laisser le champ libre, pas à faire le travail à sa place !

3) Une grâce exigeante

On pourrait détailler à l’infini l’impact d’une relation empreinte de grâce avec Dieu sur notre identité, notre caractère, notre travail, nos relations avec les autres, nos attentes dans la vie, mais j’aimerais continuer un peu avec la notion de grâce. Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, ce n’est pas parce que c’est donné que c’est facile à recevoir. La grâce nous coûte, et accepter jour après jour la vie nouvelle de Dieu nous demande des efforts.

En effet, nous devons nous battre. En Christ nous avons été délivrés des liens qui nous rendaient esclaves – oui mais, nos anciens maîtres n’ont pas encore disparu. Ils essaient de nous entraîner, de nous séduire, de nous ramener chez eux. Paul identifiait 3 maîtres : le diable, notre penchant au mal, et le « système » opposé à la vie de Dieu. Ils n’ont plus le pouvoir de nous maintenir dans l’esclavage et la mort mais ils sont extrêmement convaincants… Vivre par la grâce, c’est lutter contre leurs discours et les habitudes apprises chez eux. Par exemple, ce peut être désapprendre le culte de la performance, de l’utilité, de la réussite écrasante, de l’apparence, pour apprendre le service, l’humilité, la gratuité, la profondeur. Vivre par la grâce, c’est se rendre sourd aux mensonges et aveugle aux illusions de notre monde, de notre cœur, de notre tentateur, pour se concentrer uniquement sur la main de Dieu qui nous tient fermement et qui nous conduit sur le chemin de la vie.

Pour nous aider, nous avons Dieu qui travaille en nous par son Esprit ; nous avons sa Parole qui nous montre ce qu’implique la vie avec Dieu ; nous avons dans l’Eglise des frères et des sœurs avec qui partager nos retards, nos détours, nos avancées, nos sprints et nos chutes, des frères et des sœurs qui nous soutiennent et nous encouragent ; nous avons aussi la prière, ce dialogue intime avec Dieu où nous lui remettons nos craintes, nos attentes, nos espoirs, ce dialogue où nous pouvons lui dire : « transforme-moi ! fais briller ta lumière dans les coins sombres de ma vie ! fais le ménage ! détruis, par ta vérité, les mensonges que j’ai toujours crus ! Fais-moi grandir ! » et Dieu le fait ! Rassurez-vous, quand on invite Dieu à agir, il agit ! je l’ai testé, il agit ! à 400% !

Conclusion

Le salut en Jésus-Christ est notre vrai repos. C’est le repos de la personne qui n’a plus rien à prouver, plus rien à mériter, aimée et redressée par le Dieu vivant. C’est le repos de celui qui boit à la source, apaisé et comblé dans la présence de Dieu. Tout est prêt, tout est là, nous n’avons qu’à ouvrir les portes et les fenêtres de notre vie pour laisser Dieu nous restaurer.

Toutefois, ce repos nous demande de l’énergie, pour rechoisir jour après jour de vivre avec Dieu, de laisser son amour et sa justice remplir notre vie, de laisser son Esprit nous transformer. Certains disent qu’il faut se convertir chaque jour : je crois que c’est un peu vrai. Chaque jour, il faut nous ouvrir à nouveau à la vie de Dieu, chaque jour nous détourner de ce qui nous détruit pour nous tourner vers Dieu et saisir sa main. Jour après jour, semaine après semaine, année après année, revenir au Christ, en qui nous recevons notre salut, notre valeur, notre sens, notre vie.

La louange, un ressourcement nécessaire

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Lecture biblique: Psaume 92

La semaine dernière, j’ai commencé une série de prédications sur le thème du repos. Nous avons médité sur le commandement de Dieu à prendre du repos régulièrement, et vu que ce repos est tout à la fois un temps pour reprendre son souffle, un temps pour prendre du recul et revenir à l’essentiel en se tournant vers Dieu. Dans le livre des psaumes, un psaume s’est retrouvé dédié au culte du sabbat, dédié à ces cultes du repos, et ce psaume, le 92, nous conduit à méditer sous un autre angle la question du repos avec Dieu.

Ce psaume ne parle pas du repos. Le psaume n’en est pas pour autant hors-sujet, car il prolonge ce que nous disions la semaine dernière : ce temps passé avec Dieu est l’occasion de voir notre vie autrement, c’est l’occasion d’être profondément renouvelé, et de s’enraciner dans l’essentiel. Et tout cela se vit dans la louange, qui domine le texte, ce qui je pense peut nous aider à méditer à la fois sur les bienfaits du temps passé avec Dieu et sur les bienfaits de la louange. Je voudrais prendre comme définition de la louange le fait de célébrer la bonté de Dieu, comme le dit le psaume, sans forcément réduire cette démarche à un type de chants ou de paroles, mais plutôt y voir l’attitude du croyant devant Dieu, mêlée de joie, de reconnaissance, d’admiration, et de confiance. Comment le fait de célébrer la bonté de Dieu nous aide-t-il à vivre le vrai repos ? Autrement dit, comment la louange nous permet-elle de nous ressourcer auprès de Dieu ?

1)   Pour dévoiler la place de Dieu dans notre vie

Tout d’abord, louer Dieu nous permet de nous extraire du flux quotidien de notre vie pour l’envisager sous une autre perspective. En fait, la louange nous encourage à voir Dieu à l’œuvre dans notre vie, et le psaume 92 nous le montre de trois manières différentes.

Premièrement, le psalmiste célèbre Dieu pour ce qu’il est, pour ce qu’il fait en général : il est bon de célébrer Dieu, car ses œuvres sont grandes et ses pensées sont profondes, Dieu est puissant, sage et bon. Parmi les sujets de prédilection des Juifs, il y avait la création et le souvenir d’avoir été sauvés de l’esclavage en Egypte. On peut ajouter la célébration de Jésus-Christ, incarné, mort et ressuscité pour le salut des hommes, ce moment historique dont l’impact n’est pas inférieur à celui de la création, puisqu’il nous offre une vie nouvelle. Quand on manque d’idées pour prier Dieu, ou même quand on en a d’ailleurs, c’est toujours bon de commencer en se rappelant qui est Dieu et ce qu’il a fait dans le passé pour son peuple, ça nous rappelle l’amour, la sagesse et la puissance de Dieu.

Deuxièmement, le psalmiste remercie Dieu pour des actions spécifiques dans sa vie (v.11-12) : tu as relevé mon front, mon œil repère ceux qui m’espionnent etc. Dieu a délivré le croyant des conflits et des dangers qui le menaçaient, il lui a permis de relever la tête, et il l’a rendu fort comme la corne du buffle. Pour cette délivrance particulière, ponctuelle, le croyant exprime sa reconnaissance. De même, nous sommes appelés, régulièrement, à chercher, à discerner dans le tissu de notre vie, les fils que Dieu a entremêlé aux nôtres, les motifs qu’il a dessinés, les raccords qu’il a cousus.

Troisième motif de louange : le destin funeste des méchants. Je vous avoue que j’ai mis un peu de temps à saisir pourquoi ce passage sur les méchants qui sont comme l’herbe et qui vont disparaître. Ca fait un peu mesquin, se réjouir du malheur des autres… En fait, j’ai l’impression que le psalmiste mentionne les méchants, les malfaisants qui prospèrent, qui ont du succès, qui poussent, comme l’herbe des champs, pour tous les cas où Dieu n’a pas délivré. Il y a des situations où le croyant ne sort pas vainqueur de la difficulté, il y en a même beaucoup, et devant ces difficultés, ces souffrances, ces injustices, on serait facilement tenté de renoncer à la louange, de désespérer, de douter de la bonté de Dieu. Le psalmiste nous invite franchement, dans ce genre de situations, à changer de perspective et à prendre du recul. C’est vrai, les injustices grouillent dans notre monde, mais Dieu reste Dieu, Dieu est juste, et sa justice sera un jour manifestée. Un jour, il n’y aura plus ces mensonges, ces abus, ces pièges, ces vices, ces actes cruels, il n’y aura plus la loi du plus fort, la tromperie, la cupidité, l’égoïsme, car Dieu est Dieu, il règne pour toujours, et même s’il tolère pour un peu de temps ces situations affreuses, un jour il y mettra un terme, et c’est dans cette perspective qu’on peut louer même dans l’épreuve. Dieu déteste le mal, et un jour le mal sera éradiqué complètement.

La louange est bonne pour tous, elle nous dévoile les bontés de Dieu : ses qualités, ses œuvres passées, actuelles, et futures. Elle nous permet de voir notre vie autrement, en y décelant l’amour et l’intervention de Dieu. Elle nourrit aussi notre attente : un Dieu bon, juste et tout-puissant ne peut pas se satisfaire du monde tel qu’il est aujourd’hui, et nous non plus. Se concentrer sur Dieu, c’est aussi attendre avec foi et espérance le jour où Dieu établira complètement la justice et la paix.

2)   Pour renouveler et rafraîchir

En conséquence, louer Dieu nous renouvelle, nous rafraîchit, nous ressource. C’est ce qu’expriment les images de la fin du psaume : je baigne dans une huile fraîche, dit le psalmiste. L’huile permettait de soigner les blessures, donc elle exprime parfois le soulagement, mais elle était aussi utilisée pour les célébrations, surtout quand elle était parfumée. C’est le signe de la joie, de l’abondance. De même, les croyants, les justes, ceux qui aiment Dieu, sont comparés à des arbres luxuriants, verts et feuillus, à des palmiers chargés de grappes de dattes, à des cèdres bien hauts et bien solides. Célébrer les bontés de Dieu est même un secret de jouvence : les vieux restent jeunes, ils portent encore du fruit, ils ne se flétrissent pas avec l’âge, mais ils s’épanouissent et continuent de rayonner, proclamant avec toutes les générations que Dieu est bon.

Ceux qui aiment Dieu sont comme plantés dans son temple – c’est-à-dire, sa présence, dont le temple était le lieu symbolique. En s’enracinant profondément dans notre relation avec Dieu, on se ressource, on reçoit de quoi pousser bien haut, de quoi être forts, de quoi porter du fruit à notre tour. Jésus a approfondi cette image en se comparant au cep de la vigne, en qui, nous petits sarments, nous sommes appelés à demeurer, à qui nous devons nous attacher, pour recevoir la vie de Dieu. C’est par Jésus, qui révèle Dieu aux hommes, que nous pouvons recevoir les bienfaits de la « terre », la vie de Dieu, pour grandir et porter du fruit, encore et encore.

Une des impressions qui ressort du psaume, c’est la joie qu’a le croyant à célébrer Dieu. La joie se manifeste entre autres par le plaisir qu’on a à louer Dieu, à proclamer sa bonté. En début de culte, le psaume 34 nous exhortait à goûter combien le Seigneur est bon. Il me semble que souvent on est peu réducteur de ce côté-là, en envisagent seulement les chants du culte. En réalité, la louange c’est une attitude de cœur qui s’exprime de multiples manières, en fonction des moments, des caractères. Nous sommes différents : certains n’aiment pas chanter ou rester en prière pendant des heures ! Pour eux, ce n’est pas la musique qui conduira à célébrer Dieu, mais une balade en pleine nature, ou la contemplation intérieure, en silence, ou pour d’autres, la réflexion intellectuelle sur ce que Dieu fait, est, veut, projette etc. Pour d’autres encore, ce sera des gestes – allumer une bougie, se mettre à genoux… Pour d’autres, s’engager dans une association et œuvrer à la justice au nom de la justice de Dieu. Il y a mille manières de louer Dieu, car il nous a créés divers et variés. Au-delà du culte où nous choisissons une forme parmi d’autres, chacun est appelé à trouver les situations, les formes, les contextes, où il pourra au mieux saisir la bonté de Dieu, la célébrer et s’en nourrir.

3)   Pour faire grandir le croyant

J’aimerais envisager un troisième bienfait de la louange, il en reste d’autres, bien sûr, c’est celui de faire grandir le croyant. Le psaume nous laisse cette image du « juste », le croyant en réalité, qui est tourné vers Dieu et qui s’efforce de le suivre : c’est un arbre, haut, solide, verdoyant et fertile. Il porte du fruit. Le juste, ce n’est pas celui qui est parfait, mais celui qui s’enracine en Dieu et qui puise en lui ses valeurs, ses orientations, ses motivations. C’est celui qui se nourrit profondément de la relation avec Dieu – et ça se voit ! Le juste croit en Dieu, il le reconnaît comme Dieu, à la différence du malfaiteur qui méprise Dieu, il l’aime et il lui obéit. La louange renouvelle notre relation avec Dieu en nous rappelant qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il veut, et comment il nous voit. Cette louange, cette célébration, n’a pas seulement pour but d’être une balise régulière dans notre vie, mais elle nous fait grandir, comme l’arbre qui pousse de plus en plus haut.

Un des bienfaits de la louange, c’est de nous faire progresser, parce qu’on a pris le temps de voir comment Dieu se comporte, ses habitudes et ses valeurs. Elle nous permet d’adopter son point de vue, elle nous dépeint ses qualités, sa bonté et sa justice, sa sagesse et sa fidélité. Contempler Dieu et le célébrer nous rappelle quel est notre modèle, qui est celui dont nous sommes l’image, quelle est notre vocation d’êtres humains créés à la ressemblance de Dieu.

La louange doit avoir un impact sur notre avenir : ce que nous vivons avec Dieu dans ces temps de proximité doit nous recentrer sur l’essentiel, nous éduquer, nous fortifier, nous motiver, pour la vie de tous les jours. Elle doit nous permettre de persévérer dans la foi, l’espérance, l’amour, elle doit nous renouveler profondément pour notre marche avec Dieu. Cela se traduit par des fruits, par une vie peu à peu transformée, par un caractère influencé par celui de Dieu, par un état d’esprit semblable, par des œuvres concrètes qui traduisent notre attachement à Dieu : l’honnêteté, la patience, la bienveillance, la justice, l’amour, etc. Le premier critère de distinction entre le juste et le malfaiteur – qui loin d’être un cèdre pousse l’herbe stérile et éphémère – c’est le comportement ! Les actes, les gestes, les paroles de la vie quotidienne, qui vont rendre visibles ce que nous vivons avec Dieu.

Conclusion

La louange est une caractéristique essentielle de notre temps avec Dieu, et donc du repos. Elle nous permet de nous baigner dans sa présence, de nous ressourcer en nous rappelant combien il est juste et bon. Elle ravive notre amour, notre confiance en Dieu et notre espérance, elle nous permet de dire « oui, Dieu est mon rocher, il est mon salut ». Pourtant, la louange n’est pas juste un bon moment passé avec le Seigneur, qui nous fait du bien et nous permet de continuer la route, c’est aussi un temps qui nous forme et nous nourrit, au plus profond de nous-mêmes, pour nous transformer et nous rendre à notre tour débordants d’amour et de sagesse, de justice et de fidélité, témoins de Dieu dans ce monde.

Le temps de la pause

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Lecture biblique: Exode 20.8-11

C’est les vacances ! Certes, pas pour tout le monde, mais le pays entier change de rythme pendant ces deux mois de vacances scolaires. J’ai saisi cette occasion pour commencer une petite série sur le thème du repos, pendant le mois de juillet.

On croit qu’on sait se reposer, parce qu’on le fait plus ou moins, chacun, parce qu’on sait dormir et que personne n’œuvre 24/7. Cela étant, la Bible aborde à plusieurs reprises le thème du repos, dans l’AT comme dans le NT. Et en général, quand Dieu choisit d’aborder un sujet dans la Bible, c’est que nous avons besoin d’apprendre, d’entendre un autre pdv sur ce sujet, et de nous laisser transformer sur ce point. Pour le repos, c’est pareil, surtout que dans nos sociétés, tout le monde ou presque est épuisé : ceux qui travaillent beaucoup ou pas, les enfants, les retraités… Même si souvent nous ne nous dépensons pas beaucoup physiquement, nous sommes en proie à une grande fatigue, essentiellement nerveuse. Dans ce contexte où le repos n’est pas vraiment reposant, j’espère que ces textes bibliques nous aideront à mieux profiter du repos dans la perspective de Dieu.

C’est évident, pour commencer cette série, il fallait parler du sabbat, jour de repos hebdomadaire demandé par Dieu au peuple d’Israël. Il figure dans les 10 commandements, dix paroles que Dieu adresse à son peuple fraîchement délivré d’Egypte, au temps de Moïse, dix paroles pour apprendre à bien vivre, à vivre selon les principes de Dieu.

Notre mode de vie actuel pousse à en demander toujours plus, à faire toujours plus, à bien remplir nos agendas sans laisser aucun trou. On peut se dire que c’était mieux avant : c’était sûrement différent. Pour Israël, respecter le sabbat n’a jamais été facile, et Dieu rappelle régulièrement, avec différentes explications, pourquoi il faut respecter le sabbat. La première explication, c’est celle de notre texte : vivre ce 7e jour comme un jour de repos, à l’image du 7e jour de la création. En effet, le premier chapitre de la Genèse décrit Dieu créant le monde entier en une « semaine », créant ainsi un parallèle entre l’action humaine et l’action divine. Il y a plusieurs manières de comprendre ces jours de création, mais ce qui est essentiel dans notre texte, c’est que le peuple est appelé à se reposer le 7e jour parce que Dieu s’est reposé, en suivant le rythme de Dieu, toutes proportions gardées.

Creusons un peu le sens du sabbat pour voir s’il peut nous éclairer sur une manière de vivre conforme à ce que Dieu attend de nous.

1)   Un temps pour souffler

Ce qui saute aux yeux, et sans vouloir faire de lapalissade, c’est que le jour de repos est un temps pour souffler, un temps pour reprendre haleine, pour se ressourcer.

Le jour n’existe pas sans la nuit, l’inspiration sans l’expiration, la musique sans le silence… Le récit de la création, étonnamment, nous montre que la création n’est vraiment achevée que lorsque Dieu s’est mis en repos : son œuvre, c’est à la fois l’activité pure, directe, et le repos qui le suit. On pourrait avoir l’impression que la pause est un vide, un vide un peu effrayant qu’il faut vite combler, mais vivre prend en compte ces deux pôles, et le balancement qui fait passer de l’un à l’autre avec régularité, c’est comme la marche, ce qui nous permet d’avancer. N’avoir que le repos ou que l’activité, c’est vivre à cloche-pied.

L’ordre de Dieu surprend par le fait qu’il inclut toute la maison : ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs juifs, ni tes bêtes, ni l’étranger qui travaille chez toi. Tous doivent faire la pause : les parents et les enfants, les juifs et les non-juifs, les patrons et les employés, les humains et les bêtes. On connaît l’expression « il n’y a pas de repos pour les braves » : eh bien si ! Même les braves doivent se reposer. Le repos n’est pas pour les faibles, pour les gens de constitution fragile, pour les chétifs : tous, même les plus forts. Le repos, à l’inverse, n’est pas le privilège des nantis, des maîtres, qui ont le pouvoir de faire ce qu’ils veulent alors que d’autres travaillent pour eux, ou d’anciens qui ont bien mérité le droit de se reposer aujourd’hui. Le repos, c’est pour tout le monde ! C’est une nécessité pour toutes les créatures, c’est le rythme qui est le nôtre.

Le repos n’est pas pour autant un mal nécessaire, dû à nos limites de créatures, un temps où on ronge son frein en attendant que la machine reparte : Dieu lui-même s’est reposé ! Dieu tout-puissant, infatigable, qui a tout créé par sa parole seulement, Dieu s’est reposé et a repris son souffle. Etonnant ! Dieu lui-même considère que le repos est un moment à part entière, un moment de valeur, dont il veut que nous profitions pleinement nous aussi.

La limite entre le 7e jour et les 6 autres paraît tranchée : tu dois faire tout ton ouvrage en 6 jours (l’ouvrage comprenant le travail payé et les tâches de la vie quotidienne : passer sa journée de repos à faire le ménage, la lessive, les courses la compta, ce n’est pas le but !). Bien sûr, le repos ce n’est pas un arrêt total ou une hibernation : il faut bien se nourrir, il faut traire les bêtes, il faut se laver – de même, si Dieu s’est mis en repos après avoir posé les grandes bases de la création, Dieu continue de soutenir le monde, de le faire vivre. Ce qui est clair, c’est le changement de modalité : la production, le rendement, l’activité ne sont pas l’objectif du jour de repos, qui invite à un changement de rythme et d’orientation.

2)   Un temps pour prendre du recul

En effet, au-delà du répit, le repos a aussi pour but de nous pousser à prendre du recul, à relever la tête de notre guidon pour voir où on en est, pour adopter une perspective plus large que le métro-boulot-dodo. En particulier, le repos régulier nous pousse à avoir une vie autre que le travail, même non rémunéré. Régulièrement, par le repos, je me souviens que je ne suis pas ce que je fais, je suis plus, et ce « plus » a la possibilité de s’exprimer dans ce temps où je ne travaille pas. Le travail, l’activité, ce n’est le tout de notre vie, et prendre du repos c’est relativiser cette activité. Dieu lui-même, créateur merveilleux, refuse de se réduire à son activité de créateur, il ne se rend pas esclave de sa puissance, de ses œuvres, de sa performance.

L’exhortation à nous reposer nous aide à poser une limite à notre ouvrage, de sorte qu’il ne nous dévore pas, qu’il ne nous étouffe pas, qu’il ne devienne pas notre maître qui pense à notre place et définit nos priorités pour nous. Se reposer, c’est se rappeler qui on est, pourquoi on va dans telle direction, pourquoi par ce moyen-là, c’est refuser d’être emporté dans un torrent qui nous submerge.

Petite parenthèse : un des problèmes de notre société, c’est que nous sommes tentés de remplacer la frénésie du travail par la frénésie des loisirs et divertissements, connaissances, médias, réseaux sociaux etc. – vous savez, quand on commence la semaine plus fatigué qu’on ne l’a terminée, quand on aimerait un deuxième week-end, mais un vrai, cette fois. Les propositions de la société nous envahissent : sans même parler de la pression au travail (répondre aux mails urgents la nuit ou le week-end, être toujours disponible, etc.), les loisirs sont devenus une occupation à part entière qui remplace le guidon du travail par le guidon des loisirs – autant chez les adultes que chez les enfants d’ailleurs. Et c’est pour beaucoup difficile de mettre une limite à toutes ces propositions, notamment parce qu’on risque de paraître, selon les cas, dépassé, paresseux, casanier. Je ferme la parenthèse.

Se mettre en retrait, en recul, par rapport à son activité, je me demande si ce n’est pas un signe de confiance et d’humilité. D’humilité parce que si Dieu s’est reposé sans que le monde arrête de tourner, alors, le monde peut continuer aussi même si je prends un jour de congé. Bien sûr, on va nous dire que non, mais la réalité, c’est que tout ne repose pas sur nos épaules, loin de là. Humilité, et confiance, parce qu’en s’arrêtant – raisonnablement – on reconnaît que c’est Dieu qui agit pour nous, qu’il prend soin de nous, pendant notre travail et pendant notre repos. C’est croire que Dieu veille sur nous jour et nuit, qu’il précède, accompagne et suit tous nos projets. Le repos nous rappelle que jamais les choses n’adviennent par nous seuls, mais toujours avec Dieu.

3)   Un temps pour l’essentiel

Alors le repos, c’est un temps libre : libre de souci, libre de performance, libre de pression, on pourrait dire, un temps gratuit. Mais le temps libre, ce n’est pas un temps vide ! le temps gratuit n’est pas sans valeur ! Une place se libère dans notre vie pour que nous reprenions notre souffle, relevions la tête et regardions à l’essentiel.

Que fait Dieu quand il se repose ? Bonne question ! Je crois qu’une des réponses, c’est qu’il se réjouit de sa création : il a posé les bases, et maintenant, comme un jardinier, il regarde ses plantes pousser, il arrose, il taille… Dieu savoure la relation qu’il développe avec sa création. En effet, le but de la création, ce n’est pas seulement l’émergence d’une autre forme de vie, c’est la possibilité d’avoir une relation avec les créatures. Dieu nous a créés, en 6 jours, pour vivre une relation d’amour avec nous, le 7e jour qui dure depuis longtemps. De même, notre repos a pour vocation d’être consacré à Dieu, un temps orienté vers la relation fondamentale, essentielle, vitale de notre existence, celle que nous avons avec notre créateur, père, sauveur, seigneur, Dieu.

Se consacrer à Dieu, ça peut paraître sec et austère. En réalité, nous tourner vers Dieu, c’est savourer sa présence, son amour, sa fidélité, sa sagesse, mais c’est aussi se réjouir de ses dons, en se rappelant que tout ce qui est bon nous vient de notre Père : la famille, les amis, la santé, la nature, le travail aussi, et tant d’autres sujets de reconnaissance. Selon les personnalités, on peut savourer la bonté de Dieu en famille, en solitaire, pendant une randonnée ou une lecture, on peut prier ou chanter, jardiner ou bricoler, mais ce temps de repos, c’est le temps d’ouvrir grand les yeux sur la relation que nous avons avec Dieu.

Conclusion

Pour Israël, le sabbat était incontournable : moment régulier de repos, de recul, d’adoration. Le sabbat avait encore une autre dimension : il symbolisait le repos à venir, le repos de la foi, la bonne nouvelle que Dieu nous sauve en Jésus-Christ et que ce n’est pas par notre travail ou nos œuvres, mais que c’est un don gratuit, une grâce, que nous sommes appelés à recevoir jour après jour.

Le sabbat est-il dépassé ? oui, dans sa forme. Non, dans ses principes. Bien sûr, on est appelé à prendre conscience chaque jour de la présence de Dieu, à savourer ses dons à chaque instant, à nous rendre disponibles à chaque minute. Sauf que souvent, le toujours devient jamais, car la vie quotidienne prend le pas sur le repos avec Dieu. Prendre des temps réguliers – quotidiens, hebdomadaires, annuels – pour volontairement se ressourcer, s’extraire des excès du quotidien et revenir à l’essentiel, ça fait partie de notre rythme. Je crois que les principes du sabbat sont toujours pertinents, aujourd’hui comme hier. Que Dieu nous aide à trouver comment nous pouvons, chacun, trouver ces temps de vrai repos.