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Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

5 Solae (2) La grâce seule

Regarder la prédication ici.

Est-ce que les enfants sont partis dans leurs groupes ? Ouf, je vais pouvoir dire des gros mots ! Non, je vous rassure, je vais garder un langage châtié ce matin ! Mais j’aimerais quand même parler d’un gros mot. Qu’est-ce qu’un gros mot ? Un mot qui choque, un mot qui exprime l’intensité d’un ressenti, un mot dont on a souvent oublié l’origine et qui devient parfois juste une ponctuation dans la phrase – et qu’on dit sans y penser, un mot qui fait basculer dans le langage familier.

Y a-t-il des gros mots dans le vocabulaire chrétien ? Y a-t-il des mots familiers, qui viennent ponctuer nos chants et nos échanges, comme des réflexes, des mots forts qui se sont usés et dont on ne mesure pas toujours le poids ?

Ce matin, pour continuer la série commencée la semaine dernière sur les 5 affirmations centrales de la Réforme protestante, je vous invite à nous centrer sur ce grand et gros mot qu’est la grâce. Je redis ces 5 affirmations : l’Ecriture seule, la grâce seule, par la foi seule, le Christ seul, à la gloire de Dieu seul.

La grâce renvoie au salut que Dieu nous offre en Christ : « vous êtes sauvés par la grâce de Dieu, au moyen de la foi » (Ep 2.8). Elle est indissociable de la foi, comme deux faces d’une même pièce, la face divine du salut, et la face humaine pourrait-on dire. Et aujourd’hui, on va se concentrer sur la grâce elle-même, sur la part de Dieu, et Eglantine prêchera la semaine prochaine sur la foi, la part de l’homme.

Reprenons ce texte dans son contexte plus large. L’apôtre Paul commence par ce constat que sans le Dieu de la vie, on a du mal à vivre vraiment. On est prisonnier de soi, du poids de notre passé, de nos vanités, de nos orgueils, de nos pulsions rarement glorieuses – ce que la Bible appelle le péché, ce trou noir intérieur qui défigure même nos meilleures intentions. Sans parler de notre côté influençable, de notre facilité à suivre des tendances qui nous dépassent, à entrer dans des fonctionnements et des systèmes tellement injustes qu’on se demande s’il n’y a pas des forces spirituelles mauvaises derrière. Encore un mot de contexte : Paul est un chrétien d’origine juive, un bon élève de la foi qui a toujours respecté Dieu de tout son cœur. Il écrit, là, à des chrétiens d’origine païenne, qui ont un passé spirituel et moral compliqué, aux antipodes de ce que Dieu aime.

Lecture biblique : Ephésiens 2.1-10

1 Autrefois, vous étiez comme morts à cause de vos fautes, à cause de vos péchés. 2 Vous vous conformiez alors à la manière de vivre de ce monde ; vous obéissiez au prince des puissances mauvaises qui occupent l’air, cet esprit qui agit maintenant en ceux qui s’opposent à Dieu. 

3 Nous tous, nous étions aussi comme eux, nous vivions selon nos mauvais désirs, nos penchants, nous faisions ce que voulaient nos impulsions et nos pensées. Ainsi, à cause de notre faiblesse humaine, nous devions subir la colère de Dieu comme les autres.

4 Mais Dieu est riche en compassion ! Son amour pour nous est tel que, 5 lorsque nous étions comme morts à cause de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ. C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés. 

6 Dans notre union avec Jésus Christ, Dieu nous a ressuscités avec lui pour nous faire régner avec lui dans les cieux. 

7 Par la bonté qu’il nous a manifestée en Jésus Christ, il a démontré pour tous les siècles à venir la richesse extraordinaire de sa grâce. 

8 Car c’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; 9 il n’est pas le résultat de vos efforts, et ainsi personne ne peut faire le fier. 

10 En effet, nous sommes l’œuvre de Dieu ; il nous a créés, unis avec Jésus Christ, pour que nous menions une vie riche en actions pleines de bonté, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions.

La grâce comme initiative

L’apôtre Paul ne mâche pas ses mots : sans Dieu, sans le Dieu de la liberté, on tourne en rond, on est prisonnier. Sans le Dieu de la vie, on est moribond. Sans le Dieu de la justice, on est corrompu.

Ce qui est fort dans ce texte, c’est que Paul commence presque machinalement : Dieu vous a fait revivre, vous qui étiez morts à ses yeux parce que vous étiez d’abominables païens (remplacez par ce que vous voulez : drogués, voleurs, menteurs, égoïstes, exploiteurs, abuseurs etc.) – et puis, prise de conscience : ah mais, nous aussi, nous aussi les bons élèves bien respectables, nous n’étions pas mieux. Derrière des apparences convenables, la même racine du mal, d’égoïsme et d’orgueil, la même racine pourrissait notre vie. Quelle que soit l’étiquette, sans Dieu, sans le Dieu de la vie, nous étions morts, sans le Dieu de la justice, nous étions corrompus.

Mais Dieu ! Peut-être les deux plus beaux mots de la Bible : mais Dieu. Mais Dieu ne s’est pas laissé impressionner par l’ampleur de nos caprices, de nos engrenages et de nos trous noirs : il a tout arrangé, il a tout mis en place pour nous sauver de ce marasme et de la mort. La grâce, c’est cette initiative de Dieu, ce déclic, ce « mais Dieu » qui renverse la situation. Alors qu’il n’y avait aucun espoir de s’en sortir, un mouvement démarre – pas chez les humains, mais en Dieu.

La grâce comme cadeau

La grâce, c’est le salut offert comme un don, un cadeau qu’il n’y a qu’à recevoir dans la foi. La grâce, c’est le salut comme cadeau de Dieu. Et un cadeau, c’est quelque chose d’immérité, gratuit (si on le mérite, ce n’est plus un cadeau, c’est un dû ! par exemple, votre salaire n’est pas un cadeau !). C’est le signe non pas que j’ai bien travaillé, mais que l’autre m’apprécie et m’aime (sauf s’il essaye de m’acheter, mais alors ce n’est plus vraiment un cadeau, puisque je vais le payer d’une façon ou d’une autre !). C’est un signe d’amour. Ce qui touche dans le cadeau, c’est l’intention de celui qui l’offre, la main derrière le joli paquet, l’affection dont Paul nous parle : la riche compassion de Dieu, l’amour débordant qu’il nous porte…

Et ce signe d’amour est d’autant plus fort que le cadeau est coûteux. Pas spécialement en argent, mais en temps, en énergie, en réflexion : si on vous offre un clou, vous êtes content… ou si on vous offre le produit de tête de gondole qui ne vous correspond absolument pas… Le salut est un cadeau qui coûte cher, pas à celui qui le reçoit, mais à celui qui l’offre : Dieu s’est donné, lui-même, il a donné plus que son temps ou ses richesses, il a donné sa vie, à travers Jésus, il s’est donné lui-même pour payer nos factures, pour réparer ce que nous avons cassé. Dans sa grâce, Dieu ne fait pas l’économie de sa justice, il va au-delà de sa justice : il ne nous demande pas ce qui est dû, il le paye à notre place et nous donne une nouvelle chance.

La grâce seule

Affirmer que nous sommes sauvés par la grâce seule, c’est dire que le salut en Christ est un pur cadeau, un pur acte d’amour, immérité, inexplicable, glorieux, qui prend sa source dans le cœur de Dieu. Que dire d’autre que merci ? Merci pour le salut, merci pour son amour débordant !

L’autre conséquence de cette affirmation, c’est que tout le monde peut être sauvé. Ou plutôt, n’importe qui peut recevoir ce cadeau, puisqu’en définitive, personne ne le mérite. N’importe qui – même le pire truand, même le plus désinvolte des Don Juan, même le plus paumé : personne ne mérite l’amour de Dieu, mais Dieu, mais Dieu invite tout le monde à recevoir son amour en cadeau !

Ca veut dire que tout le monde est le bienvenu ici, parce que Dieu vous aime. Pas parce que vous gagnez à être connu (ce dont je ne doute pas), mais parce que Dieu vous aime passionnément.  Peu importe les mots qu’on a posés sur vous, le regard que vous portez sur vous, vos déceptions ou vos échecs, vos incertitudes ou vos obstinations : sur tout cela, il y a un « mais Dieu », mais Dieu vous aime.

Et logiquement, si tout le monde est le bienvenu ici, tout le monde est le bienvenu ici ! Si Dieu détruit toutes les barrières pour vous aimer, qui oserait relever une barrière ? Là, on a sûrement des progrès à faire… Celui ou celle que j’ai du mal à aimer, qui ne me plaît pas trop, Dieu lui offre sa grâce : comment ne pas l’accueillir ?

La grâce comme une exubérance

Mais on aurait tort de réduire la grâce de Dieu au pardon offert, au cadeau coûteux qu’est la Croix où meurt le Christ. Paul évoque la résurrection de Jésus, son retour à la vie au-delà de la mort, son triomphe et son règne. En quoi cela fait-il partie de la grâce ?

Nous sommes, par la foi, co-ressuscités avec le Christ. Nous co-siégeons avec le Christ sur son trône.

Le pardon soulage notre conscience, nous libère de la honte, de la culpabilité, de schémas addictifs guidés par nos pulsions et nos intérêts. Mais le but ultime de Dieu, c’est de nous faire partager sa vie, dans la gloire majestueuse de son éternité. Il fait de nous ses héritiers, les enfants dont il s’entoure avec fierté, ses amis, ses partenaires. Dès maintenant, il nous inspire, nous transforme, pour vivre comme lui, pour laisser déborder de notre cœur ce qui déborde du sien.

On ne lui en demandait pas tant ! Déjà, couvrir nos injustices, c’est inespéré. Promettre de réparer ce qui est brisé, c’est le rêve ! Mais nous faire co-vivre avec lui, nous imprégner de sa vie à lui pour nous élever à sa hauteur, dans le cercle intime du Roi de l’Univers, lui le Créateur, le Tout-Puissant, le Pur, le Merveilleux, l’Absolu – c’est presque de la folie tant c’est vertigineux !

Mais Dieu est comme ça : une fois qu’il a commencé, il ne s’arrête plus ! Grâce sur grâce, amour sur amour, il en rajoute toujours. C’est sa fierté !

On vous a peut-être déjà demandé ce qui vous définit en une phrase, ce que vous aimeriez avoir comme épitaphe ou comme sous-titre de votre biographie, ce que vous voulez laisser en souvenir… Même si Dieu n’a pas l’intention de disparaître, sa fierté, le sous-titre de sa biographie, c’est : « Dieu, la richesse extraordinaire de la grâce ». Voilà son titre de gloire, sa grande fierté, sa grande joie : nous couvrir de son amour, jusqu’à ce que tout le reste s’estompe et que seule brille sa grâce dans notre vie.

 

Questions pour aller plus loin

Questions générales :

  • Qu’est-ce que j’ai retenu de la prédication ?
  • Y a-t-il quelque chose de nouveau qui m’interroge ou que je voudrais creuser ?
  • Qu’est-ce que ce texte m’encourage à vivre ?

Questions spécifiques :

  • Est-ce que j’ai du mal avec le concept « injuste » de la grâce, pour moi ou pour d’autres ?
  • Quels exemples concrets de la grâce de Dieu puis-je décrire dans ma vie ?
  • En regardant davantage le verset 10, comment la grâce de Dieu continue-t-elle de s’exprimer tout au long de notre vie chrétienne ?

Une crise d’ado qui nous recentre sur nos priorités

Les fêtes de fin d’année, c’est une période tout à fait particulière. Une période où l’on voit, ou recontacte, plus de monde, un temps particulier, un temps souvent accéléré : il faut choisir les cadeaux, anticiper, organiser des repas,… Chacun a ses petites traditions, ses attentes, parfois ses déceptions (cette année particulièrement, où beaucoup ont dû vivre autrement ces fêtes, pandémie oblige). Cette période, riche, nous renvoie aussi aux Noëls précédents, à nos souvenirs d’enfance,… C’est comme un point d’étape qui nous fait dire : « déjà un an de passé ! »

Et en même temps, l’approche du Nouvel An nous tourne vers l’avenir. Il y a bien sûr les traditionnels messages de vœux et les bonnes résolutions… ou simplement les questions autour de la pandémie, des élections, de nos décisions à prendre, de nos projets… que nous réserve 2022 ?

En bref, la période des fêtes, bien qu’intense, peut-être morcelée, nous pousse (plus ou moins joyeusement, plus ou moins douloureusement) à faire un peu le point : où est-ce que j’en suis ? avec nos attentes, nos frustrations, nos rêves, nos craintes…

Ces questionnements, on les retrouve un peu dans le texte biblique proposé aujourd’hui, un texte qu’on ne trouve que dans l’Evangile de Luc, un texte presque anecdotique qui vient conclure tout son cycle sur la naissance de Jésus, avant de passer au rayonnement de sa vie d’adulte.

Lecture biblique : Luc 2.40-52

40 L’enfant grandissait et se développait. Il était rempli de sagesse et la faveur de Dieu reposait sur lui.

41 Chaque année, les parents de Jésus montaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. 

42 Lorsque Jésus eut douze ans, ils l’emmenèrent avec eux selon la coutume. 

43 Quand la fête fut terminée, ils repartirent, mais l’enfant Jésus resta à Jérusalem et ses parents ne s’en aperçurent pas. 

44 Ils pensaient que Jésus était avec leurs compagnons de voyage et ils firent une journée de marche. Ils se mirent ensuite à le chercher parmi leurs parents et leurs amis, 45 mais sans le trouver. Ils retournèrent donc à Jérusalem en continuant à le chercher. 46 Le troisième jour, ils le trouvèrent dans le temple : il était assis au milieu des spécialistes des Écritures, les écoutait et leur posait des questions. 47 Toutes les personnes qui l’entendaient étaient stupéfaites de son intelligence et des réponses qu’il donnait. 

48 Quand ses parents l’aperçurent, ils furent saisis d’émotion et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Ton père et moi, nous étions très inquiets en te cherchant. » 49 Il leur répondit : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » 50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.

51 Jésus repartit avec eux à Nazareth. Il leur obéissait. Sa mère gardait en elle le souvenir de tous ces événements. 

52 Et Jésus grandissait. Il progressait en sagesse et se rendait agréable auprès de Dieu et de chacun.

Hier encore, Jésus venait de naître, petit nourrisson emmailloté au milieu de la crèche. Il a bien grandi depuis !  Nous avons très peu d’informations sur l’enfance de Jésus, sur tout ce qui précède le moment, où, vers 30 ans, il a commencé à arpenter le pays en parlant de Dieu et en faisant du bien autour de lui. Mais l’évangéliste Luc, qui a recueilli bien des témoignages pour écrire son livre sur Jésus, nous donne cette petite anecdote tirée de l’adolescence de Jésus.

Jésus, un vrai ado

Et Jésus est un vrai ado ! Franchement, si ce n’était pas Jésus, on trouverait qu’il exagère un peu, non ? Il reste à Jérusalem sans prévenir ! Et il n’y a pas de téléphone portable, hein, pour pouvoir rassurer les parents à distance ! Vous imaginez le stress des parents ?!

Ils ne s’inquiètent pas de suite; manifestement, ils sont habitués à voyager en grand groupe, avec peut-être les jeunes qui restent ensemble… Mais le premier soir du voyage de retour, au moment de se coucher, ils ne trouvent pas leur fils. Deuxième jour de voyage : ils le cherchent partout dans le convoi. Ne minimisons pas l’angoisse : même 5 minutes, pour un parent qui ne trouve pas son enfant, c’est une éternité. Donc un jour entier, avec son lot d’inquiétude, de culpabilité, de rationalisation (« mais qu’est-ce qu’il fait ? où est-il ? vous ne l’avez pas vu ? oh et s’il lui est arrivé quelque chose, et qu’on l’a cherché trop tard, oh la la, tout est de notre faute ! Ah non, peut-être que lui, là, a vu Jésus. Peut-être qu’on s’inquiète pour rien ? ah non, même lui ne sait rien. »)

Bredouilles, ils décident de refaire le chemin inverse, sans doute envahis de questions, de stress, avec les pires scénarios en tête, tout en essayant de se remonter le moral l’un à l’autre… Chercher son enfant dans la capitale, vous imaginez la simplicité de la démarche ! Et quand, au bout de 3 jours de séparation, ils finissent par arriver au Temple, Jésus est là, innocemment, en train de discuter théologie. A leur place, j’aurais hésité entre le serrer dans mes bras et le secouer : non mais, on ne fait pas des frayeurs comme ça !!

Je trouve ça drôle, de voir Jésus comme un vrai ado, un peu oublieux des règles, tellement absorbé par ce qu’il est en train de vivre qu’il ne prévient pas ses parents. Sa réponse aux parents ne détonnerait pas dans la bouche d’un jeune : « ben quoi, qu’est-ce qu’il y a, vous n’savez pas que… ? » On voit un début d’autonomie, bourgeonnante, pas encore complètement apprivoisée. Jésus n’est plus un enfant, mais il n’est pas encore un adulte : il est entre-deux.

Et dans le texte, Luc nous montre subtilement que ce statut n’est pas si facile à apprivoiser, pour Jésus, et pour ses parents, qui ont peut-être un peu de mal à le voir grandir (v.40, 42, 48 “enfant”; v.52 “Jésus”). Certes, dans les yeux de nos parents, on reste toujours un enfant, même quand on a 60 ans ! Mais Jésus manifeste ici une certaine indépendance, il exprime ses priorités, quitte à secouer les habitudes. C’est d’ailleurs la première fois que Jésus parle dans l’Evangile – jusqu’ici, on a beaucoup parlé de lui, mais maintenant il prend la parole : il commence à s’émanciper, à trouver sa voix/ voie.

C’est le chemin de l’adolescence ! Et Jésus a lui aussi vécu cette étape universelle, inconfortable, source de malentendus et de frustrations, ce tiraillement identitaire. Il l’a vécue sans pécher, sans faire de mal – et ses parents non plus ne sont pas fautifs. Depuis le début, on voit qu’ils sont pieux, réceptifs à Dieu…

Qu’est-ce que c’est encourageant de voir que Jésus est passé par notre chemin d’humanité, par nos apprentissages, qu’il a dû lui aussi apprivoiser sa liberté, apprendre à se positionner… si vous êtes un ado en plein questionnement : Jésus vous comprend !! Et si vous n’êtes plus ado, Jésus comprend aussi vos tiraillements, vos périodes critiques, ces moments d’entre-deux où on change de statut : nouveau marié, nouveau parent ou grand-parent, ou parent d’ado (!) , un changement de travail, la retraite !, un déménagement, un changement de responsabilité ou de famille… L’inconfort dans ces entre-deux est normal, même quand tout le monde est bien intentionné, même pour Jésus ! Cela fait partie des petits déséquilibres qui nous poussent à grandir, à changer de vitesse pour mieux vivre la suite du chemin.

Un sacré potentiel !

Evidemment, il y a une immense différence entre Jésus et nous. Luc nous présente à la fois le côté très humain de Jésus, et puis son potentiel plus qu’humain. On le sait depuis l’annonciation à Marie : l’enfant qu’elle met au monde n’est pas tout à fait comme les autres. Il deviendra le sauveur du monde ! il sera appelé fils de Dieu, Emmanuel « Dieu avec nous » !

Avec cette anecdote, et même tout le cycle de la nativité, on a l’impression que Luc insiste sur le potentiel de Jésus : « tout petit déjà,… ». Tout petit déjà, Jésus était d’une sagesse incroyable, d’une finesse et d’une profondeur spirituelles qui impressionnaient ses auditeurs, et même les érudits de la capitale ! Comme on dit dans le Sud, ceux qui l’entourent sont tout espantés, scotchés, par ce que ce jeune transmet.

Bien sûr, on peut en tirer l’invitation à écouter nos jeunes, parce que la profondeur n’est pas proportionnelle à l’âge. Mais Luc insiste surtout ici sur le fait Jésus a une identité et une mission particulières. Son cheminement le tourne vers Dieu, vers les priorités et les projets de Dieu. Peu à peu, il prend l’envergure du prophète, du représentant de Dieu, du sauveur. Dans ce texte, on voit que c’est devenu une évidence : sa vie, c’est de remplir la mission unique que Dieu lui a confiée !

Dès son jeune âge, sa priorité, sa vie, c’est de remplir la mission que Dieu lui confie : il existe pour révéler Dieu, pour être Dieu parmi les hommes, pour réconcilier Dieu et l’humanité. Là, à douze ans, dans le Temple, Jésus ne revendique pas sa proximité avec Dieu comme un privilège exclusif… Mais il suit son chemin, pour remplir sa mission. Ce n’est pas anodin que Luc raconte ce qui s’est passé à la fête de Pâque… annonçant une autre fête de Pâque des années plus tard. Dieu se fait enfant, ado, adulte ; prophète, enseignant, soignant ; victime crucifiée… pour payer la rançon et nous ramener à la maison, pour effacer tout ce qui nous perturbe notre relation avec lui, afin que nous puissions dire, à notre tour, sans hésitation : « Dieu est mon Père. Je suis enfant de Dieu. »

D’abord enfants de Dieu

Jésus est unique : il a une identité unique (Dieu devenu homme), il a une mission unique (sauver l’humanité), il a un destin unique (régner glorieusement sur le monde terrestre et céleste, en instaurant la paix et la justice).

Jésus est unique, mais il nous invite à suivre ses traces, là où nous le pouvons. Comment cette anecdote qui nous fait admirer Jésus, vrai homme, vrai Dieu, comment cette anecdote peut-elle nous aider à vivre comme Jésus, à suivre ses pas ?

Un des enjeux de ce passage, c’est de montrer l’entre-deux que traverse Jésus, et qui le pousse à assumer son identité. Son Père, c’est d’abord Dieu ! Par le biais de Jésus, nous sommes appelés nous aussi à nous saisir de cette identité : nous sommes enfants de Dieu, grâce au Christ qui nous réconcilie avec Dieu, grâce à son Esprit qui demeure en nous comme un ADN surnaturel qui nous transforme de l’intérieur – le chrétien est un OGM (organisme génétiquement modifié) !

Et c’est tellement libérateur ! Ce qui nous définit, en Christ, c’est l’amour que Dieu nous porte, la valeur qu’il nous accorde, l’invitation à lui ressembler ! Quelle dignité !

Ce que nous avons hérité du passé, dans toutes ses beautés et ses failles ; ce que nous avons accompli, dans toute sa richesse et son imperfection ; ce que nous sommes aujourd’hui avec nos limites et notre potentiel… sur cette trame de vie tissée par nous et par d’autres, dont les motifs nous accablent parfois, Jésus brode en lettres majuscules : tu es enfant de Dieu !

Et cette identité nouvelle, fondée sur le Christ, vivifiée par l’Esprit de Dieu, n’est pas à égalité avec le reste… Jésus exprime très clairement une priorité pour lui-même : « ne savez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? » De la même façon, notre identité d’enfants de Dieu, si chèrement acquise à la croix, est une priorité. Par la foi, nous devenons enfants de Dieu, et d’abord enfants de Dieu. Cela devient notre première caractéristique !

Ce statut nouveau oriente nos projets : si nous sommes enfants de Dieu, appelés à travailler avec lui, à vivre pour lui, à le refléter dans tout ce que nous vivons, qu’est-ce que ça implique dans nos projets, notre comportement, nos priorités… ?

Ce statut nouveau questionne nos orientations, et aussi nos loyautés : dans telle situation, qui est-ce que je veux satisfaire ? Mon patron ? mon client ? Mes parents (même quand on a bien grandi…) ? Mon conjoint ? La société ? Mon ego ? « Je dois m’occuper des affaires de mon Père… »

Notre loyauté va à Dieu, et à Dieu d’abord ! Ca ne veut pas dire qu’on envoie balader le reste du monde, bien au contraire, mais être enfant de Dieu implique de fonder toute notre vie sur lui, de le placer au centre – quitte à expérimenter quelques tiraillements ou à susciter des incompréhensions (comme Marie & Joseph qui n’ont dû comprendre que bien plus tard pourquoi Jésus avait fait cette réflexion…).

 

« La Parole a été faite chair… Dieu s’est fait homme… Il est venu dans le monde pour que tous ceux qui croient en lui deviennent enfants de Dieu » (d’après Jean 1.1-14). Jésus s’est donné, sur la croix, pour que nous soyons pardonnés. Il est ressuscité, pour triompher de la mort et du mal, pour nous ouvrir un chemin de vie, proche de Dieu. Par la foi, nous sommes enfants de Dieu. Mais nous devenons aussi enfants de Dieu, nous apprenons notre identité, notre vocation, à la suite du Christ qui a dû lui aussi apprendre ! Alors quelle que soit la période que vous traversez, que Dieu, par son Esprit, continue de tricoter en vous cette identité nouvelle, surnaturelle, éternelle : vous êtes enfants de Dieu !

Etre grand, c’est accueillir le petit… (Jésus et les enfants 2/4)

Regarder la vidéo ici.

Nous avons commencé la semaine dernière une série de prédications pour nous accompagner vers Noël… Et comme Noël c’est une fête qui fait belle place à l’enfance, nous avons choisi quatre textes de l’Evangile qui parlent des enfants… La semaine dernière, Jésus recevait les enfants de son entourage, en donnant une leçon à ses disciples : le royaume de Dieu est pour ceux qui ressemblent aux enfants… qui sont humbles et dépendants, vulnérables, qui dans leur foi reconnaissent leur petitesse et leur besoin de Dieu. Jésus renverse les valeurs : votre modèle, dit-il, c’est l’enfant, pas celui qui veut vous impressionner…

Jésus touche là à un point délicat : ce renversement des valeurs est très beau en théorie, mais dans les faits… ce n’est pas si simple pour les disciples, et pour nous, de changer de posture. En voici un exemple.

Lecture biblique : Marc 9.33-37

33 Ils allèrent à Capharnaüm. Une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » 34 Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand. 35 Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » 

Ce n’est ni la première ni la dernière fois que cette question perturbe les disciples : ils ont besoin de savoir qui est le plus grand, le n°2. Nous non plus, cette question du statut, du regard des autres, de la reconnaissance, ne nous laisse pas indifférents : qui est le meilleur de la classe ? qui a le mieux travaillé ? qui a raison ? qui possède le plus, fait le plus, donne le plus, est le plus populaire sur les réseaux ?… peu importe, on tombe très vite, comme les disciples, dans la comparaison et la rivalité.

Jésus balaye cette question : pour être le premier, il faut être le dernier. La maîtrise, c’est d’être serviteur. Le dessus du panier, c’est se mettre dessous. Il en est l’incarnation : lui le Roi du monde arrive parmi nous sous les traits d’un petit bébé, et meurt comme un homme crucifié, humilié, lynché.

On pourrait s’attarder longtemps sur ce renversement mais vous vous demandez peut-être où est l’enfant dans ce texte ! Diapo texte à trous

36 Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux. Et, après l’avoir pris dans ses bras, il leur dit : 37 « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Spontanément, on attendrait l’équation : que celui qui veut être le premier passe au dernier rang et se fasse serviteur des autres – tenez, voilà un enfant, soyez comme lui, voilà la vraie grandeur ! Et Jésus le dit, ailleurs, comme dans le texte de la semaine dernière (Mt 19.13-15). Or, ici, il passe de « être le dernier, être serviteur ou servir tous »… à « accueillir l’enfant »! Être le plus grand aux yeux de Jésus, c’est accueillir le plus petit.

 

Creusons un peu pour voir ce que Jésus veut dire.

  • Un service gratuit.

(diapo 35, 37) si quelqu’un veut être grand, qu’il se fasse serviteur de tous… tenez, même d’un enfant comme celui-ci.

Aujourd’hui, en Occident, notre société est beaucoup plus centrée sur l’enfant : sa vulnérabilité, ses besoins, les lieux et les moyens de l’aider à grandir – en tout cas en théorie. Mais à l’époque de Jésus, l’enfant n’a pas vraiment de statut : il est potentiellement l’héritier, le soutien,… mais ça c’est pour plus tard ! tant qu’il est enfant, il est une charge et puis c’est tout. Accueillir l’enfant, se faire serviteur même de l’enfant, c’est accepter de descendre tout en bas de l’échelle, se mettre sous celui qui est tout en bas. On ne passe pas du premier rang au milieu ! mais du premier au dernier.

Permettez-moi d’insister : l’enfant, dans ce contexte, c’est celui qui est dépendant, c’est-à-dire celui qui dépend de nous, c’est-à-dire celui qui compte sur nous… et sur qui on ne peut pas compter !! Donc sur le plan des relations sociales, c’est la plus asymétrique : l’enfant ne peut rien pour moi. Donc, lorsque je rends service à un enfant, il n’y a pas de réciprocité ! si je l’accueille, je n’en retire aucun privilège ! (diapo relataion désintéressée)

On pourrait envisager de passer derrière ou rendre service à un supérieur, voire à un pair, voire à quelqu’un d’inférieur qui a quand même ses petites compétences, son petit réseau… Quand nous rendons service à quelqu’un, c’est souvent un investissement plus ou moins conscient. On passe derrière, mais ça ne nous empêche pas gravir les échelons. Mais rendre service à un enfant, rendre service au plus petit, sans espoir de retour – c’est gratuit !

Dans notre quotidien, il n’y a pas que les enfants qui ne peuvent pas nous donner en retour, à qui rendre service ne nous servira pas ou ne nous apportera pas de statut particulier. Il y a l’étranger sans papier, la personne qui n’a pas de toit, celle qui est gravement malade ou celui qui est emporté par la sénilité. Moins dramatique : l’inconnu que je ne recroiserai pas ou le collègue qui s’en va.

Avec eux, notre service est gratuit, parce que l’autre ne va pas nous renvoyer l’ascenseur.

Jésus nous invite à oser des relations asymétriques, des initiatives sans investissement – à donner sans espérer recevoir, sans faire pression sur l’autre, à abandonner nos arrière-pensées, nos stratégies, nos calculs. Avec les plus petits de notre société, mais avec tous… même avec les forts, les grands, les impressionnants…

L’an dernier, je me suis rendu compte à quel point la gratuité est difficile à saisir : j’étais partie laver ma voiture, avec mon petit stock de jetons. A côté de moi, arrive un homme, jeune cadre dynamique, qui se retrouve coincé : le distributeur de jetons était en panne. Sans aller jusqu’à la gratuité (j’ai du chemin à faire), je lui ai proposé de lui vendre deux de mes jetons – l’incrédulité dans son regard ! « Vous essayez pas de m’arnaquer hein ! » Pour 2 euros !! Et comme ça le perturbait vraiment, il s’est moqué de ma voiture. C’est tellement difficile d’envisager la gratuité, même quand il n’y a pas de gratuité, même pour des petits enjeux…

Et je ne lui jette pas la pierre ! parce qu’à la même époque, j’ai lu «  Aimer sans utiliser » un excellent livre d’un théologien catholique, Pascal Ide. J’avoue que j’ai été surprise : il a trop bien mis à jour les ambiguïtés, les petites arrière-pensées mesquines, les bénéfices secondaires qui viennent brouiller mes initiatives – à ma honte !

J’arrête là ma confession – mais j’imagine que je ne suis pas la seule ! Combien la grâce, cette générosité abondante, pure, désintéressée, combien la grâce typique de Dieu nous échappe et combien nous avons besoin d’être travaillés par le Christ pour nous approprier vraiment ses valeurs… !

 

  • Plus que servir, accueillir/ recevoir

Être serviteur de tous, même de l’enfant, rendre service sans espoir de retour, pour adopter la grâce pure et désintéressée que le Christ nous a montrée…

Depuis tout à l’heure, je rends équivalents servir et accueillir, pourtant il y a une petite différence ! (diapo servir/ accueillir) Le choix du verbe « accueillir », ou « recevoir » dans d’autres traductions, est loin d’être anodin.

Pensez-y : pensez à une fois où on vous a servi, et une fois où vous avez été accueilli.  Quelles différences entre servir et accueillir un patient, une cliente, un élève, une collègue, un passager dans le bus, une voisine, un nouveau dans la classe, ou même notre famille ?

Dans l’accueil, il y a quelque chose qui touche à la personne, alors que le service pourrait se cantonner au ponctuel, au factuel, au besoin à apaiser, au problème à régler. Dans l’accueil, il y a une rencontre, une relation, même brève, avec l’autre dans ce qu’il est. Regardez Jésus qui prend affectueusement l’enfant dans ses bras. (diapo grand-mère)

Jésus nous invite à envisager le service, comme un accueil : pas seulement une liste de choses à faire, mais une rencontre où l’on fait place à l’autre dans ce qu’il est, dans sa richesse, sa fragilité.

Pour Jésus, la grâce n’est jamais impersonnelle. Ce qu’il fait pour nous, en se donnant sur la croix pour porter à notre place notre honte et notre culpabilité, ce n’est pas juste pour nous donner un quitus, un décret d’innocence, c’est pour nous accueillir à nouveau dans la famille de Dieu, pour faire de nous ses frères et sœurs, ses cohéritiers, proches de lui pour l’éternité. C’est ça l’essentiel pour lui, cette relation réciproque, asymétrique mais réciproque – et c’est pour cette relation éternelle qu’il est prêt à tout assumer pour écarter de notre relation avec Dieu ce qui peut nous brouiller, les conséquences de notre injustice, de notre orgueil, de notre égocentrisme etc. Il se fait serviteur pour nous accueillir.

Je vous propose 3 éléments pour caractériser l’accueil:

  • Voir l’autre, même le plus petit, même le plus insignifiant. Voir la personne et pas seulement le problème à régler
  • S’intéresser à ce qu’il est. Accueillir c’est aussi accueillir son point de vue, même s’il est dépendant ou impuissant, accueillir son point de vue, ses attentes, ses questions… Ca demande de l’humilité ! Bien souvent, quand on voit quelqu’un en difficulté, on est sûr d’avoir la réponse à son problème – alors que des fois on n’a même pas compris le problème, et on veut apporter une aide qui n’est pas adéquate. Ecouter, s’intéresser, voilà l’accueil de l’autre.
  • Et puis honorer. Considérer l’autre comme une personne que Jésus prend dans ses bras, à qui il s’identifie (celui qui l’accueille m’accueille, et accueille Dieu le Père qui m’a envoyé) : peut-être que cette personne n’a pas de statut social, mais elle a une valeur infinie aux yeux du Dieu qui l’a créée et qui l’aime.

Accueillir, même le plus petit, c’est se mettre à niveau, peut-être jusqu’à s’accroupir (geste), jusqu’à adopter une posture qui n’est pas valorisante, mais qui fait toute la place à l’autre.

 

  • Accueillir pour recevoir Jésus

Et là on touche au mystère de ce que Jésus nous invite à vivre. Si nous donnons sans espoir de recevoir, si nous servons de manière désintéressée, si nous aimons d’un cœur pur, alors nous recevons. D’une part l’échange humain, la simple connexion qui nous enrichit, qui enrichit notre âme. D’autre part, et surtout (parce que parfois l’autre ne voudra pas être accueilli), nous recevons le Christ lui-même, et celui qui l’a envoyé, c’est-à-dire Dieu lui-même.

En effet, le Christ s’identifie au petit, à l’enfant, au déshérité, au marginal, et il nous invite à mieux le connaître en nous intéressant aux petits qu’il aime tant. Il n’a pas honte de s’identifier à ceux qui n’ont pas de statut – et ça nous apprend beaucoup sur Dieu, sur son humilité, alors qu’il est le Roi ! sur son amour de créateur, qui accorde tant d’importance à ceux qu’il a façonnés même si nous voyons surtout les bosses et les failles ! sur son amour pour nous, nous qui avons l’impression d’être grands et forts mais qui devant Dieu ne sommes que faibles et nus…

Et dans ce processus d’accueil, comme dans un exercice pratique de grâce, Jésus vient nous rencontrer, il vient nous façonner à son image, travailler notre cœur, notre égo, nos valeurs, nos réflexes, pour que nous devenions comme lui des ouvriers de la grâce…

La nausée de Jésus

Prédication d’Eglantine Eldin, lors d’un culte de baptême.

Regarder la vidéo ici.

 

“Vous m’écœurez. Vous me donnez envie de vomir.”

Voilà ce que Jésus-Christ dit aux chrétiens de Laodicée dans le livre de la Révélation, ou autrement dit de l’Apocalypse.

C’est heurtant, hein ? Mais pourquoi le Christ dit ça aux chrétiens ?!

D’abord, à travers son serviteur Jean, le Christ Ressuscité félicite 6 églises de Turquie. Elles sont restées fidèles, ont tenus fermes malgré l’oppression grandissante de l’Empire romain. En même temps, il reprend ces églises sur certains points, notamment celles qui ont commencé à tolérer des compromis pour éviter la pression sociétale. Enfin, il s’adresse à la septième église, Laodicée, qui elle est sacrément en mauvaise santé.

Lisons ce qu’il lui dit, pourquoi y va si fort, en Apocalypse 3 versets 14 à 22.

14 « Écris au messager de l’Église de Laodicée :

Voici ce que déclare l’Amen, le témoin fidèle et véritable, qui est à l’origine de tout ce que Dieu a créé :

15 Je connais ta conduite ; je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Si seulement tu étais l’un ou l’autre !

16 Mais tu n’es ni bouillant ni froid, tu es tiède, de sorte que je vais te vomir de ma bouche !

17 Tu dis : “Je suis riche et j’ai fait de bonnes affaires, je ne manque de rien.” En fait, tu ne sais pas combien tu es malheureux et misérable ! Tu es pauvre, nu et aveugle.

18 C’est pourquoi, je te conseille d’acheter chez moi de l’or purifié au feu, pour devenir réellement riche. Achète aussi des vêtements blancs pour t’en couvrir et n’avoir plus la honte de paraître nu, ainsi qu’un remède pour soigner tes yeux et te rendre la vue.

19 Je réprimande et je corrige tous ceux que j’aime. Fais donc preuve de zèle et change de vie.

20 Écoute, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai un repas avec lui et lui avec moi.

21 Au vainqueur j’accorderai le droit de siéger avec moi sur mon trône, tout comme moi, j’ai remporté la victoire et je suis allé siéger avec mon Père sur son trône.

22 Que chacun, s’il a des oreilles, écoute bien ce que l’Esprit dit aux Églises ! »

 

I. PARTIE 1 Des chrétiens malades

14 « Écris à l’ange/au messager de l’Église de Laodicée :

Voici ce que déclare l’Amen, le témoin fidèle et véritable, qui est à l’origine de tout ce que Dieu a créé :

Jésus-Christ le Ressuscité parle aux chrétiens de Laodicée. Il est « l’Amen », celui en qui tout est vrai, il est la vérité absolue. En se présentant à cette église comme l’Amen, le Christ rappelle que c’est sa parole qui compte, son regard à lui sur eux, et non pas le leur ni celui de leur société. Si son Eglise l’écoute, elle devient saine, vraie et sans mensonges ou semi-vérités.

15 Je connais ta conduite ; je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Si seulement tu étais l’un ou l’autre !

16 Mais tu n’es ni bouillant ni froid, tu es tiède, de sorte que je vais te vomir de ma bouche !

Problème, les chrétiens de Laodicée sont à vomir ! Vous avez déjà bu de l’eau tiède ? C’est écœurant quand même…

Laodicée se situe entre deux villes : Hierapolis et Colosses. Près de Hierapolis des sources d’eaux chaudes à 80° sortaient du sol, puis ces eaux tiédissaient jusqu’à Laodicée, où elles arrivaient à 35°. Au contraire, à Colosses, une eau fraîche et pure abondait. A Laodicée, l’eau est tiède, de mauvaise qualité, inutile et dégoûtante. Elle provoquait la nausée.

Et Dieu dit à ces chrétiens : « vous êtes comme votre eau. Vous êtes inutiles, dégoûtants, de mauvaise qualité ». Vous êtes tièdes. Être tiède, c’est avoir une foi tiède. Une foi confortable, sans différence, accommodée à la société ambiante.

Ils croient en un Evangile confortable… Ils ont une foi sans caractère. Ils ne sont ni animés par la justice sociale, ni la défense de la vérité, ni la proclamation de l’Evangile comme leurs églises sœurs. Et leur foi provoque la nausée à Dieu ! Ils sont inutiles, dégoûtants, de mauvaise qualité, comme leur eau. Et Dieu préfère nettement ceux qui prennent position pour ou contre Lui, avec sincérité.

Ces chrétiens sont sans convictions fortes, professent une foi sans réellement renoncer à la mode de pensée de leur société. Leur foi conformiste, Dieu n’en veut pas. Il veut des vrais chrétiens, utiles, sains, et bons. Du coup, Christ les avertit qu’ils sont en train de perdre leur statut de chrétiens, de vraie Eglise pour Lui.

17 Tu dis : “Je suis riche et j’ai fait de bonnes affaires, je ne manque de rien.” En fait, tu ne sais pas combien tu es malheureux et misérable ! Tu es pauvre, nu et aveugle.

Comme leurs concitoyens, ces chrétiens sont des personnes respectables, bien intégrées, et fières de leur fortune, de leur vie confortable acquise avec le temps.

Satisfaits d’eux-mêmes, ils ont oublié le besoin de Dieu, d’un Sauveur et Seigneur.

Et lorsqu’on ne connaît pas ou plus le Christ, on peut bien être riche matériellement, être un bon commercial, bien intégré dans la ville, avoir une vie confortable… Mais devant Dieu, à ses yeux, on est malheureux, misérable, pauvre, nu et aveugle.

Et vous, vous avez cru en quel Evangile ? Et toi, Isaline?

Le baptême, c’est renoncer. C’est renoncer de vivre en adhésion totale avec notre monde. Renoncer à l’autosatisfaction. Renoncer à une foi de concessions. Renoncer à une foi dégoûtante et inutile.

Le baptême, c’est renoncer pour vivre dans la vérité, la fidélité à l’Evangile inconfortable et le c’est le besoin vital du Christ Ressuscité pour nous.

Isaline, à un moment donné dans ta vie, tu étais prête à renoncer à ton copain si Dieu te le conseillait. Tu as compris que suivre le Christ n’allait pas avec toutes tes aspirations. Tu t’es mise à l’écoute de Dieu, disponible, prête à l’écouter. Telle est la foi bouillante que le Christ aime.

Le baptême, c’est renoncer à une foi tiède, confortable, inutile, conformiste, pour vivre dans la vérité, la fidélité à l’Evangile inconfortable et c’est le besoin vital du Christ Ressuscité pour nous. Aujourd’hui, on peut se demander : quelle est la « température » de ma foi ?

II. PARTIE 2 Le remède de Christ : lui-même

18 C’est pourquoi je te conseille d’acheter chez moi de l’or purifié au feu, pour devenir réellement riche.

Alors qu’il les appellent « pauvres », Christ conseille à ces gens d’acheter une autre richesse que la leur, qui seulement matérielle et éphémère. Acheter de l’or d’une valeur inestimable, et non l’or de leurs célèbres banques. Acheter non pas avec de l’argent, mais faire le choix de renoncer aux critères de réussite de la société pour l’écouter lui.

Investir dans la foi pure en Christ est un choix coûteux. Acheter chez l’Amen, c’est renoncer au conformisme, aux semi-vérités, à l’injustice, à l’inutilité.

Pour Jésus-Christ, la vraie richesse, c’est la foi pure. C’est la confiance solide en lui seul. Est-ce que nous voyons notre relation avec lui et notre espérance dans sa grâce comme notre vraie richesse ? C’est là le thermomètre de notre santé spirituelle.

Achète aussi des vêtements blancs pour t’en couvrir et n’avoir plus la honte de paraître nu,

Malgré la laine laodicéenne très réputée, leur cachemire Chanel, Christ demande d’investir dans des vêtements blancs. Seul son vêtement peut couvrir leur nudité spirituelle. Alors que nous étions tous compromis, salis et encrassés dans le mal, comme tout être humain, Jésus-Christ le Parfait est mort à notre place. Il a vaincu le mal, a pris nos péchés, c’est-à-dire nos vêtements sales, pour donner à ceux qui lui demandent son vêtement blanc, pur, éclatant. Sa grâce.

ainsi qu’un remède pour soigner tes yeux et te rendre la vue.

Leur poudre phrygienne mondialement connue pour soigner les yeux, même par Aristote, ne suffit pas. Christ leur recommande un remède qui vienne de lui. Il est le remède. Il est le remède pour discerner notre vrai état de santé spirituelle. La grande ironie, c’est notre paradoxe : Notre suffisance nous rend aveugles sur nos insuffisances. Notre glorieuse médecine, glorieuse science, notre abondance d’argent, de vêtements, de connaissances nous rend pauvre, aveugle, nu, malheureux. Notre satisfaction nous rend incapables de voir que nous sommes malades.

Quel est l’état de santé spirituelle en ce moment ? Est-ce que notre Eglise est en bonne santé ? Est-ce que nous donnons la nausée à Jésus ?

On a une bonne église, de bons pasteurs, un bon métier, un bel appart, … Je suis satisfait de ma vie. Et devant Dieu, est-ce que tu es en bonne santé ?

19 Je réprimande et je corrige tous ceux que j’aime. Fais donc preuve de zèle et change de vie.

Citation de Pr 3.12.

Est-ce que vous trouvez que Jésus y va trop fort ? Moi je trouve que ça met la honte… Surtout que c’était une lettre circulaire, qui était lue dans de nombreuses églises…

Mais Christ aime cette Église, ces chrétiens. Et d’ailleurs, c’est les seuls auxquels il dit son amour… ! Il n’est pas trop tard pour changer de vie. Il n’est pas trop tard pour être un chrétien en bonne santé, pour être une Eglise en bonne santé.

Être un chrétien en bonne santé, c’est se reconnaître pauvre et malade sans le Christ. C’est investir dans la foi pure en Lui.

La vraie richesse est d’être fidèle coûte que coûte à l’Evangile inconfortable de Christ.

III. PARTIE 3 Des chrétiens sains et bouillants

20 Écoute, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai un repas avec lui et lui avec moi.

Dieu est patient. Il frappe sans forcer la porte. La poignée est à l’intérieur. Bien que ces gens lui donne envie de vomir, Dieu persévère dans son amour. Il continue de proposer son remède, se proposer Lui. Il tape à la porte, en attendant ce moment où on ouvrira pour prendre un repas entre amis avec Lui.

On arrive bientôt aux repas de fêtes… On sait tous que ces repas de fêtes sont des moments privilégiés. Ce sont des moments d’amitié, de réconciliation (normalement), de fraternité, de joie, … C’est à chacun de recevoir Christ chez lui. De prendre un vrai dîner en tête à tête avec lui. C’est à chacun de conclure une amitié éternelle avec Jésus-Christ, et se réconcilier avec lui.

Isaline, tu as choisi d’ouvrir la porte à ton Sauveur, de conclure une amitié éternelle avec Lui. Aujourd’hui, tu rends publique cette amitié éternelle avec Lui. Tu déclares avoir reçu sa personne, et ainsi ses vêtements blancs, c’est-à-dire sa grâce, sa victoire sur le mal, et le pardon de tes péchés. Tu le déclares ton seul Sauveur et seul Seigneur, et désires vivre une vie nouvelle, dirigée par son Esprit, jusqu’à l’éternité.

Merci pour ton témoignage de foi bouillante qui nous renvoie à notre propre état de foi.

21 Au vainqueur j’accorderai le droit de siéger avec moi sur mon trône, tout comme moi, j’ai remporté la victoire et je suis allé siéger avec mon Père sur son trône.

v22 : allusion au Ps 110.1 // Ap 12.5 ; 22.1, 3

Le vainqueur, c’est celui qui a accepté d’ouvrir la porte. C’est l’ami de Dieu. Je suis victorieuse car j’ai reçu la victoire de mon Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Il a pris mon péché, il m’a délivré du pouvoir du mal. Il m’a donné l’espérance qu’un jour, il mettra fin au mal dans le monde, à l’oppression, à la souffrance, à l’injustice, à mon péché… Et je serai victorieuse avec Lui. Ce ne sera pas la soit disant « paix romaine » très injuste et oppressive, mais la paix acquise par le Christ, dans un monde renouvelé et délivré du mal.

Prioriser sa foi bouillante en Christ sera un investissement coûteux aujourd’hui, mais durable pour l’éternité.

22 Que chacun, s’il a des oreilles, écoute bien ce que l’Esprit dit aux Églises ! »

Pour nous chrétiens, pour toi Isaline, et pour nous Eglise, c’est un avertissement. C’est possible d’être satisfaits d’avoir une bonne doctrine, d’être une église chaleureuse, mais d’être inutile pour Christ parce qu’on serait des chrétiens conforts. Mais Dieu n’en veut pas. On a besoin d’investir dans la vraie richesse : une relation personnelle et collective en Christ. Les fruits de notre investissement doivent se voir ! Dieu veut une Eglise saine, qui investie en lui continuellement, et offre une source de santé à sa ville. On ne veut pas donner à Jésus la nausée, mais lui donner le meilleur de nous pour être une source de santé pour les autres ! Pour notre ville et bien au-delà.

CONCLUSION

Aux personnes malades spirituellement, le Christ se donne comme remède. Le Ressuscité nous appelle à être des chrétiens sains et bouillants pour lui.

On ne veut pas donner à Jésus la nausée, mais lui donner le meilleur de nous pour être une source de santé pour les autres !

PRIERE

Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit à l’Église.

Sauveur et Seigneur, nous voulons nous voir comme tu nous vois. Être des chrétiens en bonne santé spirituelle. Nous voulons être l’Église à laquelle tu prends plaisir, qui te rend fier. Une Église utile, saine, zélée, et source de santé pour notre ville de Toulouse. Merci pour ta Parole qui sait nous reprendre avec bienveillance. Nous avons besoin de toi. Que ton Esprit nous aide à être l’Église que tu désires.

Amen.

 

Nourrir notre amour pour Dieu

Regarder la vidéo ici 

Imaginez : avec sa famille, il est coincé dans une voiture accidentée, dans le fossé, sur le bord de la route. Ils sont tous sonnés par l’accident. Le père sort de sa torpeur, mais se rend compte que la carrosserie cabossée l’empêche de sortir. Son téléphone a glissé, hors d’atteinte. De toute façon, il est trop blessé pour bouger. Ils sont sur une route peu passante : l’angoisse, noire et profonde, lui glace le ventre. Mais une voiture passe, et s’arrête. Deux jeunes descendent. L’un appelle les pompiers, l’autre se penche pour voir s’ils sont conscients. Il croise le regard du père et l’encourage en attendant les secours… Une fois les secours arrivés, les soins prodigués, que se passe-t-il ? l’allégresse, les cadeaux pour remercier ces jeunes, qui ont déclenché le sauvetage. Et après… cette famille pourrait-elle « passer à autre chose », reprendre la vie comme avant ? Dans un sens, oui, mais un lien s’est tissé entre cette famille et les deux jeunes qui leur ont sauvé la vie. Peut-être garderont-ils contact, peut-être pas, mais dans tous les cas, le père se souviendra toujours, 30-40-50 ans après, de sa détresse, de cet espoir muet lorsque la voiture s’est arrêtée, du torrent de soulagement lorsque sa famille s’est retrouvée saine et sauve entre les mains des pompiers. C’est un jour gravé dans sa mémoire, un jour pivot, un deuxième anniversaire – et à chaque fois, la même vague de gratitude envers ces deux jeunes qui se sont arrêtés.

Au cœur de l’histoire du peuple d’Israel, il y a la libération de l’esclavage, la sortie d’Egypte – qui annonce une autre libération, au cœur de l’Evangile : la victoire du Christ sur le mal et la mort, sur tout ce qui nous accable et nous rend esclaves. Comment y répondre ? Comment vivre une fois que Dieu nous a sauvés ?

Je vous invite à revenir à l’époque d’Israël, et à méditer une parole de Moïse. 40 ans après la sortie d’Egypte, il se trouve, avec le peuple, à l’entrée du pays promis, ce fameux pays ruisselant de lait et de miel, promesse de liberté et d’abondance. Et il rappelle les conditions pour vivre pleinement ce don que Dieu leur fait (la loi). Ce texte a nourri la spiritualité juive, au point que les Juifs pieux jusqu’à aujourd’hui le répètent plusieurs fois par jour.

Lecture biblique Deutéronome 6.1-9

1 Voici les commandements, les décrets et les règles que le Seigneur votre Dieu m’a ordonné de vous enseigner, pour que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez bientôt vous emparer. 2 Tu apprendras ainsi, tout au long de ton existence, à reconnaître l’autorité du Seigneur ton Dieu et à obéir aux décrets et aux commandements que je t’ai donnés, pour toi et pour tes descendants, afin que tu jouisses d’une longue vie. 3 Tiens-en compte, Israël, et veille à les mettre en pratique. Tu y trouveras le bonheur et tu deviendras un peuple nombreux dans ce pays qui ruisselle de lait et de miel, comme l’a promis le Seigneur, Dieu de tes pères.

4 Écoute, Israël :

Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. 

5 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta force. 

6 Les paroles que je te donne aujourd’hui demeureront sur ton cœur. 7 Tu les répèteras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi ou quand tu seras en route, quand tu te coucheras ou quand tu te lèveras. 8 Tu les attacheras sur ton bras et sur ton front, 9 tu les écriras sur les montants de porte de ta maison et sur les portes de tes villes.

L’appel à aimer Dieu

Contrairement à ce qu’on peut croire parfois sur la première partie de la Bible, sur « le Dieu de l’Ancien Testament », sur Dieu avant Jésus, dès le départ, Dieu demande l’amour de son peuple. A aucun moment dans la Bible, il ne dévie de cette aspiration profonde : avoir une relation d’amour avec l’être humain, une relation d’échange, d’intimité, de complicité. Et il fait tout pour cela : il crée l’être humain, il le sauve, et le re-sauve encore, comme autant de nouvelles chances.

  1. Un amour total

En réponse à l’amour de Dieu, à son amour passionné et actif, notre amour ne peut qu’être total. On ne peut pas aimer notre sauveur un peu ou beaucoup, mais passionnément, presque à la folie ! Avec une dévotion qui touche tout notre être : notre intériorité (le « cœur » : nos valeurs, nos pensées, nos désirs, nos loyautés), notre être (ce que nous sommes, ce que nous disons, faisons, partageons,…), à la mesure de tout notre potentiel : c’est à 100 % qu’on est appelés à l’aimer ! à 100% !

Il faut dire qu’aimer à moitié, qui ou quoi que ce soit, ce n’est pas vraiment aimer… Si vous dites : ce gâteau, je ne l’aime qu’à moitié… il faudra progresser sur la recette ! Aimer, c’est aimer, pleinement, totalement !

Un amour total et exclusif : v.4 notre seigneur est Dieu, il est le seul Seigneur. Derrière cette affirmation, il y a une affirmation théologique – Dieu est unique, il y a un seul créateur, sauveur, libérateur : pas besoin de chercher partout le bonheur, le sens de notre vie : quand on a trouvé Dieu, on a tout trouvé !

Mais ces quelques mots expriment aussi la gratitude, l’adoration… Le Seigneur ? Il n’y a que lui !! Comme cette famille accidentée qui s’écrierait : « nos sauveurs ? ce sont Paul et Thomas… Il n’y a qu’eux, on ne peut pas se tromper ! On les reconnaîtrait entre tous ! » Notre Seigneur, c’est lui, c’est Dieu manifesté en Christ, ça ne peut être que lui ! parce qu’on le connaît : il a agi dans notre vie.

  1. Amour & obéissance

Cet amour est au fondement de notre obéissance. Dieu, notre créateur, notre libérateur, est aussi le Roi… et à ce titre, il mérite que nous vivions avec respect pour lui, pour son autorité. Mais Dieu ne demande pas une obéissance mécanique, servile, « obligatoire » : il n’a pas libéré Israel de l’esclavage pour le faire entrer dans un autre esclavage !! au fondement de l’obéissance, il y a l’amour ! C’est la relation qui prime. Avant l’obéissance, sous l’obéissance, il y a l’amour pour Dieu, dès l’AT. On s’imagine parfois que l’AT c’est la loi, et à partir de Jésus, c’est l’amour, la grâce – mais non ! Ce qui a toujours intéressé Dieu, à la création de l’humanité, en sauvant Israel, en rassemblant son Eglise, c’est une relation d’amour, authentique, avec nous.

Mais l’amour, ce n’est pas que du sentiment, c’est aussi du concret, sinon… est-ce vraiment de l’amour ? Vous sentez-vous aimé si l’autre ne pense jamais à vous, ne vous contacte pas, ne vous rend pas service quand vous en avez besoin, ne vous dit jamais de paroles gentilles, ne fait rien avec vous ?… Dans notre société actuelle, on a peut-être trop tendance à mettre l’accent sur ce que nous ressentons, sans trop s’encombrer de ce que ça implique concrètement – que ce soit dans nos relations avec les autres ou avec Dieu. Mais l’amour, si c’est un sentiment, est aussi une motivation pour agir, comme une inspiration pour. Si vous êtes inspiré, mais que ça ne change rien, ce n’est pas la peine !

Moïse insiste : voici les lois, qui décrivent comment faire plaisir à Dieu… comment lui montrer votre amour… faites-le ! ne vous contentez pas de les connaître, mais agissez, concrètement, pour montrer à Dieu votre amour ! Son amour à lui, il vous l’a montré concrètement en venant à votre secours !

Et le but de l’obéissance, déjà pour Israel, c’est la joie. L’abondance. Une longue vie dans une pays béni – voilà le projet de Dieu ! Les commandements, les lois, ce sont des exemples, des principes, pour une expérience optimale. Dieu ne libère pas pour enchaîner ! Il libère pour faire vivre la liberté, pleinement.

          Une exhortation à nourrir notre passion pour Dieu

Revenons au texte. Nous recevons cette exhortation à aimer Dieu pleinement, d’un amour total, exclusif, et concret – parce que lui nous a aimés le premier. Et Moïse fait suivre une deuxième exhortation : ces paroles seront gravées sur ton cœur, c’est-à-dire au plus profond de toi. Il y a deux choses qui me frappent :

  • le côté exhaustif (« partout, tout le temps »): Tu y penseras jour et nuit, en privé et en public. L’amour concret que nous avons pour Dieu mérite de nous occuper jour et nuit, parce que Dieu nous aime jour et nuit.

Et c’est une exhortation, parce que nous, nous avons tendance à nous disperser, à nous éparpiller, à nous laisser absorber par des détails en oubliant l’essentiel. Et quand on perd de vue l’essentiel, on s’égare, on perd le sens de ce qu’on vit, voire, dans une relation, on finit par s’éloigner de l’autre parce qu’on s’imagine des choses, on glisse dans le malentendu.

Dans les relations, le travail, l’activité, revenir à l’essentiel c’est ce qui nous aide à garder le cap ! Avec Dieu, que nous ne voyons pas physiquement, nous avons d’autant plus besoin, constamment, de nous ré-ancrer dans la vérité de son amour, de son salut, de sa puissance, de sa liberté… pour garder le cap, éviter de retomber dans nos vieux esclavages ou de nous installer dans l’indifférence.

  • le côté pratique : tu te mettras des rappels un peu partout… sur la porte de ta maison, à l’entrée de la ville, et même sur ton corps. Tu te le rappelleras et tu l’enseigneras à tes enfants, tu transmettras ce que tu vis avec Dieu.

Ca ne veut pas forcément dire qu’il faille se faire tatouer la loi sur le bras, ou changer de tapisserie à la maison, ou n’écouter que des chants de louange ou ne lire que la Bible… Mais le conseil, derrière, c’est de tout mettre en place pour faciliter notre retour à l’essentiel.

Avec l’âge, cette phrase revient de plus en plus souvent : « je perds la mémoire, j’oublie… alors je note tout ! » et on sent une frustration, un dépit, face à la perte de mémoire. Mais vis-à-vis de Dieu, quel que soit notre âge, jeune ou moins jeune, nous perdons tous la mémoire ! Nous nous dispersons ! Et nous avons besoin de rappels, de noter, d’éléments concrets qui nous aident à revenir à l’essentiel. Dans notre spiritualité protestante, nous sommes très méfiants des rituels, des objets, des habitudes… par peur de tomber dans une routine mécanique. Mais nous avons parfois jeté le bébé avec l’eau du bain ! Bibliquement, c’est tout à fait recommandé d’avoir des routines, des rappels, des objets ou des habitudes qui re-dirigent notre regard vers Dieu, qui alimentent notre relation avec lui. C’est l’un des buts du culte hebdomadaire, par exemple.

Comment nourrissez-vous, ou pourriez-vous nourrir, au quotidien, votre relation avec Dieu ? Certains sont visuels, d’autres auditifs, d’autres encore ont besoin de faire quelque chose de leurs mains ou de parler ; certains ont beaucoup de temps, d’autres moins… On est tous différents, et il y a des saisons de vie. Ce qui a marché n’est peut-être plus adapté aujourd’hui. Mais si le Christ nous a vraiment libérés du mal, de la mort, de la culpabilité, du désespoir, comment nourrir notre vie avec lui, notre amour pour lui, notre joie en lui ? Peut-être qu’en ce moment, vous êtes dans une impasse, ou une routine monotone… qu’est-ce qui pourrait, concrètement, vous aider à revenir à l’essentiel ?

 

Dieu nous a sauvés de bien plus qu’un accident de voiture. Il l’a fait parce qu’il nous aime : nous n’étions pas des inconnus sur sa route, mais ses enfants qu’il a désirés et façonnés lui-même, pour qui il donne tout, pour qui il se donne en Christ. Si nous le croyons, alors nourrissons notre foi, prenons le temps, mettons l’énergie nécessaire à nourrir notre relation avec lui, à nourrir notre amour pour lui, pour que ce salut ne disparaisse pas dans notre mémoire, mais qu’il éclaire notre vie d’une lumière nouvelle, avec tout l’éclat de l’amour que Dieu a pour nous.