Vivre à l’image de Dieu

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Je vous invite à méditer ce matin un des textes du jour, dans le livre du lévitique, ch.19. Le livre du Lévitique ne fait pas partie des passages que nous lisons le plus souvent… En effet, il rassemble pour l’essentiel des lois que Dieu a données au peuple d’Israël après les avoir fait sortir d’Egypte, des lois qui concernent en grande partie le rituel, les sacrifices et la vie des prêtres. Du coup, pour nous chrétiens, comme ce système de temple et de sacrifices a été aboli, ces lois paraissent un peu lointaines. Cependant, il y a aussi dans ce livre un certain nombre de lois concernant le peuple et les règles à suivre pour vivre ensemble d’une manière qui plaise à Dieu. En cela, le lévitique, comme tout livre biblique, nous révèle ce que Dieu aime, quelles sont ses valeurs et du coup, son caractère. Au cœur de cet ensemble de lois et de commandements, c’est le Dieu de la vie qui parle à son peuple, et dans ces paroles que Dieu adresse aux croyants, nous trouvons des vérités permanentes qui se prolongent dans l’Evangile et qui nous éclairent encore aujourd’hui.

Le chapitre que nous méditerons ce matin est particulièrement important, car il est cité de nombreuses fois par Jésus et par les apôtres. Je ne vais pas tout lire, car il est un peu long, mais je tiendrai compte de l’ensemble du passage dans la méditation.

Lecture : Lévitique 1-5, 9-18, 32-37

La sainteté : être image de Dieu

Cet ensemble de lois, suivi d’autres commandements dans les chapitres suivants, découle d’une exigence que Dieu formule au tout début de son discours : Soyez saints (v.2). Au cœur de ce que Dieu demande à son peuple se trouve la sainteté. Toutes les lois qui suivent sont des concrétisations de cet appel à la sainteté si chère à Dieu.

Les croyants sont appelés à être saints, et cet appel retentit dans toute la Bible, autant dans l’Ancien Testament que dans l’évangile, puisque Jésus, dans le sermon sur la montagne, n’hésite pas à dire aux disciples : soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. La référence de Jésus au texte du Lévitique est évidente.

Comment être saint, comment devenir parfait ? Vous l’avez peut-être remarqué, Dieu motive son exigence ainsi : soyez saints parce que je suis saint. Par ailleurs, il y a comme un refrain dans notre texte : faites ceci, faites cela, parce que je suis Dieu, je suis votre Seigneur. La source de notre sainteté est en Dieu seul. Le modèle, la motivation, le but de la sainteté : c’est Dieu.

Dans la Bible, la sainteté vient de Dieu seul. La seule personne au monde à être sainte, c’est Dieu, créateur du monde, maître de l’univers, lui dont la justice et la bonté ne connaissent aucune faille. Aucun être, rien ni personne ne peuvent prétendre à posséder ou à obtenir cette qualité par eux-mêmes : le seul à être saint, c’est Dieu. La sainteté, c’est sa marque de fabrique, sa signature.

Si Dieu seul est saint, est-ce que nous pouvons y arriver, nous, misérables petits humains, faibles, limités et un peu tordus ? C’est là que le sens du mot « saint » nous échappe parfois : dans la Bible, Dieu est saint, certes, mais est saint tout ce qui lui appartient. Tout ce qui est proche de Dieu, tout ce qui est exposé à sa sainteté pour ainsi dire, finit par recevoir son éclat particulier, sa signature. Être saint, c’est appartenir à Dieu, faire partie de son cercle de proches, et porter son emblème, ses valeurs, ses projets, ses goûts. Etre saint, pour le dire autrement, c’est s’exposer à Dieu au point de lui ressembler peu à peu, de devenir, en quelque sorte, son image. Ca vous rappelle peut-être quelque chose : à la création, Dieu crée l’homme à son image, à sa ressemblance, pour que l’homme représente Dieu dans la création, qu’il transmette à son tour ce qu’il reçoit de Dieu.

La sainteté, c’est appartenir à Dieu. Mais elle ne se décroche pas par des efforts, par des techniques de renoncement à soi, par des sourires figés en toute circonstance ou au terme d’un parcours sans faute : la sainteté, aucun homme ne peut l’obtenir de lui-même. C’est un don. Dieu le dit à la fin de notre texte : c’est moi le Seigneur, votre Dieu, qui vous ai rachetés d’Egypte. C’est moi qui suis venu vous chercher pour vous rapprocher de moi, pour vous adopter, et je vous offre cette chance d’être mes fils et mes filles, portant mon emblème sur la terre.

Cette adoption de Dieu qui nous permet d’être proches de lui et de retrouver notre vocation à être images de Dieu sur la terre, cette adoption est concrétisée en partie lorsqu’Israël est libéré d’Egypte à grands renforts de miracles, mais elle est pleinement réalisée lorsque Dieu nous adopte en Jésus-Christ, nous libérant du mal et de l’orgueil qui nous séparaient de Dieu. En Christ, nous devenons fils et filles de Dieu, nous sommes invités à vivre dans l’intimité de Dieu, et à retrouver notre vocation à être saints, à être des représentants du Dieu vivant.

La sainteté, un style de vie

Justement, comment la sainteté se met-elle en œuvre dans notre vie ? Le texte que nous avons lu dresse un tableau foisonnant qui mélange joyeusement tous les domaines de la vie. A première lecture, on a même l’impression que ces lois vont dans tous les sens et qu’il manque un peu de cohérence. Ainsi, dans ce seul chapitre, on trouve des commandements qui règlent le domaine rituel (quand et comment faire des sacrifices), le domaine spirituel (le respect du sabbat – jour de repos où l’on prend du temps pour Dieu –, le refus des idoles et le rejet des pratiques païennes), le domaine des relations (en famille : avec les parents et les enfants, au travail avec les ouvriers, les conflits au sein du peuple, l’attitude à avoir envers les personnes affaiblies /sourds, aveugles, personnes âgées/ et envers les défavorisés – pauvres ou immigrés), il y a même des commandements pour la culture des arbres fruitiers ou pour le tissage des vêtements !

Sans rentrer dans le détail de chaque commandement qu’il serait intéressant d’étudier en soi, je vous propose de rester à un niveau général et de nous pencher sur la dynamique globale du texte. Il me semble que cet ensemble de lois nous montre un principe fondamental, qui a dû révolutionner la mentalité des Israélites et qui remet aussi en question nos préjugés : la sainteté se vit en toutes circonstances. C’est un style de vie, une attitude globale qui se décline de telle ou telle manière selon les situations particulières, mais qui concerne toutes les situations.

La sainteté à laquelle Dieu appelle les croyants ne se limite pas à un lieu (le temple), à un moment (le sabbat) ou à un groupe (les prêtres), mais elle doit caractériser toute la vie de la communauté, partout et tout le temps. Alors c’est vrai que dans l’Ancien Testament Dieu donne des repères pour commencer : il faut être au minimum saint au temple, lors du sabbat ou quand on est prêtre, parce qu’ils sont tournés vers Dieu. Cependant, vous voyez que la sainteté ne se cantonne pas à ces lieux, à des moments ou à des groupes, mais que tout le peuple est en réalité appelé à vivre de manière sainte en toutes circonstances.

Les lois que Dieu énonce ne constituent pas un parcours bien défini pour devenir plus saint, des tâches qu’il faudrait accomplir pour décrocher un titre et arriver sur le podium ! C’est Dieu qui prend l’initiative de nous rapprocher de lui, de nous rendre saints par contagion, et ces lois sont plutôt des pistes concrètes pour vivre cette ressemblance avec Dieu. La sainteté se reçoit d’abord dans notre relation avec Dieu, et transforme ensuite notre vie tous azimuts : dans notre manière de travailler, d’être en famille, de rendre un culte à Dieu, dans notre entourage, dans la société, dans la politique même. La sainteté, c’est d’être proches de Dieu qui nous remet en phase avec notre vocation à être ses représentants, et ensuite ça se concrétise de mille et une manières dans notre quotidien.

Consécration, justice et amour

Etre saint, c’est ressembler à Dieu, c’est vivre à son image, c’est adopter ses valeurs comme style de vie. Soit, mais quels principes généraux suivre pour ressembler à Dieu, concrètement? Le texte que nous avons lu donne quelques pistes.

La première étape, c’est la consécration. Se consacrer à Dieu, c’est décider de le prendre pour modèle, tel qu’il se révèle dans sa Parole et en Jésus-Christ, son Fils devenu homme. Se consacrer à Dieu, c’est mettre Dieu au centre de notre vie : nourrir notre relation avec lui, puiser en lui notre force, notre espérance, notre vision du monde. C’était le sens du sabbat à respecter, jour hebdomadaire où le croyant se rappelle que sans Dieu il ne peut pas vivre, et qui se tourne vers lui pour se mettre à son écoute et se replacer devant lui. A nous de trouver des moments pour nous tourner vers Dieu et nous exposer à lui pour apprendre à lui ressembler.

Se consacrer à Dieu c’est aussi renoncer à ce qui compromet notre relation avec lui, comme par exemple le fait de mélanger des croyances issues de différentes religions pour se faire sa propre spiritualité. Dans ce cas-là, on n’est plus en relation avec Dieu, on ne cherche plus à le connaître lui, tel qu’il est, mais on plaque sur lui ce qui nous arrange. Chercher le Dieu saint, c’est la première étape de la sainteté : vivre de plus en plus près de lui, se laisser enseigner par lui et se laisser transformer à son image.

Ensuite, il me semble que deux grands principes caractérisent les mises en œuvre de la sainteté. D’abord, le croyant qui ressemble à Dieu est appelé à être juste. La justice s’exprime dans notre texte de multiples manières : dans l’honnêteté commerçante (sans tricher sur les poids – factures p.ex.), dans le refus de la corruption (faux témoignages, pots de vin), dans le refus de profiter du faible (se moquer du sourd, l’aveugle, retarder le salaire de l’ouvrier intérimaire, les enfants, les personnes âgées), dans le refus aussi des préjugés et des partis pris. Je trouve ce commandement étonnant, au v.15 : ne favorisez pas les gens puissants, c’est-à-dire ne vous laissez pas corrompre. Mais, ne favorisez pas non plus les pauvres : jugez l’affaire sans parti pris. Ce commandement me fait réfléchir, surtout dans une société qui a tendance à vite juger, à distribuer les sentences en fonction des apparences. Dieu nous appelle à être justes, sages, à chercher la vérité en toute clarté, en toute honnêteté.

L’autre caractéristique, qui va de pair avec la justice, c’est l’amour. L’amour, commandement unique du christ qui nous appelle à aimer comme il nous a aimés, l’amour du prochain auquel Jésus et les apôtres nous invitent si souvent, l’amour de l’autre vient de ce chapitre (cf. Mt 22). Et ce chapitre est le seul à mentionner l’amour de l’autre dans tout le livre du Lévitique, et il le fait deux fois, v.18 tu aimeras ton prochain comme toi-même, et v.34 tu aimeras l’étranger comme toi-même. L’amour, dans la Bible, ce n’est pas un sentiment qu’on ressent un peu malgré soi, qui va et qui vient, en fonction des goûts ou des atomes crochus, mais c’est une attitude qu’on choisit d’avoir. Dieu nous appelle à aimer celui qui nous ressemble, notre prochain, et à aimer celui qui nous est étranger, qui nous effraie, qui nous remet en question.

Comment Dieu définit-il l’amour ici ? v.17 Refuser d’envenimer les conflits avec le prochain, refuser de se laisser guider par la colère ou l’amertume, mais, malgré la colère ou la souffrance, œuvrer à la réconciliation en allant le voir pour exposer le problème et trouver une solution. Aimer l’autre, c’est aussi lui venir en aide, avec générosité – p. ex. dans l’ancien temps, c’était laisser au pauvre ou à l’immigré de quoi manger en récupérant les restes des récoltes.

Dieu nous appelle à être à son image : justes, mais en arrondissant les angles, en faisant le premier pas, en favorisant activement le bien et la paix. Non pas une justice campée sur ses principes qui reste loin, mais une justice qui se met en 4 pour aider chacun, quelle que soit sa position sociale, ses origines, ses compétences, ses relations, pour aider chacun à avancer et à progresser.

Ces deux principes, justice et amour, tournent nos yeux vers le Christ, lui qui a révélé pleinement la justice de Dieu, sa colère face au mal, lui qui a révélé pleinement l’amour de Dieu, dépassant sa colère, lui qui était parfait et qui a délibérément endossé notre culpabilité face à Dieu, prenant l’initiative pour que nous soyons pardonnés et vivants, réconciliés avec Dieu pour recevoir de lui la vraie vie. Par Jésus-Christ, nous sommes rapprochés de Dieu pour toujours, reconnectés à lui dans son Esprit, réintégrés dans cette relation avec Dieu qui nous rend capables de répondre à notre vocation : être images de Dieu sur la terre, transmettre ce que nous voyons en lui, une justice éclatante de vérité, et un amour débordant.

 

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