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Tous les articles par Florence VANCOILLIE

Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Vivre la Bible

PO 2015

Culte organisé dans le cadre du Dimanche pour l’Eglise Persécutée, proposé par l’association Portes Ouvertes.

Vivez le Livre ! C’est le défi que Frère André, que vous avez vu dans la vidéo, le fondateur de Portes Ouvertes, a souvent lancé à son équipe, l’appelant à avoir une foi radicale en Jésus-Christ, manifestée dans une obéissance totale.

L’histoire de Portes Ouvertes a commencé par le passage de bibles en contrebande. C’était ce qui manquait aux chrétiens à l’époque : des bibles, dans des sociétés où la Bible était interdite. Par exemple, à la frontière roumaine dans les années 80, les douaniers posaient cette question : « avez-vous des fusils, de la drogue ou des bibles ? » Les équipiers de Portes Ouvertes ont appris que la Bible n’est pas un livre anodin, mais un livre dangereux, parce qu’il a un impact dans la vie des chrétiens persécutés. C’est un livre qui fait la différence, voilà pourquoi la Bible est dangereuse, et suscite tant de censure et d’opposition. Cela étant, posséder la Bible ne suffit pas : il faut la vivre ! Cela concerne les chrétiens persécutés, pour qui les feuilles de papier n’ont pas d’importance à moins de résonner dans leur cœur et de conduire à une relation avec Dieu plus profonde et plus forte. Cela vaut aussi pour nous, qui pouvons facilement nous procurer le Livre, la Bible ! Une de nos responsabilités consiste à venir en aide aux chrétiens persécutés, dans la prière & la solidarité. C’est très bien, mais la tentation serait de croire que nous sommes les seuls à pouvoir donner : en réalité, les chrétiens persécutés, vivant leur foi dans des conditions extrêmes, nous interpellent et nous encouragent par leur témoignage.

Est-ce que notre Bible, ou nos Bibles, résonne dans notre cœur ? Est-ce que nous rencontrons en elle ce Dieu qui transforme et ressuscite ? Pour le dire autrement, est-ce que notre Bible est un livre dangereux, à cause de son impact dans notre vie ?

1)   La Bible, source de sagesse 

Dans la Bible, nous découvrons la sagesse de Dieu. Elle est lampe devant nos pas, lumière sur nos sentiers, balise sur nos chemins.

En effet, nous y trouvons des conseils, des préceptes, des règles, qui vont nous permettre de vivre notre liberté au mieux, dans le respect d’autrui et de nous-mêmes, dans le respect de Dieu. La vraie liberté n’est pas chaotique, désordonnée, égoïste, mais elle a besoin d’un cadre pour s’exprimer de la bonne manière. Vous avez tous certainement vu ces dessins d’enfants qui apprennent à colorier et qui dépassent du cadre, ce qui donne parfois des bonhommes avec des jambes supplémentaires, une peau verdâtre, des yeux qui sortent de la tête : heureusement qu’ils finissent par maîtriser l’espace, quittant la caricature pour donner parfois de très beaux coloriages. Nous avons besoin d’un cadre et de conseils pour vivre une belle vie, une vie qui honore Dieu : ces conseils se trouvent dans la Bible, parfois directement et parfois indirectement. La Bible est très claire sur la condamnation du vol ou de l’adultère, ou encore sur l’importance d’une justice équitable, de l’honnêteté, de la solidarité… Ces conseils sont comme les balises sur le chemin de randonnée.

Sur les sujets que la Bible n’aborde pas de manière explicite : le clonage, la place des technologies (et pour cause !), quelle attitude vis-à-vis de l’Etat ou des autres religions, sur ces sujets-là, plus nous nous nourrissons de la Bible, plus nous découvrons des principes généraux d’où nous pourrons tirer une application pour aujourd’hui. Un grand croyant de l’Eglise ancienne, St Augustin, a dit ainsi : « aime, et fais ce que tu veux », prolongeant l’attitude de Jésus  qui disait : le commandement premier, c’est d’aimer Dieu de tout son cœur, mais le second, aussi important, c’est d’aimer son prochain comme soi-même. Un principe de vie, mais qui va s’appliquer de mille manières selon les contextes et qui va nous orienter dans notre marche, à la manière d’une boussole.

La Bible nous donne des balises et une orientation pour mener notre vie avec sagesse.

2)   La Bible, source de vérité

La Bible est aussi source de vérité. Au-delà des conseils, des principes de vie, des orientations, nous y trouvons la révélation de la vérité. En lisant la Bible, nous apprenons à connaître toujours mieux notre cœur, notre situation, notre pâte humaine : nous y voyons notre grande dignité d’hommes et de femmes, créés en image de Dieu, nous y découvrons notre vocation, le sens de notre vie, nous y lisons aussi la gravité du mal et son déploiement dans toute notre personne, corps et âme, paroles et pensées, intelligence et actions. La Bible est ce miroir qui nous montre l’extraordinaire dignité de chacun, que Dieu a désiré, tissé, aimé, ainsi que le scandale du péché, du rejet de Dieu, du mal, qui déforme absolument tout.

La Bible, source de vérité sur l’humanité, mais aussi sur Dieu. En elle, Dieu se révèle de manière explicite. Bien sûr, Dieu est visible en toutes choses pour qui le cherche – dans la beauté d’un lever de soleil, dans la fureur d’une tempête, dans la précision d’un cœur qui bat. Mais Dieu se présente officiellement dans la Bible : il montre qui il est, de quoi il est capable (pensez donc, guérir des lépreux ! multiplier les pains ! ressusciter des morts…), quels sont ses projets, et, ce qui nous intéresse au premier plan, quelle est son attitude envers nous. Dieu se montre dans sa justice, dans son exigence de sainteté, mais aussi dans son amour et sa fidélité, sa patience, sa générosité.

Même si la Bible ne se présente pas comme un manuel d’histoire ou un documentaire scientifique, elle contient une vérité profonde sur Dieu, sur nous, sur la relation que Dieu veut tisser avec nous. Cette vérité nous ouvre les yeux sur ce que nous vivons, sur les autres, sur Dieu. Nos yeux s’ouvrent de plus en plus, comment les refermer ? Comment détourner le regard ? Comment accepter les injustices, les mensonges, les compromissions ? Certes, nous n’avons pas toujours raison, loin de là ! Nous ne sommes pas détenteurs de la flamme de vérité, arbitres du vrai ou du faux : pourtant, ces étincelles de vérité que la Bible fait briller dans nos vies, fortes, réelles, bouleversantes, nous ne pouvons ni les relativiser, ni y renoncer.

3)   La Bible, source de courage

Si la sagesse et la vérité que nous trouvons dans la Bible deviennent lettres vivantes pour nous, orientation nouvelle pour une vie différente, alors il nous faudra beaucoup de courage pour assumer cette existence que certains trouveront étrange et que d’autres combattront avec force. Cette vie différente peut devenir dangereuse, et pour cela, il nous faut du courage, et ce courage, nous le trouvons dans notre relation avec Dieu, nourrie par la Bible.

Les chrétiens persécutés, confrontés à l’opposition, la haine, la persécution, puisent leurs forces non pas en eux-mêmes, mais auprès du Dieu qu’ils ont appris à connaître dans la Bible. Dans les victoires du peuple d’Israël, ils voient un Dieu puissant ; dans la libération des esclaves conduits hors d’Egypte, un Dieu qui sauve ; dans l’histoire d’Abraham, un Dieu fidèle. Chez les prophètes, ils entendent ces paroles de Dieu, déclarations d’amour, promesses de salut et d’éternité. Dans les évangiles, ils fréquentent le Christ, sauveur puissant qui guérit, relève, multiplie, libère, pardonne et renouvelle ; dans les Actes des apôtres, ils s’émerveillent des œuvres du Saint Esprit, Esprit de Dieu habitant les croyants, puissance et présence de Dieu en nous. Dans l’Apocalypse, ils reçoivent une espérance : la promesse d’un monde délivré de la haine et de la persécution, de la cruauté et des mensonges, un monde juste et pacifique, rempli de l’amour de Dieu, rayonnant de sa lumière. Les lettres des apôtres les encouragent à tenir ferme aujourd’hui, en s’appuyant sur le Dieu puissant, fort et fidèle, victorieux et présent dès aujourd’hui.

J’aimerais revenir sur le cœur de la Bible : Jésus-Christ. Annoncé par les écrits juifs, l’AT, décrit par les évangiles, médité par les premiers chrétiens, le Christ est la clef de voûte de cette immense bibliothèque. En lui, nous voyons le Dieu créateur et tout-puissant habiter parmi les créatures, Dieu devenu chair, homme parmi les hommes, pour assumer notre condition, pour marcher dans nos ténèbres, porter nos fautes, souffrir de nos blessures. Mort, Jésus-Christ revient à la vie 3 jours plus tard, signe que la lumière, le pardon et l’amour ont triomphé de tout mal. Vivant pour toujours, vivant autrement, il promet la vie à tous ceux qui le suivent. Quelle espérance ! Quelles que soient nos ténèbres, le Christ y a frayé un chemin de lumière et de vie, chemin ouvert par sa mort et sa résurrection, chemin que nul ne peut barrer.

La Bible n’est pas un livre magique, elle ne confère pas une force ou une vie différente rien qu’en la touchant ou même en la lisant. C’est le Dieu qui s’y révèle qui nous pousse à une vie différente, c’est lui qui nous nourrit, nous fortifie, nous guérit. Alors faisons de notre lecture de la Bible un lieu de rencontre avec Dieu, avec le Dieu fort et vivant de Jésus-Christ, un Dieu qui nous parle aujourd’hui pour nous transformer, pour nous conduire à faire une différence dans le monde, à cause de son amour immense et pour sa gloire.

L’ouverture sur l’extérieur

https://soundcloud.com/eel-toulouse/louverture-sur-lext-rieur

Lecture biblique: Actes 1.3-8

Indice de Vitalité n°5

Nous sommes après la résurrection de Jésus, à la fin des 40 jours avec ses disciples. Jésus va partir, monter au ciel, c’est l’Ascension, mais avant cela il laisse aux disciples une parole forte : vous recevrez le Saint Esprit, promis par les prophètes de la part de Dieu – c’est la Pentecôte, qui se produira 10 jours plus tard. Avant de faire quoi que ce soit, les disciples doivent attendre l’Esprit puis, ils pourront aller de plus en plus loin, de Jérusalem à la Judée, à la Samarie, cette région voisine mal aimée des Juifs, et jusqu’au bout du monde, au plus loin dans le monde connu, et le livre des Actes va raconter comment les apôtres vont de Jérusalem, à la Judée, à la Samarie, aux régions voisines, jusqu’à attendre la capitale du monde méditerranéen, Rome. Le livre des Actes s’arrête avec le discours de Paul à Rome, montrant que cette dernière parole de Jésus s’est bien accomplie.

1)   L’Esprit, moteur pour suivre le Christ    

Ce qui est premier, dans ce que dit Jésus, c’est la venue de l’Esprit. Le Saint Esprit, troisième personne de la Trinité divine, est assez difficile à se représenter, parce qu’il n’a pas de « visage », comme le Fils incarné en Jésus ou même Dieu le Père que l’on se représente plus ou moins. Jésus parle d’une force, ou, dans d’autres traductions, d’une puissance. Je trouve que c’est parfois mal compris, comme un ensemble de pouvoirs – en fait, le terme original a donné « dynamique », « dynamo » en français, et je me dis que le Saint Esprit c’est, plus qu’un pouvoir qui nous serait ajouté, un moteur qui va nous mettre en route (diapo) – comme il a mis en route les disciples pour parcourir le monde jusqu’à la Rome.

L’Esprit, moteur pour suivre le Christ. Le Saint Esprit a plusieurs cordes à son arc, mais une de ses spécificités, c’est qu’il est Dieu en nous pour nous aider à suivre le Christ, à lui ressembler, à développer le caractère et les priorités de Dieu. C’est le fameux fruit de l’Esprit, dans la lettre aux Galates, l’Esprit produit en nous : amour, joie, paix, patience, bienveillance, etc. à l’image de Dieu (Ga 5.22-23). C’est lui qui nous fait adopter l’attitude que Jésus décrit dans les Béatitudes (Mt 5) : heureux les doux, ceux qui ont soif de justice, ceux qui œuvrent à la paix, etc.

Le Saint Esprit nous transforme de l’intérieur, non seulement dans notre caractère (à ne pas confondre avec la personnalité mais je ne vais pas rentrer dans ce sujet aujourd’hui), mais aussi dans nos priorités. Il nous met en route comme il a conduit Jésus à parcourir les chemins pour annoncer l’amour de Dieu, la bonne nouvelle du salut. Se mettre en route, c’est s’ouvrir, oser aller à la rencontre des autres, c’est s’intéresser à l’autre, s’adapter, servir, aimer, et c’est l’Esprit en nous qui nous pousse, comme un moteur qui nous met en route sur les pas du Christ.

2)   L’appel à élargir ses perspectives

De même que le Christ ne s’est pas soucié d’établir le royaume politique d’Israël dans un espace confiné mais s’est consacré à chercher le règne spirituel de Dieu, dans les cœurs, de même l’Esprit élargit nos perspectives. Il ne s’agit pas d’être ici, cloisonné, renfermé sur ma petite expérience, ou notre petite expérience, mais de prendre de la hauteur pour s’inscrire dans les projets de Dieu pour le monde, avec ses valeurs et ses priorités – et pour s’élever, s’ouvrir, nous avons bien besoin de ce souffle qui vient de Dieu.

                     Participer à l’œuvre de Dieu dans l’Eglise universelle

Adopter le point de vue de Dieu, c’est prendre conscience que le peuple de Dieu dépasse notre communauté, notre ville ou notre Union (diapo). Dieu est à l’œuvre dans le monde entier, Dieu appelle dans le monde entier, Dieu sauve de lointains inconnus qui deviennent nos frères et nos sœurs par leur foi en Jésus-Christ. Voir le monde comme Dieu le voit, c’est comprendre la solidarité de cette famille en Christ dans laquelle nous serons pour l’éternité. Ca implique plusieurs éléments : prier pour les chrétiens en détresse, notamment ceux qui sont persécutés pour leur foi, leur venir en aide autant que possible – et pour ça nous avons la chance d’avoir des associations qui facilitent cette solidarité, comme p. ex. Portes Ouvertes ou le SEL. Notre solidarité avec les chrétiens n’est pas une option : laisseriez-vous dans la détresse votre frère pris en otage ? Laisseriez-vous mourir de faim ou de désespoir votre nièce ? Les liens spirituels qui nous unissent aux autres chrétiens sont des liens éternels, qui nous engagent dès aujourd’hui.

Participer à l’œuvre spirituelle de Dieu, c’est aussi prendre à cœur l’annonce de l’Evangile dans le monde entier, soutenir l’œuvre des missions au près et au loin, avec le souci qui était celui du Christ que le plus grand nombre vive, que le plus grand nombre soit sauvé du mal et de la mort et découvre la bouleversante nouvelle de l’amour de Dieu en Jésus-Christ. C’est soutenir les distributions de Bibles, les projets du SEL qui permettent à des enfants d’entendre parler de Dieu, etc. Le troisième critère Vitalité, c’était la détermination à annoncer l’Evangile : si on croit vraiment que, en Jésus, nous passons de la mort à la vie, alors comment pourrions-nous mettre des limites à cette annonce ? Bien sûr, il faut annoncer autour de nous ici, mais ailleurs aussi, pour que le plus grand nombre connaisse l’amour de Dieu.

                       S’engager pour le monde 

Adopter le point de vue de Dieu sur le monde, c’est non seulement prendre à cœur l’annonce de l’Evangile et la cause de l’Eglise, mais c’est aussi grandir dans la justice et la compassion (diapo). Une chose qui me frappe, dans les Evangiles, c’est que Jésus ne venait pas en aide seulement à ceux qui croyaient en lui : dans son immense amour, il a guéri, nourri, délivré des gens qui, finalement, l’ont abandonné, mais il l’a fait parce que son amour n’a pas de barrières, de murs. Ce n’était pas un échange : je te viens en aide si et seulement tu me suis – il s’est retrouvé seul à la Croix ! mais sans cesse il a donné, relevé, béni, ceux qui s’approchaient de lui. Le lien qui nous unit aux chrétiens du monde est un lien unique, mais qui ne nous dispense pas de nous engager pour ceux qui ne sont pas chrétiens. C’est aussi un témoignage – le témoignage d’un amour gratuit, qui s’offre comme le Christ s’est offert pour nous. Chaque être humain est image de Dieu, digne de notre respect, de notre compassion, de notre solidarité. Le Saint Esprit nous conduit à regarder chaque personne comme digne de la compassion de Dieu, et donc de la nôtre.

Il y a bien sûr ceux qui souffrent de pauvreté, les victimes de conflits, les réfugiés, les malades, les prisonniers, que les chrétiens ont de tout temps cherché à secourir, au nom de l’amour de leur Créateur. Mais j’aimerais évoquer un domaine d’engagement moins traditionnel : le climat. Vous savez peut-être qu’en décembre la France accueillera la prochaine conférence mondiale, donc c’est une question politique d’actualité. Mais le monde chrétien se mobilise aussi sur le climat : la Fédération Protestante de France, le pape avec son encyclique Laudato si, le Défi Michée sur la question du développement durable etc. La question des changements climatiques, et de notre responsabilité, n’est pas juste politique – en fait, derrière elle se cache une question de justice humaine, puisque les dégâts des changements climatiques pèsent sur les épaules des plus fragiles de notre Terre et entraînent p. ex. des sécheresses, des famines, des migrations… Nous en reparlerons en novembre avec un culte spécial, mais c’est juste pour dire que notre ouverture au monde au nom de la justice et de la compassion de Dieu nous entraîne sur des chemins de solidarité bien connus et sur d’autres que nous n’aurions pas imaginé mais dont l’importance est réelle.

3)   Enracinés ici et tournés vers l’extérieur : un équilibre à découvrir

L’Esprit de Dieu ouvre nos perspectives à 360° et nous envoie sur les chemins de l’amour et de la justice de Dieu, à tous les niveaux.

C’est beau, mais c’est très perturbant (diapo), parce que cette ouverture maximale, qui est celle de Dieu, nous dépasse, nous écartèle presque, et on a tendance à soit se lancer dans le grand large, avec le risque de l’activisme, soit à se reculer, à resserrer les barrières, parce que c’est trop, et parce que le quotidien nous presse. Evidemment, le nouveau cartable du fils qui rentre en CP paraît dérisoire devant cet enfant qui meurt de faim au Burkina ; cela étant, il faut bien un nouveau cartable. C’est vrai dans notre vie personnelle mais aussi dans notre vie d’église : si quelque chose ne va pas chez nous, même si ce n’est pas vital, il faut bien le régler – non seulement parce que notre négligence n’améliorera pas le sort des autres, mais en plus parce que ce que nous vivons ici est important aussi.

Comment s’ouvrir aux perspectives de Dieu en étant réaliste et sage ? Comment répondre aux exigences d’ici sans perdre de vue les exigences de là-bas ? Nos détails, si dérisoires sont-ils, sont devant nos yeux, urgents, pressants, et apparemment incontournables. Le mouvement que l’Esprit opère en nous, c’est de gérer ces détails comme des détails, en comprenant que l’essentiel est ailleurs. C’est choisir le cartable en gardant en tête l’enfant qui meurt de faim – ça influencera les critères de choix, le temps passé à choisir, le budget. Vivre pleinement ici en intégrant au maximum les projets de Dieu. C’est renoncer au dernier téléphone à la mode pour soutenir un projet de solidarité ou d’évangélisation. Au niveau de la communauté, revenir sans cesse aux priorités de Dieu doit aussi nous conduire à remettre les choses à leur juste place, à rechercher la sobriété – ce qui n’exclue pas la qualité ! –, parce que Dieu inscrit dans nos priorités le souci des autres, le souci des frères et sœurs chrétiens qui se battent ailleurs, le souci des hommes et des femmes porteurs de l’image de Dieu que l’on méprise, que l’on bafoue, que l’on torture. Même en restant à Toulouse, Dieu nous ouvre sur ses projets à lui.

Par rapport aux autres critères, puisque ce critère fait partie d’un ensemble qui dessine les bases de la vie chrétienne, vous voyez le lien avec la Parole de Dieu au centre et l’œuvre du Saint Esprit qui transforme nos vies ! Si nous connaissons mieux Dieu, nous connaîtrons mieux ses projets ! Si nous nous laissons transformer par son Esprit, et adoptons son caractère, ses valeurs, nous adopterons aussi ses priorités ! Si nous nous attachons à méditer par exemple la générosité du Christ qui a laissé de côté ses privilèges divins pour aller jusqu’à mourir en notre faveur, et que nous prions Dieu de nous rendre semblables par l’œuvre de l’Esprit en nous, alors nous aussi nous deviendrons peu à peu plus généreux ! Notre engagement commence ici, dans les cultes, les groupes de partage, les temps de prière, seuls et en groupes, il commence lorsque nous invitons Dieu à nous guider par le Christ et à nous propulser par l’Esprit – et ce que nous demandons à Dieu, la sagesse, la consécration, l’amour de ce qu’il aime, la justice, la compassion, il nous le donnera ! Pourquoi ne le ferait-il pas ? Approchons-nous de Dieu, ouvrons-nous à sa Parole, à son Esprit, laissons-nous conduire, entraîner, bouleverser, sur ces chemins où le Christ nous envoie et nous précède !

Prière :

Notre père qui es aux cieux, merci d’avoir créé ce monde et de l’aimer, avec ceux qui y demeurent. Quel monde merveilleux, étonnant, avec sa diversité de peuples, de cultures, de langues, qui chacun à sa manière portent ton image et reflètent ta gloire. Merci car le christ est mort sur la croix pour que la vie éternelle soit accessible à tous.

Nous voulons confesser que trop souvent, notre vision est limitée et que nous nous concentrons sur nous-mêmes, pensant que le monde tourne autour de nous. Viens élargir notre regard pour voir le monde avec tes yeux, permets-nous de commencer à percevoir tes projets pour les peuples. Aide-nous à entendre à nouveau la puissance de ta parole, source de vie pour nous et pour les autres. Apprends-nous à prier et à pleurer pour ce monde, comme Jésus a pleuré pour Jérusalem.

Envoie-nous hors de nos zones de confort et donne-nous la force et le courage de te servir dans le monde. Donne-nous l’ardent désir de prier pour ce monde, pour les autres, pour les gouvernements. Fais de nous une communauté qui s’ouvre, qui envoie, qui soutient tes serviteurs. Donne-nous aussi les ressources dont nous avons besoin pour te suivre, ressources spirituelles et matérielles.

Donne-nous la sagesse, la foi, l’espérance, pour discerner tes projets et les soutenir, pour aller dans le monde en témoins du Christ. Parce que tu es le Dieu qui vit et qui fait vivre, parce que tu nous as tout donné en Jésus-Christ et que nous voulons te répondre en nous donnant à toi : fais tomber nos murs, nos œillères, nos barrières, et transforme-nous par ton Esprit. Amen

Un entourage transformé par la compassion, la miséricorde et la justice

https://soundcloud.com/eel-toulouse/un-entourage-transform

Lecture biblique: Michée 6.6-8

Indice de Vitalité n°4

Ces versets sont sûrement parmi les plus connus du prophète Michée un prophète du 8e siècle avant Jésus-Christ, contemporain d’Esaïe. Michée dénonce, comme d’autres prophètes, la dégradation du peuple juif qui s’est détourné de Dieu et se conduit d’une manière intolérable. Michée leur dit par exemple, au ch.3 : « vous détestez le bien et vous aimez le mal, vous avez le droit en horreur et vous rendez la justice tortueuse ! » Cela se manifeste sur le plan spirituel, vis-à-vis de Dieu, mais aussi social, dans le peuple, sous la forme de corruption, vol, violences, mensonges etc. Dans notre chapitre 6, Dieu s’adresse au peuple comme dans un tribunal, pour les confronter à leur culpabilité, alors que lui, Dieu, n’a toujours fait que le meilleur pour son peuple. En réaction, le peuple se demande ce qu’il faut apporter à Dieu pour l’apaiser, pour lui plaire, pour combler le fossé qui s’est creusé, ce à quoi le prophète annonce de la part de Dieu : « Le SEIGNEUR te fait savoir ce qui est bien. Voici ce qu’il demande à tout être humain : faire ce qui est juste, aimer agir avec bonté et vivre avec son Dieu dans la simplicité. » Cette expression, Jésus la reprend à son époque face aux juifs pieux en disant, dans Mt 23.23 : « Quel malheur pour vous, maîtres de la loi et Pharisiens, car vous êtes des hommes faux ! Vous donnez à Dieu le dixième de certaines plantes, menthe, légumes et épices. Et vous abandonnez ce qu’il y a de plus important dans la Loi, c’est-à-dire la justice, la compassion et la foi. »

Ces versets, qui résument ce que Dieu attend de nous, évidemment nous interpellent aujourd’hui et nous ramènent à l’essentiel de notre vie avec Dieu : qu’est-ce ça veut dire d’aimer Dieu, de vivre avec lui, qu’est-ce que ça implique ?

1)   Comment plaire à Dieu ?        

J’aimerais revenir rapidement au début du texte que nous avons lu, pour voir ce que ça n’implique pas.

Le peuple se pose une vraie question : comment s’approcher du Dieu très-haut, tout-puissant, saint, parfait ? La distance qui sépare le Créateur tout-puissant de ses petites créatures limitées, une distance légitime, n’est jamais considérée comme un problème dans la Bible, qui dénonce la rupture causée par notre prétention à vivre sans Dieu, notre orgueil, comme si nous étions nous-mêmes notre Dieu, notre créateur.

Le peuple cherche du coup ce qui pourrait combler ce fossé : des sacrifices de qualité supérieure (comme des jeunes veaux brûlés entièrement pour Dieu), ou, si on se concentre sur la quantité, des milliers de béliers, des dizaines de milliers de torrents d’huile en offrande ? Ils envisagent même le sacrifice ultime, donner ce qui est le plus précieux pour un parent : son enfant, sa propre chair. L’ironie, c’est que cette proposition, en vogue à l’époque de Michée sous l’influence des religions étrangères, est à l’opposé de ce que Dieu veut, lui qui a formellement interdit à son peuple le sacrifice humain.

Face à cette surenchère d’offrandes possibles, la réponse est déconcertante : Dieu attend une vie simple, marquée par la foi, la justice et la compassion, ce que le peuple est censé savoir car ce sont les valeurs clefs de la Loi de Dieu. Cette réponse est plus simple, plus réalisable que les milliers de sacrifices ! Elle est aussi plus exigeante, car elle concerne toute notre vie : pour plaire à Dieu, un acte isolé, même grandiose, ne suffit pas – c’est l’attitude du cœur, manifesté dans les gestes et les paroles de chaque jour, qui a du poids pour Dieu. Il s’agit de passer du faire à l’être, des actes ponctuels à la vie entière.

Il est vrai que certains étaient hypocrites, faisant au culte de grands salamalecs pour se dédouaner d’une vie immorale où Dieu n’avait pas de place. Je crois pourtant que d’autres, même nous, peuvent tomber dans ce piège et réduire ce que Dieu veut à certains actes, oubliant la vue d’ensemble, la dynamique globale qui compte pour Dieu. Je pense par exemple à cette question qui revient souvent sur l’offrande : faut-il donner 10% de ses biens, la dîme, en offrande ? C’est une bonne intention, mais peu importe de donner 5% ou 20% si c’est sincère, avec joie, si c’est le fruit d’une conviction nourrie par une relation riche avec Dieu qui nous motive pour participer financièrement à ses projets, à son œuvre.

Dans un autre domaine, un aumônier d’étudiants rapporte un nombre incalculable de conversations sur la sexualité, pour savoir jusqu’où on peut aller pour rester dans les clous et ne pas consommer avant le mariage. Là aussi, on part d’une bonne intention, mais se focaliser sur une limite presque géographique, risque de faire perdre de vue l’ensemble, le sens, de déconnecter la pratique des convictions sur le couple, l’intimité, la place et le sens de la sexualité, la gestion de nos désirs, etc.

Dieu se préoccupe moins de quotas, de faits concrets et limités, de quantité, que de la dynamique dans laquelle nous sommes engagés avec lui.

2)   La foi qui conduit à la justice & à la miséricorde

Pour plaire à Dieu, il faut vivre avec lui, c’est l’image de la marche ; vivre avec simplicité, dit la version Parole de Vie, ce qu’on traduit traditionnellement par humilité, mais qu’on pourrait traduire par sagesse et modestie, en opposition à l’orgueil de l’insensé. C’est la vie de celui qui s’applique à suivre le chemin de Dieu, à se laisser enseigner, conduire, interpeler, pour garder le cap vers Dieu.

Cette marche avec Dieu fait la part belle à la justice et à la miséricorde, deux éléments que Jésus a repris et qui donnent de la consistance à l’expression : aimer son prochain comme soi-même.

La justice, c’est, dans l’esprit de Michée, la justice sociale, la justice au sein du peuple, qui vient prendre le contrepied des exactions commises par les élites juives du temps de Michée. C’est s’opposer à l’injustice sous toutes ses formes : a) considérer le mensonge, la malhonnêteté, la corruption comme des pratiques incompatibles avec la foi ; b) rejeter la violence, sous forme d’égoïsme méprisant, de discriminations ou, physiquement, de violence domestique, vis-à-vis du conjoint ou des enfants, parce que cette violence est intolérable aux yeux de Dieu. C’est aussi s’engager pour la justice, en cherchant comment favoriser le respect de la dignité de chacun – je pense par exemple à un fléau de notre société, notre consommation (loisirs, transports, vêtements, technologie, consommation quotidienne) qui se fait sur le dos d’esclaves à l’autre bout du monde et aux initiatives qui visent à réduire les injustices entre les gens mais aussi entre les peuples.

Le mot bonté, dans ce texte, se traduit aussi compassion, miséricorde, amour… C’est la recherche active du bien de l’autre, avec deux nuances. La première, c’est l’amour, c’est-à-dire une démarche qui ne nous est pas extérieure mais qui commence dans notre cœur, dans notre regard sur l’autre, dans le lien qui nous unit à l’autre. Deuxième nuance, cette compassion vise tout le monde, mais en particulier les plus petits, les plus faibles, ceux qui n’ont pas d’autre ressource que de faire appel à notre compassion, à notre générosité, sans rien promettre en retour.

La compassion, cet amour généreux et actif, tout comme la justice, sont d’abord des qualités divines dans la Bible, des qualités que nous sommes appelés à découvrir dans notre marche avec Dieu, et à nous approprier, à vivre de l’intérieur : Michée nous exhorte à aimer vivre avec bonté, à vivre avec justice. Encore une fois, on est moins sur le plan d’œuvres qu’on peut quantifier que sur le plan de l’être, visible à Dieu seul, une disposition intérieure qui débouche sur un comportement global.

3)   L’impact sur notre entourage

La vie avec Dieu transforme nos motivations, nos valeurs, et du coup, change nos actes et notre comportement. Vous avez peut-être remarqué, cela étant, que la justice et la compassion sont deux valeurs qui concernent les autres. La foi n’est pas une affaire entre Dieu et nous : lorsque nous nous ouvrons à Dieu, à sa volonté, à ses valeurs, à ses projets, il nous ouvre sur les autres, il nous invite à inclure notre prochain dans notre relation avec lui. L’amour du prochain est indissociable de l’amour de Dieu – il ne s’y substitue pas, mais il en est inséparable. Notre relation avec Dieu a un impact sur notre relation avec les autres, et d’abord nos proches, évidemment, notre famille, notre église, nos collègues, nos voisins etc.

Cela est vrai à la fois sur un plan individuel que communautaire : notre vie d’église, notre façon de vivre la foi ensemble implique forcément les relations que nous avons les uns avec les autres et avec ceux qui nous entourent : visiteurs, voisins… Comment la justice et la miséricorde s’inscrivent-elles concrètement dans notre vie d’église ? Il y a déjà des initiatives de solidarité concrète, mais est-ce qu’on peut aller plus loin ? Comment intégrer, peut-être de manière plus systématique, cet amour de la justice et de la compassion dans nos projets d’église, dans notre vision ? Je pense que c’est essentiel de s’y pencher sérieusement et régulièrement, vu l’importance de la justice et de la compassion aux yeux de Dieu.

J’aimerais faire deux remarques à ce sujet.

Premièrement, la justice et la compassion effraient parce que c’est trop général, et il ne faudrait pas se laisser impressionner au point de vouloir tout faire ou de craindre de faire quoi que ce soit sous peine de ne pas en faire assez. Dieu est patient, et il se réjouit de notre dynamique, de premiers pas suivis de deuxièmes, troisièmes, dixièmes, centièmes pas. Il y a mille manières de commencer, tant seul qu’en communauté, en donnant de son temps, de ses prières, de son argent, en soutenant des projets à échelle mondiale, les parrainages du SEL par exemple, ou sur un plan local, dans notre communauté, dans notre quartier. Commencer, s’engager sur ce chemin concret de justice et de compassion.

Deuxièmement, l’écoute et l’humilité sont essentielles. D’abord avec Dieu, dans la prière pour discerner comment s’engager, avec le désir de se laisser conduire par Dieu sur son chemin. Ensuite avec les autres : il ne s’agit pas d’agir pour nous sentir mieux, mais pour que l’autre aille mieux – et cela emmène parfois vers des choses qu’on n’aurait pas envisagé soi-même. Être attentif aux besoins réels. Quelques exemples, qu’il ne faut pas reproduire mais qui peuvent nous faire réfléchir. Devant le nombre de parents isolés, certaines églises ont mis en place des garderies, des aides aux devoirs. Pour faciliter l’intégration de personnes étrangères, certains proposent des cours de français. Dans certains quartiers un peu sinistrés, des journées de nettoyage sont mises en place.

Bien sûr, il ne faut pas tomber dans l’activisme, ou dans l’hypocrisie, mais il ne faudrait pas se dédouaner non plus en prenant à la légère la justice et la compassion, qualités de Dieu, qualités qu’il nous appelle à vivre concrètement, avec lui.

Conclusion 

J’aimerais revenir à ce qu’on apporte à Dieu. L’écart demeure entre Dieu et nous, même si on essaie de vivre avec justice et compassion, aucun de nos actes ne nous rend digne de Dieu.  C’est pourquoi Dieu n’a pas demandé nos œuvres, nos mérites, nos offrandes, pour nous accueillir chez lui, mais il a fait lui-même le sacrifice ultime : son fils, son propre fils, innocent et parfait, s’est donné à notre place, pour combler ce fossé de culpabilité. Jésus-Christ, en mourant pour nous, manifeste la justice de Dieu : le mal ne reste pas impuni mais il a été expié à la croix. Par ce sacrifice, Jésus-Christ manifeste aussi la compassion, l’amour généreux et débordant, de Dieu pour nous, qui ne méritions rien : il a tout enduré pour notre intérêt.

En Christ, nous sommes pardonnés, aimés, accueillis, justifiés, délivrés, et nous découvrons la vie véritable, la vie avec Dieu. Le Christ est à la fois notre libérateur et notre modèle, le portail d’entrée et le chemin, pour une vie de justice et de compassion à l’image de Dieu.

Prière: O Dieu, tu nous as créés à ton image et tu nous as rachetés par ton fils jésus. Porte ton regard plein d’amour sur l’humanité entière : arrache l’arrogance et la haine qui infectent notre cœur, détruis les murs qui nous divisent, unis-nous par des liens d’amour. Donne-nous des yeux pour voir ceux qui souffrent, un cœur qui bat pour ceux qui sont dans la peine, des pieds et des mains pour agir en ton nom. aide ton église à ne pas s’installer dans la passivité, à ne pas juger : permets-nous de devenir une part de la solution et non pas du problème.

Montre-nous des premiers pas concrets pour bénir notre entourage en montrant ta compassion, ta miséricorde, ta justice. Apprends-nous à aimer comme Jésus.

Dans nos luttes et notre confusion, remplis-nous de ton Esprit pour que nous entrions pleinement sur ton chemin, peut-être là où nous avons peur d’aller. et que ton œuvre se réalise en nous et à travers nous pour accomplir tes projets sur la terre, afin qu’au temps que tu as fixé, toutes les nations et tous les peuples te servent en  harmonie, autour de ton trône glorieux, pour ta gloire, par Jésus-Christ notre libérateur et notre modèle. amen

Une marche avec le Christ qui transforme la vie

https://soundcloud.com/eel-toulouse/une-marche-avec-le-christ-qui

Lecture biblique : Philippiens 1.3-11

Deuxième indice de Vitalité

Lorsque Paul écrit aux Philippiens, il est en prison et il traverse des moments difficiles ; pourtant, sa lettre déborde de joie et de tendresse, et ce passage en donne le ton. L’église de Philippes est une des églises fondées par Paul, mais elle se distingue par le lien particulier qui l’unit à Paul, puisque les Philippiens ont énormément soutenu Paul dans son ministère, notamment par des dons financiers qui ont permis à Paul d’annoncer l’évangile sans rien demander aux gens à qui il prêchait. Ils sont collaborateurs, participants du ministère de Paul par leurs prières, leur soutien, leur don, et évidemment c’est un lien privilégié qui s’est tissé entre Paul et cette église.

A partir de ce texte, j’aimerais dégager quelques éléments pour stimuler notre réflexion sur notre marche avec le Christ.

1)   Une transformation continuelle     

Premièrement, Paul rappelle avec force que marcher avec le Christ, c’est une aventure qui nous transforme jour après jour, qui nous fait grandir continuellement. La prière qu’il porte à Dieu en faveur des Philippiens, c’est que leur amour grandisse encore et encore, pour gagner en sagesse et en discernement. Je me souviens d’un pasteur qui faisait sa thèse sur la croissance chrétienne, et qui disait : « je crois (foi) donc je croîs (grandis) ; je crois donc je croîs ». La croissance spirituelle est incontournable dans la vie chrétienne : l’engagement avec Dieu, la foi, la conversion, ne sont que le premier pas, comme un bébé qui vient de naître et doit grandir pour réaliser sa vocation à être humain. De la même manière que des jeunes parents font tout pour favoriser la croissance de leur enfant, Dieu s’attend lui aussi à nous voir, nous, nouveau-nés de la foi, grandir et devenir adultes.

Le but de cette croissance, c’est un amour surabondant, qui nous aide à voir clair, à comprendre les choses parfaitement (le discernement), c’est une vie pure et sans défauts, remplie d’actes justes, autrement dit, c’est la sainteté, un objectif d’autant plus pressant que c’est pour Dieu, pour sa gloire, pour l’honorer et le réjouir. J’aimerais faire trois remarques sur cette transformation qui nous conduit vers la sainteté :

  1. D’abord, la sainteté se définit à la fois par ce qu’elle n’est pas, et par ce qu’elle est, positivement. Souvent, on associe la sainteté à l’absence de certains traits (mensonge, immoralité, colère…). C’est très juste, mais la sainteté, c’est aussi la présence d’autres éléments : la bonté, la patience, la générosité, l’équilibre, des actes concrets etc.
  2. Ensuite, vous remarquez que la croissance spirituelle comporte à la fois des éléments de connaissance, d’actions et de sentiments (l’amour). Les trois vont ensemble : il nous faut progresser dans notre savoir sur Dieu et le monde, dans notre comportement, et dans notre attitude intérieure, ce mélange de volonté, de sentiments, de projet, qu’on appelle le cœur dans la Bible. Toute notre personne doit progresser dans sa marche avec le Christ, toute notre personne doit viser une plus grande maturité : dans le savoir, dans les sentiments, dans les actions. Progresser sur un seul point, c’est avancer à cloche-pied.
  3. Troisième remarque : nous sommes déjà saints, et nous ne le sommes pas. Nous sommes comme ces jeunes diplômés qui sortent de l’école, qui ont le statut mais pas l’expérience. Notre croissance, si elle est nécessaire, n’a pas pour but de nous faire gagner le salut : nous l’avons déjà, en Christ, par la grâce de Dieu. Non, le but de notre croissance, c’est de mettre en œuvre ce salut que nous avons reçu. Pour prendre une autre image, on pourrait dire que nous avons déjà reçu la graine du salut, de la justice, de la sainteté, c’est un don de Dieu, mais ce don a pour vocation de donner une plante chargée de fruits : c’est la sanctification. A quoi servira la graine si les fruits ne poussent pas ?

En Jésus-Christ, nous sommes sauvés pour vivre avec Dieu, être ses enfants, des enfants qui grandissent et deviennent adultes, mûrs, responsables, équilibrés, laissant l’Evangile transformer toute leur personne.

2)   Grâce de Dieu et engagement personnel

Si le chemin vers la maturité, ou sanctification, est incontournable à notre foi, comment grandir ? Comment progresser ?

Paul donne une première réponse au v. 6 « 6Je suis sûr d’une chose : Dieu qui a commencé en vous un si bon travail va le continuer jusqu’au bout ». C’est Dieu qui œuvre en nous. Ouf ! La sanctification a beau être incontournable, elle reste inaccessible aux forces humaines. Dieu s’attend à nous voir grandir mais il nous aide aussi à grandir : il n’est pas un juge froid et distant, à surveiller nos résultats d’un œil d’acier. Loin de là, Dieu est ce père tendre et débordant d’amour qui nous offre tout ce dont nous avons besoin pour avancer, comme ces pères qui tiennent leur nourrisson par la main, puis plus tard apprennent à leur enfant à conduire, donnent des conseils, forment, soutiennent, encouragent.

Il nous a donné la Bible, sa parole, où nous apprenons comment Dieu fonctionne, quelles sont ses valeurs, ses priorités, son caractère, tout ce que nous sommes appelés à nous approprier dans notre croissance, pour être de plus en plus à l’image de Dieu. Dieu nous donne même un modèle humain en Christ, que nous pouvons contempler dans l’Evangile : Jésus, Dieu devenu homme, saint, pur, débordant de compassion et de justice. Et pour nous aider à suivre ce modèle, Dieu nous donne le Saint Esprit, son Esprit à lui, qui habite en nous, qui nous inspire de l’intérieur, qui travaille dans le secret de notre cœur, pour nous aider à ressembler de plus à plus au Christ.

Ainsi, la sanctification est aussi un don de Dieu, c’est une grâce qu’il nous fait, puisque Dieu nous accompagne et nous entoure sur ce chemin de foi.

Cela étant, qui dit grâce ne dit pas passivité. Dieu œuvre, mais pas malgré nous, et nous sommes appelés à nous engager nous aussi, dans ce processus de transformation. Il nous faut faire preuve de détermination pour choisir et rechoisir régulièrement d’avancer, d’aller plus loin, dans notre relation avec Dieu, dans notre ressemblance au Christ, dans notre ouverture au Saint Esprit.

Cette détermination à grandir implique peut-être d’évaluer, de mesurer, notre croissance. Paul comme Jésus utilisent l’image du fruit, de la moisson, avec des quantités, mais aussi de la croissance mesurable d’un enfant. L’évaluation ne sert pas à éteindre, juger ou casser, elle montre simplement où on en est, quels sont les manques, les excès, et les prochains chantiers de notre transformation. On peut le vivre individuellement et collectivement, en se confrontant à notre modèle et en demandant à Dieu de nous montrer où progresser, par un livre, une retraite, un camp, une série de prédications…

3)   Un lieu privilégié : l’église      

Avant de terminer, j’aimerais souligner le rôle central de l’église dans notre sanctification. L’église n’est pas optionnelle dans notre marche avec Dieu : c’est le lieu privilégié où Dieu agit pour nous transformer. La prière de Paul encourage à développer l’amour pour qu’il gagne en sagesse, en discernement, et en actions justes. La base, c’est l’amour, et ça se vit à plusieurs. La marche avec le Christ n’est pas un programme de développement personnel ou d’affirmation de soi. Il y a une part où l’on se découvre, où l’on développe ses dons etc., mais toujours dans le cadre général des relations avec les autres. Jésus donne un seul commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Comment ressembler au Christ si l’on n’est pas engagé dans des relations d’amour, des relations fraternelles ?

Paul, dans sa lettre, donne un bel exemple du ministère pastoral : il dit aux Philippiens qu’il les aime, qu’il les chérit, avec l’ardeur et la tendresse du Christ lui-même. Cet amour qui prend aux tripes n’est pas réservé à Paul, mais nous sommes appelés à nous aimer tous, les uns les autres, à nous impliquer les uns pour les autres, à nous encourager, à nous conseiller, à nous soutenir, pour avancer ensemble. Dans l’église, les sages font réfléchir les impétueux, les impétueux font réagir les sages, les expérimentés conseillent, les rêveurs stimulent, et ce n’est pas la prérogative des pasteurs ou du conseil, loin de là ! C’est le rôle de chacun de contribuer à la croissance des autres, dans des relations individuelles, dans des petits groupes, dans des lieux de service, dans le culte. Chacun peut donner, et chacun peut recevoir, afin que tous, nous grandissions en maturité et en fécondité spirituelle.

Bien sûr, il ne s’agit pas de faire de l’ingérence dans la vie d’autrui, mais l’individualisme occidental, qui se retranche derrière un sacro-saint respect de la vie privée, n’est pas biblique. Dieu nous a créés pour nous entraider, et parfois, cela implique de prendre les devants pour aider celui qui est bloqué ou tombé à se remettre en marche.

Dans cette entraide, la prière est essentielle. Prier, c’est la base d’une relation avec d’autres qui va favoriser leur croissance et la nôtre, parce que la prière nous ouvre à l’intervention de Dieu. J’aimerais nous exhorter à prier pour notre croissance spirituelle et celle de nos frères et sœurs, comme le fait Paul à l’égard des Philippiens. Adresser à Dieu notre reconnaissance pour les progrès effectués grâce à lui – comme une addiction qui perd de son pouvoir, un courage qui se développe, des progrès en patience en justice, en bienveillance… – ce qui implique de confier, dans des moments adaptés, bien sûr, peut-être en petits groupes, confier nos progrès. De la même manière, il est bon de confier à la prière de nos frères et sœurs les défis spirituels qui sont devant nous, les blocages, même les échecs et les chutes. Nul n’est juge des autres, nous sommes au contraire là pour nous encourager mutuellement et nous relever les uns les autres. A titre personnel, j’ai énormément changé et je me suis beaucoup rapprochée de Dieu lorsque j’ai pu trouver des frères et sœurs à qui confier mes défis et mes difficultés, et les remettre à Dieu dans la prière. Dieu ne nous a pas créés pour progresser seuls, mais il œuvre en nous et à travers nous pour notre bien et celui des autres.

Conclusion 

La vie avec le Christ doit nous transformer, jour après jour, année après année, décennie après décennie, jusqu’au dernier jour sur cette terre. Comment grandir ? En s’appuyant sur l’œuvre de Dieu, en méditant sa Parole, en se familiarisant toujours plus avec le Christ, en s’ouvrant à l’œuvre de l’Esprit dans la prière, avec humilité et confiance. Dans tous ces aspects, l’église a un rôle essentiel : Dieu nous a unis par son Esprit, autour du Christ, par des liens éternels, pour que nous nous engagions les uns envers les autres, que nous prenions part à la vie les uns des autres, pour que l’église soit un lieu d’encouragement, de croissance, de conseil, où l’on peut apprendre, s’essayer, tomber, se relever, pleurer et se réjouir ensemble, avec Dieu.

Alors croyons, et croissons ensemble ! Les uns avec les autres, les uns par les autres, nourris de la Parole de Dieu, abreuvés par son Esprit, pour la gloire de Dieu que nous révèle le Christ, son Fils unique, notre sauveur !

Prière d’après la prière de Paul en Ep 3

14C’est pourquoi je me mets à genoux devant Dieu le Père, 15de qui toute famille reçoit son nom dans les cieux et sur la terre. 16Oui, je lui demande de vous rendre forts par son Esprit, tellement sa gloire est grande. Ainsi, vous pourrez être des chrétiens solides. 17Que le Christ habite dans vos cœurs par la foi ! Plongez vos racines dans l’amour et soyez solidement construits sur cet amour. 18Alors vous serez capables de comprendre avec tous les chrétiens la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour du Christ. 19Vous connaîtrez cet amour qui dépasse tout ce qu’on peut connaître. Vous recevrez toute la vie de Dieu, et il habitera totalement en vous.

Dieu créateur, nous sommes ta famille. Cette église t’appartient. Fortifie-nous par ta puissance abondante et inimaginable. Nous sommes enracinés et fondés dans l’amour parce que le Christ demeure en nous, mais nous désirons vraiment saisir, avec tout notre être, combien ton amour est vaste, et nous voulons être remplis de ton amour jusqu’à en déborder. Nous pouvons devenir et faire ce pour quoi tu nous as créés, si et seulement si tu œuvres avec puissance en nous. Alors, nous t’en prions, œuvre parmi nous, en nous, à travers nous, pour ta gloire et pour le bien de ceux qui nous entourent.

A celui qui peut faire infiniment plus que ce que nous demandons ou imaginons, par la puissance de son Esprit travaillant en nous, à lui soit la gloire dans l’église et en Jésus-Christ dans toutes les générations, pour toujours ! amen

Quand la sainteté devient une idole

Lecture biblique: Marc 7.1-23

En venant demander à Jésus pourquoi ses disciples ne purifient pas leurs mains avant de manger, les pharisiens et les maîtres de la loi ne s’attendaient sûrement pas à un tel retour de bâton. Jésus ne s’y trompe pas : la petite question de ces juifs pieux est une accusation, un jugement désapprobateur hypocritement coiffé d’un point d’interrogation. En effet, pharisiens et maîtres de la loi se préoccupent peu d’apprendre quel enseignement Jésus donne à ses disciples au sujet de la place de la tradition religieuse, mais ils accusent Jésus de mépriser cette tradition, transmise par les pères dans la foi. Jésus répond en deux volets à cette question, démasquant d’emblée l’hypocrisie de la demande, et il contre-attaque, d’abord en critiquant leur attitude vis-à-vis de la tradition, qui, aux yeux de Jésus, devient un obstacle à leur relation avec Dieu plutôt qu’une aide, et, devant la foule puis avec les disciples, en définissant ce qu’est la véritable impureté. Lorsque Jésus en a fini, les pharisiens sont mouchés, ils ne peuvent plus rien dire, le récit les tourne presque en ridicule : tel est pris qui croyait prendre ! Ceux qui voulaient prouver leur supériorité spirituelle en dénigrant Jésus voient leur superficialité et leur vanité dévoilées au grand jour.

1)   Comprendre les pharisiens    

Avant d’examiner les réponses de Jésus, j’aimerais qu’on s’arrête quelques instants sur les pharisiens, les maîtres de la loi, l’élite spirituelle en quelque sorte. Dans les Evangiles, ils apparaissent souvent comme les adversaires de Jésus, ses ennemis qui complotent contre lui, mais aussi comme des croyants rigides, superficiels, légalistes, et un peu ridicules. On aurait tort pourtant de s’imaginer qu’ils sont si loin de nous. En réalité, ce sont au départ des croyants sincères, dont le désir profond est de vivre tous les détails de leur vie en accord avec la volonté de Dieu. Ca c’est plutôt louable !

Ce désir de vivre saintement les conduit en particulier à chercher comment la loi juive peut concrètement être respectée au jour le jour. C’est la tradition, qui s’est constituée au fil du temps, au fil des problèmes qui se présentaient, et qui donne des repères concrets pour suivre au mieux les commandements de Dieu, par respect pour Dieu, avec le profond désir de ne rien faire qui lui déplaise. En particulier, les pharisiens vont choisir de respecter eux aussi les règles de vie des prêtres, considérant que ces règles favorisent un mode de vie saint.

L’intention de ces croyants est loin d’être mauvaise, et je sais que nombre de croyants aujourd’hui ont le même souci de chercher à plaire à Dieu dans les moindres détails de leur vie. Ce désir d’être saint est beau, mais dans le cas des pharisiens, il a conduit à un excès. A un moment, certains de ces croyants zélés ont confondu un mode de vie saint avec la relation avec Dieu : adorer Dieu, c’est devenu manger de telle manière, marcher de telle manière, prononcer telle parole à telle heure etc. La sainteté est comme devenue un but en soi, et a fini par occulter le Dieu pour qui ils voulaient être saints. On pourrait dire que, avec les meilleures intentions du monde, la sainteté est devenue leur idole => diapo titre, une idole qui les rend sourds aux vraies paroles de Dieu, et qui les rend aveugles sur leur propre état spirituel, deux éléments sur lesquels Jésus réagit.

2)   Quand le désir de sainteté finit par nous cacher Dieu

La tradition en soi n’est pas une mauvaise chose, elle aide le croyant à appliquer la volonté générale de Dieu, exprimée dans la Bible, dans le contexte précis, concret, de sa vie quotidienne. Pour les pharisiens et leurs semblables, le problème c’est que la tradition a fini par noyer les commandements originels de Dieu.

Jésus donne un exemple concret. Théoriquement, un bon juif doit respecter son père et sa mère, et c’est très sérieux puisqu’il encourt la condamnation à mort s’il agit mal envers eux. Ailleurs dans la loi, on rencontre le commandement selon lequel celui qui s’engage par un vœu doit absolument le respecter. La situation que décrit Jésus, c’est le cas où les deux entrent en conflit. Quelqu’un dirait à ses parents : « je ne peux pas vous aider financièrement (sachant qu’il n’y a pas de retraite ou de sécurité sociale !) parce que j’ai promis dans un vœu de consacrer cet argent à Dieu, et je ne peux pas revenir sur mon vœu. » Les chefs religieux tendraient à lui donner raison, c’est ça que critique Jésus ! Jésus critique le fait de bâtir un système de règles tellement compliquées qu’on se retrouve à les opposer les unes aux autres, à arbitrer en en choisissant certaines et pas d’autres, et surtout à donner la priorité aux règles les moins importantes ! Le respect des parents se trouve dans les 10 commandements, pas la règle sur le vœu. Le système devient tellement rigide que le bon sens n’y a plus de place, ni la volonté de Dieu : on est dans une situation absurde où, sous prétexte de respecter la loi, on la transgresse. C’est la tragédie des pharisiens, empêtrés dans un système qui les rend sourds et aveugles aux intentions de Dieu.

Nous sommes tellement différents ! Nous aussi, nous établissons des règles de vie pour respecter Dieu au quotidien. La situation des pharisiens nous interpelle sur notre pratique : est-ce que nos règles, utiles, sont devenues un obstacle entre Dieu et nous ? est-ce que nos règles, nos habitudes, nos valeurs chrétiennes (mais pas forcément bibliques !) ne nous détournent pas parfois de Dieu lui-même, un Dieu qui se plaît à sortir des cadres bien réguliers que nous nous imposons ? C’est tout le danger des réflexes, des recettes, d’une certaine culture implicite : quand on est chrétien on ne fume pas, on ne boit pas, on s’habille comme ci, on lit ça, on fréquente tel type de personnes etc.

Nos règles chrétiennes doivent rester des aides, utiles mais modifiables, toujours soumises à la comparaison avec ce que Dieu nous communique vraiment dans la Bible. Souvent, on est très surpris, par exemple sur le mariage, de voir l’écart entre ce que nous considérons comme un vrai et bon mariage et la conjugalité dans la Bible… On pourrait dire la même chose sur le ministère pastoral, les dons spirituels, etc. Nos règles ne sont pas forcément fausses, mais elles restent des traditions, des interprétations humaines qu’il faut veiller à ne pas identifier à la Parole de Dieu, transmise dans la Bible. Il y a une différence de statut et de priorité entre ce que Dieu dit et ce que nous comprenons.

3)   Quand la sainteté apparente nous trompe sur nous-mêmes

Après avoir bien relativisé le poids de la tradition humaine au regard de la vraie loi, la loi de Dieu, et ce faisant, démoli le piédestal imaginaire sur lequel se pavanaient les pharisiens, Jésus se tourne vers la foule et clarifie ce qu’est la véritable impureté, sujet trop délicat pour être passé sous silence. Sauf que, comme d’habitude, il s’exprime de manière un peu mystérieuse et les disciples réclament une explication. Ce qui souille, ce qui salit, l’homme, dit Jésus, ce n’est pas ce qui rentre, sous entendu des aliments qui vont être digérés et expulsés, mais ce qui sort de lui, son comportement, ses actes, ses paroles. C’est ce que l’homme produit qui le caractérise comme pur ou impur, autrement dit, digne ou indigne de Dieu. Et là, surprise ! La liste des comportements qui nous disqualifient devant Dieu est bien plus exigeante que toutes les règles rituelles des pharisiens : calomnie, orgueil, convoitise, jalousie – choses dont les pharisiens se sont rendus coupables, eux qui respectent tant les règles de pureté ! Et on pourrait rappeler les autres, bien sûr : le vol, le meurtre, l’immoralité, l’adultère, la mesquinerie, la méchanceté, le désordre, la sottise…

Ces comportements nous disqualifient parce que nous en sommes responsables devant Dieu, et ils révèlent qui nous sommes vraiment – notre cœur, c.à.d. notre être intérieur. Malheureusement, à ce jeu-là, même les plus pieux se retrouvent indignes de Dieu, un Dieu de justice et d’amour, de sagesse et de vérité. Jésus nous renvoie tous, croyants de niveau 3 ou de niveau 7, à une sainteté exigeante, qui dépasse les petites listes, les habitudes, les apparences, qu’on peut peaufiner et qui donnent l’illusion à ceux qui nous entourent, et parfois à nous-mêmes, mais jamais à Dieu, que nous sommes des gens bien. Jésus nous confronte à notre propre noirceur : plus d’excuse, plus de bons points qui tiennent devant la radicalité du mal que nous vivons à chaque instant et qui nous rend indignes de Dieu.

Conclusion

Jésus en reste là, cassant les préjugés, brisant les illusions, remettant chacun à sa place, la même, une place peu glorieuse : nous sommes tous pécheurs, nous sommes tous mauvais, et tous, à notre manière, même les plus « purs », nous sommes indignes de Dieu. C’est sec ! Mais ce constat a la saveur amère de la vérité. Heureusement, Jésus ne vient pas seulement donner des diagnostics, des constats, il apporte aussi le remède : Dieu, avec une générosité que nous ne pouvons imaginer, nous aime malgré tout ce que nous sommes et faisons, et il nous veut dans sa présence, dans son intimité, dans sa famille. Alors, il choisit d’apporter lui-même la solution en passant par Jésus-Christ. Ce don que Dieu nous fait, le salut, le pardon sans autre condition que la foi, c’est la grâce, et tous, Jésus nous l’a rappelé, tous nous en éprouvons le même besoin.

Avant qu’on partage la cène ensemble et qu’on se rappelle comment Dieu nous a sauvés alors que nous ne méritions rien, j’aimerais ajouter une petite réflexion. Une religion basée sur des codes à respecter, une religion qui dérive vers le faire et le paraître comme bases du salut, nous isole de Dieu et des autres, en favorisant le culte de la performance individuelle, de l’orgueil et de la rivalité. Une foi basée sur la grâce nous pousse au contraire à l’humilité : humilité devant Dieu, à qui je dois tout, humilité devant les autres, qui galèrent autant que moi, et à côté de qui je ne suis ni pire ni meilleure, parce que nous sommes tous pécheurs, tous bénéficiaires d’une grâce qui nous dépasse, tous apprentis de la sainteté, tous disciples.