5 Solae (2) La grâce seule

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Regarder la prédication ici.

Est-ce que les enfants sont partis dans leurs groupes ? Ouf, je vais pouvoir dire des gros mots ! Non, je vous rassure, je vais garder un langage châtié ce matin ! Mais j’aimerais quand même parler d’un gros mot. Qu’est-ce qu’un gros mot ? Un mot qui choque, un mot qui exprime l’intensité d’un ressenti, un mot dont on a souvent oublié l’origine et qui devient parfois juste une ponctuation dans la phrase – et qu’on dit sans y penser, un mot qui fait basculer dans le langage familier.

Y a-t-il des gros mots dans le vocabulaire chrétien ? Y a-t-il des mots familiers, qui viennent ponctuer nos chants et nos échanges, comme des réflexes, des mots forts qui se sont usés et dont on ne mesure pas toujours le poids ?

Ce matin, pour continuer la série commencée la semaine dernière sur les 5 affirmations centrales de la Réforme protestante, je vous invite à nous centrer sur ce grand et gros mot qu’est la grâce. Je redis ces 5 affirmations : l’Ecriture seule, la grâce seule, par la foi seule, le Christ seul, à la gloire de Dieu seul.

La grâce renvoie au salut que Dieu nous offre en Christ : « vous êtes sauvés par la grâce de Dieu, au moyen de la foi » (Ep 2.8). Elle est indissociable de la foi, comme deux faces d’une même pièce, la face divine du salut, et la face humaine pourrait-on dire. Et aujourd’hui, on va se concentrer sur la grâce elle-même, sur la part de Dieu, et Eglantine prêchera la semaine prochaine sur la foi, la part de l’homme.

Reprenons ce texte dans son contexte plus large. L’apôtre Paul commence par ce constat que sans le Dieu de la vie, on a du mal à vivre vraiment. On est prisonnier de soi, du poids de notre passé, de nos vanités, de nos orgueils, de nos pulsions rarement glorieuses – ce que la Bible appelle le péché, ce trou noir intérieur qui défigure même nos meilleures intentions. Sans parler de notre côté influençable, de notre facilité à suivre des tendances qui nous dépassent, à entrer dans des fonctionnements et des systèmes tellement injustes qu’on se demande s’il n’y a pas des forces spirituelles mauvaises derrière. Encore un mot de contexte : Paul est un chrétien d’origine juive, un bon élève de la foi qui a toujours respecté Dieu de tout son cœur. Il écrit, là, à des chrétiens d’origine païenne, qui ont un passé spirituel et moral compliqué, aux antipodes de ce que Dieu aime.

Lecture biblique : Ephésiens 2.1-10

1 Autrefois, vous étiez comme morts à cause de vos fautes, à cause de vos péchés. 2 Vous vous conformiez alors à la manière de vivre de ce monde ; vous obéissiez au prince des puissances mauvaises qui occupent l’air, cet esprit qui agit maintenant en ceux qui s’opposent à Dieu. 

3 Nous tous, nous étions aussi comme eux, nous vivions selon nos mauvais désirs, nos penchants, nous faisions ce que voulaient nos impulsions et nos pensées. Ainsi, à cause de notre faiblesse humaine, nous devions subir la colère de Dieu comme les autres.

4 Mais Dieu est riche en compassion ! Son amour pour nous est tel que, 5 lorsque nous étions comme morts à cause de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ. C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés. 

6 Dans notre union avec Jésus Christ, Dieu nous a ressuscités avec lui pour nous faire régner avec lui dans les cieux. 

7 Par la bonté qu’il nous a manifestée en Jésus Christ, il a démontré pour tous les siècles à venir la richesse extraordinaire de sa grâce. 

8 Car c’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; 9 il n’est pas le résultat de vos efforts, et ainsi personne ne peut faire le fier. 

10 En effet, nous sommes l’œuvre de Dieu ; il nous a créés, unis avec Jésus Christ, pour que nous menions une vie riche en actions pleines de bonté, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions.

La grâce comme initiative

L’apôtre Paul ne mâche pas ses mots : sans Dieu, sans le Dieu de la liberté, on tourne en rond, on est prisonnier. Sans le Dieu de la vie, on est moribond. Sans le Dieu de la justice, on est corrompu.

Ce qui est fort dans ce texte, c’est que Paul commence presque machinalement : Dieu vous a fait revivre, vous qui étiez morts à ses yeux parce que vous étiez d’abominables païens (remplacez par ce que vous voulez : drogués, voleurs, menteurs, égoïstes, exploiteurs, abuseurs etc.) – et puis, prise de conscience : ah mais, nous aussi, nous aussi les bons élèves bien respectables, nous n’étions pas mieux. Derrière des apparences convenables, la même racine du mal, d’égoïsme et d’orgueil, la même racine pourrissait notre vie. Quelle que soit l’étiquette, sans Dieu, sans le Dieu de la vie, nous étions morts, sans le Dieu de la justice, nous étions corrompus.

Mais Dieu ! Peut-être les deux plus beaux mots de la Bible : mais Dieu. Mais Dieu ne s’est pas laissé impressionner par l’ampleur de nos caprices, de nos engrenages et de nos trous noirs : il a tout arrangé, il a tout mis en place pour nous sauver de ce marasme et de la mort. La grâce, c’est cette initiative de Dieu, ce déclic, ce « mais Dieu » qui renverse la situation. Alors qu’il n’y avait aucun espoir de s’en sortir, un mouvement démarre – pas chez les humains, mais en Dieu.

La grâce comme cadeau

La grâce, c’est le salut offert comme un don, un cadeau qu’il n’y a qu’à recevoir dans la foi. La grâce, c’est le salut comme cadeau de Dieu. Et un cadeau, c’est quelque chose d’immérité, gratuit (si on le mérite, ce n’est plus un cadeau, c’est un dû ! par exemple, votre salaire n’est pas un cadeau !). C’est le signe non pas que j’ai bien travaillé, mais que l’autre m’apprécie et m’aime (sauf s’il essaye de m’acheter, mais alors ce n’est plus vraiment un cadeau, puisque je vais le payer d’une façon ou d’une autre !). C’est un signe d’amour. Ce qui touche dans le cadeau, c’est l’intention de celui qui l’offre, la main derrière le joli paquet, l’affection dont Paul nous parle : la riche compassion de Dieu, l’amour débordant qu’il nous porte…

Et ce signe d’amour est d’autant plus fort que le cadeau est coûteux. Pas spécialement en argent, mais en temps, en énergie, en réflexion : si on vous offre un clou, vous êtes content… ou si on vous offre le produit de tête de gondole qui ne vous correspond absolument pas… Le salut est un cadeau qui coûte cher, pas à celui qui le reçoit, mais à celui qui l’offre : Dieu s’est donné, lui-même, il a donné plus que son temps ou ses richesses, il a donné sa vie, à travers Jésus, il s’est donné lui-même pour payer nos factures, pour réparer ce que nous avons cassé. Dans sa grâce, Dieu ne fait pas l’économie de sa justice, il va au-delà de sa justice : il ne nous demande pas ce qui est dû, il le paye à notre place et nous donne une nouvelle chance.

La grâce seule

Affirmer que nous sommes sauvés par la grâce seule, c’est dire que le salut en Christ est un pur cadeau, un pur acte d’amour, immérité, inexplicable, glorieux, qui prend sa source dans le cœur de Dieu. Que dire d’autre que merci ? Merci pour le salut, merci pour son amour débordant !

L’autre conséquence de cette affirmation, c’est que tout le monde peut être sauvé. Ou plutôt, n’importe qui peut recevoir ce cadeau, puisqu’en définitive, personne ne le mérite. N’importe qui – même le pire truand, même le plus désinvolte des Don Juan, même le plus paumé : personne ne mérite l’amour de Dieu, mais Dieu, mais Dieu invite tout le monde à recevoir son amour en cadeau !

Ca veut dire que tout le monde est le bienvenu ici, parce que Dieu vous aime. Pas parce que vous gagnez à être connu (ce dont je ne doute pas), mais parce que Dieu vous aime passionnément.  Peu importe les mots qu’on a posés sur vous, le regard que vous portez sur vous, vos déceptions ou vos échecs, vos incertitudes ou vos obstinations : sur tout cela, il y a un « mais Dieu », mais Dieu vous aime.

Et logiquement, si tout le monde est le bienvenu ici, tout le monde est le bienvenu ici ! Si Dieu détruit toutes les barrières pour vous aimer, qui oserait relever une barrière ? Là, on a sûrement des progrès à faire… Celui ou celle que j’ai du mal à aimer, qui ne me plaît pas trop, Dieu lui offre sa grâce : comment ne pas l’accueillir ?

La grâce comme une exubérance

Mais on aurait tort de réduire la grâce de Dieu au pardon offert, au cadeau coûteux qu’est la Croix où meurt le Christ. Paul évoque la résurrection de Jésus, son retour à la vie au-delà de la mort, son triomphe et son règne. En quoi cela fait-il partie de la grâce ?

Nous sommes, par la foi, co-ressuscités avec le Christ. Nous co-siégeons avec le Christ sur son trône.

Le pardon soulage notre conscience, nous libère de la honte, de la culpabilité, de schémas addictifs guidés par nos pulsions et nos intérêts. Mais le but ultime de Dieu, c’est de nous faire partager sa vie, dans la gloire majestueuse de son éternité. Il fait de nous ses héritiers, les enfants dont il s’entoure avec fierté, ses amis, ses partenaires. Dès maintenant, il nous inspire, nous transforme, pour vivre comme lui, pour laisser déborder de notre cœur ce qui déborde du sien.

On ne lui en demandait pas tant ! Déjà, couvrir nos injustices, c’est inespéré. Promettre de réparer ce qui est brisé, c’est le rêve ! Mais nous faire co-vivre avec lui, nous imprégner de sa vie à lui pour nous élever à sa hauteur, dans le cercle intime du Roi de l’Univers, lui le Créateur, le Tout-Puissant, le Pur, le Merveilleux, l’Absolu – c’est presque de la folie tant c’est vertigineux !

Mais Dieu est comme ça : une fois qu’il a commencé, il ne s’arrête plus ! Grâce sur grâce, amour sur amour, il en rajoute toujours. C’est sa fierté !

On vous a peut-être déjà demandé ce qui vous définit en une phrase, ce que vous aimeriez avoir comme épitaphe ou comme sous-titre de votre biographie, ce que vous voulez laisser en souvenir… Même si Dieu n’a pas l’intention de disparaître, sa fierté, le sous-titre de sa biographie, c’est : « Dieu, la richesse extraordinaire de la grâce ». Voilà son titre de gloire, sa grande fierté, sa grande joie : nous couvrir de son amour, jusqu’à ce que tout le reste s’estompe et que seule brille sa grâce dans notre vie.

 

Questions pour aller plus loin

Questions générales :

  • Qu’est-ce que j’ai retenu de la prédication ?
  • Y a-t-il quelque chose de nouveau qui m’interroge ou que je voudrais creuser ?
  • Qu’est-ce que ce texte m’encourage à vivre ?

Questions spécifiques :

  • Est-ce que j’ai du mal avec le concept « injuste » de la grâce, pour moi ou pour d’autres ?
  • Quels exemples concrets de la grâce de Dieu puis-je décrire dans ma vie ?
  • En regardant davantage le verset 10, comment la grâce de Dieu continue-t-elle de s’exprimer tout au long de notre vie chrétienne ?

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