Nourrir notre amour pour Dieu

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Imaginez : avec sa famille, il est coincé dans une voiture accidentée, dans le fossé, sur le bord de la route. Ils sont tous sonnés par l’accident. Le père sort de sa torpeur, mais se rend compte que la carrosserie cabossée l’empêche de sortir. Son téléphone a glissé, hors d’atteinte. De toute façon, il est trop blessé pour bouger. Ils sont sur une route peu passante : l’angoisse, noire et profonde, lui glace le ventre. Mais une voiture passe, et s’arrête. Deux jeunes descendent. L’un appelle les pompiers, l’autre se penche pour voir s’ils sont conscients. Il croise le regard du père et l’encourage en attendant les secours… Une fois les secours arrivés, les soins prodigués, que se passe-t-il ? l’allégresse, les cadeaux pour remercier ces jeunes, qui ont déclenché le sauvetage. Et après… cette famille pourrait-elle « passer à autre chose », reprendre la vie comme avant ? Dans un sens, oui, mais un lien s’est tissé entre cette famille et les deux jeunes qui leur ont sauvé la vie. Peut-être garderont-ils contact, peut-être pas, mais dans tous les cas, le père se souviendra toujours, 30-40-50 ans après, de sa détresse, de cet espoir muet lorsque la voiture s’est arrêtée, du torrent de soulagement lorsque sa famille s’est retrouvée saine et sauve entre les mains des pompiers. C’est un jour gravé dans sa mémoire, un jour pivot, un deuxième anniversaire – et à chaque fois, la même vague de gratitude envers ces deux jeunes qui se sont arrêtés.

Au cœur de l’histoire du peuple d’Israel, il y a la libération de l’esclavage, la sortie d’Egypte – qui annonce une autre libération, au cœur de l’Evangile : la victoire du Christ sur le mal et la mort, sur tout ce qui nous accable et nous rend esclaves. Comment y répondre ? Comment vivre une fois que Dieu nous a sauvés ?

Je vous invite à revenir à l’époque d’Israël, et à méditer une parole de Moïse. 40 ans après la sortie d’Egypte, il se trouve, avec le peuple, à l’entrée du pays promis, ce fameux pays ruisselant de lait et de miel, promesse de liberté et d’abondance. Et il rappelle les conditions pour vivre pleinement ce don que Dieu leur fait (la loi). Ce texte a nourri la spiritualité juive, au point que les Juifs pieux jusqu’à aujourd’hui le répètent plusieurs fois par jour.

Lecture biblique Deutéronome 6.1-9

1 Voici les commandements, les décrets et les règles que le Seigneur votre Dieu m’a ordonné de vous enseigner, pour que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez bientôt vous emparer. 2 Tu apprendras ainsi, tout au long de ton existence, à reconnaître l’autorité du Seigneur ton Dieu et à obéir aux décrets et aux commandements que je t’ai donnés, pour toi et pour tes descendants, afin que tu jouisses d’une longue vie. 3 Tiens-en compte, Israël, et veille à les mettre en pratique. Tu y trouveras le bonheur et tu deviendras un peuple nombreux dans ce pays qui ruisselle de lait et de miel, comme l’a promis le Seigneur, Dieu de tes pères.

4 Écoute, Israël :

Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. 

5 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta force. 

6 Les paroles que je te donne aujourd’hui demeureront sur ton cœur. 7 Tu les répèteras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi ou quand tu seras en route, quand tu te coucheras ou quand tu te lèveras. 8 Tu les attacheras sur ton bras et sur ton front, 9 tu les écriras sur les montants de porte de ta maison et sur les portes de tes villes.

L’appel à aimer Dieu

Contrairement à ce qu’on peut croire parfois sur la première partie de la Bible, sur « le Dieu de l’Ancien Testament », sur Dieu avant Jésus, dès le départ, Dieu demande l’amour de son peuple. A aucun moment dans la Bible, il ne dévie de cette aspiration profonde : avoir une relation d’amour avec l’être humain, une relation d’échange, d’intimité, de complicité. Et il fait tout pour cela : il crée l’être humain, il le sauve, et le re-sauve encore, comme autant de nouvelles chances.

  1. Un amour total

En réponse à l’amour de Dieu, à son amour passionné et actif, notre amour ne peut qu’être total. On ne peut pas aimer notre sauveur un peu ou beaucoup, mais passionnément, presque à la folie ! Avec une dévotion qui touche tout notre être : notre intériorité (le « cœur » : nos valeurs, nos pensées, nos désirs, nos loyautés), notre être (ce que nous sommes, ce que nous disons, faisons, partageons,…), à la mesure de tout notre potentiel : c’est à 100 % qu’on est appelés à l’aimer ! à 100% !

Il faut dire qu’aimer à moitié, qui ou quoi que ce soit, ce n’est pas vraiment aimer… Si vous dites : ce gâteau, je ne l’aime qu’à moitié… il faudra progresser sur la recette ! Aimer, c’est aimer, pleinement, totalement !

Un amour total et exclusif : v.4 notre seigneur est Dieu, il est le seul Seigneur. Derrière cette affirmation, il y a une affirmation théologique – Dieu est unique, il y a un seul créateur, sauveur, libérateur : pas besoin de chercher partout le bonheur, le sens de notre vie : quand on a trouvé Dieu, on a tout trouvé !

Mais ces quelques mots expriment aussi la gratitude, l’adoration… Le Seigneur ? Il n’y a que lui !! Comme cette famille accidentée qui s’écrierait : « nos sauveurs ? ce sont Paul et Thomas… Il n’y a qu’eux, on ne peut pas se tromper ! On les reconnaîtrait entre tous ! » Notre Seigneur, c’est lui, c’est Dieu manifesté en Christ, ça ne peut être que lui ! parce qu’on le connaît : il a agi dans notre vie.

  1. Amour & obéissance

Cet amour est au fondement de notre obéissance. Dieu, notre créateur, notre libérateur, est aussi le Roi… et à ce titre, il mérite que nous vivions avec respect pour lui, pour son autorité. Mais Dieu ne demande pas une obéissance mécanique, servile, « obligatoire » : il n’a pas libéré Israel de l’esclavage pour le faire entrer dans un autre esclavage !! au fondement de l’obéissance, il y a l’amour ! C’est la relation qui prime. Avant l’obéissance, sous l’obéissance, il y a l’amour pour Dieu, dès l’AT. On s’imagine parfois que l’AT c’est la loi, et à partir de Jésus, c’est l’amour, la grâce – mais non ! Ce qui a toujours intéressé Dieu, à la création de l’humanité, en sauvant Israel, en rassemblant son Eglise, c’est une relation d’amour, authentique, avec nous.

Mais l’amour, ce n’est pas que du sentiment, c’est aussi du concret, sinon… est-ce vraiment de l’amour ? Vous sentez-vous aimé si l’autre ne pense jamais à vous, ne vous contacte pas, ne vous rend pas service quand vous en avez besoin, ne vous dit jamais de paroles gentilles, ne fait rien avec vous ?… Dans notre société actuelle, on a peut-être trop tendance à mettre l’accent sur ce que nous ressentons, sans trop s’encombrer de ce que ça implique concrètement – que ce soit dans nos relations avec les autres ou avec Dieu. Mais l’amour, si c’est un sentiment, est aussi une motivation pour agir, comme une inspiration pour. Si vous êtes inspiré, mais que ça ne change rien, ce n’est pas la peine !

Moïse insiste : voici les lois, qui décrivent comment faire plaisir à Dieu… comment lui montrer votre amour… faites-le ! ne vous contentez pas de les connaître, mais agissez, concrètement, pour montrer à Dieu votre amour ! Son amour à lui, il vous l’a montré concrètement en venant à votre secours !

Et le but de l’obéissance, déjà pour Israel, c’est la joie. L’abondance. Une longue vie dans une pays béni – voilà le projet de Dieu ! Les commandements, les lois, ce sont des exemples, des principes, pour une expérience optimale. Dieu ne libère pas pour enchaîner ! Il libère pour faire vivre la liberté, pleinement.

          Une exhortation à nourrir notre passion pour Dieu

Revenons au texte. Nous recevons cette exhortation à aimer Dieu pleinement, d’un amour total, exclusif, et concret – parce que lui nous a aimés le premier. Et Moïse fait suivre une deuxième exhortation : ces paroles seront gravées sur ton cœur, c’est-à-dire au plus profond de toi. Il y a deux choses qui me frappent :

  • le côté exhaustif (« partout, tout le temps »): Tu y penseras jour et nuit, en privé et en public. L’amour concret que nous avons pour Dieu mérite de nous occuper jour et nuit, parce que Dieu nous aime jour et nuit.

Et c’est une exhortation, parce que nous, nous avons tendance à nous disperser, à nous éparpiller, à nous laisser absorber par des détails en oubliant l’essentiel. Et quand on perd de vue l’essentiel, on s’égare, on perd le sens de ce qu’on vit, voire, dans une relation, on finit par s’éloigner de l’autre parce qu’on s’imagine des choses, on glisse dans le malentendu.

Dans les relations, le travail, l’activité, revenir à l’essentiel c’est ce qui nous aide à garder le cap ! Avec Dieu, que nous ne voyons pas physiquement, nous avons d’autant plus besoin, constamment, de nous ré-ancrer dans la vérité de son amour, de son salut, de sa puissance, de sa liberté… pour garder le cap, éviter de retomber dans nos vieux esclavages ou de nous installer dans l’indifférence.

  • le côté pratique : tu te mettras des rappels un peu partout… sur la porte de ta maison, à l’entrée de la ville, et même sur ton corps. Tu te le rappelleras et tu l’enseigneras à tes enfants, tu transmettras ce que tu vis avec Dieu.

Ca ne veut pas forcément dire qu’il faille se faire tatouer la loi sur le bras, ou changer de tapisserie à la maison, ou n’écouter que des chants de louange ou ne lire que la Bible… Mais le conseil, derrière, c’est de tout mettre en place pour faciliter notre retour à l’essentiel.

Avec l’âge, cette phrase revient de plus en plus souvent : « je perds la mémoire, j’oublie… alors je note tout ! » et on sent une frustration, un dépit, face à la perte de mémoire. Mais vis-à-vis de Dieu, quel que soit notre âge, jeune ou moins jeune, nous perdons tous la mémoire ! Nous nous dispersons ! Et nous avons besoin de rappels, de noter, d’éléments concrets qui nous aident à revenir à l’essentiel. Dans notre spiritualité protestante, nous sommes très méfiants des rituels, des objets, des habitudes… par peur de tomber dans une routine mécanique. Mais nous avons parfois jeté le bébé avec l’eau du bain ! Bibliquement, c’est tout à fait recommandé d’avoir des routines, des rappels, des objets ou des habitudes qui re-dirigent notre regard vers Dieu, qui alimentent notre relation avec lui. C’est l’un des buts du culte hebdomadaire, par exemple.

Comment nourrissez-vous, ou pourriez-vous nourrir, au quotidien, votre relation avec Dieu ? Certains sont visuels, d’autres auditifs, d’autres encore ont besoin de faire quelque chose de leurs mains ou de parler ; certains ont beaucoup de temps, d’autres moins… On est tous différents, et il y a des saisons de vie. Ce qui a marché n’est peut-être plus adapté aujourd’hui. Mais si le Christ nous a vraiment libérés du mal, de la mort, de la culpabilité, du désespoir, comment nourrir notre vie avec lui, notre amour pour lui, notre joie en lui ? Peut-être qu’en ce moment, vous êtes dans une impasse, ou une routine monotone… qu’est-ce qui pourrait, concrètement, vous aider à revenir à l’essentiel ?

 

Dieu nous a sauvés de bien plus qu’un accident de voiture. Il l’a fait parce qu’il nous aime : nous n’étions pas des inconnus sur sa route, mais ses enfants qu’il a désirés et façonnés lui-même, pour qui il donne tout, pour qui il se donne en Christ. Si nous le croyons, alors nourrissons notre foi, prenons le temps, mettons l’énergie nécessaire à nourrir notre relation avec lui, à nourrir notre amour pour lui, pour que ce salut ne disparaisse pas dans notre mémoire, mais qu’il éclaire notre vie d’une lumière nouvelle, avec tout l’éclat de l’amour que Dieu a pour nous.

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