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Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Pardonner, jusqu’où?

La grâce, le pardon, est au cœur de la foi chrétienne. Même sans être chrétien, il est au cœur de la vie en général : il est impossible d’avancer sans être blessé un jour par quelqu’un. Alors la question se pose, de pardonner – ou pas.

Quand il faut pardonner, nous ne réagissons pas tous de la même façon. Il y a ces actes ou ces défauts qui nous horripilent bien plus que d’autres : le mensonge scandalisera l’un mais l’avarice choquera un autre plus profondément. Il y a aussi des caractères : certains pardonnent presque tout, parce qu’ils craignent d’aller au conflit ou parce qu’ils ne veulent pas s’encombrer d’un poids. Certains au contraire se vengent. Et puis il y a ceux qui, tout simplement, vous rayent de la carte – c’est comme si vous n’existiez plus pour eux, une fois que vous les avez blessés ou déçus.

Au-delà de notre caractère et de notre habitude, pardonner fait débat : combien de fois peut-on pardonner la même faute, à quelle condition, doit-on tout pardonner, qu’implique le pardon ?… Ce genre de questions, les disciples de Jésus déjà se les posaient, et je vous invite à nous pencher sur une discussion entre Pierre, élève de Jésus, et Jésus.

Dans le contexte de la conversation, Jésus a expliqué aux disciples qu’ils devaient prendre l’initiative du pardon si quelqu’un les avait offensés, en allant les voir, d’abord seul, puis à deux, puis en groupe si vraiment l’offenseur ne se remettait pas en question. Mais Pierre sait que, même si celui qui nous a offensés demande pardon, il risque de recommencer… et que faire alors ? Lui pardonner encore ? et encore ? et encore ??

Lecture biblique : Mt 18.21-35.

21 Pierre s’approcha de Jésus et lui demanda : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère s’il fait ce qui est mal envers moi ? jusqu’à sept fois ? »

Dans la tradition juive, on s’attendait à ce qu’un croyant compatissant pardonne 3 fois. 3 fois, ça montre déjà de la patience ! Pierre comprend que Jésus a des attentes plus hautes en termes de pardon et de compassion : il est prêt à aller jusqu’à 7 fois.

22 « Non, dit Jésus, je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. 

Ne calculez pas… Jésus invite à changer de logique ! A ne pas tenir les comptes mais à pardonner, point. Pour justifier cette exigence, il raconte une histoire.

23 À ce sujet, voici à quoi ressemble le royaume des cieux : Un roi décida de régler ses comptes avec ses serviteurs. 

24 Il commençait à le faire, quand on lui en amena un qui lui devait une énorme somme d’argent. 

Dans le texte original, on parle de 10 000 talents. Pour vous donner une idée, aujourd’hui, ça représenterait une dette de plusieurs milliards… Le genre de dette qu’un serviteur ne peut pas rembourser !

25 Cet homme n’avait pas de quoi rembourser ; aussi son maître donna-t-il l’ordre de le vendre comme esclave et de vendre également sa femme, ses enfants et tout ce qu’il possédait, afin d’être remboursé. 

26 Le serviteur se prosterna aux pieds du maître et lui dit : “Prends patience envers moi et je te rembourserai tout !” 

27 Bouleversé, le maître de ce serviteur le laissa partir et annula sa dette. 

Contre toute attente, tout est bien qui finit bien… Mais l’histoire n’est pas finie !

28 Le serviteur sortit et rencontra un de ses compagnons de service qui lui devait une petite somme d’argent.

Dans le texte original, il s’agit de 100 deniers, ce qui ferait 4-5000 euros. C’est une belle somme, mais comparée à des milliards, ça paraît dérisoire.

Il le saisit à la gorge et le serrait à l’étouffer en disant : “Rembourse ce que tu me dois !” 

29 Son compagnon de service se jeta à ses pieds et le supplia : “Prends patience envers moi et je te rembourserai !” 

30 Mais l’autre refusa ; bien plus, il le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il rembourse ce qu’il devait. 

Vous avez noté les points communs entre les deux histoires ? une dette, l’exigence de rembourser, le débiteur qui implore la pitié de l’autre… Et LA grande différence : alors que le roi, bouleversé, se laisse fléchir, le serviteur pardonné se montre intransigeant.

31 Quand les autres serviteurs virent ce qui était arrivé, ils furent profondément attristés et racontèrent tout à leur maître. 

32 À ce moment le maître fit venir ce serviteur et lui dit : “Mauvais serviteur ! j’ai annulé toute ta dette parce que tu m’as supplié. 33 Ne devais-tu pas toi aussi avoir pitié de ton compagnon de service, comme j’ai eu pitié de toi ?” 

34 Le maître était en colère et il envoya le serviteur aux travaux forcés jusqu’à ce qu’il ait remboursé tout ce qu’il devait. »

35 Et Jésus ajouta : « C’est ainsi que mon Père qui est au ciel vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère ou à sa sœur de tout son cœur. »

La source du pardon

Avec cette histoire, Jésus nous invite à partir de plus loin. C’est bien beau de parler de pardon entre frères, entre humains, mais le pardon auquel il nous appelle prend sa source dans l’attitude que Dieu a envers nous. Dieu est un Dieu généreux. Avec des tripes et des plans B pour nous bénir malgré notre incorrigibilité. Dieu va au-delà de la comptabilité de ce qu’on doit et de ce qu’on mérite – tout simplement parce que devant lui, nous sommes tous perdants. Nous avons tous manqué d’amour et de respect envers lui, envers les autres, envers nous-mêmes – et nous avons contracté une énorme dette.

Pierre ne le sait pas encore, mais le pardon de Dieu repose sur le don de Jésus : lors de sa mort, il donnera toutes ses ressources, sa vie, sa justice, pour couvrir nos dettes. Grâce à lui, nous sommes réconciliés avec Dieu.

Si on reste au niveau humain pour parler du pardon, on va se heurter à des écueils : on va pardonner pour être tranquille (comme par exemple le pardon bouddhiste : pardonner pour ne pas garder la colère qui nous ronge), mais c’est un pardon sans amour, juste par désir d’être tranquille. D’autres pardonneront en se sacrifiant pour la paix de la relation – mais l’amertume pousse très bien sur ce terrain-là. Et puis, il y a des limites à ce qu’on peut accepter !

C’est seulement en regardant au pardon infini que Dieu nous accorde en Christ que nous pouvons espérer avoir les ressources nécessaires pour accorder un vrai pardon à l’autre.

Le conflit entre deux logiques

La générosité du roi nous surprend, mais l’attitude du serviteur dans la suite de l’histoire nous scandalise. On dirait qu’il n’a rien compris ! L’annulation de sa dette, sa nouvelle chance, n’a pas changé son comportement ni sa façon de voir les choses : il garde la même logique, du donnant-donnant. Lorsque ses collègues, puis le roi, s’en rendent compte, c’est la grosse déception. Pris par la colère, le roi fait ce qu’on attendait qu’il fasse dès le début : il se fait rembourser en envoyant le serviteur aux galères. Mais ce n’est pas parce qu’il est déçu et en colère que sa décision est injuste ! En fait, il applique au serviteur la règle que celui-ci s’est choisie. C’est soit la générosité qui annule les dettes, soit l’intransigeance qui exige le remboursement. C’est l’un ou l’autre, mais on ne peut pas jouer sur les deux tableaux, en prenant de chaque système ce qui nous arrange ! [cf.code métropolitain / coutume en Nouvelle Calédonie]

Si on a reçu le vrai pardon divin, celui qui nous libère de la honte et de la culpabilité, celui qui nous reconnecte avec Dieu, on ne peut plus revenir en arrière. Il n’est plus possible de ne pas pardonner – on a changé de système ! Le pardon de Dieu n’est pas quelque chose que l’on croit, c’est un mode de vie : on y entre, ou pas.

Et honnêtement, entrer dans la logique de la grâce va nous coûter, parce qu’apprendre à pardonner, c’est un sacrifice ! Alors bien sûr, à long terme, c’est complètement bénéfique (même pour la santé), et je suis absolument convaincue de la supériorité du système de la grâce ! Mais, sur le moment, choisir la grâce, c’est prendre sur soi pour « perdre » une juste colère, le droit de se plaindre, un ascendant sur l’autre…

A contrario, dans la logique du mérite, si sur le court terme on peut exiger de l’autre, sur le long terme on se retrouve confronté à nos propres dettes devant Dieu – et on y perd tout!

Jésus nous invite à changer de logique – et c’est bien pour ça que régulièrement, quand il parle de pardon, il associe le pardon reçu de Dieu et le pardon accordé à autrui. Quand je pardonne, je m’inscris dans la logique de Dieu. Et quand Dieu me pardonne, c’est si percutant que ça ne peut pas ne pas me transformer. Un grâcié ne peut plus que faire grâce à son tour.

Le pardon en pratique 

Alors concrètement, qu’est-ce que ça donne ? C’était d’ailleurs la question de Pierre : il faut pardonner, mais… jusqu’où ?

Jésus a répondu : jusqu’au bout. 70*7 fois – toujours ! Parce que le pardon à accorder ne dépend pas de l’autre – c’est-à-dire que personne ne mérite notre pardon. Si nous pardonnons, c’est forcément dans une logique de grâce, hors du cadre de la justice, avec Dieu comme critère et non pas l’offense commise.

Si on poursuit cette logique, que faire quand l’offenseur ne demande pas pardon ? peut-on effectuer un « remboursement » qu’il n’a pas demandé ?  C’est une vraie question, et plusieurs positions sont possibles – certains disent oui à cause de l’invitation à pardonner inconditionnellement, d’autres disent non car même le pardon de Dieu n’est efficace que si on le lui demande.

Il faut faire ici la distinction entre mon attitude intérieure, le pardon prononcé (officiel), et la restauration de la relation. L’idéal, l’objectif, c’est d’avoir les trois, comme ce que Dieu nous offre.

Mais quand l’offenseur est dangereux, la relation ne sera peut-être pas restaurée, même si un pardon est accordé. Pardonner à son mari violent ne signifie pas forcément qu’on reste sous le même toit. Pardonner à un agresseur sexuel ne signifie pas qu’on lui confie nos jeunes enfants.

Dans la même logique, si l’offenseur ne vient pas vers nous, le pardon ne peut pas être officialisé. Il ne peut pas le recevoir. Alors, sous prétexte qu’il ne nous a rien demandé, on justifie parfois notre propre dureté de cœur, notre refus de pardonner.

Mais en réalité, dans la logique de Jésus, quoi qu’il arrive, quel que soit l’offenseur, ce qui est toujours entre nos mains, c’est notre attitude intérieure. Même si l’autre ne nous demande rien ou qu’il est dangereux, Jésus nous invite à choisir le chemin du pardon et à nous préparer à cette possibilité. A choisir la grâce, même si nous ne pouvons pas la vivre de manière complète.

J’insiste sur le cœur. C’est dans mon cœur que je dois apprendre la grâce… parce que Dieu m’a touché, dans sa grâce. Cela dit, Dieu connaît notre faiblesse et notre incompétence à la grâce : il sait que nous avons besoin de temps. Besoin d’exprimer notre colère, nos lamentations, nos peurs. Mais encore une fois, le temps dont nous avons besoin pour arriver au pardon ne doit pas être une excuse pour repousser le pardon. Donc ne pas brûler les étapes – et ne pas faire brûler les étapes ! combien de fois j’ai entendu des chrétiens bien intentionnés : « il t’a fait ça… mais tu dois pardonner ! » Facile à dire, quand on n’est pas concerné ! l’injonction à pardonner, je dois d’abord l’entendre pour moi. Et pour l’autre, le frère, la sœur, il nous appartient de prier et d’accompagner avec grâce sur ce chemin qui peut être douloureux.

 

Il est essentiel de se rappeler que pour nous, le pardon n’est pas naturel. Qu’il nous coûte. Qu’il nous prend du temps. Mais Jésus n’a jamais dit qu’il serait automatique ! Simplement, il nous invite à changer de logique et à apprendre à faire grâce, de plus en plus, dans les petites et les grandes choses. Nos ressources ? l’amour infini de Dieu manifesté par Jésus-Christ, qui nous motive et nous modèle, et qui transforme notre cœur par son Esprit – si nous le lui demandons.

Couple et célibat

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Après Noël, la Galette, la Chandeleur, voici maintenant, dans le calendrier liturgique français… la Saint Valentin ! La Saint Valentin : ses bouquets, ses ballotins de chocolat, ses dîners en tête-à-tête… Avec ses publicités omniprésentes, la Saint Valentin met une petite pression sur les couples, qui souvent trouvent cette fête trop commerciale… mais elle peut aussi mettre mal à l’aise ceux qui ne sont pas, ou plus, en couple. Le 14 février remue le couteau dans la plaie, alors que c’est déjà un sujet sensible, le célibat !

Il vaudrait mieux parler d’ailleurs des célibats : il y a le jeune de 20 ans concentré sur ses études ; celle qui, à 45 ans, n’a jamais trouvé chaussure à son pied ; celui qui a des attirances incompatibles avec sa foi ; celle qui ne veut plus du couple après avoir trop souffert. Certains le supportent très bien, ils profitent d’une certaine liberté, d’une disponibilité plus grande… Mais pour d’autres, et pour tous peut-être à certains moments, la solitude reste un poids difficile à porter. Le sentiment d’isolement peut s’alourdir de questions existentielles : pourquoi pas moi ? de quoi sera fait mon avenir ? sur qui puis-je compter ? où trouver de l’affection ?

Et puis il y a les divorcés, et les veufs, qui, sans être célibataires, se retrouvent dans un quotidien qui peut ressembler, sous certains aspects, au célibat.

Je me suis dit que la Saint Valentin était un bon moment pour parler du célibat – et pas seulement aux célibataires ! Nous sommes tous concernés, non seulement pour mieux comprendre nos frères et sœurs célibataires, mais aussi parce que, en creux, réfléchir au célibat nous pousse à revisiter notre vision du couple et de l’amour.

Alors, je ne prétends pas aborder tout ce qui concerne le célibat ici ! Mais je voudrais partir du texte fondamental qui nous parle du couple, et qui se trouve au tout début de la Bible, dès le récit de la création de l’humanité. Je lis donc dans le livre de la Genèse, qui raconte de façon imagée les débuts de notre monde, au ch.2, qui zoome sur la création de l’humanité. Après avoir créé les cieux, la terre et tout ce qui les remplit, Dieu crée l’être humain, et il fait ce constat.

Lecture biblique : Genèse 2.18-24

18 Le Seigneur Dieu se dit : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. Je vais lui faire un vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir. »

19 Avec de la terre, le Seigneur façonna quantité d’animaux sauvages et d’oiseaux, et il les conduisit à l’être humain pour voir comment celui-ci les nommerait. Chacun de ces animaux devait porter le nom que l’être humain lui donnerait. 20 Celui-ci donna donc un nom aux animaux domestiques, aux animaux sauvages et aux oiseaux. Mais il ne trouva pas de vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir.

21 Alors le Seigneur Dieu fit tomber l’homme dans un profond sommeil. Il lui prit un de ses côtés et referma la chair à sa place. 22 Avec ce côté, le Seigneur fit une femme et la conduisit à l’homme.

23 Celui-ci s’écria : « Ah ! Cette fois, voici quelqu’un qui est plus que tout autre du même sang que moi ! On la nommera compagne de l’homme, car c’est de son compagnon qu’elle fut tirée. »

24 C’est pourquoi l’homme quittera père et mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviendront tous deux une seule chair.

 

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul »

Ce texte, incontournable des mariages, on a tendance à le lire sous l’angle du couple. Lorsque Dieu crée l’humanité, il la crée mâle et femelle, avec la promesse d’une union féconde sous le signe de la complémentarité : homme et femme sont appelés à s’unir et à se multiplier pour remplir la terre. C’est vrai que le texte zoome sur le couple, comme il zoome sur tout signe de l’émergence de la vie : incroyable, cette vie qui advient, et qui est appelée, avec la bénédiction divine, à grandir, se multiplier, et bouillonner dans ce monde. C’est un hommage au Créateur vivifiant qui invite ses créatures à pro-créer, co-créer, avec lui.

Sauf que, le constat de base nous invite à voir plus large que le couple. Ce constat, c’est que : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul… » (diapo) Le problème, c’est la solitude ! Après différentes tentatives, c’est la création de la femme qui vient résoudre ce problème : homme et femme pourront être en vis-à-vis, se secourir mutuellement et créer, procréer, ensemble.

Que nous dit la création de la femme ? C’est le besoin pour l’être humain d’avoir en face de lui un être semblable mais différent. Le besoin d’une solidarité profonde (on se comprend) mais aussi d’une différence, d’une altérité, qui vient nous enrichir. Cette ressemblance-différence, elle est visible dans le couple homme-femme, mais on la vit dans toutes les relations humaines ! Dans la fratrie, avec les autres générations, avec les amis, les collègues, les voisins, et même l’étranger qui croise notre route. Aucun être humain que vous croisez n’est à 100% différent de vous, comme s’il était d’une autre espèce ou d’une autre planète. Mais il n’est pas non plus à 100% comme vous. Pour répondre à la solitude humaine, Dieu crée d’autres humains, semblables mais différents.

Alors il y a des gens qui ne supportent pas d’être seuls, et d’autres qui se qualifient facilement d’ours/ d’ermites, et qui aiment être tranquilles. Cela dit, hors exception (car il y en a toujours), la solitude totale de l’être humain est quelque chose d’insupportable – et d’abord, pour Dieu ! Pour Dieu, la solitude est insupportable. Pourquoi ? Car lui ne la connaît pas ! La Bible révèle de manière un peu mystérieuse que Dieu est à la fois unique (il n’y en a qu’un) mais qu’il est pétri de relations, saturé d’amour, entre les 3 personnes indissociables qui le composent, et qu’on appelle Père, Fils, et Saint-Esprit. Dieu n’est pas seulement amour ! De toute éternité, il aime et est aimé. Alors quand il décide de créer l’être humain à son image, la solitude est impossible : l’être humain est appelé à aimer et être aimé. A être en relation avec des personnes semblables mais différentes, à qui il peut donner mais de qui il peut aussi recevoir.

Le couple comme signe du besoin d’amour

Le couple est présenté, dans le texte biblique, comme une relation à part. On y trouve une différence incompressible : homme et femme fonctionnent vraiment différemment, au point que certains clament qu’on vient de 2 planètes différentes  Mais la proximité, l’intimité, l’union, dans le couple se vit de manière unique, charnelle. C’est la relation humaine ultime, dans la différence et l’unité.

Alors ça c’est l’idéal – et quand on est jeune, on s’imagine souvent qu’il s’agit de trouver chaussure à son pied. Cette recherche de l’âme sœur conduit parfois à des problèmes dans le mariage : quand ça coince, c’est que l’autre n’est pas « le bon », donc si je change de conjoint ça ira peut-être mieux. Il y a des gens comme ça qui enchaînent les relations, en quête de l’âme sœur. Je connais aussi des célibataires qui le sont parce qu’ils n’ont pas rencontré l’âme sœur, la personne qui correspond à leurs critères. La faille dans cette vision des choses, c’est que l’autre n’est pas une chaussure, c’est un pied ! Eh oui, dans toute relation, nous sommes des pieds, et personne n’est une chaussure pour l’autre ! Dans sa différence, l’autre (qu’il soit mon conjoint, ou, dans une moindre mesure, mon enfant, ma mère, mon frère ou mon amie), dans sa différence l’autre n’est pas une chaussure faite sur mesure pour répondre à mes attentes. Du coup, dans le mariage comme dans toute relation, on peut finalement se sentir très seul: on peut être incompris, rejeté, décalé, trahi…

Et là on touche à quelque chose de crucial : Dieu nous a créés à son image, et il nous a câblés pour aimer & être aimés. Mais il ne nous a jamais programmés pour que l’amour humain soit notre seul horizon. Au contraire, il a tissé dans notre humanité un besoin fondamental de l’autre, comme signe de notre besoin de l’Autre ! La seule source d’amour qui peut complètement envelopper notre pied, notre cœur, et nous combler – c’est l’amour de Dieu. C’est la relation avec Dieu. Et toutes nos relations humaines sont des reflets, des images, des expériences, des débordements de cette relation d’amour que Dieu veut d’abord vivre avec nous.

L’apôtre Paul comprend très bien cela lorsqu’il dit :

Comme il est écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. » 32 Il y a là un grand projet de salut. Je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. (Ephésiens 5.21-32)

Le couple n’est pas l’horizon ultime de notre bonheur et le sens de notre vie. C’est un signe, comme toute relation d’amour, un signe de l’amour que Dieu veut vivre avec nous, en Jésus.

On a beau être chrétiens, on oublie parfois cette réalité, et on place sur le couple toute la responsabilité de notre bonheur affectif, de notre équilibre émotionnel. Mais le couple n’est pas tout, et on a tendance à l’oublier quand on veut caser les gens à tout prix, comme s’ils n’existaient pas tant qu’ils n’étaient pas mariés. Les célibataires nous rappellent, par leur présence, que l’amour dont nous avons besoin est plus large que l’amour du conjoint. Dieu en est la seule source vivifiante, une source qui déborde dans différentes relations humaines. Même si vous êtes marié, comme un célibataire, vous avez besoin d’amitié, de fraternité, de complicité, en dehors du seul cadre du couple, non ?

Accueillez-vous les uns les autres

Jésus nous appelle à nous aimer les uns les autres dans l’église. Paul nous invite à nous accueillir les uns les autres. Alors on aime bien parler de communion fraternelle dans l’église, on aime boire le café et manger ensemble – et c’est très bien ! Mais dans l’église, au nom d’un Père commun, au nom d’un Sauveur qui nous unit à lui avec un amour d’une profondeur infinie, un amour inaltérable, au nom du saint Esprit qui nous fait voir la vie autrement, la fraternité signifie que, quelle que soit notre situation de vie, quel que soit l’état de nos relations au quotidien, l’Eglise est un lieu où personne n’est seul. Où nous pouvons compter les uns sur les autres. A cause de l’amour du Père répandu dans notre cœur par l’Esprit saint et garanti par le Christ mort et ressuscité, l’isolement n’est plus de mise.

J’aimerais simplement donner 3 pistes pour vivre la fraternité dans l’église, en particulier avec ceux qui vivent seuls.

1/ l’hospitalité. Inviter des personnes différentes. Vous avez remarqué que souvent on invite ceux qui nous ressemblent (couple jeune/couple jeune ; générations/ catégories sociales…) oser inviter dans autre catégorie.

2/ cela suppose d’apprendre l’écoute véritable. Souvent on discute de ce qu’on a en commun – mais mariés/ célibataires n’ont pas les mêmes préoccupations : oser poser des questions ouvertes. S’intéresser. Prier avec et pour. Conversations profondes – pas simplement « comment ça va »: être un vis-à-vis.

3/ proposer des services concrets. Un des défis pour les célibataires, c’est de manquer d’un partenaire attitré notamment pour s’entraider (trajets pour des rdv médicaux, bricolage, aide matérielle…). La sensation d’être démuni. Penser à demander si l’autre a besoin d’aide.

Conclusion

Ne limitons pas l’amour à l’amour romantique, à l’eau de rose, mais ouvrons – en hauteur, vers Dieu, en largeur, vers différentes relations dont la richesse et la diversité sont un hommage à cet amour divin inaltérable. Alors explorons, chacun, dans notre vie, là où nous en sommes, cet amour tous azimuts, en hauteur, en largeur, en longueur et en profondeur.

Reconnaître l’autorité de Jésus

Ce n’est pas toujours simple de respecter l’autorité de quelqu’un d’autre… Si certains sont vraiment à l’aise pour entrer dans le moule et suivre les instructions, sans trop se poser de questions, d’autres se méfieront toujours de ce qu’on leur impose. C’est vrai dès l’enfance, où obéir est difficile ! Mais ensuite, le problème demeure : en famille, où les rapports d’autorité peuvent conduire à des conflits ou des ruptures ; dans les études, quand on remet en cause les profs et la pertinence de ce qu’ils nous demandent ; et bien sûr au travail, où les rapports d’autorité peuvent très bien se passer mais peuvent aussi ressembler à une croix qu’on porte jour après jour, si notre n+1 est incompétent voire injuste et malveillant.

Evidemment, en France, patrie des révolutionnaires, l’autorité passe mal, d’autant plus à une époque où les hiérarchies se sont nettement assouplies : les droits de chacun sont davantage mis en avant, on se réclame de l’égalité. Dans ce contexte, l’autorité est douteuse – ne va-t-on pas me voler ma liberté ? Me forcer à faire ce que je ne veux pas ? Et puis, Untel, qu’il soit ministre ou chef d’équipe, ne restera peut-être pas à son poste indéfiniment – donc faut-il vraiment lui obéir ?

En tant que chrétiens, le virage vers la soumission à Dieu est raide. Que nous soyons brebis dociles ou moutons noirs, il y a forcément quelque chose qui coince, tout simplement parce que reconnaître que je ne suis pas le maître du monde, ou juste le maître de ma vie, vient heurter mes aspirations, mes désirs voire mes délires. Le péché originel, fondamental, n’est-ce pas un couple qui décide de faire fi des demandes de Dieu, et de décider pour lui-même ce qui est le mieux ?

Le sujet est vaste, sûrement à nuancer selon les personnalités et les cultures, mais le texte qui nous est proposé aujourd’hui dans la liste des lectures bibliques vient nous interpeller. Nous sommes dans l’Evangile de Matthieu, plutôt au début des 3 ans où Jésus parcourt le pays d’Israël en apportant enseignements et guérisons. Il commence à être connu, mais peu se doutent de qui il est vraiment.

Lecture biblique : Matthieu 8.5-13

5 Au moment où Jésus entrait dans Capharnaüm, un centurion (du grade de sergent à peu près, commandant une troupe de plusieurs dizaines d’hommes – dans le monde du travail, ce serait un chef d’équipe sur le terrain) un centurion s’approcha et le supplia :

6 « Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, il est paralysé et souffre terriblement. »

7 Jésus lui dit : « Moi je viendrai le guérir. »

8 Mais le centurion répondit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. Mais dis seulement un mot et mon jeune serviteur sera guéri !

9 Car je suis moi-même soumis à mes supérieurs et j’ai des soldats sous mes ordres. Si je dis à l’un : “Va !”, il va ; si je dis à un autre : “Viens !”, il vient ; et si je dis à mon serviteur : “Fais ceci !”, il le fait. »

10 Quand Jésus entendit ces mots, il fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « Je vous le déclare, c’est la vérité : je n’ai trouvé une telle foi chez personne en Israël.

11 Je vous le dis, beaucoup viendront de l’est et de l’ouest et prendront place à table dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob. 12 Mais ceux qui appartenaient au royaume seront jetés dehors, dans l’obscurité, où ils pleureront et grinceront des dents. »

13 Puis Jésus dit au centurion : « Retourne chez toi, que tout se passe pour toi selon ta foi ! » Et le serviteur du centurion fut guéri à ce moment même.

         

Un récit de miracle : au-delà des frontières

Alors que Jésus rentre au village de Capharnaüm, un de ses QG, un centurion s’approche de lui, avec une demande voilée : son serviteur (manifestement estimé) est malade – sous-entendu, est-ce que Jésus peut faire quelque chose pour lui ? La réaction de Jésus est immédiate : « j’arrive ! » Il voit quelqu’un en détresse, et il accourt. Cette rencontre nous en dit long sur la disponibilité de Jésus, sur son empressement à faire du bien. C’est le même Jésus qui vit encore aujourd’hui, avec qui nous sommes en relation.

Son empressement est d’autant plus remarquable que ce centurion est le premier non-Juif à l’approcher, mais ce n’est pas un simple étranger, un touriste ou un frontalier : il appartient aux forces d’occupation romaines qui ont Israël en leur pouvoir, avec un degré de popularité que vous pouvez imaginer ! Alors, l’Evangile de Luc précise que ce centurion-là était plutôt bien vu, mais il reste un ennemi, au niveau politique. Dans ce chapitre, le disciple de Jésus, Matthieu, nous présente trois histoires de guérisons, trois histoires toutes simples mais révolutionnaires : Jésus guérit un lépreux (donc un Juif malade, impur, mis en quarantaine), le serviteur d’un officier romain, et une femme, la belle-mère de Pierre.

Trois catégories de personnes qui étaient souvent mises de côté dans la société juive. Jésus abat les frontières : sa compassion est pour tout le monde. Par lui, l’amour de Dieu rejoint toutes les catégories de personnes – et c’est encore vrai aujourd’hui ! Jésus veut encore apporter l’amour de Dieu à tous, qu’ils soient bien ou mal vus, qu’ils soient respectables ou méprisés… Pour lui, quelles que soient nos catégories, il y a juste des personnes à rencontrer et à aimer.

Cette rencontre met en avant la puissance de Jésus qui guérit, qui n’a d’égale que sa bonté et son amour. Si l’échange s’était arrêté là entre le centurion et Jésus, c’est la leçon principale qu’on retiendrait. Mais la réaction du centurion romain introduit un rebondissement dans l’histoire qui déplace notre attention de Jésus au centurion lui-même comme un projecteur qui viendrait l’éclairer plus fort.

          Une foi étonnante

Le centurion refuse la venue de Jésus chez lui ! Vous imaginez ? « Viens ! non, pas trop près ! » C’est étrange ! Bon, le centurion était sûrement au courant qu’un Juif pieux n’avait pas vraiment le droit d’aller chez un étranger, parce que ça transgressait les règles de pureté et ça le mettait en difficulté pour participer aux rites juifs. Donc il y a sûrement le respect des traditions juives dans sa réaction. Mais pas seulement !

La raison que le centurion donne, c’est qu’il reconnaît l’autorité de Jésus. Il reconnaît sa puissance, ou plus précisément la puissance de sa parole et de ses pensées. Lui, il a l’habitude de la hiérarchie, de voir des ordres se réaliser, d’obéir et d’être obéi. Et il comprend que les miracles de Jésus ne relèvent pas de la magie ou d’une compétence particulière, mais qu’ils découlent de l’identité de Jésus. Identité mystérieuse, mais sous-jacente : qui d’autre que le créateur peut parler et la chose arrive (comme dit le psaume 33) ? qui d’autre que Dieu pense – et sa pensée se réalise, sans aucun intermédiaire ? Jésus a l’autorité du Créateur.

La foi du centurion touche à la vérité de qui est Jésus, avec un discernement d’une clarté époustouflante. Et Jésus en est époustouflé. D’habitude, dans les Evangiles, ce sont ceux qui entourent Jésus qui sont époustouflés : ses disciples, les foules, même ses opposants. Jésus bouleverse leur vision du monde ! Mais cette rencontre avec le centurion est la seule fois, dans les Evangiles, où Jésus est bouleversé, époustouflé, admiratif. La seule.

Il en est tellement retourné qu’il en tire un commentaire : cet étranger est un digne héritier du croyant Abraham, qui avait tout quitté à cause d’une promesse folle de Dieu. Sa foi le fait entrer dans la grande famille de Dieu, autour de cette table de réjouissance, de communion, de fraternité qui réunit ceux qui aiment Dieu, peu importe leur origine. Mais Jésus donne aussi un avertissement : ceux qui s’imaginent avoir leur place attitrée auprès de Dieu à cause de leur origine, de leurs œuvres, de leurs traditions ou de leurs valeurs, ceux-là se trompent. Toutes ces choses-là sont dérisoires devant Dieu. Seule la foi, seul le cœur qui reconnaît ses failles et ses fautes pour demander secours à Jésus, seule cette confiance a du poids. Parce qu’elle laisse Dieu être Dieu, et agir.

          La place de l’autorité

Qu’y-a-t-il de particulier chez ce centurion ? Il a confiance en Jésus ? bien des malades guéris aussi ! Il est humble ? il n’est pas le seul ! Plusieurs approcheront Jésus avec respect pour le Maître, le Rabbi. Ce qui semble unique chez cet homme, c’est qu’il reconnaît l’autorité suprême de Jésus. Au-delà de ce que Jésus peut faire, le centurion voit qui Jésus est. Il n’a pas foi en quelque chose, mais en quelqu’un.

Quelqu’un qui possède la puissance du Créateur, mais aussi sa bonté. N’est-il pas plus facile de suivre un chef compétent qui ne veut que notre bien ? que notre salut ? qui nous aime du plus profond de son cœur ? Le centurion ne le sait pas, mais quelques mois plus tard, ce Créateur devenu homme, il va mourir pour nous libérer du poids de nos fautes. Ce n’est pas un chef qui écrase ou qui domine, mais qui bénit et qui relève, à l’autorité douce.

D’ailleurs, le centurion, aussi respectueux soit-il, n’a pas hésité à venir à Jésus, il lui a confié sa demande, il a osé ! Respecter Jésus comme sauveur et comme Seigneur, ce n’est pas se taire à tout jamais ou ne rien demander. C’est choisir de mettre en avant sa puissance et sa bonté. Peut-être que parfois, sous couvert de soumission, nous ne confions pas assez notre vie à Jésus, parce que nous avons une image trop petite de lui. Paradoxalement, reconnaître l’autorité de Jésus, c’est venir à lui librement.

Soyons clairs : les diverses rencontres racontées dans les Evangiles nous montrent que Jésus ne mesure pas la foi avant d’y répondre. Il n’attend pas un certain taux de foi pour accéder aux requêtes ! un simple mouvement vers lui est déjà pris en compte, et Jésus répand largement ses bénédictions. Pour que Jésus vous écoute, vous n’avez pas besoin de passer un certain niveau, d’avoir un diplôme de foi. Votre simple cri vers lui, même sans mots articulés, même sans savoir trop qui il est, votre simple cri est entendu.

Il n’empêche que la foi du centurion nous invite à ne pas rester à une foi première, rudimentaire, viscérale, mais à discerner de plus en plus l’autorité du Christ, son identité divine et sa dignité, sa gloire, que nous sommes appelés à respecter. Je vais prendre un exemple.

Imaginez des parents, assis dans le salon. Ils entendent un cri dans la chambre, leur fils adolescent les appelle car il est tombé en allant chercher un carton en haut du placard. Il s’est sûrement cassé quelque chose et il souffre terriblement. A priori, les parents vont l’emmener aux urgences. Il n’y pas vraiment de suspense ! Mais la situation se vivra complètement différemment si leur fils les insulte ou s’il leur parle avec respect et confiance. La relation parents-enfant n’en ressortira pas pareil. L’amour des parents ne changera pas, mais la qualité de leur relation vécue ne sera pas la même.

Jésus n’attend pas notre respect et notre reconnaissance pour nous aimer et nous répondre. Mais nous avons tout à gagner à grandir dans ce respect, à devenir pas seulement des croyants, mais aussi des disciples, qui reconnaissent son identité divine, sa puissance et sa bonté – parce que c’est là que notre relation avec lui accueillera les plus belles bénédictions.

Le Notre Père, une prière missionnaire!

L’attente est une position difficile à tenir. En général, nous détestons attendre – quel que soit l’évènement, bon ou mauvais. Certains sont dans l’impatience, la frustration, l’agitation parce que cette attente est insoutenable. D’autres, tout aussi impatients, se découragent et baissent les bras. J’en connais qui calculent 10 coups à l’avance, quand d’autres se laissent simplement porter – on verra bien demain.

L’attente fait partie de la foi chrétienne. Le chrétien est quelqu’un qui attend. Qui attend le règne de Dieu. La Bible en effet nous livre une promesse : le Dieu qui nous sauve en Christ n’a pas dit son dernier mot, et il prépare l’instauration d’un monde autre, un monde entièrement renouvelé par la puissance du Christ. Son règne, ou royaume, dans le Nouveau Testament.

La période de l’Avent, qui s’ouvre aujourd’hui, est traditionnellement le temps de l’espoir. Le temps de l’attente. On se tourne vers le Christ – préparant la fête de Noël, de sa naissance, on médite en parallèle la promesse de son retour, lui le ressuscité qui règne déjà avec Dieu. Ce que nous vivons aujourd’hui avec Dieu n’est qu’un avant-goût, un avant-goût incroyable et bouleversant, qui en dit long sur ce que Dieu a en réserve : pas seulement pour notre bonheur personnel, mais pour un monde entièrement renouvelé – sans faim, ni larmes, ni cruauté, ni injustice, ni maladie, ni mort.

Ce monde renouvelé, ce royaume de Dieu, c’est la priorité de Jésus : « changez, car le royaume de Dieu arrive ! » Sa vie, ses enseignements, ses miracles, proclament la possibilité d’une vie nouvelle. Sa mort et sa résurrection en posent les fondements. Assis auprès de Dieu, il inaugure cette nouvelle ère, dont nous attendons les dernières étapes de réalisation. Comment attendre ce royaume ? Dans une prédication de Jésus sur la vie spirituelle authentique, on trouve un modèle de prière qu’au maximum vous priez trois fois par jour et qu’au minimum vous avez au moins entendu dans un film. Le fameux « Notre Père ». Cette prière nous livre quelques indices sur notre attente du royaume de Dieu. Je ne vais pas le lire dans sa version récitable, mais dans une traduction plus récente.

Lecture biblique : Matthieu 6.9-13

9 Vous donc, priez ainsi :

“Notre Père qui es dans les cieux, que chacun reconnaisse qui tu es ;

10 que ton règne vienne ;

que ta volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux.

11 Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin.

12 Pardonne-nous nos torts,

comme nous pardonnons nous aussi à ceux qui nous ont fait du tort.

13 Et ne nous laisse pas entrer dans la tentation

mais délivre-nous du Mauvais.”

Hiérarchiser les priorités ou une seule priorité ?

Il y a quelques années, on m’a montré que cette prière, que je connaissais par cœur mais à laquelle j’avais finalement rarement réfléchi, était en 2 parties : une consacrée aux priorités de Dieu, la deuxième consacrée à nos besoins. D’abord Dieu, puis nous. Un peu comme dans les 10 commandements d’ailleurs, où les 3-4 premiers commandements se focalisent sur notre relation avec Dieu, et le reste sur notre relation aux autres.

Quand on croit en Dieu, notre horizon s’élargit : je ne suis plus au centre du monde. Dieu est roi. Par la foi, nous le reconnaissons vivant et puissant dans ce monde. Dans la prière, Dieu prend sa place – pas comme un simple pourvoyeur de solutions, mais comme le Maître, le roi dont les projets sont prioritaires. Et ça se voit dans la prière : Dieu prend la 1e place ! C’est légitime que ses projets prennent le pas sur les nôtres, car il voit au très long terme (l’éternité), ses plans surpassent en qualité ce que nous pouvons imaginer pour le monde, et il a la puissance pour les accomplir. D’après la Bible, pour résumer ces projets, on peut dire : justice et paix, amour et vérité.

C’est une bonne habitude de commencer nos prières par Dieu avant d’exprimer nos besoins. Peut-être un moment de louange et d’adoration (Dieu, tu es…), ou peut-être un moment d’intercession (Dieu, tu es juste, que ta justice se révèle, que ta paix s’accomplisse, que d’autres te reçoivent…) etc. Dans ce modèle de prière, Jésus nous invite à vraiment reconnaître Dieu à l’œuvre et à faire la part belle à ses projets.

Mais je me demande si ça s’arrête là. Vous voyez, j’ai l’impression que parfois, on traite les projets de Dieu comme des priorités, mais des priorités déconnectées de nos priorités. Pour transposer dans notre quotidien : il faut s’occuper de l’ado malade au fond de son lit avant de vérifier les devoirs du petit, ou payer les factures d’EDF avant d’acheter un nouveau sac. On hiérarchise nos priorités, en fonction de l’importance & de l’urgence, mais en fait, nos actions n’ont pas grand-chose à voir ensemble. Et je me demande si parfois on ne prie pas pour les projets de Dieu avec foi, zèle et consécration, et puis on referme le chapitre pour passer à nos préoccupations : la santé d’un proche, une offre d’emploi ou des relations compliquées au travail, l’éducation des enfants ou les rencontres familiales (à l’approche de Noël, c’est souvent un sujet tendu !).

Mais peut-être que Jésus nous invite à aller plus loin. A ne pas hiérarchiser nos priorités, mais à changer de priorités. A ne pas faire des prières où Dieu a la 1e place, mais où il a toute la place. Cette 2e partie, sur moi, mes besoins, est-ce vraiment une invitation à fermer le chapitre des priorités de Dieu pour enfin revenir à moi ? Et je dis ça sans donner de leçons ! Moi aussi, j’ai tendance à faire ainsi ! Ne serait-ce pas plutôt une invitation à aligner mes priorités sur celles de Dieu ? Que ta volonté soit faite – sur la terre, comme elle l’est au ciel. Que ta volonté soit faite dans le monde… A commencer par mon monde : mon cœur, mes pensées, et donc mes choix, mes relations et mes engagements, mes paroles et mes actions… Que ta volonté soit faite dans chacun des domaines de ma vie ! Et pour cela, pour que sa volonté soit faite, que Dieu nous accorde :

  • les moyens d’agir (le pain, le toit, les ressources, la force nécessaires),
  • la grâce qui encourage et offre de nouvelles chances – c’est d’ailleurs pour cela que Dieu nous sauve en Christ, qu’il nous libère du poids de nos péchés et de qu’il allège nos fardeaux, qu’il efface notre honte et notre culpabilité : pas seulement pour que nous vivions une vie plus libre, plus agréable, mais pour que nous vivions avec lui et que nous puissions entrer pleinement dans ses projets éternels, dès maintenant !
  • la protection de tentations qui nous feraient dévier de notre mission.

Que Dieu nous accorde tout ce dont nous avons besoin pour participer à sa mission. C’est une prière missionnaire ! Qui montre la mission que Dieu se donne, qui nous invite à la faire nôtre, et où nous demandons à Dieu de donner les moyens pour l’accomplir.

Un peu plus loin dans sa prédication, Jésus résume cette attitude : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes choses vous seront données en plus.

Une prière qui oriente nos priorités et nos choix

Pourquoi, en tant que croyants, ne le vivons-nous pas spontanément ? Parce que le règne de Dieu est invisible ; parce qu’il évoque des réalités si larges qu’on en a le vertige ; parce que notre réalité présente nous agrippe.

Il y a dans cette prière du Notre Père une rééducation (constante) à vivre : (ré)apprendre à élargir notre horizon, à considérer des enjeux qui dépassent ma compréhension du présent. Apprendre à scruter notre quotidien en disant : qu’est-ce que tu fais, ô Dieu ? Comment ton règne peut-il avancer dans ce que je vis, dans ce que je connais, dans ce que je suis ? Vous n’êtes pas obligés de le réciter 3 fois par jour… Mais ça reste une prière formatrice, qui façonne notre manière d’aborder nos situations.

Prier à la façon du Notre Père nous engage. Prier en se centrant sur les projets que Dieu est en train de réaliser, oriente notre vie. C’est un appel à poursuivre le règne de Dieu, à viser de tout notre être la cible qu’il nous donne, à nous y investir avec tout ce que nous sommes – nos ressources, nos lieux d’influence, nos occupations, nos talents…

  • Peut-être dans l’éducation des enfants: pas seulement désirer des enfants sages et obéissants, mais généreux et passionnés par justice, passionnés par la vérité. Ou dans le couple : ne pas attendre de l’autre qu’il me fasse plaisir d’abord, mais de le servir pour qu’il grandisse lui aussi dans la justice & la paix de Dieu.
  • Peut-être dans nos finances (sujet ô combien sensible en général, et peut-être en particulier avant Noël…) : qu’est-ce que l’utilisation de notre argent reflète ? Dans le numéro de Croire & Vivre de novembre, on lit le témoignage d’une mère de famille qui s’est retrouvée veuve, et qui a fait le choix de parrainer des enfants avec le SEL même si elle n’était pas tout à fait sûre de son budget – pour elle c’était une façon de parier sur le règne de Dieu, sur l’avancement de sa justice dans le monde. D’autres miseront sur l’équitable, en achetant moins, mais plus juste. Ou ils s’investiront dans des projets humanitaires… Comment parions-nous sur le règne de Dieu avec nos ressources (temps, argent,…) ?
  • Ou encore dans notre façon de travailler. Honnêtement, tous les emplois ne sont pas des vocations, et parfois c’est difficile de faire le rapprochement entre travail et règne de Dieu. Mon mari vend du fromage, et même si j’espère qu’il y aura beaucoup de fromage dans le monde que Dieu prépare, ce n’est pas inhérent à l’activité de commerce de fromage de préparer le règne de Dieu. Mais ! dans son activité, il peut être témoin de ce règne de Dieu qui vient : en étant honnête envers clients et patron, respectueux de ses collègues, à l’écoute et au service – et croyez-moi, vu ce qu’il me raconte, c’est pas gagné ! Franchement, cette attitude-là, quoi qu’on fasse, on peut l’adopter. Dans un travail de bureau ou de terrain, au lycée ou dans nos activités de loisirs : chercher ce qui est juste et qui favorise la paix.

Jésus nous invite à ne pas juste attendre le règne de Dieu, mais à le préparer dans notre vie personnelle, dans tout ce que nous sommes et faisons, dans toutes nos préoccupations. Il nous invite à constamment réaligner nos préoccupations sur les projets de Dieu, à le reconnaître comme Roi – non seulement du monde, mais de notre petit monde perso. Mais ce Roi est un Roi qui ne se contente pas de nous donner un sens, une orientation : il prend soin de nous et il nous donne tout ce dont nous avons besoin pour avancer dans cette direction, car il est notre Père céleste, il nous connaît, il nous aime et il nous conduit.

Miser sur l’éternité

Dans les moments de joie, de bonheur, c’est facile de se sentir connecté. Connecté à Dieu, aux autres, à soi… La vie semble couler de source, on est dans la gratitude, ou, plus souvent, dans l’insouciance. Le hic, c’est quand les difficultés arrivent – et il y a toujours des difficultés qui arrivent, pour tout le monde, à tous les âges, de… 7 à…, non, en dessous de 7 ans ! 7 mois, 7 jours ? jusqu’à la fin, 77 ans ou plus !

Un collègue qui vient nous compliquer la vie, un projet qui coince, un accident, une crise familiale ou financière, une trahison… ou tout simplement la vie qui répand son lot de séparations, de maladies, de deuils. Dans ces difficultés-là, en plus du problème à résoudre ou de la douleur qu’on ressent, bien souvent, s’ajoute la sensation d’être isolé, démuni, seul pour porter ces fardeaux. Dans ces moments-là, on peut se sentir déconnecté – de soi (on se sent perdu), des autres (qui pourrait nous comprendre, ou nous aider ?), et même de Dieu : où est-il, lui, quand le bonheur s’effondre ?

Ces questions se posent à nous, qu’on ait la foi ou pas d’ailleurs. Pour un chrétien, cela peut le porter au doute, puisque la foi nous rapproche d’un Dieu qui nous bénit, nous protège, nous guide. Mais parfois on va plus loin et on imagine que la foi c’est comme un joker – puisqu’on est connecté à Dieu, on est déconnecté des réalités d’un monde en souffrance qui ne tourne pas rond… nos enfants sont protégés, notre couple va bien, nos finances sont abondantes, notre maison est assurée et notre corps est sain. Certains se sentiront même coupables : « si ça m’arrive, c’est que j’ai mal fait quelque chose. J’ai dû déplaire à Dieu d’une certaine façon ou alors je n’ai pas assez la foi ». Et même chez ceux qui ne croient pas, les épreuves, les crises, auront parfois un côté « séisme » qui nous met devant les « pourquoi » de la vie. Pourquoi ? Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

On trouve dans la Bible quelques lettres d’un chrétien dont la foi a beaucoup rayonné. Il a fondé et influencé bien des églises en Méditerranée. Il s’appelle Paul, et lui aussi a traversé bien des difficultés : disputes et trahisons, arrestations et séances de torture, problèmes de santé, problèmes d’argent… Dans une lettre qu’il écrit aux chrétiens de Rome, pour les aider à progresser dans la foi, il aborde la question de cette connexion avec Dieu, en particulier dans les difficultés. Romains 5.1-5

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

Paul commence par rappeler toutes les bonnes et belles choses que Dieu nous offre grâce au Christ : puisque Jésus a assumé nos fautes devant Dieu, nous sommes déclarés justes, libérés de la honte et de la culpabilité. Nous n’avons plus à prouver notre valeur ou à mériter l’amour de Dieu – nous comptons sur le Christ. Nous sommes donc en paix avec Dieu : une paix paisible, oui, mais plus que ça – nous sommes unis à Dieu, partenaires, amis. Nous vivons, nous demeurons, dans l’amour débordant, généreux (la grâce) de Dieu. Voilà notre lot ! La grâce ! L’amour patient, bienveillant, encourageant de Dieu. Et, nous sommes pleins d’espoir : puisque le Dieu d’éternité nous rejoint aujourd’hui et nous aime aujourd’hui, ce n’est pas pour nous abandonner… Il nous promet de vivre pour toujours avec lui : Jésus a vaincu tout ce qui pouvait nous séparer du Dieu qui fait vivre, jusqu’à la mort même.

Ainsi Paul peut-il dire qu’il met sa fierté dans son espérance. Sa fierté ! Quand on met notre fierté dans quelque chose, c’est qu’on y met notre joie, notre assurance, notre identité. Paul met son assurance, sa joie, son identité, dans la certitude de vivre pour toujours avec Dieu, dans sa gloire, c’est-à-dire, son éternité.

Mais c’est surtout la suite qui m’intéresse, parce que, je le disais tout à l’heure, la vie n’est pas toujours si simple !

… nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

Paul ne s’étend pas sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons dans la difficulté. Notre monde est perturbé et tous en font les frais, depuis les catastrophes naturelles jusqu’aux recoins sombres de notre cœur. Par contre, même sans donner d’explication sur ce qui nous arrive personnellement, Paul nous oriente sur la façon de vivre ces difficultés.

         L’épreuve : moment de vérité et exercice

Paul choisit de voir nos difficultés comme des moments de vérité. On le fait assez naturellement avec Dieu : “aha, puisqu’il m’arrive cela, ça prouve que… Dieu n’existe pas, Dieu est indifférent ou il se moque de nous, Dieu nous en veut…” Mais là, Paul regarde à sa longue expérience de chrétien, et il nous invite à changer de perspective. Nos difficultés sont des moments de vérité, oui, aussi sur ce que nous sommes. sur notre vie. sur ce qui en fait sa valeur.

Car c’est dans la difficulté que se révèle notre caractère : tout le monde peut être optimiste quand tout va bien. Si vos enfants sont toujours sages et obéissants, pas besoin d’être patients. Si vos amis tiennent toujours parole, il n’est pas question de leur pardonner.

Pour être plus précis, la difficulté révèle notre caractère, mais elle le forge aussi ! Je suis tombée une fois sur un sondage qui rapportait qu’une étonnante majorité de personnes (j’ai oublié les chiffres) reconnaissait que c’est dans l’épreuve qu’ils avaient grandi. Évidemment, ça on le sait après, parce que pendant l’épreuve, on se sent juste écartelé. L’épreuve nous exerce, nous oblige à grandir. On le voit autour de nous : ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche sont souvent moins déterminés que ceux qui ont dû se battre pour arriver là où ils sont aujourd’hui.

Comment l’épreuve peut-elle forger notre caractère ? Paul évoque 3 éléments : la persévérance, le courage, et l’espérance. C’est quand il est difficile de croire que la foi grandit, c’est quand on a peur que le courage se manifeste, et c’est quand on ne voit plus très bien où on va que l’espérance joue son rôle. Dans les histoires de héros, il y a quelque part un rêve tellement grand que le futur héros surmonte tous les obstacles pour y arriver. Et dans ce processus, il ne fait pas qu’affirmer son rêve, il mise dessus, il s’y accroche, et plus il avance, plus son rêve est solide parce qu’il l’a choisi, re-choisi, et re-choisi.

Le point commun de la persévérance, du courage et de l’espérance, c’est de nous tourner vers ce qu’on ne voit pas encore. De nous exercer à miser sur Dieu.

Choisir l’éternité

Mais à quoi bon s’exercer et surmonter des épreuves ? Est-ce qu’il y a un sens à tout ça ? Sinon, l’épreuve, c’est juste une expérience qui nous vide et nous casse. Le rêve de Dieu, c’est que nous devenions des personnes qui misent sur l’éternité.

Attention, loin de moi l’idée de relativiser les horreurs que nous pouvons vivre. Perdre un proche ou un enfant, être agressé physiquement, sentir son corps se désagréger, vivre dans l’insécurité ou la précarité – dans la Bible, Dieu ne justifie pas ces expériences, il ne vous envoie pas des calamités pour vous pousser à travailler telle compétence. Il n’est pas question de rechercher les détresses pour progresser, comme une discipline de la douleur.

Là où Paul nous interroge c’est sur notre perspective : puisque nous traversons tous des difficultés, (tous ! croyants ou pas), qu’est-ce que nous en faisons ? Cette perspective est essentielle. Vous connaissez l’adage : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Sauf que je suis sûre que vous avez dans votre entourage plein de personnes qui ont beaucoup souffert et qui ne sont pas pour autant devenues plus courageuses ou pleines d’espoir ! Les obstacles ne nous rendent pas automatiquement plus forts – selon la gravité de ce qu’on vit, ils nous fragilisent même plutôt et nous font entrer en mode « auto-défense » (résignation, amertume, méfiance…).

Bien des croyants diront : « je n’aime pas les épreuves, mais c’est vrai que dans ces cas-là, je me sens plus proche de Dieu, car à ce moment-là j’ai besoin de sa présence et de son aide (sous-entendu : quand ça va bien, on pense moins à se tourner vers Dieu) ».  Peut-être même que sans croire vraiment, quelqu’un pourrait prier dans la difficulté, et puis, une fois le problème résolu, on passe à autre chose. On peut très bien utiliser la foi comme béquille au cœur de la tourmente, et ranger la béquille au placard dès que c’est fini, comme après une entorse. Et finalement, Dieu nous aura aidés à traverser la difficulté, mais rien n’aura vraiment changé dans notre vie. Cette difficulté sera un souvenir mais elle ne nous aura pas rapprochés de Dieu. C’est comme dans un couple : face aux crises, on peut craquer et se séparer, chercher une solution à court terme (p. ex. l’un des deux prend sur lui mais le couple s’assèche), ou bien chercher une solution à long terme (et c’est là que le couple se rapproche et devient plus fort).

Dieu ne se rapproche pas de nous en Christ, pour nous éviter les problèmes ou pour résoudre plus vite nos problèmes. Il n’est pas le « Waze » de la vie, pour nous éviter les embouteillages, les accidents, et nous aider à aller plus vite là où nous voulons aller. Souvent, même en tant que chrétiens, nous avons une vision à très court terme de ce qu’est le bonheur ou la vie en paix : famille, travail, maison, et surtout la santé ! Mais Dieu veut nous conduire à sa destination – éternelle, pas à notre destination bien humaine, fragile et à validité limitée. Dieu veut nous conduire plus loin ! Alors il est ravi de nous faire passer dans des petits coins sympa le long de la route. Mais quand il y a un problème sur la route, son rêve, c’est que nous gardions le cap. Et le cap, c’est d’être avec lui, aujourd’hui, demain, pour l’éternité.

La conséquence directe, c’est que Dieu ne nous abandonne pas ! Il est avec nous, aujourd’hui et pour toujours, qu’on le voie à l’œuvre, ou pas. Notre part, à nous, dans la difficulté – mais aussi dans les bons moments d’ailleurs – c’est de miser sur Dieu. De placer notre assurance en lui, notre joie, notre identité – quoi qu’il arrive ! De lui demander, pas seulement de l’aide ponctuelle pour aujourd’hui, mais aussi de nous faire grandir dans sa perspective d’éternité. De nous remplir de ce qui ne périt pas. Et ça, seul le Dieu éternel peut le faire. Lui, il nous remplira de son amour, de sa présence, de sa force. Lui, il remplira notre présent de son éternité.