Après Noël, la Galette, la Chandeleur, voici maintenant, dans le calendrier liturgique français… la Saint Valentin ! La Saint Valentin : ses bouquets, ses ballotins de chocolat, ses dîners en tête-à-tête… Avec ses publicités omniprésentes, la Saint Valentin met une petite pression sur les couples, qui souvent trouvent cette fête trop commerciale… mais elle peut aussi mettre mal à l’aise ceux qui ne sont pas, ou plus, en couple. Le 14 février remue le couteau dans la plaie, alors que c’est déjà un sujet sensible, le célibat !
Il vaudrait mieux parler d’ailleurs des célibats : il y a le jeune de 20 ans concentré sur ses études ; celle qui, à 45 ans, n’a jamais trouvé chaussure à son pied ; celui qui a des attirances incompatibles avec sa foi ; celle qui ne veut plus du couple après avoir trop souffert. Certains le supportent très bien, ils profitent d’une certaine liberté, d’une disponibilité plus grande… Mais pour d’autres, et pour tous peut-être à certains moments, la solitude reste un poids difficile à porter. Le sentiment d’isolement peut s’alourdir de questions existentielles : pourquoi pas moi ? de quoi sera fait mon avenir ? sur qui puis-je compter ? où trouver de l’affection ?
Et puis il y a les divorcés, et les veufs, qui, sans être célibataires, se retrouvent dans un quotidien qui peut ressembler, sous certains aspects, au célibat.
Je me suis dit que la Saint Valentin était un bon moment pour parler du célibat – et pas seulement aux célibataires ! Nous sommes tous concernés, non seulement pour mieux comprendre nos frères et sœurs célibataires, mais aussi parce que, en creux, réfléchir au célibat nous pousse à revisiter notre vision du couple et de l’amour.
Alors, je ne prétends pas aborder tout ce qui concerne le célibat ici ! Mais je voudrais partir du texte fondamental qui nous parle du couple, et qui se trouve au tout début de la Bible, dès le récit de la création de l’humanité. Je lis donc dans le livre de la Genèse, qui raconte de façon imagée les débuts de notre monde, au ch.2, qui zoome sur la création de l’humanité. Après avoir créé les cieux, la terre et tout ce qui les remplit, Dieu crée l’être humain, et il fait ce constat.
Lecture biblique : Genèse 2.18-24
18 Le Seigneur Dieu se dit : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul. Je vais lui faire un vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir. »
19 Avec de la terre, le Seigneur façonna quantité d’animaux sauvages et d’oiseaux, et il les conduisit à l’être humain pour voir comment celui-ci les nommerait. Chacun de ces animaux devait porter le nom que l’être humain lui donnerait. 20 Celui-ci donna donc un nom aux animaux domestiques, aux animaux sauvages et aux oiseaux. Mais il ne trouva pas de vis-à-vis qui lui corresponde, capable de le secourir.
21 Alors le Seigneur Dieu fit tomber l’homme dans un profond sommeil. Il lui prit un de ses côtés et referma la chair à sa place. 22 Avec ce côté, le Seigneur fit une femme et la conduisit à l’homme.
23 Celui-ci s’écria : « Ah ! Cette fois, voici quelqu’un qui est plus que tout autre du même sang que moi ! On la nommera compagne de l’homme, car c’est de son compagnon qu’elle fut tirée. »
24 C’est pourquoi l’homme quittera père et mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviendront tous deux une seule chair.
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul »
Ce texte, incontournable des mariages, on a tendance à le lire sous l’angle du couple. Lorsque Dieu crée l’humanité, il la crée mâle et femelle, avec la promesse d’une union féconde sous le signe de la complémentarité : homme et femme sont appelés à s’unir et à se multiplier pour remplir la terre. C’est vrai que le texte zoome sur le couple, comme il zoome sur tout signe de l’émergence de la vie : incroyable, cette vie qui advient, et qui est appelée, avec la bénédiction divine, à grandir, se multiplier, et bouillonner dans ce monde. C’est un hommage au Créateur vivifiant qui invite ses créatures à pro-créer, co-créer, avec lui.
Sauf que, le constat de base nous invite à voir plus large que le couple. Ce constat, c’est que : « Il n’est pas bon que l’être humain soit seul… » (diapo) Le problème, c’est la solitude ! Après différentes tentatives, c’est la création de la femme qui vient résoudre ce problème : homme et femme pourront être en vis-à-vis, se secourir mutuellement et créer, procréer, ensemble.
Que nous dit la création de la femme ? C’est le besoin pour l’être humain d’avoir en face de lui un être semblable mais différent. Le besoin d’une solidarité profonde (on se comprend) mais aussi d’une différence, d’une altérité, qui vient nous enrichir. Cette ressemblance-différence, elle est visible dans le couple homme-femme, mais on la vit dans toutes les relations humaines ! Dans la fratrie, avec les autres générations, avec les amis, les collègues, les voisins, et même l’étranger qui croise notre route. Aucun être humain que vous croisez n’est à 100% différent de vous, comme s’il était d’une autre espèce ou d’une autre planète. Mais il n’est pas non plus à 100% comme vous. Pour répondre à la solitude humaine, Dieu crée d’autres humains, semblables mais différents.
Alors il y a des gens qui ne supportent pas d’être seuls, et d’autres qui se qualifient facilement d’ours/ d’ermites, et qui aiment être tranquilles. Cela dit, hors exception (car il y en a toujours), la solitude totale de l’être humain est quelque chose d’insupportable – et d’abord, pour Dieu ! Pour Dieu, la solitude est insupportable. Pourquoi ? Car lui ne la connaît pas ! La Bible révèle de manière un peu mystérieuse que Dieu est à la fois unique (il n’y en a qu’un) mais qu’il est pétri de relations, saturé d’amour, entre les 3 personnes indissociables qui le composent, et qu’on appelle Père, Fils, et Saint-Esprit. Dieu n’est pas seulement amour ! De toute éternité, il aime et est aimé. Alors quand il décide de créer l’être humain à son image, la solitude est impossible : l’être humain est appelé à aimer et être aimé. A être en relation avec des personnes semblables mais différentes, à qui il peut donner mais de qui il peut aussi recevoir.
Le couple comme signe du besoin d’amour
Le couple est présenté, dans le texte biblique, comme une relation à part. On y trouve une différence incompressible : homme et femme fonctionnent vraiment différemment, au point que certains clament qu’on vient de 2 planètes différentes Mais la proximité, l’intimité, l’union, dans le couple se vit de manière unique, charnelle. C’est la relation humaine ultime, dans la différence et l’unité.
Alors ça c’est l’idéal – et quand on est jeune, on s’imagine souvent qu’il s’agit de trouver chaussure à son pied. Cette recherche de l’âme sœur conduit parfois à des problèmes dans le mariage : quand ça coince, c’est que l’autre n’est pas « le bon », donc si je change de conjoint ça ira peut-être mieux. Il y a des gens comme ça qui enchaînent les relations, en quête de l’âme sœur. Je connais aussi des célibataires qui le sont parce qu’ils n’ont pas rencontré l’âme sœur, la personne qui correspond à leurs critères. La faille dans cette vision des choses, c’est que l’autre n’est pas une chaussure, c’est un pied ! Eh oui, dans toute relation, nous sommes des pieds, et personne n’est une chaussure pour l’autre ! Dans sa différence, l’autre (qu’il soit mon conjoint, ou, dans une moindre mesure, mon enfant, ma mère, mon frère ou mon amie), dans sa différence l’autre n’est pas une chaussure faite sur mesure pour répondre à mes attentes. Du coup, dans le mariage comme dans toute relation, on peut finalement se sentir très seul: on peut être incompris, rejeté, décalé, trahi…
Et là on touche à quelque chose de crucial : Dieu nous a créés à son image, et il nous a câblés pour aimer & être aimés. Mais il ne nous a jamais programmés pour que l’amour humain soit notre seul horizon. Au contraire, il a tissé dans notre humanité un besoin fondamental de l’autre, comme signe de notre besoin de l’Autre ! La seule source d’amour qui peut complètement envelopper notre pied, notre cœur, et nous combler – c’est l’amour de Dieu. C’est la relation avec Dieu. Et toutes nos relations humaines sont des reflets, des images, des expériences, des débordements de cette relation d’amour que Dieu veut d’abord vivre avec nous.
L’apôtre Paul comprend très bien cela lorsqu’il dit :
Comme il est écrit : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. » 32 Il y a là un grand projet de salut. Je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. (Ephésiens 5.21-32)
Le couple n’est pas l’horizon ultime de notre bonheur et le sens de notre vie. C’est un signe, comme toute relation d’amour, un signe de l’amour que Dieu veut vivre avec nous, en Jésus.
On a beau être chrétiens, on oublie parfois cette réalité, et on place sur le couple toute la responsabilité de notre bonheur affectif, de notre équilibre émotionnel. Mais le couple n’est pas tout, et on a tendance à l’oublier quand on veut caser les gens à tout prix, comme s’ils n’existaient pas tant qu’ils n’étaient pas mariés. Les célibataires nous rappellent, par leur présence, que l’amour dont nous avons besoin est plus large que l’amour du conjoint. Dieu en est la seule source vivifiante, une source qui déborde dans différentes relations humaines. Même si vous êtes marié, comme un célibataire, vous avez besoin d’amitié, de fraternité, de complicité, en dehors du seul cadre du couple, non ?
Accueillez-vous les uns les autres
Jésus nous appelle à nous aimer les uns les autres dans l’église. Paul nous invite à nous accueillir les uns les autres. Alors on aime bien parler de communion fraternelle dans l’église, on aime boire le café et manger ensemble – et c’est très bien ! Mais dans l’église, au nom d’un Père commun, au nom d’un Sauveur qui nous unit à lui avec un amour d’une profondeur infinie, un amour inaltérable, au nom du saint Esprit qui nous fait voir la vie autrement, la fraternité signifie que, quelle que soit notre situation de vie, quel que soit l’état de nos relations au quotidien, l’Eglise est un lieu où personne n’est seul. Où nous pouvons compter les uns sur les autres. A cause de l’amour du Père répandu dans notre cœur par l’Esprit saint et garanti par le Christ mort et ressuscité, l’isolement n’est plus de mise.
J’aimerais simplement donner 3 pistes pour vivre la fraternité dans l’église, en particulier avec ceux qui vivent seuls.
1/ l’hospitalité. Inviter des personnes différentes. Vous avez remarqué que souvent on invite ceux qui nous ressemblent (couple jeune/couple jeune ; générations/ catégories sociales…) oser inviter dans autre catégorie.
2/ cela suppose d’apprendre l’écoute véritable. Souvent on discute de ce qu’on a en commun – mais mariés/ célibataires n’ont pas les mêmes préoccupations : oser poser des questions ouvertes. S’intéresser. Prier avec et pour. Conversations profondes – pas simplement « comment ça va »: être un vis-à-vis.
3/ proposer des services concrets. Un des défis pour les célibataires, c’est de manquer d’un partenaire attitré notamment pour s’entraider (trajets pour des rdv médicaux, bricolage, aide matérielle…). La sensation d’être démuni. Penser à demander si l’autre a besoin d’aide.
Conclusion
Ne limitons pas l’amour à l’amour romantique, à l’eau de rose, mais ouvrons – en hauteur, vers Dieu, en largeur, vers différentes relations dont la richesse et la diversité sont un hommage à cet amour divin inaltérable. Alors explorons, chacun, dans notre vie, là où nous en sommes, cet amour tous azimuts, en hauteur, en largeur, en longueur et en profondeur.