Dans les moments de joie, de bonheur, c’est facile de se sentir connecté. Connecté à Dieu, aux autres, à soi… La vie semble couler de source, on est dans la gratitude, ou, plus souvent, dans l’insouciance. Le hic, c’est quand les difficultés arrivent – et il y a toujours des difficultés qui arrivent, pour tout le monde, à tous les âges, de… 7 à…, non, en dessous de 7 ans ! 7 mois, 7 jours ? jusqu’à la fin, 77 ans ou plus !
Un collègue qui vient nous compliquer la vie, un projet qui coince, un accident, une crise familiale ou financière, une trahison… ou tout simplement la vie qui répand son lot de séparations, de maladies, de deuils. Dans ces difficultés-là, en plus du problème à résoudre ou de la douleur qu’on ressent, bien souvent, s’ajoute la sensation d’être isolé, démuni, seul pour porter ces fardeaux. Dans ces moments-là, on peut se sentir déconnecté – de soi (on se sent perdu), des autres (qui pourrait nous comprendre, ou nous aider ?), et même de Dieu : où est-il, lui, quand le bonheur s’effondre ?
Ces questions se posent à nous, qu’on ait la foi ou pas d’ailleurs. Pour un chrétien, cela peut le porter au doute, puisque la foi nous rapproche d’un Dieu qui nous bénit, nous protège, nous guide. Mais parfois on va plus loin et on imagine que la foi c’est comme un joker – puisqu’on est connecté à Dieu, on est déconnecté des réalités d’un monde en souffrance qui ne tourne pas rond… nos enfants sont protégés, notre couple va bien, nos finances sont abondantes, notre maison est assurée et notre corps est sain. Certains se sentiront même coupables : « si ça m’arrive, c’est que j’ai mal fait quelque chose. J’ai dû déplaire à Dieu d’une certaine façon ou alors je n’ai pas assez la foi ». Et même chez ceux qui ne croient pas, les épreuves, les crises, auront parfois un côté « séisme » qui nous met devant les « pourquoi » de la vie. Pourquoi ? Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
On trouve dans la Bible quelques lettres d’un chrétien dont la foi a beaucoup rayonné. Il a fondé et influencé bien des églises en Méditerranée. Il s’appelle Paul, et lui aussi a traversé bien des difficultés : disputes et trahisons, arrestations et séances de torture, problèmes de santé, problèmes d’argent… Dans une lettre qu’il écrit aux chrétiens de Rome, pour les aider à progresser dans la foi, il aborde la question de cette connexion avec Dieu, en particulier dans les difficultés. Romains 5.1-5
1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu.
Paul commence par rappeler toutes les bonnes et belles choses que Dieu nous offre grâce au Christ : puisque Jésus a assumé nos fautes devant Dieu, nous sommes déclarés justes, libérés de la honte et de la culpabilité. Nous n’avons plus à prouver notre valeur ou à mériter l’amour de Dieu – nous comptons sur le Christ. Nous sommes donc en paix avec Dieu : une paix paisible, oui, mais plus que ça – nous sommes unis à Dieu, partenaires, amis. Nous vivons, nous demeurons, dans l’amour débordant, généreux (la grâce) de Dieu. Voilà notre lot ! La grâce ! L’amour patient, bienveillant, encourageant de Dieu. Et, nous sommes pleins d’espoir : puisque le Dieu d’éternité nous rejoint aujourd’hui et nous aime aujourd’hui, ce n’est pas pour nous abandonner… Il nous promet de vivre pour toujours avec lui : Jésus a vaincu tout ce qui pouvait nous séparer du Dieu qui fait vivre, jusqu’à la mort même.
Ainsi Paul peut-il dire qu’il met sa fierté dans son espérance. Sa fierté ! Quand on met notre fierté dans quelque chose, c’est qu’on y met notre joie, notre assurance, notre identité. Paul met son assurance, sa joie, son identité, dans la certitude de vivre pour toujours avec Dieu, dans sa gloire, c’est-à-dire, son éternité.
Mais c’est surtout la suite qui m’intéresse, parce que, je le disais tout à l’heure, la vie n’est pas toujours si simple !
… nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.
Paul ne s’étend pas sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons dans la difficulté. Notre monde est perturbé et tous en font les frais, depuis les catastrophes naturelles jusqu’aux recoins sombres de notre cœur. Par contre, même sans donner d’explication sur ce qui nous arrive personnellement, Paul nous oriente sur la façon de vivre ces difficultés.
L’épreuve : moment de vérité et exercice
Paul choisit de voir nos difficultés comme des moments de vérité. On le fait assez naturellement avec Dieu : “aha, puisqu’il m’arrive cela, ça prouve que… Dieu n’existe pas, Dieu est indifférent ou il se moque de nous, Dieu nous en veut…” Mais là, Paul regarde à sa longue expérience de chrétien, et il nous invite à changer de perspective. Nos difficultés sont des moments de vérité, oui, aussi sur ce que nous sommes. sur notre vie. sur ce qui en fait sa valeur.
Car c’est dans la difficulté que se révèle notre caractère : tout le monde peut être optimiste quand tout va bien. Si vos enfants sont toujours sages et obéissants, pas besoin d’être patients. Si vos amis tiennent toujours parole, il n’est pas question de leur pardonner.
Pour être plus précis, la difficulté révèle notre caractère, mais elle le forge aussi ! Je suis tombée une fois sur un sondage qui rapportait qu’une étonnante majorité de personnes (j’ai oublié les chiffres) reconnaissait que c’est dans l’épreuve qu’ils avaient grandi. Évidemment, ça on le sait après, parce que pendant l’épreuve, on se sent juste écartelé. L’épreuve nous exerce, nous oblige à grandir. On le voit autour de nous : ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche sont souvent moins déterminés que ceux qui ont dû se battre pour arriver là où ils sont aujourd’hui.
Comment l’épreuve peut-elle forger notre caractère ? Paul évoque 3 éléments : la persévérance, le courage, et l’espérance. C’est quand il est difficile de croire que la foi grandit, c’est quand on a peur que le courage se manifeste, et c’est quand on ne voit plus très bien où on va que l’espérance joue son rôle. Dans les histoires de héros, il y a quelque part un rêve tellement grand que le futur héros surmonte tous les obstacles pour y arriver. Et dans ce processus, il ne fait pas qu’affirmer son rêve, il mise dessus, il s’y accroche, et plus il avance, plus son rêve est solide parce qu’il l’a choisi, re-choisi, et re-choisi.
Le point commun de la persévérance, du courage et de l’espérance, c’est de nous tourner vers ce qu’on ne voit pas encore. De nous exercer à miser sur Dieu.
Choisir l’éternité
Mais à quoi bon s’exercer et surmonter des épreuves ? Est-ce qu’il y a un sens à tout ça ? Sinon, l’épreuve, c’est juste une expérience qui nous vide et nous casse. Le rêve de Dieu, c’est que nous devenions des personnes qui misent sur l’éternité.
Attention, loin de moi l’idée de relativiser les horreurs que nous pouvons vivre. Perdre un proche ou un enfant, être agressé physiquement, sentir son corps se désagréger, vivre dans l’insécurité ou la précarité – dans la Bible, Dieu ne justifie pas ces expériences, il ne vous envoie pas des calamités pour vous pousser à travailler telle compétence. Il n’est pas question de rechercher les détresses pour progresser, comme une discipline de la douleur.
Là où Paul nous interroge c’est sur notre perspective : puisque nous traversons tous des difficultés, (tous ! croyants ou pas), qu’est-ce que nous en faisons ? Cette perspective est essentielle. Vous connaissez l’adage : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Sauf que je suis sûre que vous avez dans votre entourage plein de personnes qui ont beaucoup souffert et qui ne sont pas pour autant devenues plus courageuses ou pleines d’espoir ! Les obstacles ne nous rendent pas automatiquement plus forts – selon la gravité de ce qu’on vit, ils nous fragilisent même plutôt et nous font entrer en mode « auto-défense » (résignation, amertume, méfiance…).
Bien des croyants diront : « je n’aime pas les épreuves, mais c’est vrai que dans ces cas-là, je me sens plus proche de Dieu, car à ce moment-là j’ai besoin de sa présence et de son aide (sous-entendu : quand ça va bien, on pense moins à se tourner vers Dieu) ». Peut-être même que sans croire vraiment, quelqu’un pourrait prier dans la difficulté, et puis, une fois le problème résolu, on passe à autre chose. On peut très bien utiliser la foi comme béquille au cœur de la tourmente, et ranger la béquille au placard dès que c’est fini, comme après une entorse. Et finalement, Dieu nous aura aidés à traverser la difficulté, mais rien n’aura vraiment changé dans notre vie. Cette difficulté sera un souvenir mais elle ne nous aura pas rapprochés de Dieu. C’est comme dans un couple : face aux crises, on peut craquer et se séparer, chercher une solution à court terme (p. ex. l’un des deux prend sur lui mais le couple s’assèche), ou bien chercher une solution à long terme (et c’est là que le couple se rapproche et devient plus fort).
Dieu ne se rapproche pas de nous en Christ, pour nous éviter les problèmes ou pour résoudre plus vite nos problèmes. Il n’est pas le « Waze » de la vie, pour nous éviter les embouteillages, les accidents, et nous aider à aller plus vite là où nous voulons aller. Souvent, même en tant que chrétiens, nous avons une vision à très court terme de ce qu’est le bonheur ou la vie en paix : famille, travail, maison, et surtout la santé ! Mais Dieu veut nous conduire à sa destination – éternelle, pas à notre destination bien humaine, fragile et à validité limitée. Dieu veut nous conduire plus loin ! Alors il est ravi de nous faire passer dans des petits coins sympa le long de la route. Mais quand il y a un problème sur la route, son rêve, c’est que nous gardions le cap. Et le cap, c’est d’être avec lui, aujourd’hui, demain, pour l’éternité.
La conséquence directe, c’est que Dieu ne nous abandonne pas ! Il est avec nous, aujourd’hui et pour toujours, qu’on le voie à l’œuvre, ou pas. Notre part, à nous, dans la difficulté – mais aussi dans les bons moments d’ailleurs – c’est de miser sur Dieu. De placer notre assurance en lui, notre joie, notre identité – quoi qu’il arrive ! De lui demander, pas seulement de l’aide ponctuelle pour aujourd’hui, mais aussi de nous faire grandir dans sa perspective d’éternité. De nous remplir de ce qui ne périt pas. Et ça, seul le Dieu éternel peut le faire. Lui, il nous remplira de son amour, de sa présence, de sa force. Lui, il remplira notre présent de son éternité.