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La mise à l’épreuve de Jésus

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Lecture Biblique : Matthieu 4.1-11

Jésus vient de se faire baptiser, et si vous avez bonne mémoire (puisque nous avons médité le baptême de Jésus il y a quelques semaines), le baptême de Jésus est un moment fort, où se révèlent à la fois la pleine humanité du christ, qui suit le même chemin que les autres hommes, et sa pleine divinité, puisque le baptême du christ est une des rares occasions où la trinité se manifeste aux yeux de tous : le fils, dans l’eau, le Saint Esprit venant sur lui sous la forme d’une colombe, et la voix du Père retentissant depuis le ciel en disant : « celui-ci est mon fils bien-aimé. C’est lui que j’ai choisi avec joie ». Le baptême marque ainsi l’entrée de Jésus dans son ministère public, dans sa mission de Messie.

Ce baptême à peine terminé, Jésus se retire au désert pour une période de 40 jours. Cette retraite a plusieurs sens : Jésus jeûne, ce qui est la manière juive de marquer sa dépendance à Dieu, il médite aussi les Ecritures saintes, il vit un temps particulier d’intimité avec Dieu avant de se lancer dans sa mission. Alors, u moment où Jésus est le plus vulnérable, affaibli par plus d’un mois de jeûne, l’esprit du mal, c’est-à-dire le diable, vient le provoquer.

Par trois fois il le teste : 1° tu as faim : si tu es le messie, mange ! transforme ces pierres en pains grâce à la puissance que tu reçois de Dieu. 2° tu t’appuies sur les promesses de Dieu : demande-lui une preuve qu’il est fiable ! saute du haut du temple : puisque Dieu t’a promis de te protéger en toute circonstance, tu ne risques rien ! 3° regarde toute la terre et ses richesses : j’ai un moyen facile et rapide pour que tu en deviennes le roi : tu n’as qu’à t’agenouiller devant moi et c’est fait. Le monde entier, toute autorité, toute puissance, sont à ta portée : tu n’as qu’à dire que je suis ton Seigneur. 3 tests : vérifier sa puissance, prouver la fiabilité des promesses de Dieu, et l’appel d’un pouvoir universel.

Aux trois tentations, Jésus répond trois fois de la même manière : voici la parole de Dieu, à laquelle je veux obéir.

Voilà pour résumer un peu cet épisode de la mise à l’épreuve de Jésus.

La confirmation de l’identité du Messie

La première question qu’on peut se poser, c’est : pourquoi Jésus commence-t-il son ministère par la tentation ? par l’épreuve ? d’autant plus qu’un détail assez perturbant vient nous alerter : l’auteur précise bien que c’est l’Esprit de Dieu qui conduit Jésus au désert, expressément dans le but qu’il rencontre le diable pour être tenté. Est-ce que Dieu ne serait pas un peu sadique ? est-ce qu’il joue à ce qu’on appelle l’ascenseur émotionnel : après le baptême où il révèle la gloire et la divinité de Jésus, où il donne des signes tangibles qu’il est le Messie tant attendu, paf, juste après les hauteurs de ce moment glorieux, il le jette dans la gueule du loup. Avec ce traitement, on préfère éviter de s’attirer les faveurs de Dieu !

C’est toute la question du sens de l’épreuve-tentation qui se pose ici (le même mot dans la Bible): Dieu suscite cette mise à l’épreuve, non pas pour écraser ou blesser, mais pour tester et pousser à grandir. L’épreuve se dessine comme un carrefour : le croyant a la possibilité de tomber ou de progresser. Quand Dieu suscite l’épreuve, ce n’est pas pour faire chuter : il met à l’épreuve son Fils, comme tout croyant, dans le but de lui faire passer une nouvelle étape, de le rendre plus fort en surmontant un obstacle. Ça c’est l’optique de Dieu qui suscite la mise à l’épreuve : seulement, dans l’épreuve intervient un opposant, le diable, pour qui le but c’est clairement de faire chuter !

Dans le cas de Jésus, qui subira bien des épreuves au cours de sa vie, notamment la dernière nuit avant sa mort, cette rencontre au désert teste sa foi et sa détermination à remplir la mission voulue. Aux moments-clefs de sa vie, Jésus aura à faire face à des situations-carrefours, où il aura deux possibilités : abandonner ou continuer. Là c’est le premier moment-clef : juste après le baptême qui marque l’entrée officielle de Jésus dans sa mission de Messie, le test arrive, comme pour vérifier que Jésus est bien à sa place et qu’il est prêt pour continuer dans cette aventure.

Le lien avec le baptême est bien visible dans les paroles du tentateur : puisque, lors de son baptême, Dieu le Père a publiquement présenté Jésus comme son Fils bien-aimé, le tentateur joue sur cette corde. « si tu es bien le fils de Dieu, change les pierres ! si c’est vrai que tu es le fils de Dieu, saute ! » Cette mise à l’épreuve joue sur la confiance que Jésus a dans les paroles de Dieu lors de son baptême, paroles qui ne sont pas seulement des promesses mais qui concernent son identité propre : fils de Dieu.

Dans cette tentation, le diable rejoue la scène du péché originel avec Adam et Eve : il cherche à mettre en doute le bien-fondé de la parole de Dieu. Alors que les premiers hommes étaient tombés dans le piège, acceptant les suggestions du diable, Jésus reste sur ses gardes et décrypte les véritables intentions de son adversaire. Au lieu de se laisser manipuler, il reste ferme, solidement enraciné dans la parole de Dieu, ne laissant aucun sous-entendu mettre en doute sa confiance en Dieu. Là où Adam et Eve ont échoué, là où le peuple d’Israël, lui aussi éprouvé au désert avant d’entrer au pays promis, a échoué, Jésus réussit à progresser au lieu de tomber.

Par sa victoire sur la tentation, il démontre à la fois qu’il est vraiment humain, susceptible de chuter, mais qu’il demeure innocent. Il prouve que l’on peut être homme, fragile (il est exténué ! mort de faim !) sans pour autant être voué au péché : l’homme peut choisir le bien à chaque fois, et Jésus en est le suprême – et unique –exemple.

L’enjeu de la tentation de Jésus : la gloire avec ou sans souffrance ?

Revenons un peu sur le sens de la tentation de Jésus : en quoi les propositions du diable sont-elles un piège ? quel est l’enjeu du dialogue ?

On l’a vu, cet épisode se comprend en lien avec le baptême et cette pique de la part de l’adversaire : si tu es (vraiment) fils de Dieu… Le diable essaie de conduire Jésus à vérifier son privilège divin : a-t-il vraiment reçu la puissance de transformer les pierres en pains ? a-t-il l’assurance d’être secouru par les anges ? est-il prêt à recevoir toute autorité sur le monde ? Jésus est-il bien celui que Dieu prétend, fils de Dieu, Dieu le Fils, créateur du monde et tout-puissant ?

Devant cette provocation à utiliser les pouvoirs divins, Jésus ne rentre pas dans le panneau, il ne cède pas à l’envie de prouver sa puissance. Au contraire, il reste homme, démuni devant la faim, devant le risque de la mort, passager sur la terre plutôt que maître du monde. Il ne cède pas à ce délire de toute-puissance que le diable agite devant lui au milieu de son épuisement, à ce mirage de gloire et de pouvoir dans le désert aride qui le dessèche depuis 40 jours.

Le diable n’est pas créateur, et il n’invente rien : cette provocation, il l’avait déjà faite : à Eve puis adam : si tu es enfant de Dieu, et que Dieu veut vraiment ton bonheur, ne peux-tu pas manger de ce fruit, censé être interdit ? Adam et Eve cèdent : ils ne savent pas rester humains et se lancent dans ce délire d’être des petits dieux – ils perdront tout. Jésus, le Dieu devenu homme pour sauver tous les hommes, reste à la place qu’il a choisie. Il ne retourne pas dans ses palais glorieux à la première difficulté, mais il demeure pleinement homme, affaibli, inquiet, ayant pour seul secours les promesses de Dieu.

L’ironie, c’est que Jésus possède cette puissance : il nourrira les foules en multipliant les pains, il marchera sur l’eau, ressuscitera les morts, et en définitive il règnera sur l’univers. Cette mise à l’épreuve conduit à Jésus à réfléchir sur le chemin qui le mène à la gloire, à la victoire, au règne promis. Le chemin que lui présente le diable, c’est un chemin large, agréable, facile, pavé de petits pains et d’anges, alors que le chemin qu’a voulu Dieu est un chemin étroit, un chemin de renoncement, un chemin qui mène à la croix, à la mort, au sacrifice. Le diable fait miroiter un raccourci vers la gloire qui laisse de côté le salut des hommes par la mort du Messie innocent. Jésus ne se laisse pas tenter mais il choisit, il re-choisit, la voie étroite, la voie de l’homme, difficile et ardue, où il prendra la place des coupables, des pécheurs, des infâmes, afin de les recouvrir de justice et d’innocence, d’offrir aux égarés une place dans ce palais qu’il a abandonné.

Voilà le choix qui se dessine devant Jésus : un retour à la case départ, celle du trône glorieux de Dieu le fils, sans souffrance, sans humiliation, sans la croix, ou un chemin enténébré aux côtés des hommes souffrants, chemin que Dieu a choisi pour déboucher sur une plus grande lumière, répandue sur l’humanité.

L’enjeu de toute tentation : la relation avec Dieu

Au désert, Jésus est mis à l’épreuve : son choix de devenir homme, son choix d’endurer la peine des hommes pour leur offrir sa joie, son pardon, sa proximité avec Dieu le Père, c’est ce choix qui est testé, et Jésus persévère dans son choix, résistant ainsi à la tentation. Dans cet épisode du désert, on voit quelque chose d’unique se jouer en Jésus, le Messie, qui re-choisit d’assumer sa mission jusqu’au bout. Au travers de cette tentation si particulière se dessine le mécanisme général de la tentation, valable pour tout croyant.

On peut résumer ainsi la tentation de Jésus : Satan essaie de le conduire à sortir du chemin voulu par Dieu, à utiliser ses possibilités hors des cadres voulus par Dieu. Je crois qu’on peut en retirer quelques indices pour comprendre la tentation.

Le premier élément, c’est que le diable ne nous tente pas forcément avec des choses mauvaises en soi. Alors évidemment, si une petite voix vous dit d’aller assassiner votre voisin de palier, on est d’accord que la proposition est mauvaise, point. Mais regardez avec quoi Satan tente Jésus : des miracles, la confiance en Dieu, la vocation de Jésus à régner sur le monde. En soi ces choses ne sont pas mauvaises. Ce qui constitue un piège, c’est que le diable propose des choses en les sortant du projet global de Dieu. De très bonnes choses, détournées de leur vocation, utilisées de manière inappropriée, peuvent constituer une tentation : p. ex. le travail est une bonne chose, mais on entend parfois des gens qui deviennent accro et en viennent à négliger leur santé et leur famille. Ce peut être aussi bien l’argent, l’amour, la réussite : de belles choses, mais qui peuvent être détournées de leur usage et nous détourner ainsi du chemin de Dieu.

Le diable est si sournois qu’il va même jusqu’à citer la parole de Dieu : mais si, tu vois, c’est Dieu qui l’a dit, si tu sautes il te rattrape. La tentation n’est pas dans la parole biblique, mais dans l’intention avec laquelle elle est citée : pousser Jésus à utiliser ses privilèges comme il au lieu de faire confiance à Dieu.

Petite parenthèse : face à la tentation, nous ne pouvons pas avoir des réflexes bien huilés. En réalité, le diable peut tout utiliser, même les meilleures choses, même la parole-même de Dieu, pour nous détourner de la volonté de Dieu. On ne peut pas juste croire aux pattes blanches qu’il nous montre, mais nous sommes appelés au discernement, à peser les situations pour chercher quelle est la volonté de Dieu pour nous maintenant. Quel est le chemin que Dieu veut que je suive ? Une des façons de résister à la tentation (ce n’est pas une recette miracle) c’est de chercher à comprendre le but de telle situation, de telle capacité, de tel objet, de telle relation, comprendre le projet de Dieu qui entoure et oriente telle ou telle chose.

Pour le discernement nous sont données deux aides : le saint Esprit qui nous guide et nous éclaire, et la Parole de Dieu, méditée, fréquentée, comprise – dans sa cohérence. On a vu que le diable ne se gêne pas pour citer un verset biblique, et que sortie de son contexte, une parole peut dire tout et son contraire. C’est dans la compréhension du projet global de Dieu, de la relation entre Dieu et les hommes, que le discernement pourra s’effectuer.

Pour finir, l’épisode de la tentation au désert nous laisse voir aussi l’action discrète de Dieu, sa présence qui nous encourage : à la fin, les anges viennent et servent Jésus en lui donnant à manger. A lui qui a su respecter les temps de Dieu, à lui qui a su compter sur les promesses et la sagesse du Père, qui a su demeurer sur le chemin de la volonté de Dieu, Dieu répond fidèlement. Il n’est pas exempté du chemin choisi, mais Dieu prend soin de lui, il le garde et l’entoure de sa présence. A celui qui garde confiance en Dieu contre toute tentation, Dieu répond avec fidélité, et ce passage si particulier de la vie de Jésus nous invite à vivre, nous aussi, cette confiance sans compromis en Dieu.

Un Dieu tendre et fidèle… comme une mère

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Lecture biblique : Esaïe 49.14-16

Nous sommes dans le contexte de l’exil à Babylone. Le peuple de Juda est loin de son pays, déporté loin du pays de la promesse. Il y a forcément chez eux un sentiment d’abandon, de désespoir : Dieu a jugé son peuple, il l’a abandonné.

Mais Dieu répond par le biais de son prophète et veut rassurer son peuple. Non, il ne l’a ni oublié ni abandonné. Et pour l’exprimer, il utilise un langage imagé très fort… et surprenant. Il compare Dieu à une mère allaitant son bébé, une mère qui ne peut oublier son enfant. « Même si elle l’oubliait, moi je ne t’oublierai jamais. »

Dieu est aussi notre mère !

Arrêtons-nous sur cette métaphore étonnante de Dieu sous la forme d’une mère. Quand on y pense, c’est surprenant… pour un Dieu qu’on a l’habitude d’appeler Père !

L’image traditionnelle de Dieu, ce serait plutôt celle d’un vieillard à la barbe blanche… Toute caricaturale qu’elle soit, elle peut véhiculer l’idée de sagesse et d’éternité. Mais à en croire Esaïe, l’image d’une mère allaitant son bébé est tout aussi pertinente pour évoquer Dieu.

Ca me fait penser au roman, bestseller paru il y a quelques années, de Paul Young : « La Cabane ». Dans ce livre, un homme rencontre Dieu dans une cabane, ou plutôt la Trinité, sous une forme corporelle inhabituelle : le Père est une femme afro-américaine, le Fils un homme du Moyen-Orient et le Saint-Esprit une petite femme asiatique. C’est un roman, pas un ouvrage théologique… Et même si ce n’est pas un chef d’oeuvre de la littérature, j’ai bien aimé ce livre qui apporte une lumière originale sur la question de la Trinité. N’en déplaise à tous ceux qui ont tiré à boulets rouges sur son auteur, accusé d’hérésie !

En tout cas, il y a quand même quelques textes dans la Bible, dont celui d’Esaïe, qui troublent l’image traditionnelle, et paternaliste, de Dieu. Et c’est tant mieux ! Dieu n’est pas, à proprement parlé, masculin ou féminin. Ou alors, d’une certaine façon, il est les deux. N’oublions pas que dans la Genèse, c’est en tant qu’homme et femme que l’être humain a été créé à l’image de Dieu…

Dieu est toujours plus grand, plus complexe que ce que nous pouvons en dire. Tout ce que nous pouvons savoir sur Dieu est forcément partiel. Comment pourrait-il en être autrement d’un être infini ? Permettez-moi de vous le dire : vous ne savez rien ! Vous n’avez rien compris… ou si peu ! Mais c’est normal… moi aussi !

Laissons-nous donc simplement interpeller par cette métaphore de Dieu comme une mère. Elle souligne deux attributs de Dieu : la tendresse et la fidélité.

La tendresse de Dieu

« Est-ce qu’une femme oublie
le bébé qu’elle allaite ?
Est-ce qu’elle cesse de montrer sa tendresse
à l’enfant qu’elle a por
té ? »

L’amour de Dieu est comparé à la tendresse d’une mère pour son enfant. Une image incroyablement intime. Et de fait, quand la Bible parle de manière imagée de l’amour de Dieu, elle prend des métaphores très intimes : l’amour d’un père ou d’une mère pour ses enfants ou l’amour d’un mari pour sa femme…

Notre compréhension de l’amour de Dieu ne doit pas se contenter de bons sentiments, pour le « bon Dieu » qui-aime-tout-le-monde-et-qui-pardonne-à-tout-le-monde. Dans l’histoire biblique, l’amour de Dieu s’est manifesté dans des actes concrets : la promesse d’une descendance à Abraham, la sortie d’Egypte des Hébreux, l’entrée dans le pays promis, le retour après l’exil et, bien-sûr, la venue du Fils de Dieu sur terre.

L’amour de Dieu pour nous est un amour vrai et authentique, qui ouvre sur une relation personnelle et intime avec lui. L’amour de Dieu est protéiforme. Ici, c’est son aspect tendre qui est souligné. Voilà qui donne l’image d’un Dieu réconfortant, consolateur, rassurant. L’image nous pousse à une intimité avec Dieu. A nous mettre dans la position du bébé qui allaite dans les bras de sa mère : le bonheur absolu pour un bébé !

La fidélité de Dieu

« Même si elle l’oubliait,
moi je ne t’oublierai jamais.
Vois, j’ai écrit ton nom
sur la paume de mes mains.
Je pense sans arrêt à tes murs de dé
fense. »

Dans des conditions normales, une mère n’abandonne pas son enfant, elle ne l’oublie jamais. Malheureusement, on sait que cela peut arriver… Alors Dieu va plus loin. Il envisage même cette possibilité pour dire que lui, ne le fera jamais. La fidélité de Dieu est sans faille.

Le peuple de Juda était pourtant en droit de se le demander. Rappelons qu’ils sont en exil, déportés du pays que Dieu leur avait promis. Bon, ils en étaient responsables, de par leur infidélité à Dieu. Et dans l’affirmation du verset 14, il n’y a pas forcément de reproche. Peut-être simplement un constat amer : « Le SEIGNEUR m’a abandonnée, mon maître m’a oubliée. » Sous-entendu : « on l’a bien mérité ! »

Mais Dieu n’est pas de cet avis. Il a encore des projets en réserve pour son peuple, parce que même s’ils sont infidèles, lui reste fidèle. Et à l’image du peuple d’Israël dans la Bible, nos vies sont faites aussi d’infidélités, d’oublis du Seigneur et de mauvais choix avec des conséquences parfois néfastes. Nous aussi nous pouvons nous dire parfois : « Le SEIGNEUR m’a abandonné, mon maître m’a oublié. » Et même ajouter : « je l’ai bien mérité ! »

Mais la promesse demeure : « Je ne t’oublierai jamais ». D’autant qu’elle a été renouvelée par Jésus : la parabole dite de l’enfant prodigue ne dit pas autre chose !

Si Dieu est fidèle, c’est parce qu’il nous aime. Comme le père de l’enfant prodigue, comme la mère qui s’occupe de son bébé. C’est parce qu’il s’est engagé par alliance avec nous. Le baptême est un signe que Jésus nous a laissé pour être signe de cette alliance. Un signe que nous posons au début de notre vie chrétienne, pour ne pas oublier. Pour se souvenir aussi que Dieu n’oubliera jamais. Témoin de notre engagement, il s’engage à nos côtés.

Conclusion

En guise de conclusion, je terminerai avec une exhortation :

Ne vous enfermez pas dans vos certitudes sur Dieu et laissez-vous surprendre par lui, à travers la Bible. Recherchez sa présence comme le bébé recherche la présence de sa mère, et vivez de sa tendresse et sa fidélité.

Vivre à l’image de Dieu

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Je vous invite à méditer ce matin un des textes du jour, dans le livre du lévitique, ch.19. Le livre du Lévitique ne fait pas partie des passages que nous lisons le plus souvent… En effet, il rassemble pour l’essentiel des lois que Dieu a données au peuple d’Israël après les avoir fait sortir d’Egypte, des lois qui concernent en grande partie le rituel, les sacrifices et la vie des prêtres. Du coup, pour nous chrétiens, comme ce système de temple et de sacrifices a été aboli, ces lois paraissent un peu lointaines. Cependant, il y a aussi dans ce livre un certain nombre de lois concernant le peuple et les règles à suivre pour vivre ensemble d’une manière qui plaise à Dieu. En cela, le lévitique, comme tout livre biblique, nous révèle ce que Dieu aime, quelles sont ses valeurs et du coup, son caractère. Au cœur de cet ensemble de lois et de commandements, c’est le Dieu de la vie qui parle à son peuple, et dans ces paroles que Dieu adresse aux croyants, nous trouvons des vérités permanentes qui se prolongent dans l’Evangile et qui nous éclairent encore aujourd’hui.

Le chapitre que nous méditerons ce matin est particulièrement important, car il est cité de nombreuses fois par Jésus et par les apôtres. Je ne vais pas tout lire, car il est un peu long, mais je tiendrai compte de l’ensemble du passage dans la méditation.

Lecture : Lévitique 1-5, 9-18, 32-37

La sainteté : être image de Dieu

Cet ensemble de lois, suivi d’autres commandements dans les chapitres suivants, découle d’une exigence que Dieu formule au tout début de son discours : Soyez saints (v.2). Au cœur de ce que Dieu demande à son peuple se trouve la sainteté. Toutes les lois qui suivent sont des concrétisations de cet appel à la sainteté si chère à Dieu.

Les croyants sont appelés à être saints, et cet appel retentit dans toute la Bible, autant dans l’Ancien Testament que dans l’évangile, puisque Jésus, dans le sermon sur la montagne, n’hésite pas à dire aux disciples : soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. La référence de Jésus au texte du Lévitique est évidente.

Comment être saint, comment devenir parfait ? Vous l’avez peut-être remarqué, Dieu motive son exigence ainsi : soyez saints parce que je suis saint. Par ailleurs, il y a comme un refrain dans notre texte : faites ceci, faites cela, parce que je suis Dieu, je suis votre Seigneur. La source de notre sainteté est en Dieu seul. Le modèle, la motivation, le but de la sainteté : c’est Dieu.

Dans la Bible, la sainteté vient de Dieu seul. La seule personne au monde à être sainte, c’est Dieu, créateur du monde, maître de l’univers, lui dont la justice et la bonté ne connaissent aucune faille. Aucun être, rien ni personne ne peuvent prétendre à posséder ou à obtenir cette qualité par eux-mêmes : le seul à être saint, c’est Dieu. La sainteté, c’est sa marque de fabrique, sa signature.

Si Dieu seul est saint, est-ce que nous pouvons y arriver, nous, misérables petits humains, faibles, limités et un peu tordus ? C’est là que le sens du mot « saint » nous échappe parfois : dans la Bible, Dieu est saint, certes, mais est saint tout ce qui lui appartient. Tout ce qui est proche de Dieu, tout ce qui est exposé à sa sainteté pour ainsi dire, finit par recevoir son éclat particulier, sa signature. Être saint, c’est appartenir à Dieu, faire partie de son cercle de proches, et porter son emblème, ses valeurs, ses projets, ses goûts. Etre saint, pour le dire autrement, c’est s’exposer à Dieu au point de lui ressembler peu à peu, de devenir, en quelque sorte, son image. Ca vous rappelle peut-être quelque chose : à la création, Dieu crée l’homme à son image, à sa ressemblance, pour que l’homme représente Dieu dans la création, qu’il transmette à son tour ce qu’il reçoit de Dieu.

La sainteté, c’est appartenir à Dieu. Mais elle ne se décroche pas par des efforts, par des techniques de renoncement à soi, par des sourires figés en toute circonstance ou au terme d’un parcours sans faute : la sainteté, aucun homme ne peut l’obtenir de lui-même. C’est un don. Dieu le dit à la fin de notre texte : c’est moi le Seigneur, votre Dieu, qui vous ai rachetés d’Egypte. C’est moi qui suis venu vous chercher pour vous rapprocher de moi, pour vous adopter, et je vous offre cette chance d’être mes fils et mes filles, portant mon emblème sur la terre.

Cette adoption de Dieu qui nous permet d’être proches de lui et de retrouver notre vocation à être images de Dieu sur la terre, cette adoption est concrétisée en partie lorsqu’Israël est libéré d’Egypte à grands renforts de miracles, mais elle est pleinement réalisée lorsque Dieu nous adopte en Jésus-Christ, nous libérant du mal et de l’orgueil qui nous séparaient de Dieu. En Christ, nous devenons fils et filles de Dieu, nous sommes invités à vivre dans l’intimité de Dieu, et à retrouver notre vocation à être saints, à être des représentants du Dieu vivant.

La sainteté, un style de vie

Justement, comment la sainteté se met-elle en œuvre dans notre vie ? Le texte que nous avons lu dresse un tableau foisonnant qui mélange joyeusement tous les domaines de la vie. A première lecture, on a même l’impression que ces lois vont dans tous les sens et qu’il manque un peu de cohérence. Ainsi, dans ce seul chapitre, on trouve des commandements qui règlent le domaine rituel (quand et comment faire des sacrifices), le domaine spirituel (le respect du sabbat – jour de repos où l’on prend du temps pour Dieu –, le refus des idoles et le rejet des pratiques païennes), le domaine des relations (en famille : avec les parents et les enfants, au travail avec les ouvriers, les conflits au sein du peuple, l’attitude à avoir envers les personnes affaiblies /sourds, aveugles, personnes âgées/ et envers les défavorisés – pauvres ou immigrés), il y a même des commandements pour la culture des arbres fruitiers ou pour le tissage des vêtements !

Sans rentrer dans le détail de chaque commandement qu’il serait intéressant d’étudier en soi, je vous propose de rester à un niveau général et de nous pencher sur la dynamique globale du texte. Il me semble que cet ensemble de lois nous montre un principe fondamental, qui a dû révolutionner la mentalité des Israélites et qui remet aussi en question nos préjugés : la sainteté se vit en toutes circonstances. C’est un style de vie, une attitude globale qui se décline de telle ou telle manière selon les situations particulières, mais qui concerne toutes les situations.

La sainteté à laquelle Dieu appelle les croyants ne se limite pas à un lieu (le temple), à un moment (le sabbat) ou à un groupe (les prêtres), mais elle doit caractériser toute la vie de la communauté, partout et tout le temps. Alors c’est vrai que dans l’Ancien Testament Dieu donne des repères pour commencer : il faut être au minimum saint au temple, lors du sabbat ou quand on est prêtre, parce qu’ils sont tournés vers Dieu. Cependant, vous voyez que la sainteté ne se cantonne pas à ces lieux, à des moments ou à des groupes, mais que tout le peuple est en réalité appelé à vivre de manière sainte en toutes circonstances.

Les lois que Dieu énonce ne constituent pas un parcours bien défini pour devenir plus saint, des tâches qu’il faudrait accomplir pour décrocher un titre et arriver sur le podium ! C’est Dieu qui prend l’initiative de nous rapprocher de lui, de nous rendre saints par contagion, et ces lois sont plutôt des pistes concrètes pour vivre cette ressemblance avec Dieu. La sainteté se reçoit d’abord dans notre relation avec Dieu, et transforme ensuite notre vie tous azimuts : dans notre manière de travailler, d’être en famille, de rendre un culte à Dieu, dans notre entourage, dans la société, dans la politique même. La sainteté, c’est d’être proches de Dieu qui nous remet en phase avec notre vocation à être ses représentants, et ensuite ça se concrétise de mille et une manières dans notre quotidien.

Consécration, justice et amour

Etre saint, c’est ressembler à Dieu, c’est vivre à son image, c’est adopter ses valeurs comme style de vie. Soit, mais quels principes généraux suivre pour ressembler à Dieu, concrètement? Le texte que nous avons lu donne quelques pistes.

La première étape, c’est la consécration. Se consacrer à Dieu, c’est décider de le prendre pour modèle, tel qu’il se révèle dans sa Parole et en Jésus-Christ, son Fils devenu homme. Se consacrer à Dieu, c’est mettre Dieu au centre de notre vie : nourrir notre relation avec lui, puiser en lui notre force, notre espérance, notre vision du monde. C’était le sens du sabbat à respecter, jour hebdomadaire où le croyant se rappelle que sans Dieu il ne peut pas vivre, et qui se tourne vers lui pour se mettre à son écoute et se replacer devant lui. A nous de trouver des moments pour nous tourner vers Dieu et nous exposer à lui pour apprendre à lui ressembler.

Se consacrer à Dieu c’est aussi renoncer à ce qui compromet notre relation avec lui, comme par exemple le fait de mélanger des croyances issues de différentes religions pour se faire sa propre spiritualité. Dans ce cas-là, on n’est plus en relation avec Dieu, on ne cherche plus à le connaître lui, tel qu’il est, mais on plaque sur lui ce qui nous arrange. Chercher le Dieu saint, c’est la première étape de la sainteté : vivre de plus en plus près de lui, se laisser enseigner par lui et se laisser transformer à son image.

Ensuite, il me semble que deux grands principes caractérisent les mises en œuvre de la sainteté. D’abord, le croyant qui ressemble à Dieu est appelé à être juste. La justice s’exprime dans notre texte de multiples manières : dans l’honnêteté commerçante (sans tricher sur les poids – factures p.ex.), dans le refus de la corruption (faux témoignages, pots de vin), dans le refus de profiter du faible (se moquer du sourd, l’aveugle, retarder le salaire de l’ouvrier intérimaire, les enfants, les personnes âgées), dans le refus aussi des préjugés et des partis pris. Je trouve ce commandement étonnant, au v.15 : ne favorisez pas les gens puissants, c’est-à-dire ne vous laissez pas corrompre. Mais, ne favorisez pas non plus les pauvres : jugez l’affaire sans parti pris. Ce commandement me fait réfléchir, surtout dans une société qui a tendance à vite juger, à distribuer les sentences en fonction des apparences. Dieu nous appelle à être justes, sages, à chercher la vérité en toute clarté, en toute honnêteté.

L’autre caractéristique, qui va de pair avec la justice, c’est l’amour. L’amour, commandement unique du christ qui nous appelle à aimer comme il nous a aimés, l’amour du prochain auquel Jésus et les apôtres nous invitent si souvent, l’amour de l’autre vient de ce chapitre (cf. Mt 22). Et ce chapitre est le seul à mentionner l’amour de l’autre dans tout le livre du Lévitique, et il le fait deux fois, v.18 tu aimeras ton prochain comme toi-même, et v.34 tu aimeras l’étranger comme toi-même. L’amour, dans la Bible, ce n’est pas un sentiment qu’on ressent un peu malgré soi, qui va et qui vient, en fonction des goûts ou des atomes crochus, mais c’est une attitude qu’on choisit d’avoir. Dieu nous appelle à aimer celui qui nous ressemble, notre prochain, et à aimer celui qui nous est étranger, qui nous effraie, qui nous remet en question.

Comment Dieu définit-il l’amour ici ? v.17 Refuser d’envenimer les conflits avec le prochain, refuser de se laisser guider par la colère ou l’amertume, mais, malgré la colère ou la souffrance, œuvrer à la réconciliation en allant le voir pour exposer le problème et trouver une solution. Aimer l’autre, c’est aussi lui venir en aide, avec générosité – p. ex. dans l’ancien temps, c’était laisser au pauvre ou à l’immigré de quoi manger en récupérant les restes des récoltes.

Dieu nous appelle à être à son image : justes, mais en arrondissant les angles, en faisant le premier pas, en favorisant activement le bien et la paix. Non pas une justice campée sur ses principes qui reste loin, mais une justice qui se met en 4 pour aider chacun, quelle que soit sa position sociale, ses origines, ses compétences, ses relations, pour aider chacun à avancer et à progresser.

Ces deux principes, justice et amour, tournent nos yeux vers le Christ, lui qui a révélé pleinement la justice de Dieu, sa colère face au mal, lui qui a révélé pleinement l’amour de Dieu, dépassant sa colère, lui qui était parfait et qui a délibérément endossé notre culpabilité face à Dieu, prenant l’initiative pour que nous soyons pardonnés et vivants, réconciliés avec Dieu pour recevoir de lui la vraie vie. Par Jésus-Christ, nous sommes rapprochés de Dieu pour toujours, reconnectés à lui dans son Esprit, réintégrés dans cette relation avec Dieu qui nous rend capables de répondre à notre vocation : être images de Dieu sur la terre, transmettre ce que nous voyons en lui, une justice éclatante de vérité, et un amour débordant.