image_pdfimage_print

Tous les articles par Florence VANCOILLIE

Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Vivre par la foi: l’exemple d’Abraham (Hé 11.8-19)

https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-par-la-foi

L’auteur donne aux croyants toute une liste d’exemples, dont Abraham est un des plus longs. Il reprend trois événements majeurs dans la vie du patriarche : 1/ en Gn 12, lorsque Dieu appelle Abram, déjà âgé, à quitter sa terre pour aller vivre en pays inconnu, avec la promesse de commencer avec lui une grande nation bénie de Dieu (8-10). 2/ entre Gn 15 et 21, lorsque Dieu promet au couple âgé et stérile la naissance d’un fils qui héritera de la promesse faite à Abram. Après plusieurs années qui usent d’ailleurs la patience de Sara, Isaac finit par naître et réalise ainsi la promesse de Dieu qu’Abraham aurait un fils. (11-12)  3/ en Gn 22, alors qu’Isaac a grandi, Dieu demande à Abraham de lui offrir Isaac en sacrifice de reconnaissance. Abraham part donc avec Isaac et le prépare pour le sacrifice quand au dernier moment, un ange le retient d’aller plus loin et lui fournit une victime appropriée. Au milieu de cette notice biographique, une parenthèse nous plonge dans les motivations des patriarches.

Les récits de la Genèse sont assez sobres et se concentrent surtout sur les faits, très peu sur les projets du patriarche, sur ses motivations, ses espoirs et ses craintes. L’auteur de la lettre aux Hébreux relit l’histoire d’Abraham à la lumière de toute la révélation, et met en valeur les implications de la foi d’Abraham, notamment dans les v.13-16.

Dans ce passage où l’auteur veut encourager les chrétiens à vivre par la foi, à rester fermement attachés au Christ, l’histoire d’Abraham met en valeur (sans être exhaustive) deux dimensions de la foi que nous sommes appelés à vivre nous aussi.

1)   La confiance en Dieu visible dans l’obéissance

La foi peut recevoir différentes définitions : croire que Dieu existe et qu’il est bon envers nous, adhérer à un ensemble de convictions, nourrir une relation avec Dieu (aspect de piété). Ce que notre texte met en valeur, c’est la confiance en Dieu envers et contre tout, alors que le bon sens décourage de suivre Dieu.

A chaque événement de la vie d’Abraham, il y a un sérieux obstacle à suivre Dieu ; on remarque d’ailleurs un crescendo d’obstacles de plus en plus déroutants, qui demandent une confiance de plus en plus grande.

D’abord, Dieu demande à Abram de tout quitter pour un endroit inconnu, et Abram prend sa famille, ses biens, et s’engage dans un long voyage vers le Sud, sans savoir à quoi s’attendre. Il a pour seule garantie une promesse, un peu extravagante d’ailleurs : à travers lui et ses descendants qu’il n’a pas, le monde sera béni. C’est l’obstacle de l’ignorance : Abram se lance dans une aventure qu’il ne maîtrise en rien. Nous, nous aurions sûrement demandé des esquisses du fameux pays, étudié son potentiel, nous aurions demandé à Dieu des garanties pour voir s’il était sérieux et fiable, et nous aurions peut-être pris une assurance en cas d’échec. Abram ne demande aucune garantie : il plonge.

Ensuite, Dieu promet à Abraham un fils avec Sara, sa femme, qui héritera des projets de Dieu. Dieu fait cette promesse à plusieurs reprises à un couple stérile et âgé (notre passage dit : déjà marqué par la mort), et là on passe à l’obstacle de ce qui est possible. Au départ, Sara tente d’adopter un fils, mais non, c’est bien de son ventre stérile que Dieu veut faire naître l’héritier. Quand Abraham comprend ce que Dieu promet, il rit en lui-même, tant l’idée est farfelue. Quand Sara entend à son tour comment l’enfant doit naître, elle aussi exprime son incrédulité en riant. Finalement, un an plus tard, naît Isaac. Vous remarquez que là, Dieu laisse le temps au couple de s’habituer à l’idée ! Même si ce que Dieu promet paraît impossible d’un point de vue humain, Abraham et Sara finissent par lui faire confiance, et ils renoncent à tout plan B.

Enfin, troisième épreuve, cet héritier promis, attendu, chéri, Dieu demande de le lui sacrifier. Au-delà de la tragédie que représente la mort de cet enfant, il y a l’obstacle de l’incohérence de Dieu. Dieu a promis qu’Isaac porterait la promesse de Dieu, sa bénédiction, et qu’à travers lui seul naîtrait la descendance d’Abraham, prélude à une nation aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ou le sable de la mer. Comment cela peut-il arriver par un mort ? On passe encore un cran dans l’inconnu, dans l’impossible ! Pourtant, face à ce Dieu qui souffle le chaud et le froid, qui semble se contredire, Abraham fait confiance. D’une certaine manière, il sait maintenant que ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu, que ce qui est insensé – en termes de garanties ou de probabilité – aux yeux des hommes n’est pas en dehors des capacités de Dieu. L’auteur de notre passage suppose qu’Abraham a réconcilié le paradoxe en faisant confiance au Dieu de la vie, qui avait déjà fait surgir la vie d’un ventre stérile, et qui pouvait aussi bien faire surgir la vie dans un cadavre.

A chaque fois, Abraham est mis devant des situations impossibles, qui demandent une décision radicale. Il n’y a pas de demi-mesure : on suit ou on ne suit pas ! La confiance en Dieu s’exprime à chaque fois par l’obéissance. Ce n’est pas toujours de gaieté de cœur, ou immédiat (on le voit avec l’incrédulité face à Isaac), mais la foi se concrétise forcément dans l’obéissance. Obéir c’est suivre coûte que coûte le Dieu qui nous appelle, qui nous fait vivre. C’est s’attacher à Dieu, donner plus de réalité à ses promesses et à sa puissance qu’à notre champ de possibilités.

Dans l’obéissance de la foi, nous devons parfois vivre des ruptures, des abandons, des deuils, même s’ils sont moins spectaculaires que le voyage d’Abraham ou le presque sacrifice d’Isaac. Dans l’obéissance de la foi, nous devons aussi accueillir des options apparemment insensées, irrationnelles, parfois effrayantes. La seule raison pour obéir, c’est la connaissance du Dieu vivant. Là on n’est pas dans l’obéissance à des codes, des rituels, mais dans l’attachement à une personne, un attachement qui dépasse tout autre attachement que nous pourrions avoir, la conviction que ce Dieu-là est bon et puissant, et que même si nous avons l’impression de sauter dans le vide, ce Dieu-là va nous rattraper, ce saut est la seule manière de le suivre.

2)   L’espérance dans les promesses de Dieu visible dans la persévérance

La foi est confiance en Dieu, un attachement au Dieu vivant, bon et tout-puissant, qui triomphe de tout autre attachement. Cette confiance en Dieu est aussi marquée par l’espérance dans les promesses de Dieu. La foi est une marche avec Dieu, caractérisée par l’attachement à Dieu, comme si on se tenait à lui, et par une direction, une orientation : le royaume de Dieu, le règne de Dieu où toutes ses promesses s’accompliront parfaitement.

L’auteur aux Hébreux s’appuie sur le fait qu’Abraham a vécu sur la terre promise comme un étranger, comme un résident temporaire. Il ne s’est jamais installé, et il se définit lui-même de cette manière en parlant aux habitants de Canaan. Abraham avait reçu la promesse d’une terre qu’habiterait sa nombreuse descendance : à la fin de sa vie, il achète un tombeau sur cette terre, pour Sara ; ce tombeau est une sorte d’avance dans la possession de ce pays qui ne sera effective que des siècles plus tard. De loin, il voit la réalisation de la promesse d’un pays, ce qui va le motiver à rester toute sa vie un nomade, à vivre dans l’inconfort, sans jamais retourner dans son pays d’origine, sans non plus hâter la réalisation de la promesse. Il sait que Dieu va accomplir ses projets et il s’accroche à ces promesses, sans se chercher de béquilles.

Ce qui étonne un peu dans notre texte, c’est l’idée qu’Abraham et les autres croyants attendaient non pas la possession de Canaan, mais l’établissement du règne parfait de Dieu, la Jérusalem céleste aux fondations bien solides, éternelles. Pour quelqu’un qui n’a pas encore vu la Jérusalem terrestre, l’attente d’une Jérusalem parfaite, céleste, étonne. Là, on est en plein dans la relecture de l’auteur aux Hébreux, dans sa compréhension bien plus tard de ce qui se joue à l’époque d’Abraham.

D’un côté, il s’appuie sur le fait qu’Abraham a toujours gardé le cap des promesses de Dieu, il a supporté tous les inconforts, les incertitudes, parce qu’il savait que Dieu réaliserait sa promesse en son temps. D’un autre côté, la progression de la révélation biblique montre qu’Abraham est le père de tous les croyants, d’abord des israélites puis de tous ceux qui reconnaissent le Messie juif, Jésus, comme leur sauveur. De même, si l’occupation du pays promis est un élément important de la bénédiction divine dans l’AT, elle se révèle décevante puisque le peuple n’arrive pas à rester fidèle à Dieu, et que le pays du peuple élu finit par ressembler fortement aux nations païennes, lorsque le peuple se détourne de Dieu au point de l’oublier presque complètement. Le pays promis est une image imparfaite du Royaume que Dieu établira, un règne de paix et de justice, qui dépasse toutes les tentatives humaines et que nous attendons encore. La connaissance de l’histoire biblique permet à l’auteur de bien comprendre la portée de l’espérance d’Abraham, même si lui-même n’en était pas forcément conscient.

Le point crucial de cette réflexion, c’est que les croyants vivent en étrangers et résidents temporaires sur cette terre, en attendant le royaume de Dieu. Ca implique deux choses : premièrement, une marche persévérante orientée par les promesses de Dieu, une marche marquée par la justice, le pardon, la vérité, l’amour, parce que ces valeurs vont triompher lorsque Dieu établira parfaitement son règne. Alors le croyant ne s’arrête pas en route, il ne satisfait pas de demi-mesures, de demi-accomplissements, de compromis. Il garde les yeux fixés sur la promesse, s’approchant toujours un peu plus du Royaume de Dieu.

Deuxièmement, notre espérance est synonyme d’étrangeté, de décalage. Dans un monde où les orientations de vie sont différentes, celui qui cherche le royaume de Dieu est bien souvent à contre-courant, étranger dans son propre pays, décalé dans ses valeurs, ses actes, son attitude, passant même parfois pour un insensé. Il ne faut pas chercher la différence pour la différence, et Jésus comme Paul invitent à ne pas scandaliser nos contemporains par une attitude choquante. Cela étant, si nous sommes orientés vers le royaume de Dieu, notre vie sera forcément différente, forcément décalée. Ce décalage est inconfortable : il signifie que nous ne sommes pas chez nous ici – ou ailleurs – tant que le christ n’est pas revenu. Il signifie que nous serons forcément frustrés par notre situation, que nous serons en butte à l’incompréhension voire au mépris de ceux qui nous entourent. C’est pour cette raison que l’épître aux hébreux encourage particulièrement à la persévérance : ces difficultés, nos prédécesseurs dans la foi les ont supportées en contemplant les promesses de Dieu. L’étrangeté, la frustration, les souffrances d’aujourd’hui sont éclipsés par la richesse et la splendeur incomparables de ce que Dieu a prévu pour l’éternité.

Conclusion

Les croyants de l’AT ne sont pas parfaits, ce ne sont pas des héros : ils avaient nos faiblesses, nos craintes, notre incrédulité, mais ils connaissaient le Dieu vivant, et ils ont choisi de le suivre coûte que coûte. Ils ne sont pas meilleurs que nous, juste des exemples de ce que produit la relation avec Dieu : une confiance radicale qui s’exprime par une obéissance un peu folle, une espérance ardente qui donne un nouveau sens à notre vie, qui attend l’accomplissement des promesses de Dieu.

Malgré les doutes, les questions, la solitude, malgré la peur et l’inquiétude, les croyants tiennent bon en s’accrochant à Dieu, en le suivant sur cette voie étroite de l’obéissance et de la persévérance. Seulement, nous avons un avantage de taille par rapport à Abraham et aux autres croyants de l’AT : Dieu a déjà réalisé une promesse, celle d’envoyer un sauveur pour les hommes qu’il aime. Ce sauveur est pour nous la preuve de l’amour de Dieu, la preuve que rien n’est impossible au Dieu tout-puissant, la preuve que ses promesses ne sont pas des paroles en l’air mais des certitudes bien plus sûres que tout ce que nous connaissons. Alors faisons nôtre le chemin de foi d’Abraham : suivons notre Dieu avec confiance, marchons vers lui avec persévérance, sans nous laisser détourner ou décourager, en puisant notre force dans tout ce que Dieu a fait pour nous.

Tenez bon! Le Seigneur sera votre force (Ep 6.10-18)

Pendant l’Avent, nous attendons la venue de Dieu. Je vous propose de méditer le texte du jour, à la fin de la lettre de Paul aux Ephésiens, un texte qui nous donne des indications sur la manière dont nous devons attendre la venue de Dieu.

Lecture Ep 6.10-18

Nous sommes en guerre ! Voilà comment se conclut la lettre aux Ephésiens, une lettre où Paul met pourtant un fort accent sur la paix : Jésus-Christ nous réconcilie avec Dieu et avec les autres. En nous reconnectant chacun à Dieu, il nous reconnecte aussi les uns aux autres. La paix est donc une des principales victoires du christ, un bien que nous sommes appelés à nous approprier dans l’Eglise et à développer. Toutefois, Paul termine sa lettre avec une image apparemment opposée à la paix : celle du combat. Il appelle plusieurs fois les chrétiens à résister, en revêtant – et c’est là le point fort du texte – une armure complète qui nous permettra de tenir. Paul utilise là une image forte qui a pour but de marquer les esprits au moment de son exhortation finale et d’encourager les chrétiens dans le temps qui précède le retour du Christ.

1)   L’appel à tenir ferme dans la bataille spirituelle

Nous sommes en guerre. Paul nous invite à reconnaître que la vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille, et que nous ne sommes pas en terrain neutre. Au contraire, nous rencontrons des obstacles, des adversaires, et nous devons prendre position dans le combat engagé. Quoi que nous fassions, nous y sommes, et nous avons besoin de nous préparer de manière adéquate.

Evidemment, nous pensons tout de suite aux combats que vivent les chrétiens de l’église persécutée dans le monde, pour qui la lutte est une réalité quotidienne et malheureusement difficile à nier. En creusant un peu, on peut penser aussi aux résistances discrètes mais réelles que rencontre la foi chrétienne dans la société occidentale d’aujourd’hui. Mais il me semble que Paul nous invite à ne pas être dupes : même dans l’hypothèse de conditions politiques ou religieuses optimales, aucun chrétien n’est exempté de ce combat.

En effet, Paul nous invite à voir plus loin que les adversaires en chair et en os, à voir plus loin que les difficultés ou les résistances que nous rencontrons : ceux face à qui nous devons résister ne sont pas en chair et en os, mais ce sont des adversaires spirituels : des forces très puissantes, des puissances de la nuit, des esprits mauvais, regroupés sous l’égide de l’adversaire principal qu’est le diable. Vous remarquerez que Paul ne se lance pas dans une description détaillée des différents démons, de leur organisation, de leur mode de fonctionnement, de leurs œuvres. A mon sens, ce qui ressort de cette liste, c’est surtout la variété des opposants, qui ont en commun le fait de lutter contre Dieu et ceux qui lui appartiennent. Paul nous pousse à reconnaître que chacun, dans son contexte, est engagé dans la lutte et doit faire face aux pièges du diable.

Il me semble qu’on n’a pas besoin d’aller dans le spectaculaire pour reconnaître ces méthodes de l’adversaire : ce peut être le mépris ou le rejet violent de notre foi chez les autres, mais aussi les doctrines qui nous détournent de la vérité de l’Evangile ou les tentations de commettre le mal (mensonge, vol, tromperie, etc.), ou encore, et c’est plus pernicieux, des situations apparemment innocentes, où nous tombons doucement dans l’indifférence, dans le ressentiment ou l’amertume, dans des situations où nous nous sentons dans notre droit et nous écartons, sans vraiment le voir, de la grâce qui a transformé notre vie. Personnellement, je reconnais que je n’ai pas besoin d’aller très loin pour tomber dans ces pièges-là…!

Face à ces stratagèmes, à la diversité des adversaires, et surtout à leur nature spirituelle, nous armer ne signifie pas mettre un gilet pare-balles ou acheter un fusil. Nous avons besoin d’être équipés sur le plan spirituel pour tenir bon, et Paul nous dirige vers le seul qui puisse nous rendre forts : Dieu. Le seul qui puisse nous permettre de résister, c’est Dieu, le Dieu décrit au début de la lettre, au ch.1 (peut-être un des plus beaux passages de la Bible), celui dont la puissance et la force spirituelle ont vaincu le mal, toutes les forces du mal, dans leur variété et leur hargne, celui qui a vaincu la mort en faisant ressusciter Jésus-Christ.

Pour nous battre contre les puissances spirituelles, nous devons nous ranger derrière un chef spirituel. Mais il ne faudrait pas se tromper : une forte inégalité réside entre les deux camps. En réalité, même si la bataille fait rage, elle est perdue d’avance, ou vaincue d’avance, depuis que Jésus-Christ est ressuscité. Le théologien Oscar Cullmann compare d’ailleurs notre situation à la situation de la France entre le débarquement des forces alliées en Normandie en 1944 et l’armistice signée en 1945. Le débarquement déclenche la victoire des Alliés, mais les combats durent encore presque un an et font des dégâts. C’est exactement ce que nous vivons : Jésus-Christ a remporté la victoire décisive et un jour, son royaume sera établi. Mais les adversaires ne se sont pas encore rendus et continuent de lutter, donc nous aussi.

2)   les moyens à disposition

Nous devons donc nous préparer, nous équiper, pour tenir bon en attendant la victoire pleine et entière de notre Seigneur. Paul résume, dans l’image mémorable de l’armure d’un soldat, les armes que nous avons à notre disposition.

Quelles sont-elles ? La vérité, la justice, la paix, la foi, le salut, la parole de Dieu. Ces armes nous les connaissons bien, car ce sont les grâces données au chrétien : la vérité révélée en Jésus-Christ, la justice offerte au croyant, la paix nous réconciliant avec Dieu et les autres, la confiance en Dieu en toutes circonstances, l’assurance d’appartenir à Dieu et la parole, la Bible, qui nous rappelle toutes ces vérités et nous apprend comment vivre avec Dieu. Toutes ces grâces ont déjà été citées par Paul : ce sont les fondements de la vie chrétienne, développés au fil des évangiles et des lettres des apôtres.

L’armure décrite a un rôle défensif : le grand bouclier protecteur, la cuirasse, le casque, mais il y a aussi l’épée (pas une grande, mais Paul fait référence à une petite épée maniable facile à emporter en toutes circonstances), et la ceinture qui porte normalement une petite arme. Les grâces de la foi ne sont pas seulement un abri antiatomique, mais elles nous rendent actifs dans la lutte.

Ces dons ne sont pas juste des outils que nous recevons pour résister, mais nous sommes appelés à nous les approprier pleinement. Par exemple, la justice que Dieu nous accorde en Jésus-Christ, nous sommes appelés à la pratiquer, à la mettre en œuvre concrètement dans notre vie. La parole de Dieu, ce ne sont pas seulement des versets à répondre du tac au tac, mais une révélation qui transforme peu à peu notre manière de voir et nous fait entrer dans les points de vue de Dieu lui-même. Et ainsi pour toutes ces grâces que nous recevons et que nous sommes appelés à mettre en œuvre dans notre vie.

Paul décrit une armure romaine, image classique du soldat de l’époque, mais en réalité, sa vraie source d’inspiration, c’est l’AT, et particulièrement le prophète Esaïe. On y lit que le Messie aura pour ceinture la justice et la fidélité (11.5) et sa parole sera une épée coupante (49.2). Dieu lui-même revêt la cuirasse de la justice et le casque du salut (59.17). Et ceux qui annoncent la bonne nouvelle de la paix sont bénis (52.7). Ainsi, l’armure que Paul nous propose, c’est l’identité-même de Dieu révélée à travers son Messie, Jésus-Christ, une identité que les enfants de Dieu ont pour vocation de s’approprier. C’est bien du Seigneur que nous tirons notre force, et bien plus !

Vous avez peut-être remarqué que ces dons ne sont pas particulièrement liés à la guerre, ils ressemblent davantage aux habits que nous devrions porter tous les jours ! à la vie normale du chrétien, de plus en plus proche de Dieu. Pour survivre, nous devons nous accrocher à Dieu et à la vocation qu’il nous donne. Pas besoin d’aller provoquer les adversaires ou de développer une stratégie particulière ! Notre préparation, notre équipement, c’est simplement de vivre en enfants de Dieu avec détermination et persévérance, demeurer dans le Christ vainqueur, nous enraciner toujours plus profondément en lui, c’est ainsi que nous pourrons tenir, fermement établis sur le roc, en sachant que la tempête se déchaîne. Enracinons-nous en Dieu, c’est en lui que nous pourrons tenir.

3)   L’importance de la prière

Demeurer, s’enraciner, s’appuyer, autant d’images d’une relation intime avec Dieu, que Paul encourage en nous appelant à la prière : « 18. Priez sans cesse. Faites toutes vos prières et vos demandes par l’Esprit saint ! » La prière n’est pas une arme supplémentaire, c’est le canal qui nous permet de recevoir les dons de Dieu, d’être en relation avec lui par le Saint Esprit. La prière conduit à demander à Dieu tout ce dont nous avons besoin pour chaque jour, pour tenir bon : nous ne sommes pas seuls dans le combat contre le mal sous toutes ses formes. Dans la prière, nous apprenons aussi à nous ranger derrière le Seigneur, à ne pas faire les fanfarons mais à le laisser intervenir dans notre vie, dans notre cœur. Dans la prière nous exerçons notre confiance en Dieu et nous nous ressourçons en nous rappelant l’immensité de son amour et de sa puissance. Enfin la prière nous met à l’écoute de Dieu et de ses projets pour nous, des directions qu’il nous conseille.

Dans ce cadre-là, l’intercession pour nos frères et sœurs chrétiens a une place importante. Dans d’autres textes, nous sommes invités à soutenir les chrétiens éprouvés, dans leur santé, leur foi, leur famille etc. à être solidaires les uns des autres, à nous encourager et nous consoler les uns autres dans les moments de faiblesse, de malheur, de difficultés. Ici, l’intercession est plus large : tous ont besoin de la prière. Même ceux qui apparemment ne rencontrent aucune difficulté, ceux qui paraissent forts ou bien ancrés dans la foi : puisque nous sommes impliqués dans la bataille, nous avons tous besoin du Seigneur pour tenir. Même celui qui est fort, qui marche bien, peut tomber ! Prier les uns pour les autres, c’est prier pour ceux qui vacillent, afin que Dieu les garde, et pour ceux qui tiennent, afin que Dieu les garde aussi ! Plus tôt dans sa lettre, Paul parle de l’église comme d’un corps où nous nous aidons les uns les autres à grandir, à progresser dans notre identité d’enfants de Dieu, à vivre avec Dieu. La prière est un moyen concret de nous édifier les uns les autres.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que Paul nous invite à être vigilants, attentifs, lucides sur notre situation : le monde n’est pas encore apaisé, et la victoire du Christ à la croix suscite une résistance ultime de ceux qui ne veulent pas reconnaître Dieu comme Seigneur. Nous ne devons pas être dupes, mais pas morbides pour autant, ou craintifs : Dieu est déjà vainqueur, il nous a établis chez lui, et il nous donne quotidiennement toutes les grâces dont nous avons besoin. Notre rôle, dans cette période intermédiaire où nous attendons la proclamation universelle du règne de Dieu, c’est de développer avec détermination la nouvelle identité que Dieu nous donne en Jésus-Christ : une identité marquée par la vérité, la justice, la paix, le salut, la foi et la connaissance de la volonté de Dieu. Alors enracinons-nous dans le Christ, puisons en lui nos forces, nos motivations, nos valeurs, nos espoirs, laissons son Esprit nous pétrir à l’image de Dieu, et Dieu nous gardera, il nous protégera et nous conduira sur son chemin.

Attendre l’intervention de Dieu (Esaïe 63.15-64.8)

Nous commençons aujourd’hui la période de l’Avent, c’est-à-dire l’attente de la venue du Seigneur. Dans cette période, plusieurs attentes se superposent : à côté des petits – et des grands – qui attendent la fête avec plus ou moins d’excitation, voire avec un calendrier spécial, nous nous souvenons des jours qui ont précédé la naissance de Jésus le Messie, de ces derniers jours avant l’accomplissement de la promesse divine d’envoyer un sauveur pour le monde. Pour nous qui vivons après la naissance de Jésus, ce temps d’avent revêt deux autres aspects : nous attendons le retour du Seigneur, selon sa promesse de revenir pour instaurer son règne de paix, mais c’est aussi un temps privilégié pour dire notre besoin de Dieu dès maintenant, notre désir de le retrouver, de l’écouter, de le voir à l’œuvre dans notre vie, aujourd’hui – un besoin permanent que cette période d’attente nous permet d’exprimer de manière particulière. Pour ouvrir donc ces semaines où nous essaierons de nous tourner plus particulièrement vers le Seigneur, je vous propose de méditer ensemble un texte du prophète Esaïe qui demande avec force l’intervention de Dieu.

Lecture Es 63.15-64.8

Esaïe prononce cette prière, cette supplication, au nom du peuple en détresse. Dans la première moitié de son livre, le prophète annonce au peuple juif comment Dieu va agir envers eux : à cause de l’infidélité et de l’injustice du peuple, Dieu va leur ôter leurs privilèges, leur pays, et les livrer aux mains des ennemis voisins. Dans la deuxième partie du livre, Esaïe s’adresse au peuple exilé pour lui adresser des paroles d’encouragement, pour lui rappeler la bonté de Dieu, juste et saint, certes, mais aussi compatissant. Nous sommes à ce moment-là, où Esaïe évoque la détresse du peuple puni, dépouillé, dispersé, esclave de maîtres étrangers, et adresse en leur nom une supplication à Dieu. Dans cette prière pour que Dieu intervienne en faveur de son peuple, nous trouvons trois caractéristiques qui colorent notre propre attente et qui forment une sorte de passerelle entre ce peuple exilé et nous.

1)   La douleur de l’attente

En relisant ce texte cette semaine, j’ai été choquée par le ton de la prière. J’ai eu l’impression d’entendre quelqu’un à vif, presque écorché. Le prophète exprime la douleur extrême d’un peuple qui se sent abandonné. Déporté en exil de l’autre côté du désert, à Babylone, le peuple a tout perdu : sa souveraineté, sa terre, et même son Dieu, pourrait-on dire. En effet, le Temple de Jérusalem, lieu de rencontre avec Dieu, a été détruit (18b Nos ennemis ont écrasé ton lieu saint). Le peuple se retrouve complètement démuni, livré au mépris et à la domination païenne, sans avoir de grandes perspectives pour l’avenir.

Le prophète exprime avec vigueur, au nom de ses compatriotes, l’expérience de l’absence de Dieu, comme si Dieu s’était retiré de leur vie, de leur peuple.

15 Où est ton brûlant amour pour nous ? Où est ta puissance ?

Nous ne sentons plus ta tendresse et ta bonté pour nous.

6b tu ne veux plus nous voir

et tu nous as abandonnés au pouvoir de nos fautes.

Dieu leur a tourné le dos, il les a laissés à leur triste sort. Cette absence, le peuple la ressent cruellement pendant l’exil, mais c’est une expérience que nous avons aussi parfois. Dans la souffrance, la solitude, la difficulté, nous avons l’impression que Dieu lui-même nous abandonne. A l’épreuve s’ajoute l’absence de Dieu, son silence indéchiffrable, et c’est parfois le plus insupportable : se demander où est passé Dieu, pourquoi il nous laisse seuls.

Face à la distance de Dieu, le prophète constate et dit sa tristesse, mais il va plus loin et n’hésite pas à interpeller Dieu avec un ton presque vindicatif.

17a : SEIGNEUR, tu nous a laissés nous perdre loin de ton chemin,

tu as laissé nos cœurs se fermer et refuser de te respecter.

Pourquoi donc ?

Clairement, à ce moment-là, le peuple est puni par Dieu lors de l’exil : dès le début de son alliance avec Israël, Dieu les prévenus que s’ils ne respectaient pas les termes de l’alliance, Dieu leur retirerait ce qu’il leur a donné, à savoir la liberté, un pays, et une relation privilégiée avec lui, il les livrerait au chemin qu’ils auraient choisi. Mais même dans cette situation qui résulte de la culpabilité du peuple, et qui est juste, Esaie interpelle Dieu et demande à Dieu de tempérer sa colère : Ne sois pas trop en colère, SEIGNEUR (8a). Comme un enfant qui aurait fait une bêtise malgré les interdictions répétées et serait mis au coin, mais qui ne cesserait de se retourner pour demander : mais combien de temps encore ? La prière frôlerait presque l’insolence !  Ces questions soulignent, à mon sens, combien l’absence de Dieu est terrible à supporter.

2)   Humilité et repentance de celui qui attend

Si Esaïe interpelle Dieu et souligne que c’est Dieu qui a toutes les clefs en main, il ne l’accuse pas d’être injuste, bien au contraire. Tout en exprimant la douleur face à l’absence de Dieu et le besoin ardent que Dieu mette un terme à sa punition, le prophète reconnaît la responsabilité d’un peuple qui s’est détourné de Dieu et qui n’a finalement que ce qu’il mérite. Il reste lucide et juste, conscient que le peuple d’Israël a vécu trop longtemps dans l’incrédulité :

Depuis longtemps, c’est comme si tu n’étais plus notre roi, comme si nous ne portions plus ton nom. (19a) Personne ne fait plus appel à toi, personne ne se réveille pour s’attacher à toi. (6a)

Le peuple a vécu comme un peuple païen, sans foi ni loi, sans donner à Dieu la place de roi, sans l’écouter, sans lui obéir. Ils ont vécu la plupart du temps comme s’ils ne connaissaient pas Dieu. Du coup l’exil paraît presque logique : « vous faites comme si je n’existais pas et que je ne vous avais pas tout donné, alors je vais me rendre absent et vous retirer les biens pour lesquels vous n’avez aucune gratitude ».

Le prophète en est conscient, et il ne remet pas en cause le juste jugement de Dieu. Il reconnaît même l’injustice du peuple qui invalide tout, une injustice sociale, religieuse, politique, qui recouvre tout ce que le peuple pourrait faire d’un voile de pourriture.

Nous sommes tous comme des gens impurs,  et nos meilleures actions

sont aussi dégoûtantes qu’un linge taché de sang.

Nos fautes nous rendent semblables à des feuilles mortes emportées par le vent. (5)

Ce qui fait le paradoxe de cette prière, c’est que le peuple mérite pleinement sa peine et n’a droit à aucun allègement, à aucun recours, tant il est coupable, mais le prophète s’adresse quand même à Dieu pour lui demander de faire grâce. Il demande à Dieu de revenir, de voir, d’intervenir :

SEIGNEUR, regarde du haut du ciel, le lieu saint et magnifique où tu habites, vois ce qui nous arrive. (15a) Reviens (17b)  Ah ! si tu déchirais le ciel et si tu descendais ! (19b)

Ne sois pas trop en colère, SEIGNEUR. Ne te souviens pas pour toujours de nos fautes.

Regarde, nous t’en prions, nous sommes tous ton peuple. (8)

Tout en étant lucide sur l’état spirituel du peuple, et sur sa culpabilité, le prophète ne cesse d’avoir recours à Dieu, de lui demander de mettre un terme à la peine.

Dans cette prière, nous trouvons la repentance et l’humilité de celui qui se sait indigne devant Dieu, qui n’invoque aucun droit, aucun mérite, tant il est lucide sur sa responsabilité. Toutefois, cette repentance ne s’exprime pas dans les termes habituels : le prophète ne reste pas passif, silencieusement résigné à son sort, mais il supplie tant et plus le Dieu tout-puissant de prendre pitié.

3)   L’appel à Dieu le Père, seul sauveur

Quelles sont les raisons pour demander la clémence de Dieu tout en se sachant indignes de la demander ?

Esaïe remonte à la première alliance de Dieu avec ce qui allait devenir le peuple d’Israël : l’alliance avec Abraham, père d’Isaac et de Jacob qui donne son nom – Israël – au peuple que Dieu délivre près de 500 ans plus tard ! Esaïe rappelle à Dieu qu’il s’est engagé : le jour où il a appelé Abraham (qui n’avait rien demandé) et qu’il a mis en marche son projet de bénir cet homme stérile pour que naisse de lui un peuple qui serait béni de Dieu, Dieu s’est engagé. Dieu est le Père, l’initiateur du peuple, celui qui a tout commencé, ce qui revient plusieurs fois dans le texte.

Mais toi, SEIGNEUR, tu es notre père, « notre libérateur », voilà ton nom depuis toujours. (16)

Nous sommes l’argile, et tu es le potier. Tes mains nous ont tous formés. (7)

Esaïe confronte donc Dieu à ses propres projets, à ses propres engagements : pourquoi nous avoir fait naître si tu nous abandonnes maintenant ? La raison pour demander grâce, c’est la fidélité de Dieu à lui-même, à ses décisions, malgré les ratés et les fautes du peuple : Dieu s’est engagé, et parce que c’est lui qui a conclu le contrat, il ne peut pas l’annuler sans se renier lui-même.

Esaïe évoque ainsi les engagements de Dieu, mais aussi les délivrances passées : en demandant à ce que Dieu descende du ciel et déchire el ciel, qu’il fasse trembler les montagnes et les peuples, Esaie rappelle la sortie d’Egypte, les œuvres étonnantes que Dieu a accomplies pour sauver le peuple de l’esclavage (les plaies d’Egypte, la traversée de la mer) ainsi que ce moment extraordinaire où Dieu s’est révélé au peuple sur la montagne du Sinaï, dans le tonnerre et le feu. Dieu est capable d’intervenir, le passé en est la preuve.

Enfin, Esaïe rappelle à Dieu son identité :

Aucun autre dieu que toi n’agit de cette façon pour ceux qui ont confiance en lui.

Non, personne n’en a jamais entendu parler, personne ne l’a jamais appris,

aucun œil ne l’a jamais vu.

4Tu viens à la rencontre de ceux qui pratiquent la justice avec joie,

qui se souviennent de toi pour suivre ton chemin. (3-4a)

Dieu se tourne vers ceux qui se tournent vers lui, il répond à celui qui appelle, il ouvre à celui qui frappe : il est compatissant, prêt à écouter, prêt à répondre, d’abord à celui qui pratique la justice, mais Esaïe ose espérer que la compassion de Dieu atteindra aussi celui qui est injuste, qui le reconnaît et qui souhaite trouver la justice, qui souhaite revenir sans trop savoir comment sur le bon chemin.

Conclusion

Dans cette période de l’Avent, nous ne sommes pas en exil, nous ne sommes pas tous éprouvés ou punis. En rappelant l’horreur de l’absence de Dieu, cette prière nous invite à rechercher avec ardeur, à mettre toute notre énergie à appeler Dieu dans notre vie. Elle nous rappelle que l’amour de Dieu n’est pas un dû, pour nous qui sommes faibles et bien souvent injustes aux yeux de Dieu. Pourtant, l’espoir demeure, à cause de l’identité de Dieu : il est celui qui bénit, celui qui délivre, celui qui aime, celui qui intervient. Dieu est juste et compatissant, et parce qu’il est fidèle à lui-même et à son amour pour nous, nous avons toujours une porte d’entrée, un accès à Dieu. Sa compassion, Dieu l’a manifestée d’une manière étonnante, inouïe, en envoyant son propre fils mourir sur la croix pour nous sauver de notre injustice. C’est un fait. Quel que soit le point où nous sommes, quelle que soit notre responsabilité pour notre situation, si nous invoquons le Seigneur et si nous faisons appel à sa miséricorde, Dieu nous répondra parce qu’il s’est engagé envers nous en Jésus-Christ, par amour, par pure grâce. Approchons-nous donc de lui avec humilité et confiance !

L’étrange vœu de Jephté (Jg 11.29-40)

Je vous invite ce matin à ouvrir la Parole de Dieu dans le livre des Juges, livre qui est proposé à la lecture en ce moment par le guide de lecture de la Bible. Les juges se situent dans les siècles entre Moise et le roi David. Après l’exode, le peuple d’Israël, libéré d’Egypte, atteint le pays promis par Dieu et s’y installe. Seulement, les peuples païens qui habitent ce pays oppriment régulièrement Israël, et Dieu appelle des libérateurs, que la Bible nomme « juges », pour délivrer son peuple de cette oppression. Le texte que je vous propose de méditer ce matin est un épisode de Jephté, un des derniers juges : c’est peut-être le texte le plus troublant, choquant même. Lisons dans le livre des Juges, 11.29-40. Lecture

Ce texte est étonnant : nous avons affaire à un des rares cas de sacrifice humain dans la Bible. Le sacrifice est la mise en œuvre d’un vœu au Seigneur qui semble garantir la victoire. L’épisode s’appesantit sur le drame, sur la tragédie, et on a l’impression que l’auteur insiste sur le fait que la fille de Jephté était fille unique, vierge, et pourrait-on dire innocente. Pour le croyant, cette situation quasiment inacceptable est empirée par l’absence de tout commentaire ou remarque. Est-ce que Jephté a eu raison ? pourquoi Dieu l’a-t-il fait gagner s’il savait que la fille serait sacrifiée ?

1)   Jephté : le libérateur victorieux

Pour bien comprendre ce texte, je pense qu’il faut d’abord se rappeler la dynamique du livre des juges. Après leur installation dans le pays promis, Canaan, les Israélites se retrouvent à cohabiter avec les peuples autochtones, qui sont païens : ils croient en plusieurs dieux et pratiquent des rites abominables aux yeux de Dieu. Or, le peuple d’Israël commence à se laisser influencer par ses voisins, et se détourne de Dieu – Dieu qui les a quand même libérés d’Égypte et leur a donné un pays à habiter ! – Israël se détourne de la loi, qui exprime la volonté de Dieu, et adopte les pratiques et les croyances païennes. Devant cette rébellion, Dieu arrête de les protéger des attaques militaires, et Israël est battu par un peuple païen. Quand l’oppression devient insupportable, le peuple crie à Dieu et demande son aide : Dieu écoute et envoie un libérateur, un « juge ». Celui-ci triomphe sur les ennemis, libère Israël et pendant quelques décennies, le peuple revient vers Dieu. Le problème, c’est qu’à chaque fois, ça recommence, et un cercle vicieux s’installe : le peuple se détourne, il est opprimé, il se plaint à Dieu, Dieu envoie un libérateur, il y a la paix quelques années, puis Israël se détourne à nouveau, est opprimé etc. etc.

L’histoire de Jephté commence au début du chap.11 et décrit comment Jephté devient un libérateur, un chef militaire pour les tribus du NE, Manassé et Galaad. Ces deux tribus sont opprimées par leurs voisins, les Ammonites. Notre texte arrive à la fin du cycle, au moment où Jephté va affronter les Ammonites et libérer Israël. Souvent, avant la victoire militaire, les libérateurs choisis reçoivent une puissance particulière qui vient de Dieu, et qui leur assure la réussite. Ici, c’est au v.29

29 Alors le souffle du Seigneur fut sur Jephté.

Cela montre que Jephté est bien un juge soutenu par Dieu. Jephté gagne donc la bataille sur vingt villes, essentiellement à la frontière entre les tribus d’Israël et le pays d’Ammon. [pause] Le fait que Dieu lui-même guide Jephté et lui livre ses ennemis confirme la présence de l’Esprit de Dieu. Cette victoire militaire, permise par Dieu, marque donc, normalement, la fin du cycle habituel dans le livre des juges, puisqu’Israël est maintenant délivré.

Pourtant vous avez remarqué que notre histoire rebondit, qu’il y a comme un décrochage par rapport au schéma attendu. En fait, la victoire militaire, qui devrait être le point final à notre récit, relance le suspense et crée un nouveau problème : Jephté va-t-il accomplir son vœu ? C’est ce problème qui attire maintenant notre attention.

2)   Le sacrifice humain : un scandale

Voici le vœu que Jephté a fait avant de commencer la bataille :

Jephté fit un vœu au Seigneur; il dit : Si vraiment tu me livres les Ammonites, 31 quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre, lorsque je reviendrai sera pour le Seigneur, et je l’offrirai en sacrifice.

Or, quand Jephté revient, c’est sa fille qui sort en premier. Le vœu est accompli : la fille de Jephté est sacrifiée v.39

Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il s’acquitta sur elle du vœu qu’il avait fait

On ne peut pas éviter le côté scandaleux de cette histoire. C’est quand même un sacrifice humain ! Dans la Bible ! La mort d’une jeune fille innocente tuée par les mains de son père ! Et personne ne semble s’y opposer, ni le peuple, ni Dieu, ni même l’auteur du texte qui ne fait aucun commentaire, comme si tout était normal. Ce silence ne doit pas nous égarer : précédemment, dans le désert, quand Dieu a dicté à Israël la loi, Dieu a formellement interdit tout sacrifice humain, et surtout celui des enfants ! Dieu déteste ces sacrifices au point que plus tard, par la bouche du prophète Jérémie, il menace Israël de les déporter justement parce qu’ils ont fait des sacrifices d’enfants, comme dans la religion païenne.

Petite parenthèse : L’épisode du sacrifice d’Isaac vous est peut-être venu à l’esprit. C’est vrai qu’il y a quelques ressemblances. Cependant, la différence avec Abraham, c’est que Dieu lui avait demandé de sacrifier son fils unique, Isaac, et au moment fatal, Dieu l’a remplacé par un bélier. Dieu n’a jamais prévu qu’Isaac soit tué, mais il voulait entre autres tester la foi d’Abraham et sa reconnaissance : Abraham était-il capable d’avoir confiance et de rendre à Dieu ce que Dieu lui avait donné ?

Jamais Dieu ne demande de sacrifier un être humain : ce sont des pratiques païennes, perverties, éloignées de la volonté du Dieu vivant. Là, Jephté propose presque naturellement d’offrir quelqu’un en sacrifice, comme si c’était normal, et même ce qu’il pouvait offrir de mieux. Il ne promettait pas n’importe qui : il faut se rappeler qu’au retour du guerrier vainqueur, ce n’était ni la cuisinière ni le gardien de bœufs qui venait l’accueillir, mais ses proches : sa femme, sa mère, ses filles… Jephté savait donc, quelque part, que son vœu allait toucher qqn qui lui était cher !

Alors pourquoi ce vœu qui ne peut que déplaire à Dieu ? Je crois que le libérateur d’Israël était plus influencé par le monde païen qu’il ne le pensait… il ignorait la loi, et pensait honorer Dieu avec des pratiques abominables ! il prenait le Dieu vivant, Yhwh, pour un dieu païen ! c’est comme si nous, chrétiens, nous dansions autour d’un totem pour honorer Dieu ou, plus occidental, que nous laissions la loi du plus fort l’emporter dans les relations fraternelles, que le plus important dans l’église c’est l’argent ou le pouvoir…

Cette confusion entre les valeurs ambiantes et ce que Dieu demande nous concerne tout autant que Jephté ! Nous sommes inévitablement influencés par notre culture, et ce texte attire notre attention sur le danger d’appeler bien ce qui est mal. C’est en consultant, en méditant, en cherchant à comprendre la volonté de Dieu que nous connaîtrons ce qui est bien et que nous saurons de faire le tri.

Revenons à Jephté : il a fait son vœu, vaincu les ennemis, et rentre. Quand sa fille sort, le temps s’arrête ! La victoire se transforme en deuil ! C’est d’autant plus affreux que Jephté n’a pas d’autre enfant, ce que le texte met en valeur : sa famille s’éteindrait toute entière avec la mort de sa fille vierge. Un dilemme se présente : accomplir ou pas le vœu ! Jephté trahira soit Dieu soit sa propre chair. Jephté choisit de tenir sa promesse, et accomplit son vœu, ce qui semble être à son honneur, puisqu’il a mis Dieu au premier plan. Après tout, les vœux dans la Bible ne peuvent quasiment jamais être annulés. D’ailleurs, vous voyez que la fille de Jephté se soumet courageusement à son destin, justement parce que le vœu est impératif : il ne lui vient pas à l’esprit qu’on puisse reprendre la parole donnée ! On ne se parjure pas devant Dieu. Jephté semble donc faire le bon choix.

Mais, il y a un mais. Les sacrifices humains déplaisent à Dieu : en réalité c’est un autre dilemme qui se pose : faut-il respecter l’engagement, le vœu, ou l’interdiction de sacrifices humains ? Il me semble que le cas de Jephté nous présente un problème de discernement, de sagesse. Toute la loi est bonne et reflète la volonté de Dieu : rien dans la loi ne doit être transgressé. Cependant, dans une situation compliquée avec des conflits d’intérêts, nous sommes appelés à discerner les priorités. Ce n’est pas pour rien que les 10 commandements sont à part du reste de la loi, ce n’est pas pour rien que Jésus affirme que le commandement le plus important, c’est aimer Dieu, et son prochain. L’essentiel se distingue du secondaire, et tout n’est pas au même niveau. Bien sûr, il ne faut pas négliger les détails pour autant, mais il est bon, dans une situation difficile, de se demander quelle est la priorité. Dans un conflit au travail ou en famille : faut-il avoir raison, avoir le dernier mot, quitte à blesser l’autre ou à mettre en péril notre relation ? pareil dans un conflit d’église : est-ce que je dois marquer des points dans le débat, OU chercher le mieux pour l’autre et pour moi ? Parfois se posent des problèmes éthiques : admettons qu’un nouveau venu arrive, mais que ce soit un dealer par exemple, devrions-nous le rejeter au nom de son péché ou l’accueillir et essayer de l’aider à cheminer ? Quand Paul nous exhorte, en 1 Co 13, à mettre l’amour au premier plan de notre vie, je crois qu’il nous montre lui aussi qu’il y a des priorités dans la volonté de Dieu. Il me semble qu’ici Jephté a respecté la charte du vœu, c’était bien, mais il a transgressé le cœur de la loi en sacrifiant sa fille. Il s’est trompé de priorité.

3)   Le vœu : un marchandage

J’aimerais encore méditer avec vous sur une des arêtes du récit. Cette histoire nous interpelle sur le plan moral : elle nous avertit du danger de confondre les valeurs du monde avec celles de Dieu, et elle nous encourage à mieux connaître Dieu et ce qu’il aime pour prendre les meilleures décisions. Mais cette histoire nous enseigne aussi sur le plan spirituel, sur le plan de notre relation avec Dieu. L’auteur attire notre attention sur le vœu en lui-même : v.39, à la conclusion de l’histoire, ce n’est pas le sacrifice, mais le vœu accompli qui est mis au 1er plan. Le vœu lui-même nous interpelle. Jephté, juste avant la bataille, a rassemblé ses troupes, et il est devant la zone de combat. Il prend peur, ou alors il doute, et pour se rassurer, il fait un vœu. C’est la première fois depuis qu’il a été présenté dans la Bible qu’il s’adresse directement à Dieu. Par ce vœu, il cherche une garantie supplémentaire pour gagner. Pourtant, nous, nous savons que l’Esprit est sur lui, et que victoire il y aura : Jephté est sur les bons rails pour réussir sa mission. Cependant il doute, d’un doute universel : vais-je y arriver ? que me réserve l’avenir ? Comment me sortir de mes problèmes ? Est-ce que Dieu est là au moins, quand ma vie est en jeu ?

Alors ce vœu tente de rajouter une garantie. Et on peut y voir une manière un peu perverse de manipuler Dieu, de négocier avec lui. Vous voyez, Dieu n’a pas besoin de sacrifices, il n’a pas besoin de nos prières, de jeûne ou d’argent. Nous ne pouvons rien lui offrir dont il ait besoin ! Pas de troc avec lui, pas de marchandage ! Si Dieu nous bénit, c’est par amour, et non par intérêt ! La signification de la grâce divine, c’est justement que son amour est gratuit : nous ne le méritons, nous ne l’achetons pas ! Attention, Dieu accepte avec plaisir l’expression de notre amour, de notre service, de notre obéissance mais comme un remerciement et pas comme un paiement ou un pot-de-vin !

Sachant cela, pourquoi marchander avec Dieu ? Par désir de garantie mais aussi par désir de maîtriser l’avenir. Submergé par l’anxiété dans une situation qui met en jeu sa vie, Jephté ne choisit pas la confiance en un Dieu tout-puissant, fidèle et bienveillant, mais au contraire il essaie de faire entrer Dieu dans son jeu, d’en faire un atout, un joker. Et en faisant ça, il perd tout : sa fille, l’espoir d’une famille. Ça va rarement aussi loin pour nous, je l’espère en tout cas, mais quand nous choisissons de devenir les maîtres à la place de Dieu et de le tordre pour le faire entrer dans nos plans, quand nous choisissons de traiter Dieu comme un outil, comme un génie dans sa lampe, eh bien nous nous privons d’une relation vivante avec lui, nous l’empêchons de nous transformer profondément, de nous libérer du mal.

Dieu est un Dieu qui délivre, et non pas un tyran : choisissons, par la foi, de le suivre sur ce chemin de vie.

Je vous invite ce matin à ouvrir la Parole de Dieu dans le livre des Juges, livre qui est proposé à la lecture en ce moment par le guide de lecture de la Bible. Les juges se situent dans les siècles entre Moise et le roi David, pour simplifier. Après l’exode, le peuple d’Israël, libéré d’Egypte, atteint le pays promis par Dieu et s’y installe. Seulement, les peuples païens qui habitent ce pays oppriment régulièrement Israël, et Dieu appelle des libérateurs, que la Bible nomme « juges », pour délivrer son peuple de cette oppression. Le texte que je vous propose de méditer ce matin est un épisode de Jephté, un des derniers juges : c’est peut-être le texte le plus troublant, choquant même. Lisons dans le livre des Juges, 11.29-40. Lecture

Ce texte est étonnant : nous avons affaire à un des rares cas de sacrifice humain dans la Bible. Le sacrifice est la mise en œuvre d’un vœu au Seigneur qui semble garantir la victoire. L’épisode s’appesantit sur le drame, sur la tragédie, et on a l’impression que l’auteur insiste sur le fait que la fille de Jephté était fille unique, vierge, et pourrait-on dire innocente. Pour le croyant, cette situation quasiment inacceptable est empirée par l’absence de tout commentaire ou remarque. Est-ce que Jephté a eu raison ? pourquoi Dieu l’a-t-il fait gagner s’il savait que la fille serait sacrifiée ?

1)   Jephté : le libérateur victorieux

Pour bien comprendre ce texte, je pense qu’il faut d’abord se rappeler la dynamique du livre des juges. Après leur installation dans le pays promis, Canaan, les Israélites se retrouvent à cohabiter avec les peuples autochtones, qui sont païens : ils croient en plusieurs dieux et pratiquent des rites abominables aux yeux de Dieu. Or, le peuple d’Israël commence à se laisser influencer par ses voisins, et se détourne de Dieu – Dieu qui les a quand même libérés d’Égypte et leur a donné un pays à habiter ! – Israël se détourne de la loi, qui exprime la volonté de Dieu, et adopte les pratiques et les croyances païennes. Devant cette rébellion, Dieu arrête de les protéger des attaques militaires, et Israël est battu par un peuple païen. Quand l’oppression devient insupportable, le peuple crie à Dieu et demande son aide : Dieu écoute et envoie un libérateur, un « juge ». Celui-ci triomphe sur les ennemis, libère Israël et pendant quelques décennies, le peuple revient vers Dieu. Le problème, c’est qu’à chaque fois, ça recommence, et un cercle vicieux s’installe : le peuple se détourne, il est opprimé, il se plaint à Dieu, Dieu envoie un libérateur, il y a la paix quelques années, puis Israël se détourne à nouveau, est opprimé etc. etc.

L’histoire de Jephté commence au début du chap.11 et décrit comment Jephté devient un libérateur, un chef militaire pour les tribus du NE, Manassé et Galaad. Ces deux tribus sont opprimées par leurs voisins, les Ammonites. Notre texte arrive à la fin du cycle, au moment où Jephté va affronter les Ammonites et libérer Israël. Souvent, avant la victoire militaire, les libérateurs choisis reçoivent une puissance particulière qui vient de Dieu, et qui leur assure la réussite. Ici, c’est au v.29

29 Alors le souffle du Seigneur fut sur Jephté.

Cela montre que Jephté est bien un juge soutenu par Dieu. Jephté gagne donc la bataille sur vingt villes, essentiellement à la frontière entre les tribus d’Israël et le pays d’Ammon. [pause] Le fait que Dieu lui-même guide Jephté et lui livre ses ennemis confirme la présence de l’Esprit de Dieu. Cette victoire militaire, permise par Dieu, marque donc, normalement, la fin du cycle habituel dans le livre des juges, puisqu’Israël est maintenant délivré.

Pourtant vous avez remarqué que notre histoire rebondit, qu’il y a comme un décrochage par rapport au schéma attendu. En fait, la victoire militaire, qui devrait être le point final à notre récit, relance le suspense et crée un nouveau problème : Jephté va-t-il accomplir son vœu ? C’est ce problème qui attire maintenant notre attention.

2)   Le sacrifice humain : un scandale

Voici le vœu que Jephté a fait avant de commencer la bataille :

Jephté fit un vœu au Seigneur; il dit : Si vraiment tu me livres les Ammonites, 31 quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre, lorsque je reviendrai sera pour le Seigneur, et je l’offrirai en sacrifice.

Or, quand Jephté revient, c’est sa fille qui sort en premier. Le vœu est accompli : la fille de Jephté est sacrifiée v.39

Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il s’acquitta sur elle du vœu qu’il avait fait

On ne peut pas éviter le côté scandaleux de cette histoire. C’est quand même un sacrifice humain ! Dans la Bible ! La mort d’une jeune fille innocente tuée par les mains de son père ! Et personne ne semble s’y opposer, ni le peuple, ni Dieu, ni même l’auteur du texte qui ne fait aucun commentaire, comme si tout était normal. [pause] Ce silence ne doit pas nous égarer : précédemment, dans le désert, quand Dieu a dicté à Israël la loi, Dieu a formellement interdit tout sacrifice humain, et surtout celui des enfants ! Dieu déteste ces sacrifices au point que plus tard, par la bouche du prophète Jérémie, il menace Israël de les déporter justement parce qu’ils ont fait des sacrifices d’enfants, comme dans la religion païenne.

Petite parenthèse : L’épisode du sacrifice d’Isaac vous est peut-être venu à l’esprit. C’est vrai qu’il y a quelques ressemblances. Cependant, la différence avec Abraham, c’est que Dieu lui avait demandé de sacrifier son fils unique, Isaac, et au moment fatal, Dieu l’a remplacé par un bélier. Dieu n’a jamais prévu qu’Isaac soit tué, mais il voulait entre autres tester la foi d’Abraham et sa reconnaissance : Abraham était-il capable d’avoir confiance et de rendre à Dieu ce que Dieu lui avait donné ?

Jamais Dieu ne demande de sacrifier un être humain : ce sont des pratiques païennes, perverties, éloignées de la volonté du Dieu vivant. Là, Jephté propose presque naturellement d’offrir quelqu’un en sacrifice, comme si c’était normal, et même ce qu’il pouvait offrir de mieux. Il ne promettait pas n’importe qui : il faut se rappeler qu’au retour du guerrier vainqueur, ce n’était ni la cuisinière ni le gardien de bœufs qui venait l’accueillir, mais ses proches : sa femme, sa mère, ses filles… Jephté savait donc, quelque part, que son vœu allait toucher qqn qui lui était cher !

Alors pourquoi ce vœu qui ne peut que déplaire à Dieu ? Je crois que le libérateur d’Israël était plus influencé par le monde païen qu’il ne le pensait… il ignorait la loi, et pensait honorer Dieu avec des pratiques abominables ! il prenait le Dieu vivant, Yhwh, pour un dieu païen ! c’est comme si nous, chrétiens, nous dansions autour d’un totem pour honorer Dieu ou, plus occidental, que nous laissions la loi du plus fort l’emporter dans les relations fraternelles, que le plus important dans l’église c’est l’argent ou le pouvoir…

Cette confusion entre les valeurs ambiantes et ce que Dieu demande nous concerne tout autant que Jephté ! Nous sommes inévitablement influencés par notre culture, et ce texte attire notre attention sur le danger d’appeler bien ce qui est mal. C’est en consultant, en méditant, en cherchant à comprendre la volonté de Dieu que nous connaîtrons ce qui est bien et que nous saurons de faire le tri.

Revenons à Jephté : il a fait son vœu, vaincu les ennemis, et rentre. Quand sa fille sort, le temps s’arrête ! La victoire se transforme en deuil ! C’est d’autant plus affreux que Jephté n’a pas d’autre enfant, ce que le texte met en valeur : sa famille s’éteindrait toute entière avec la mort de sa fille vierge. Un dilemme se présente : accomplir ou pas le vœu ! Jephté trahira soit Dieu soit sa propre chair. Jephté choisit de tenir sa promesse, et accomplit son vœu, ce qui semble être à son honneur, puisqu’il a mis Dieu au premier plan. Après tout, les vœux dans la Bible ne peuvent quasiment jamais être annulés. D’ailleurs, vous voyez que la fille de Jephté se soumet courageusement à son destin, justement parce que le vœu est impératif : il ne lui vient pas à l’esprit qu’on puisse reprendre la parole donnée ! On ne se parjure pas devant Dieu. Jephté semble donc faire le bon choix.

Mais, il y a un mais. Les sacrifices humains déplaisent à Dieu : en réalité c’est un autre dilemme qui se pose : faut-il respecter l’engagement, le vœu, ou l’interdiction de sacrifices humains ? Il me semble que le cas de Jephté nous présente un problème de discernement, de sagesse. Toute la loi est bonne et reflète la volonté de Dieu : rien dans la loi ne doit être transgressé. Cependant, dans une situation compliquée avec des conflits d’intérêts, nous sommes appelés à discerner les priorités. Ce n’est pas pour rien que les 10 commandements sont à part du reste de la loi, ce n’est pas pour rien que Jésus affirme que le commandement le plus important, c’est aimer Dieu, et son prochain. L’essentiel se distingue du secondaire, et tout n’est pas au même niveau. Bien sûr, il ne faut pas négliger les détails pour autant, mais il est bon, dans une situation difficile, de se demander quelle est la priorité. Dans un conflit au travail ou en famille : faut-il avoir raison, avoir le dernier mot, quitte à blesser l’autre ou à mettre en péril notre relation ? pareil dans un conflit d’église : est-ce que je dois marquer des points dans le débat, OU chercher le mieux pour l’autre et pour moi ? Parfois se posent des problèmes éthiques : admettons qu’un nouveau venu arrive, mais que ce soit un dealer par exemple, devrions-nous le rejeter au nom de son péché ou l’accueillir et essayer de l’aider à cheminer ? Quand Paul nous exhorte, en 1 Co 13, à mettre l’amour au premier plan de notre vie, je crois qu’il nous montre lui aussi qu’il y a des priorités dans la volonté de Dieu. Il me semble qu’ici Jephté a respecté la charte du vœu, c’était bien, mais il a transgressé le cœur de la loi en sacrifiant sa fille. Il s’est trompé de priorité.

3)   Le vœu : un marchandage

J’aimerais encore méditer avec vous sur une des arêtes du récit. Cette histoire nous interpelle sur le plan moral : elle nous avertit du danger de confondre les valeurs du monde avec celles de Dieu, et elle nous encourage à mieux connaître Dieu et ce qu’il aime pour prendre les meilleures décisions. Mais cette histoire nous enseigne aussi sur le plan spirituel, sur le plan de notre relation avec Dieu. L’auteur attire notre attention sur le vœu en lui-même : v.39, à la conclusion de l’histoire, ce n’est pas le sacrifice, mais le vœu accompli qui est mis au 1er plan. Le vœu lui-même nous interpelle. Jephté, juste avant la bataille, a rassemblé ses troupes, et il est devant la zone de combat. Il prend peur, ou alors il doute, et pour se rassurer, il fait un vœu. C’est la première fois depuis qu’il a été présenté dans la Bible qu’il s’adresse directement à Dieu. Par ce vœu, il cherche une garantie supplémentaire pour gagner. Pourtant, nous, nous savons que l’Esprit est sur lui, et que victoire il y aura : Jephté est sur les bons rails pour réussir sa mission. Cependant il doute, d’un doute universel : vais-je y arriver ? que me réserve l’avenir ? Comment me sortir de mes problèmes ? Est-ce que Dieu est là au moins, quand ma vie est en jeu ?

Alors ce vœu tente de rajouter une garantie. Et on peut y voir une manière un peu perverse de manipuler Dieu, de négocier avec lui. Vous voyez, Dieu n’a pas besoin de sacrifices, il n’a pas besoin de nos prières, de jeûne ou d’argent. Nous ne pouvons rien lui offrir dont il ait besoin ! Pas de troc avec lui, pas de marchandage ! Si Dieu nous bénit, c’est par amour, et non par intérêt ! La signification de la grâce divine, c’est justement que son amour est gratuit : nous ne le méritons, nous ne l’achetons pas ! Attention, Dieu accepte avec plaisir l’expression de notre amour, de notre service, de notre obéissance mais comme un remerciement et pas comme un paiement ou un pot-de-vin !

Sachant cela, pourquoi marchander avec Dieu ? Par désir de garantie mais aussi par désir de maîtriser l’avenir. Submergé par l’anxiété dans une situation qui met en jeu sa vie, Jephté ne choisit pas la confiance en un Dieu tout-puissant, fidèle et bienveillant, mais au contraire il essaie de faire entrer Dieu dans son jeu, d’en faire un atout, un joker. Et en faisant ça, il perd tout : sa fille, l’espoir d’une famille. Ça va rarement aussi loin pour nous, je l’espère en tout cas, mais quand nous choisissons de devenir les maîtres à la place de Dieu et de le tordre pour le faire entrer dans nos plans, quand nous choisissons de traiter Dieu comme un outil, comme un génie dans sa lampe, eh bien nous nous privons d’une relation vivante avec lui, nous l’empêchons de nous transformer profondément, de nous libérer du mal.

Dieu est un Dieu qui délivre, et non pas un tyran : choisissons, par la foi, de le suivre sur ce chemin de vie.

Vivez dans la lumière (Éphésiens 5.1-13)

Dans le cadre de ce culte un peu particulier centré sur la campagne contre la corruption que propose le Défi Michée, je vous invite à méditer ce matin un passage de la lettre de Paul aux Éphésiens, un passage où l’apôtre tire des conséquences très pratiques de notre foi en Jésus-Christ. Lecture

Notre texte s’inscrit dans toute une série d’exhortations à la communauté Éphèse, en Asie mineure. Paul a commencé avec un panorama de l’œuvre du salut de Dieu, et continue avec un long passage sur la manière de vivre la foi, en église, dans la vie quotidienne, dans nos relations proches. Dans ce passage un peu général sur la vie quotidienne du chrétien, Paul mélange des grands principes « vivez dans l’amour » et des instructions très spécifiques : « pas de paroles grossières », comme s’il donnait des exemples précis pour nous aider à comprendre comment vivre d’une manière qui plaise à Dieu.

1)   Imitez Dieu : une nouvelle identité en Christ

L’idée centrale de l’apôtre Paul, c’est d’appeler les chrétiens à imiter Dieu, à vivre à son image dans leur quotidien. Le fondement de cette exhortation, c’est l’œuvre que Dieu a réalisée dans la vie de ceux qui ont cru en lui. Cette œuvre, le salut en Jésus-Christ, Paul l’a rappelée longuement au début de la lettre, mais il répète au début du chapitre : « Vous êtes les enfants que Dieu aime, eh bien, imitez-le. Vivez dans l’amour comme le Christ : il nous a aimés et il a donné sa vie pour nous. » En Jésus-Christ, Dieu nous a montré son amour : non seulement il nous a pardonné nos fautes, mais en plus il nous a donné une nouvelle identité. Il nous a adoptés, il a fait de nous ses enfants, ses proches, ses intimes. Il a fait de nous ses héritiers, Paul le rappelle au v.5 : nous sommes appelés à vivre dans le royaume éternel de Dieu, dans la lumière de sa présence. Imiter Dieu, c’est à la fois l’expression de notre reconnaissance pour son œuvre d’amour et l’expression de notre nouvelle identité.

Paul utilise une image très forte pour marquer ce changement d’identité : « autrefois vous étiez dans la nuit, mais maintenant, en étant unis au Seigneur, vous êtes dans la lumière » Littéralement, c’est le jour et la nuit entre ce que je suis aujourd’hui et ma vie d’avant. Cet avant-après est radical, comme ces photo-montages qu’on voit parfois dans les magazines – surtout féminins, je vous l’accorde – des photo-montages où l’on ne reconnaît quasiment pas la personne photographiée : ce n’est plus la même. Ici, la différence ne tient pas à la couleur des cheveux ou au tour de taille, mais à l’état de notre personne : nous étions sombres comme la suie, et grâce au sacrifice de Jésus-Christ qui a payé pour nos fautes, nous sommes, aux yeux de Dieu, blancs comme neige. Dans la Bible, et dans notre texte, on a deux choses en même temps : l’avant-après radical qui est le don de Dieu, et l’actualisation progressive de notre nouvelle identité. C’est comme si nous avions changé de nationalité: je reçois un nouveau passeport, mais je dois encore apprendre la culture, l’histoire, la langue… Dieu a fait de nous ses enfants, ses héritiers, mais nous devons apprendre à vivre comme ses enfants.

Dans ce processus d’apprentissage, la ressemblance à Dieu est cruciale. Nous sommes ses enfants, nous portons sa marque, son air de famille. Dans ma famille, humaine, c’est ce que j’ai plusieurs fois vécu. Un jour, adolescente, j’étais dans le bus avec ma grand-mère, et une dame m’aborde en me demandant si je n’étais pas la fille de Mme K., l’orthophoniste. Comme elle, plusieurs m’ont fait remarquer la ressemblance entre ma mère et moi – quand on sait qu’au naturel elle est blonde aux yeux bleus, ça a de quoi étonner ! Mais il paraît que nous avons la même voix et le même sourire. De même, Dieu nous appelle à rechercher la ressemblance avec lui, une ressemblance qui peut se traduire dans notre attitude, notre sourire, notre point de vue.

Cette ressemblance à cultiver, c’est l’actualisation du lien intérieur qui nous unit, sa manifestation concrète : si je dis, fais, pense, montre complètement autre chose que mon père, est-ce que je suis vraiment son enfant ? Il me semble que c’est le rappel que Paul fait au v.5 : si votre existence dans son ensemble s’écarte complètement du projet de Dieu, comment pouvez-vous penser que vous vivez en accord avec lui et que vous êtes son enfant ? C’est dur à entendre, mais c’est cohérent. Paul sait que ressembler à Dieu est un processus qui nous occupera toute notre vie, mais nous en avons reçu les fondements par Jésus-Christ et par le Saint Esprit et nous sommes appelés à grandir sur ces bases.

Quelles sont les pistes pour développer et actualiser cette nouvelle identité reçue par grâce ? Deux grands axes sont proposés : 1) renoncer au mal 2) cultiver le bien. C’est facile à dire !

2)   Ne participez pas aux œuvres des ténèbres

Renoncer au mal, s’abstenir de participer aux œuvres mauvaises, aux œuvres de la nuit, des ténèbres. Paul continue d’opposer nuit et lumière, mais il donne quelques éléments concrets pour nous aider à discerner ce qui, dans notre vie, est un résidu de notre ancienne identité, un résidu des ténèbres qui nous caractérisaient.

Paul a mentionné plus haut la colère, le mensonge, le vol et les paroles méchantes. Dans notre texte, il cite d’autres comportements indignes de notre nouvelle identité : immoralité sexuelle, impureté, propos grossiers, paroles choquantes, stupides ou bouffonnes et cupidité. A priori, ces pratiques ont l’air d’aller tous azimuts : le rapport à l’argent, au sexe, à la parole. Pourtant, on y discerne des points communs : ce sont des comportements dégradants à la fois pour l’autre et pour soi. Être prêt à tout pour de l’argent, en bradant son honnêteté ou sa fiabilité, c’est se mépriser soi-même, sans parler de ce qu’on fait subir aux autres. On a tous des histoires de familles unies déchirées par des héritages en tête… Faire feu de tout bois pour attirer l’attention, pour placer un bon mot, quitte à ridiculiser l’autre ou à ruiner sa réputation… Evidemment, dans le domaine sexuel, les exemples d’immoralité ne manquent pas. Mais ils ne sont pas les seuls.

D’ailleurs, dans nos milieux évangéliques, on a souvent tendance à être très à cheval sur l’éthique familiale et les dysfonctionnements de couples, et on a raison. La sexualité est une part importante de notre vie, et du coup Dieu a des projets pour nous aussi dans ce domaine. Cela dit, on s’arrête parfois à ça, ce que la Bible ne fait pas. J’ai été étonnée, en portant plus d’attention aux détails du texte, de voir que Paul mentionne la cupidité comme une forme d’idolâtrie. v.5b « Les gens qui veulent tout pour eux n’y participeront pas non plus. En effet, tout vouloir pour soi, c’est une façon d’adorer les faux dieux. »  Tout vouloir pour soi : l’argent bien sûr – et la condamnation du riche égoïste revient dans la Bible au moins autant que celle de l’infidèle – mais il y a d’autres formes de cupidité : vouloir le pouvoir à tout prix, refuser de partager, refuser de perdre, de se tromper… quand la motivation se résume à tout vouloir pour soi, Dieu nous appelle à nous remettre en question pour laisser entrer sa lumière dans ce recoin sombre…

Nous sommes appelés à nous abstenir de ces comportements indignes, et à les dénoncer. Notez que Paul omet deux directions : nous ne sommes appelés ni à couper les ponts avec les gens qui font ces œuvres ni à juger ces gens. C’est l’équilibre difficile que le Seigneur nous invite à vivre, à sa suite : dire clairement que l’injustice est injuste, que le mal est mal, et dénoncer les pratiques mauvaises, sans pour autant nous prendre pour des parfaits donneurs de leçons ou nous isoler entre nous.

Dénoncer, oui, mais comment, à qui ? Il me semble que la première étape, c’est la prière : seul ou en groupe, nous pouvons porter à Dieu nos soucis, notre conscience du mal vécu autour de nous et dans notre propre vie. Nous pouvons remettre à Dieu d’abord ces zones d’ombre récalcitrantes de notre âme, et aussi les injustices dans le monde qui privent les hommes de leur dignité.

Ensuite, il me semble que nous sommes appelés aussi à parler et éventuellement à agir quand on le peut. Il y a une expression de Paul un peu plus tôt dans la lettre, que j’aime beaucoup : « en disant la vérité avec amour, nous grandirons en tout vers celui qui est la tête, le Christ. » L’attitude à laquelle nous invite Paul, qu’elle soit à une échelle individuelle ou internationale, doit être caractérisée par ces deux qualités de Dieu : la grâce et la vérité. Dénoncer, oui, mais dans le but de faire progresser, d’améliorer, dire la vérité dans une attitude d’amour. On a malheureusement tendance à choisir : soit on dénonce, et peu importent les dégâts, soit on aime et on ne dit rien, on laisse faire, on ne veut pas vexer ou on a peur de se faire rentrer dedans. Paul nous dit : abstenez-vous pour vous-mêmes (travail sur soi important) et dénoncez ce qui ne va pas. Si les chrétiens, appartenant au Dieu de justice et de vérité, se taisent devant l’injustice et le mensonge, qui va parler ? Si les disciples de celui qui dit « je suis la lumière du monde » se réfugient dans les ténèbres de peur de faire des vagues, qui va mettre de la lumière dans ce monde ? Avec notre nouvelle identité d’enfants de Dieu vient une exigence : lui ressembler, et une responsabilité : témoigner de l’amour et de la justice de Dieu dans le monde qui nous entoure – et ça commence dans l’église.

3)   Vivez comme des gens qui appartiennent à la lumière

Enfin, Paul nous exhorte à cultiver le fruit de la lumière. C’est intéressant qu’il oppose une lumière féconde, fertile, aux œuvres stériles du mal.

J’aimerais simplement faire quelques suggestions. D’abord, au début du texte, Paul oppose des vices très précis à la reconnaissance : «  ne vivez pas dans l’immoralité ou la cupidité, l’indignité, mais remerciez Dieu. » (4b)  Pourquoi ? On l’a dit, le point commun de la vie ténébreuse, c’est d’avoir de faux dieux, en particulier de vouloir tout donner à un ego insatiable. L’antidote, peut-être, c’est de reconnaître l’amour de Dieu à travers ses dons et de s’en nourrir, au lieu d’essayer de se remplir toujours plus de reconnaissance extérieure, de réussite, de pouvoir, de plaisir… Ce qui donne du sens à notre vie, c’est l’amour de Dieu, pas notre argent, pas les plaisirs passagers, pas notre réputation.

Ensuite, Paul nomme trois fruits de la lumière, ou plutôt trois aspects d’une vie remplie de la lumière de Dieu : la bonté, la justice, et la vérité. Nous sommes appelés, une fois que nous avons accueilli la lumière de Dieu dans notre vie, à poser un regard vrai sur le monde, à dire les choses telles qu’elles sont, dans le but d’agir de manière juste pour le bien des autres. Pas de justice sans vérité, ni sans amour. Les trois vont ensemble pour répandre la lumière de Dieu autour de nous.

Enfin, autant Paul était précis pour les vices à éviter, autant il est vague et général sur les vertus à cultiver. Est-ce une manière de nous signifier que le champ d’action est large, que nous ne pouvons pas le réduire à 1 Bonne Action (BA) par jour par exemple ? Est-ce une manière de stimuler notre imagination pour découvrir ou inventer de nouvelles formes de justice et d’amour dans un monde souffrant et dégradé ? Est-ce une manière de nous inviter à nous adapter, à nous remettre en question, à nous affiner en fonction des contextes, des évolutions, montrant que la justice hier c’était défendre tel droit et aujourd’hui un autre ?

En tout cas, le principe est simple, mais son application illimitée : du lever au coucher, de la parole à la main, laisser rayonner la lumière de Dieu en nous et autour de nous, pour qu’autour de nous soit manifestés l’amour et la justice de notre Dieu.

Conclusion

Pour finir, je voudrais simplement relire le dernier verset de notre texte, qui nous interpelle, durement, en nous invitant à nous remettre en question régulièrement pour ne pas retomber dans nos anciens schémas ténébreux. Mais l’interpellation, comme toujours, l’appel est assorti d’une promesse :

« Réveille-toi, toi qui dors.

Lève-toi du milieu des morts,

et le Christ t’éclairera de sa lumière. »