Archives mensuelles : janvier 2015

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Jaloux de la grâce !

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Lecture biblique : Jonas 3.1-4.3

Le livre de Jonas est plein d’ironie. On pense surtout à la fin du récit, avec l’épisode du ricin que Dieu fait pousser puis sécher, pour donner une leçon au prophète qui est en train de bouder ! Mais il y a aussi le début du livre, avec la fuite de Jonas suite à l’appel de Dieu. Non, il n’ira pas où le Seigneur veut l’envoyer ! Il s’enfuit même dans la direction opposée… avant d’être rattrapé par le Seigneur qui déclenche une tempête et s’arrange pour que Jonas, jeté à la mer, soit gobé tout rond par un gros poisson et recraché sur la terre ferme. Retour au point de départ pour le prophète, non sans avoir passé trois jours dans le ventre d’un poisson ! Drôle d’histoire… Mais notre chapitre aussi a son lot d’ironie !

En effet, que demande le Seigneur à Jonas ? « Debout ! Va à Ninive, la grande ville. Annonce-lui le message que je te donne. » (v.2). Mais souvenons-nous de qui est Ninive ! C’est la capitale de l’Assyrie, le peuple qui fait peur à toute la région. Un monstre dévastateur qui conquiert, pille et détruit, partout où il passe. De plus, notre texte décrit la ville comme étant extraordinairement grande : il faut trois jours pour la traverser. Et Jonas, prophète de ce petit peuple d’Israël, doit aller dans cette ville, la traverser tout en annonçant haut et fort sa destruction prochaine. Honnêtement, je comprends pourquoi Jonas n’avait pas envie d’y aller !!!

Imaginez le pauvre Jonas, traversant la ville toute la journée et proclamant « Dans quarante jours, Ninive sera détruite ! » Logiquement, il aurait du se faire massacrer quelques minutes à peine après son arrivée ! Et c’est là que le récit du livre de Jonas nous prend encore à contre-pied. Contre toute attente, toute la ville entre dans une démarche de repentance, comme un seul homme. Le roi de Ninive lui-même descend de son trône et s’assoit sur la cendre en signe de deuil. Il ordonne à tout le monde de suivre son exemple. Il fait annoncer dans toute la ville que plus personne ne doit boire ni manger, et tout le monde doit revêtir l’habit de deuil. Et pour être sûr que personne n’est oublié, non seulement les habitants doivent le faire, mais les animaux aussi ! J’avoue que je ne sais pas trop à quoi pouvait bien correspondre des habits de deuil pour les animaux…

La réaction est si soudaine et si excessive qu’elle en devient presque comique. Et on n’en a pas fini avec les surprises puisque la conclusion du chapitre est étonnante : « Dieu voit leurs efforts pour abandonner leur mauvaise conduite. Il change d’avis. Il regrette le mal qu’il voulait leur faire, et il ne le fait pas. » (v.10)

Dieu change d’avis ! Ou comme le traduisent d’autres versions, « il revient sur sa décision » ou « il renonce au mal » qu’il avait annoncé. Ce changement d’avis de Dieu déclenchera la colère de Jonas car lui, il l’avait vu venir : « Je le savais bien, tu es plein de tendresse et de pitié, patient, plein d’amour, et tu regrettes tes menaces. » (4.2)

C’est quand même étonnant : être en colère parce que Dieu est plein d’amour ! Mais du coup, on comprend que la vraie raison pour laquelle Jonas ne voulait pas aller à Ninive, ce n’était pas la peur d’être tué par les assyriens mais la peur que Dieu pardonne à ses ennemis ! Ici encore, incroyable ironie..

Cette ironie qui parcourt tout le récit de Jonas donne à ce livre un caractère unique au sein de la Bible. Son humour veut nous faire réfléchir, nous interpeller, voire nous bousculer. A sa façon, le livre de Jonas est un ouvrage satirique !

Jonas : jaloux de la grâce !

Dans ce livre qui porte son nom, Jonas n’est pas vraiment à son avantage. C’est un peu un anti-héros. Ses réactions colériques, boudeuses, excessives, le font apparaître comme un prophète jaloux de la grâce de Dieu. Il ne veut pas que les habitants de Ninive puissent en profiter !

C’est d’autant plus étonnant que lui-même est au bénéfice de la grâce de Dieu, miraculeusement sauvé de la noyade par Dieu à travers le poissons envoyé par Dieu. Mais pour Jonas, la grâce, la bonté de Dieu, elle est pour lui, elle est pour son peuple. Mais pas pour ces païens. Ils ne la méritent pas ! Comme si la grâce se méritait…

Dans quelle mesure ne risquons-nous pas, nous aussi, d’être jaloux de la grâce de Dieu ? La bonté de Dieu, elle est pour tous ou elle n’est pas. Comme le dira Jésus : « (Dieu) fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Il fait tomber la pluie sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. » (Mt 5.45)

En réalité, être jaloux de la grâce c’est démontrer qu’on n’a pas compris ce qu’est la grâce. L’exclure pour les autres, c’est s’en exclure soi-même. C’est oublier que j’ai, moi, autant besoin de la grâce de Dieu que celui qui ne pense pas comme moi, qui ne croit pas comme moi, qui ne vit pas comme moi.

Voilà pourquoi Jésus nous invite même à aimer nos ennemis et à prier pour ceux qui nous persécutent !

Dieu : du jugement à la grâce

Dieu lui-même est un acteur étonnant du récit de Jonas. Étonnant par les moyens qu’il met en œuvre (la tempête, le poisson, le ricin) pour accomplir son plan par le prophète. Étonnant, voire déroutant, dans sa façon d’agir, donnant l’impression de changer d’avis de façon tout à fait imprévisible.

Derrière cette expression, il y a sans doute une part d’anthropomorphisme, en attribuant à Dieu des comportements humains. Mais le « changement d’avis » de Dieu décrit surtout la réponse qu’il offre à la repentance des habitants de Ninive. Comme ils ont changé d’attitude envers lui, Dieu lui aussi change d’attitude envers eux. Et il fait grâce…

Évidemment, ce qui nous étonne, c’est que le message adressé par Jonas aux habitants de Ninive ne laissait pas vraiment d’espoir. Il n’y avait aucun appel à la repentance. Et pourtant… Jonas lui-même n’était pas dupe. Il avait compris avant tout le monde les intentions de Dieu. Même si ce n’est pas dit, la repentance suspend toujours le jugement de Dieu. Comme le dit si bien Jonas, Dieu est bon, plein de tendresse et de compassion. Jamais il ne restera sourd à un cri de repentance, jamais il ne sera insensible à un cœur brisé.

Il y a là un enseignement essentiel quant aux jugements de Dieu annoncé dans sa Parole. Ils sont toujours là pour nous inviter à la repentance. Les prophéties divines ne sont pas des prévisions inéluctables, le reflet d’un destin inflexible et aveugle. Elles sont l’expression du projet de Dieu, qui inclut des mises en garde et des interpellations, ou des encouragements et des promesses. Les prophéties ne sont pas là pour nous informer, elles sont là pour nous interpeller.

Nous ne devons pas étudier les prophéties bibliques pour en tirer une hypothétique chronologies des événements à venir, quand ce n’est pas chercher une date pour la fin du monde ! Nous devons les étudier, et les écouter, pour comprendre le projet de Dieu pour nous, et pour ajuster notre vie, nos pensées, notre comportement en fonction de ce projet. Quitte à devoir entreprendre des changements radicaux.

Conclusion

J’ai appelé tout à l’heure le livre de Jonas un ouvrage satirique. En effet, il manie l’humour, l’ironie, voire une certaine caricature, pour interpeller les consciences. Derrière le personnage de Jonas, c’est le peuple d’Israël, jaloux de la grâce de Dieu, qui est visé. Comme le seront les Pharisiens au temps de Jésus, fiers d’êtres, eux, descendants d’Abraham et auxquels Jésus répondra, non sans humour, que de quelques pierres le long du chemin il peut faire des descendants d’Abraham ! Comme peuvent l’être aujourd’hui, peut-être, ceux qui se contentent d’appartenir à une famille protestante, ou d’avoir reçu une éducation chrétienne, ou d’avoir été baptisé, ou d’être membre d’une Église évangélique !

Clairement, dans le livre de Jonas, ce n’est pas le prophète qui donne l’exemple mais les habitants de Ninive. Ce n’est pas le bon croyant, serviteur de Dieu, mais ce sont les païens. Ce sont leurs cris que Dieu entend. Car ce qui compte devant Dieu, ce ne sont ni nos origines, ni notre éducation, ni notre appartenance religieuse mais notre cœur, aujourd’hui. Est-il tourné vers Dieu ou fermé sur lui-même ? C’est la vraie question que nous devons nous poser…

Un esprit saint dans un corps saint

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Texte du jour: 1 Corinthiens 6.12-20

L’église de Corinthe est une église assez étonnante. D’un côté, elle est comblée des bienfaits de Dieu, comme le rappelle Paul au début de sa lettre ; d’un autre côté, cette communauté présente toutes sortes de problèmes auxquels Paul s’attaque dans cette assez longue lettre. Les conflits et les rivalités entre les membres, le débordement et le désordre dans le culte, l’indifférence aux pauvres, et, entre autres, des problèmes autour de la sexualité et du couple – ce sujet revient 3 fois dans la lettre ! Ce qui est intéressant, c’est la manière dont Paul répond à ces problèmes : il ne donne pas une liste d’interdits, mais il cherche les racines des problèmes, qui viennent souvent d’une compréhension inexacte de l’Evangile. Du coup, en plus d’alerter sur l’aspect destructeur de certains comportements, il rappelle le vrai sens de l’Evangile, pour réorienter les chrétiens dans une saine – et sainte – manière de vivre.

1)   L’immoralité sexuelle, un problème théologique

Avant de voir comment Paul répond aux Corinthiens, voyons quelle est la situation. Dans le large éventail des problèmes liés à la sexualité, Paul s’attaque en particulier au fait que certains chrétiens fréquentaient des prostituées. Corinthe était une ville prospère, cosmopolite, mais elle était réputée pour son réseau de prostitution très développé et implanté dans la ville. Après leur conversion, certains Corinthiens gardent leur habitude de fréquenter des prostituées. Le problème se corse, quand ces chrétiens, loin de se repentir, se justifient en disant que ces relations ne posent aucun problème en s’appuyant pour leur défense sur deux arguments.

Le premier, c’est que, par rapport à l’âme éternelle, le corps n’est qu’une enveloppe temporaire, destinée à être détruite à notre mort. Le corps est périssable, voire, pour cette raison, méprisable. C’est une idée bien ancrée dans la mentalité grecque de l’époque, qui tend à mépriser tout ce qui est matériel, bien inférieur au spirituel/ intellectuel. Cette conviction peut conduire soit à négliger complètement le corps, soit à faire ce qu’on veut, puisque, le corps étant mortel, ce qu’on fait avec n’a pas d’impact sur l’éternité. A partir de là, les Corinthiens font un parallèle – très actuel ! – entre la nourriture et la sexualité : de même qu’on apaise sa faim en mangeant, de même il faut répondre à ses envies sexuelles en les assouvissant.

L’autre argument touche à la liberté : Paul a largement insisté dans son enseignement sur la liberté par rapport à la loi et à son cortège de règles rituelles et alimentaires en particulier. Jésus-Christ a tout accompli et il nous rend libres ! Les Corinthiens prennent cet argument au pied de la lettre : ils sont libres, tout est permis ! il n’y a plus de règles, tout est possible.

2)   Le corps compte aux yeux de Dieu

Paul répond à cette justification des Corinthiens en incitant à une réflexion sur le corps et sur la liberté. Commençons par le corps : pour Paul, l’inconduite est impensable parce que le corps a lui aussi de la valeur aux yeux de Dieu.

  1. parce qu’il fait partie intégrante de notre personne

D’abord, le corps fait partie intégrante de la personne. L’être humain possède un corps, ce qui est palpable, visible, matériel, et une âme, l’être intérieur, spirituel, invisible. Dieu a voulu les deux : dans sa sagesse, sa générosité et sa créativité (un des chants de D. Pialat parle de Dieu comme un sublime artiste), il a choisi de créer une réalité concrète, en plus d’une réalité spirituelle. Comment trouver méprisable ce que Dieu a créé avec tant de soin ?

Bien plus, Dieu a choisi de les unir si étroitement qu’il est impossible de vivre sans l’un ou l’autre. D’ailleurs, dans la Bible, la séparation de l’âme et du corps, c’est la définition de la mort !  Le corps est comme le support de l’âme, il révèle ce qui est intérieur : il montre la joie ou la peine, la peur ou le désir, il exprime notre générosité ou notre haine – par des mains tendues ou des poings fermés. Il nous permet aussi d’entrer en relation avec l’autre : par un sourire, le partage d’un repas, une accolade, une discussion, un match de sport.

C’est pour cela que Paul souligne la gravité du péché sexuel : notre comportement physique a un impact sur notre être tout entier, sur notre identité. Et c’est particulièrement vrai de la sexualité qui a pour vocation de concrétiser l’intimité entre deux personnes, une relation d’amour de confiance et d’engagement. Distinguer nos sentiments ou nos relations de notre corps est non seulement mensonger mais aussi destructeur.

  1. parce que le corps va ressusciter avec l’âme

Une deuxième raison, c’est que, contrairement à ce que pensent les Corinthiens, le corps n’est pas destiné à périr. En effet, et c’était manifestement un point difficile pour eux parce que Paul y consacre tout le ch. 15 de sa lettre, Dieu va nous ressusciter âme et corps pour la vie éternelle. Il l’explique mieux dans le ch. 15, mais ce qu’il faut retenir c’est que notre créateur ne renonce pas aux réalités physiques ! Il les ressuscitera en les transfigurant, même si certaines fonctions disparaîtront peut-être.

Même si nous ne pouvons pas imaginer comment, Paul nous rappelle que le salut concerne aussi notre corps, pour lequel nous devons donc rechercher la même sainteté et la même consécration que pour notre âme.

  1. parce que le corps est habité par Dieu dès aujourd’hui

Une troisième raison, c’est que notre corps, créé par Dieu, appelé à la résurrection, est dès aujourd’hui habité par Dieu. Paul utilise plusieurs images : vos corps sont des parties du corps du Christ, vous êtes le temple du Saint Esprit. Notre corps appartient à Dieu, dès aujourd’hui, autant que notre âme ! Notre personne tout entière est dès aujourd’hui si intimement liée et unie à Dieu grâce au Christ dans le Saint Esprit que déshonorer notre corps, porte atteinte à notre intimité avec Dieu. Les péchés « physiques » ne sont pas moins (ou plus) graves que d’autres péchés plus « spirituels » : ils sont aussi graves, ils ont le même pouvoir destructeur sur notre relation avec Dieu.

3)   Libres, mais pas pour faire n’importe quoi

Paul répond à l’argumentation des Corinthiens en démontrant la valeur du corps aux yeux de Dieu, hier aujourd’hui et demain, et il répond aussi à l’argumentation autour de la liberté. Christ nous a libérés : qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça veut dire « tout m’est permis », comme le slogan des Corinthiens ?

  1. liberté versus utilité

Paul ne répond pas à la question du droit, de ce qui est permis, autorisé, en énonçant des interdictions, mais il déplace la question sur un autre terrain. Il ne s’agit pas de réintroduire de nouvelles lois au chrétien vivant par la grâce dans la liberté de Dieu, mais Paul invite à réfléchir au sens de nos actes. Oui nous sommes libres, mais pour quoi ? dans quel but ? La liberté n’est pas un dieu, c’est un don de Dieu. La vraie liberté est toujours liberté de faire le bien, pour autrui et pour soi. Quelle liberté est-ce de mentir, de frapper, de déshonorer, de trahir ? Est-ce être libre que d’être superficiel, agressif, égoïste, obtus, insupportable ? La liberté, c’est la liberté de faire ce qui est bon.

  1. liberté versus esclavage

Non seulement la liberté est faite pour le bien, mais en plus Paul attire notre attention sur notre marge de liberté lorsque nous cherchons à assouvir toutes nos envies, toutes nos pulsions, que nous voulons tout avoir et à tout faire. Ces comportements, loin d’être les signes d’une personne libre, caractérisent plutôt une personne enchaînée à ses besoins et à ses désirs, incapable de se maîtriser et de choisir ce qu’elle veut vraiment, ce qui est bon. Au nom de la liberté, les Corinthiens se rendent esclaves de leur propre corps, de leur convoitise, de leur superficialité.

  1. liberté et appartenance à Dieu

Un dernier argument vient anéantir la réflexion des Corinthiens sur la liberté : le chrétien est libre, en Christ. En appartenant au Christ. Le chrétien est libre car fils du Dieu qui rend libre.

Racheté par Dieu en Jésus-Christ, qui a tout accompli pour nous libérer de l’emprise du mal, pour nous délivrer de ce qui nous corrompt et nous asservit, voilà comment le chrétien reçoit sa liberté, et avec elle il reçoit une nouvelle identité. Dieu le Fils, en Jésus-Christ, s’est donné pour que nous soyons non plus des esclaves mais les fils et les filles de Dieu, ses enfants bien-aimés, bénis aujourd’hui par une relation riche et intime avec Dieu, promis à la joie de la vie éternelle en présence du Dieu juste et bon que nous révèle Jésus-Christ.

Comment les enfants de Dieu, adoptés par grâce, adoptés à un grand prix, plongés dans cette intimité, pourraient-ils une seule seconde imaginer utiliser la liberté qu’est la vie avec Dieu pour agir d’une manière inacceptable aux yeux de Dieu ? Le chrétien ne s’appartient plus : il est à Dieu. Comment dire : je fais ce que je veux ? Qui est ce « je » ? un être sauvé, guéri, relevé par Dieu pour un destin glorieux et éternel en sa présence ! « je » ? mais ce « je », c’est l’identité nouvelle que Dieu me donne en Christ, et il n’y a pas de place, dans cette nouvelle identité, pour les vieux comportements qui nous menaient dans des impasses !

Conclusion

Paul répond à un problème trivial en évoquant les splendeurs du salut : la valeur que Dieu accorde à notre personne, depuis notre création jusque dans l’éternité, ainsi que le sens de l’Evangile : nous sommes libérés pour le bien, pour aimer, pour être justes, vrais, pour être artisans de paix, pour rire, pour rayonner.

Le problème des Corinthiens venait en partie du fait qu’ils avaient oublié ou mal compris le sens du salut, la portée notre espérance, pourtant c’est Paul lui-même qui leur avait tout expliqué ! De leur exemple, retenons la nécessité absolue de toujours revenir aux fondements de notre foi, de toujours approfondir le sens de ce que nous croyons : en comprenant bien d’où nous tirons notre identité – de la Croix, qui nous sommes aujourd’hui – enfants du Dieu de grâce et de vérité, et où nous allons – dans son Royaume de justice et de paix, notre vie entière sera transformée.

Solidaires !

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/solidaires

goutte d'eauLe deuxième dimanche de janvier est traditionnellement consacré à l’épisode du baptême de Jésus. Un récit qui, dans la version de Marc, nous est relaté de façon très sobre, et qui peut même entrer en écho de façon surprenante avec l’actualité sombre de cette semaine.

Lecture biblique : Marc 1.6-11

Il est remarquable de souligner que le ministère public de Jésus débute avec son baptême. Pas avec un miracle spectaculaire, pas avec un enseignement éloquent à une grande foule. Il commence dans un acte plein d’humilité, d’identification à l’humanité qu’il est venu sauver.

Le baptême de Jésus-Christ, c’est le signe de son incarnation. C’est le choix de la solidarité. Il n’est pas venu sauver l’humanité « de l’extérieur » mais de l’intérieur : en devenant l’un des nôtres. Il n’est pas venu seulement « prendre chair », ou prendre un corps comme on revêt un costume. Il est véritablement devenu homme. Il a accepté d’avoir faim et soif, d’être fatigué, de devoir se reposer et dormir. Il est venu épouser notre condition de pécheur, sans toutefois pécher. Il a accepté nos limites, nos faiblesses, nos blessures. Il a accepté de souffrir. Il a accepté de mourir.

D’une certaine façon, le baptême de Jésus était le premier pas sur le chemin qui allait le mener jusque sur la croix. Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle l’Esprit saint est descendu sur lui sous la forme d’une colombe ? Peut-être est-ce aussi pourquoi la voix de son Père a retenti du ciel, pour lui : « Tu es mon fils très aimé. C’est toi que j’ai choisi avec joie. » Peut-être avait-il besoin d’un soutien, d’une promesse pour le chemin difficile à venir…

La décision de Dieu, en Jésus-Christ, de choisir la solidarité est bouleversante. Parce que Dieu nous aime, il a choisi de lier son sort au nôtre. Il aurait pu laisser tomber. Tout recommencer ailleurs. Il a décidé, au contraire, de nous sauver, en devenant l’un des nôtres.

Et solidaire, il l’est aujourd’hui encore. Jésus-Christ, mort et ressuscité, est toujours notre frère en humanité. Ne pensez-vous pas qu’il souffre de voir ce que ses frères humains sont capables de faire, qui plus est au nom de Dieu ? Cette semaine, la terreur a frappé à nos portes. Et cela rend plus tangible peut-être la terreur que des milliers d’hommes et de femmes affrontent depuis si longtemps dans certaines parties du globe. Victimes de la haine et du fanatisme. D’ailleurs cette semaine aussi, Portes Ouvertes a fait paraître son index mondial de la persécution des chrétiens, rappelant que cette triste réalité ne faiblit pas. Bien au contraire.

Solidaire, voilà un mot que nous avons besoin d’entendre aujourd’hui ! Nous devons être solidaires des familles endeuillées, à Paris comme ailleurs dans le monde, là où règne la terreur par la folie des hommes. Solidaires de nos frères et sœurs persécutés pour leur foi. Mais solidaires aussi de toutes les victimes collatérales, exposés aux discours racistes et réducteurs qui mettent dans le même sac terrorisme, musulmans, arabes, immigrés… Solidaires aussi avec ceux qui défendent la liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, partout dans le monde. Une liberté qui doit pouvoir s’exprimer aussi à travers l’humour, la satire. Y compris pour dénoncer les travers de toutes les religions. Y compris quand ça nous concerne…

Qu’est-ce qui blesse le plus Dieu ? Un dessin satirique, même jugé blasphématoire ? Ou une folie meurtrière en son nom ? Ce qui touche le Seigneur, ce qui le fait souffrir, ce sont les horreurs qu’on commet en son nom. Ce sont nos discours empreints de haine, notre racisme latent, parfois caché derrière un vernis religieux. C’est notre indifférence à ceux qui souffrent, à la manière du Pharisiens et du prêtre de la parabole du bon Samaritain. C’est notre silence face à l’injustice…

Solidaire. Jésus-Christ a choisi de l’être avec nous, son baptême en est un signe d’une grande force. Comment ne pourrions-nous pas aussi être solidaires de nos frères en humanité ?

 

De l’espoir, quand même ?

Revenons au récit du baptême de Jésus. La lecture que j’en ai proposée, à la lumière des événements récents, est certes sombre. Mais ne peut-on pas y puiser aussi de l’espoir ? La colombe, symbole de l’Esprit saint, est bien un signe d’espoir. C’est une colombe qui est venu annoncer à Noé la fin du déluge et la possibilité d’un nouveau départ. Dans ses paroles adressées à son Fils, le Père ne parle-t-il pas d’amour et de joie ? Toute la Trinité est mobilisée pour cet épisode, jalon essentiel dans l’accomplissement du projet de salut de Dieu.

Si, pour Jésus, le baptême est le premier pas de son chemin vers la croix, pour nous, c’est le premier pas de notre chemin de salut. Dieu lui-même a jugé bon d’élaborer un plan pour nous sauver, et de lier son sort au nôtre. Il y a bien de l’espoir. Toujours.

S’il y a un espoir à garder dans l’humanité, c’est parce qu’elle est créée à l’image de Dieu. L’image de ce Dieu qui a choisi de nous sauver en Jésus-Christ, de ce Dieu qui a fait preuve de la plus belle des solidarités. Capable du pire, à cause de son péché et de son arrogance, l’humanité est aussi capable du meilleur quand elle laisse l’image de Dieu en elle se manifester.

S’il y a un espoir, donc, c’est moins à cause de l’homme que grâce à Dieu. C’est moins par humanisme que par espérance et foi. C’est moins à cause de la solidarité entre les hommes que grâce à la solidarité de Dieu avec nous. Mais l’espoir est réel. A cause de l’amour de Dieu. Jésus lui-même a été victime de la haine et de la barbarie des hommes. Il a été condamné, lui l’innocent. Et il est mort, crucifié. Mais la haine a été vaincue, sur la croix, quand Jésus a dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » La mort elle-même a été vaincue : Jésus-Christ est ressuscité.

Dieu est toujours capable de faire surgir la vie de la mort, de faire éclater la lumière des ténèbres. C’est notre espérance, celle qui naît de l’Évangile !

Conclusion

En guise de conclusion, je vous propose un dessin… de Cabu.

CabuOn n’impose pas la foi par la force ou la terreur. Jamais. Toutes les formes de violence justifiées au nom de Dieu sont autant d’atteintes directes à Dieu. Voilà les vrais blasphèmes !

L’exemple que Jésus nous a laissé, le jour de son baptême, est celui de l’humilité et de la solidarité. Si nous voulons être vraiment ses disciples et ses témoins, c’est le même chemin que nous devons emprunter !

La fête du Roi (Mt 2.1-12)

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La visite des mages est devenue légendaire, enrichie par la Tradition chrétienne de nombre de détails : il y en aurait eu trois, des rois, de plusieurs races différents, etc. En lisant le récit original dans l’évangile, on est frappé par la sobriété de la présentation – en réalité, on ne sait pas grand-chose de ces mages… Cela dit, l’histoire des mages est bien une histoire de rois, seulement les rois ne sont pas ceux que l’on croit souvent !

1)   Jésus, le roi des Juifs

En effet, le vrai roi de cette histoire, c’est un nouveau-né, Jésus, Messie annoncé par les prophètes, libérateur et seigneur attendu par le peuple de Dieu. L’évangéliste Matthieu est au début de son récit : avant de transmettre les enseignements et les actes marquants de Jésus, Matthieu donne un cadre d’interprétation qui va permettre de bien comprendre la portée de ses actes et de ses paroles. Ainsi, dans les premiers chapitres, il présente Jésus comme celui qui réalise les promesses de Dieu d’envoyer un libérateur à son peuple, souvent désigné comme le fils de David, l’héritier du roi des Juifs qui devrait conduire le peuple de Dieu.

Notre récit souligne cet accomplissement : Bethlehem, petite ville proche de Jérusalem, était la ville de naissance du roi de David, issu de la tribu de Juda, et Michée prophétise que le Messie naîtra lui aussi à Bethlehem – texte que citent les autorités juives quand Hérode les interroge. Jésus, né au même endroit que David, est son véritable héritier. La visite des étrangers venus de loin souligne encore le lien entre Jésus et David, en rappelant la visite de la reine de Saba à Salomon, premier successeur du roi David. La reine de Saba, venue d’Arabie pour éprouver la prestigieuse sagesse de Salomon, lui offre or, épices et pierres précieuses, tout comme les mages offrent à l’enfant Jésus or, encens et myrrhe.

Dans cette scène, le nourrisson ne fait rien, mais son identité royale se manifeste déjà, et suscite de fortes réactions d’une part chez les mages, et d’autre part chez les autorités d’Israël.

2)   La venue des sages d’Orient, signe du rayonnement du Messie

D’abord les mages, ou sages, venus d’Orient, puisque ce sont eux qui déclenchent toute l’histoire. Ce ne sont pas des magiciens, mais ils sont dépositaires de la sagesse de leur peuple, en lien avec leur religion – qui implique l’observation des astres – et sûrement avec le pouvoir en place. Ces sages-là avaient peut-être été en contact avec la diaspora juive, puisqu’ils relient l’étoile à la naissance d’un roi juif, ce qui était assez habituel à l’époque, où on considérait que des étoiles annonçaient la naissance des grands hommes.

A propos de cette étoile : c’est l’élément du texte qui paraît le plus naïf, le plus enfantin. Des scientifiques ont cherché des manifestations d’astres (étoiles ou planètes) qui auraient pu correspondre au récit, sans grand succès. Au minimum, on peut retenir qu’une lumière a guidé les mages, qu’ils ont interprétée comme une étoile, dont Dieu s’est servi pour alerter les mages et les conduire jusqu’au Christ.

A la vue de cette lumière, les sages comprennent qu’un grand homme est né, un roi pour le peuple juif, et ils vont directement à Jérusalem pour rendre hommage à l’héritier. Sauf que le roi des juifs n’est pas à Jérusalem, d’où l’histoire avec Hérode.

Quel est le but de leur visite ? Ils viennent rendre hommage à l’héritier – plutôt que l’adorer comme c’est traduit ici – en lui offrant des cadeaux prestigieux et en montrant leur respect. C’est une visite vraisemblablement politique, faite à un futur dirigeant, comme ça se fait entre pays. Les cadeaux apportés sont typiques de la région : or, parfum d’encens et parfum de myrrhe, des biens précieux qu’on utilisait dans les grands événements.

Dans le récit de cette visite, trois choses m’ont frappée.

D’abord, les sages, païens, sont miraculeusement à l’écoute de Dieu, ils se laissent conduire par les signes que Dieu leur envoie, par les rêves, les prophéties, sans discuter.

Ensuite, cette visite est quand même bizarre. Autant on peut comprendre que des délégations aillent rendre visite à un roi en place, autant un nourrisson dans un tout petit pays comme Israël, soumis à l’empereur romain, paraît insignifiant ! En plus, les mages font une apparition presque évanescente : ils offrent et ils repartent, comme si de rien n’était.

Et enfin, l’allégresse des mages, leur joie, est difficile à comprendre, alors qu’ils ne savent pas l’impact de Jésus pour eux.

Ces détails montrent que les mages sont pris dans une démarche qui les dépasse et qu’ils ne comprennent pas tout à fait. Pourtant, à travers leur visite, se dessine le rayonnement universel de Jésus comme lumière des nations, sauveur de tous les hommes, Roi non seulement des juifs mais de tous les peuples. La présence des mages auprès de Jésus annonce de manière prophétique l’ouverture du peuple de Dieu à toutes les nations, comme le demandera Jésus à ses disciples après sa résurrection : « allez, et faites de toutes les nations mes disciples » (Mt 28.18), ce que l’on voit aujourd’hui dans l’Eglise où des gens de toutes origines reconnaissent Jésus-Christ comme leur sauveur et leur roi.

3)   Hérode et les autorités, signes du rejet d’Israël

Face à la réaction inespérée des mages, la réaction d’Hérode et des autorités religieuses juives refroidissent d’autant plus. Le texte dit qu’à la nouvelle de la naissance du Messie, tous sont troublés. Ce trouble dénote la surprise, l’incompréhension, sûrement de la méfiance et de l’inquiétude, en tout cas aucune attitude positive pour accueillir le Roi.

Du côté d’Hérode le Grand, la situation est surtout préoccupante. En effet, Hérode ne fait pas partie de la dynastie légitime, mais il est originaire du pays d’Edom, frère ennemi d’Israël. Installé par les autorités romaines qui lui donnent le titre de roi des juifs, il règne en collaboration avec l’empire, et n’a pour cette raison que peu de popularité. On sait par ailleurs qu’Hérode craignait terriblement de perdre le pouvoir, et qu’il n’hésitait pas à massacrer ses rivaux, même ses propres héritiers ! Cette paranoïa se devine dans les démarches d’Hérode qui convoque les responsables religieux pour se renseigner sur ce nouveau rival, qui interroge en secret les mages étrangers en pensant les utiliser, et qui finit par ordonner le massacre de tous les enfants de moins de deux ans lorsqu’il se rend compte que les mages ne reviendront pas (2.16 : Quand Hérode voit que les sages l’ont trompé, il est très en colère. C’est pourquoi il donne l’ordre de tuer tous les enfants qui ont deux ans ou moins de deux ans, à Bethléem et dans les environs). Pour Hérode, le roi fantoche, la naissance d’un roi légitime, héritier du roi David, est une menace à supprimer.

Du côté des autorités religieuses, le problème n’est pas le même. Ce qu’on remarque chez eux, c’est leur passivité. A l’annonce de la naissance du Messie, ils ont l’air blasé, rappelant les prophéties liées à Bethlehem sans vraiment les prendre au sérieux, laissant repartir les mages sans manifester plus de curiosité, et ne faisant aucune démarche lorsque Hérode donne l’ordre de tuer les enfants potentiels. Leur apathie dénote leur tiédeur spirituelle : ils connaissent les prophéties par cœur, mais elles ne nourrissent pas leur foi, leur espérance. Ils n’attendent pas vraiment le Messie envoyé de Dieu, ils ne scrutent pas les événements pour discerner sa venue, et quand il arrive en la personne de Jésus, ils se retranchent derrière leurs préjugés, partageant l’incrédulité de ceux qui le feront crucifier.

Conclusion

L’épisode de la venue des mages d’Orient auprès du petit enfant nous invite à reconnaître dans l’humble et discrète apparence de Jésus-Christ, qu’il gardera jusque dans sa mort sur la Croix, le Messie du peuple de Dieu, un héritier du roi David, proche de Dieu, promis à une royauté plus que politique, mais universelle et glorieuse, la royauté de Dieu lui-même. La venue de ce roi, que suscite-t-elle chez nous ? Le trouble ? La peur ? L’incrédulité ? L’indifférence ? ou bien la joie et l’allégresse de ceux qui, humblement, s’agenouillent devant le Christ et lui offrent ce qu’ils ont de plus précieux ?