La croix comme lieu de réconciliation (Les sens de la Croix 2/4)

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Jésus vient annoncer la venue du royaume de Dieu – il est lui-même le Roi qui s’approche de nous dans notre humanité. Dans notre foi chrétienne, nous croyons que son chemin pour nous rejoindre passe par sa mort sur la croix, comme en un point nécessaire. Comment sa mort sur la croix permet-elle que nous soyons connectés, re-connectés, à Dieu ?

La semaine dernière, nous avons commencé une série sur les sens principaux de la mort de Jésus sur la croix, en commençant par la notion de sacrifice : Jésus se charge de notre culpabilité, à notre place, afin que nous soyons déchargés, déclarés innocents, justifiés – et le NT entremêle l’image du sacrifice et l’image du procès où Jésus se laisse condamner à notre place pour que notre casier judiciaire devant Dieu redevienne vierge. Aujourd’hui, nous nous penchons plutôt sur l’aspect de Réconciliation qu’accomplit Jésus sur la croix.

Lecture biblique : lettre aux Romains 5.1-11

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 

2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

6 En effet, quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. 7 Déjà qu’on accepterait difficilement de mourir pour quelqu’un de droit ! Quelqu’un aurait peut-être le courage de mourir pour une personne de bien. 8 Mais Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 

9 Par le don de sa vie, nous sommes maintenant reconnus justes ; à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. 10 Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils. 

11 Il y a plus encore : nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, grâce auquel nous sommes maintenant réconciliés avec Dieu.

La paix avec Dieu

[v.1,11] Qu’est-ce que vous mettez derrière la notion de « paix » ? Peut-être un repos intérieur, l’absence de sollicitations/sur-sollicitations, le moment où enfin on souffle, l’absence d’inquiétude, le fait d’être certain (j’ai pris cette décision et je suis en paix), l’absence de conflits ou la résolution d’un conflit… Nous sommes en paix avec Dieu. Comment le comprendre ? dans l’Antiquité, la paix, c’est d’abord l’absence de conflits, de tensions.

Grâce au Christ, et à sa mort sur la Croix, nous sommes maintenant en paix avec Dieu, réconciliés (v.11). Sous-entendu, nous étions en conflit avec lui ! Le conflit peut prendre différentes formes, mais d’après la Bible, il vient de ce que nous avons tourné le dos à Dieu. Être « ennemis » de Dieu, c’est un grand mot ! Cela semble agressif, comme si on essayait de l’attaquer. Vous ne vous reconnaissez peut-être pas dans cette image !

Mais pensez à votre vie courante : un collègue qui vous ignore au quotidien, qui ne répond pas à votre « bonjour », qui signe à votre place les courriers recommandés pour vous, qui repasse derrière vous pour réécrire vos rapports – vous vous sentez insultés, non ? Même s’il ne vous dit rien ! Même s’il ne vous touche pas !

Sans même parler d’aller à l’encontre de ce que Dieu désire (et on l’a tous fait !), la simple indifférence au Dieu créateur (il est plus qu’un collègue !…) est une insulte. Donc oui, par action et par omission, l’humanité est de fait ennemie de Dieu. Et elle suscite sa colère, comme ce collègue qui nous met en rogne.

La semaine passée, avec l’image du sacrifice ou du procès, on parlait plutôt de notre culpabilité, de nos taches à effacer – quand on évoque la réconciliation, on prend en compte la réaction de Dieu à notre culpabilité, sa colère devant l’injustice. L’injustice sous toutes ses formes, pas seulement mépriser Dieu, mais aussi nos dysfonctionnements dans notre rapport à l’autre, dans notre société, dans notre rapport à d’autres peuples, dans notre rapport à la nature. Comme Dieu est le Créateur, le Souverain sur tout ce qui existe, ce que nous faisons à l’un ou à l’autre, voire à nous-mêmes, cela touche Dieu – et tous nos dysfonctionnements, toutes nos injustices le choquent !

Mais Dieu ne reste pas dans sa colère : il choisit de faire la paix avec nous, littéralement. C’est lui qui vient, en tant qu’homme, en la personne de Jésus et il meurt, alors que c’est nous qui méritions de disparaître. Ainsi, puisque les injustices sont payées (même si la réparation est en cours), la colère de Dieu s’apaise, le conflit s’éteint. Et c’est à partir de là que la connexion avec Dieu peut se rétablir, que nous pouvons entrer dans une paix positive, une relation paisible.

Dans les spiritualités contemporaines, spiritualités New Age plus ou moins diluées, on mise sur cette connexion à un Être transcendant, à une « énergie » qui nous dépasse. C’est une préoccupation tout à fait valable : le désir d’être connecté aux autres et à l’Autre. D’après ce que je comprends, dans les représentations courantes de ces spiritualités (je ne suis pas une spécialiste), certains se connectent par la méditation, la gratitude, les gestes etc. Mais il manque une étape ! Cette « énergie » n’est-elle pas perturbée par nos dysfonctionnements internes et externes ? Comment notre connexion peut-elle ne pas être brouillée ? Imaginer que dans notre état et dans l’état de notre monde, il suffit d’appuyer sur un bouton pour être connecté à cette énergie positive, c’est au mieux illusoire, au pire hypocrite. Alors dans certains courants, il faut s’astreindre, se purifier : mais si je fais partie du problème, du brouillage, comment pourrais-je arriver moi-même à une solution ? C’est illusoire ! Vu nos déconnexions, pour se reconnecter, il faut bien une intervention spéciale, qui ne vient pas de nous ! La Bible affirme que c’est l’Autre, Dieu, qui prend en charge cette intervention en allant sur la Croix en la personne de Jésus, pour payer le coût des injustices et de leurs réparations – par lui, la paix peut être rétablie.

Une relation riche

Et quelle paix ! Paul détaille les privilèges de notre relation restaurée avec Dieu : nous avons accès à lui (nous avons nos entrées ! nous sommes VIP !), nous sommes fermement établis dans sa grâce (nous y sommes campés, installés, nous y avons fait notre résidence principale, la grâce de Dieu c’est notre adresse !), nous avons reçu son amour dans notre cœur (« répandu » : ce n’est pas un goutte-à-goutte, c’est un torrent qui se répand, c’est l’Esprit de Dieu lui-même qui assure la connexion très haut débit avec Dieu). Nous sommes « à l’aise » avec Dieu, nous sommes ses proches, ses intimes, ses amis.

En hébreu, le mot « paix » se dit « shalom » et derrière ce mot shalom, il y a l’absence de conflit, mais aussi la prospérité, l’épanouissement, la croissance, la joie… Quand Paul, d’arrière-plan juif, dit « nous sommes en paix avec Dieu », il pense à la fois à la réconciliation nécessaire, et à toute la richesse de la relation que Dieu veut vivre avec nous, nous qu’il appelle son peuple, ses enfants, ses héritiers.

Une relation à toute épreuve

Alors si nous sommes les enfants que Dieu aime, que penser de nos difficultés de vie ? [v.3-4] Paul n’est pas naïf : il sait que, une fois réconciliés avec Dieu, nos difficultés ne disparaissent pas pour autant. Mais c’est un problème spirituellement : pourquoi ceux que Dieu aime souffrent-ils ? Quand ce sont des difficultés parce que d’autres rejettent notre foi, on peut éventuellement comprendre : le Christ a été rejeté alors qu’il n’était qu’amour, justice et vérité, donc en le suivant, on court le même risque. Mais que faire des difficultés inutiles, insensées : une maladie, un accident, un cataclysme ? N’allons-nous pas interpréter ces épreuves comme un signe que nous ne sommes pas si proches de Dieu que ça ? Que nous ne sommes pas vraiment dans sa grâce ? qu’il nous aime moins que d’autres ?

Même si nous sommes chrétiens, même si nous avons pleinement accès à Dieu aujourd’hui, nous ne goûtons aujourd’hui qu’une partie de cette plénitude, qu’une partie de sa bénédiction, en attendant que les travaux de réparation de notre monde, payés d’avance par le Christ sur la croix, soient terminés. Ainsi, puisque nous sommes encore dans un monde qui souffre, comme d’autres les chrétiens rencontrent des souffrances injustes – et Paul invite à changer de regard : les épreuves ne sont pas un désaveu de la part de Dieu, mais un signe de notre monde encore en souffrance, et dans ces difficultés, nous pouvons approfondir notre relation avec Dieu. Comme les vrais amis qui se révèlent dans la difficulté (sans qu’on recherche la difficulté !), l’amitié avec Dieu se révèle et s’approfondit lorsqu’on est sous tension, dans l’espérance.

          Cette espérance nous permet de tenir. Mais, Paul pose la question, certains pourraient pâlir devant l’espérance, devant la perspective de se retrouver face-à-face avec Dieu. Au jugement dernier : est-ce que notre foi en Christ suffira ? est-ce que la croix couvrira tout ? Alors je pense qu’on a tous vu des tableaux assez effrayants de ce jugement dernier. Sans aller dans le baroque, je pense qu’au minimum on peut imaginer que le jour où nous serons dans la pleine lumière de Dieu, comme un énorme projecteur braqué sur nous, même si nous sommes convaincus de l’amour de Dieu, nous serons aussi impressionnés par sa majesté, sa beauté, sa pureté, sa justice – comment alors ne pas se sentir indignes de Dieu ? ce que nous tolérons aujourd’hui, ce que nous nous empressons d’oublier ou ce que nous ne voyons même pas, tout cela apparaîtra – et on ne peut qu’en être gênés, en avoir honte !

Pourtant, Paul l’affirme : si la mort du Christ a couvert nos injustices quand nous étions les ennemis de Dieu, à combien plus forte raison maintenant que nous sommes ses amis, l’amour du Christ couvrira notre honte ! qui peut le plus, peut le moins ! Nous pouvons être sûrs de son pardon et de son amour, aujourd’hui et jusque dans l’éternité en passant par ce moment impressionnant où nous serons face à la justice de Dieu.

          Vivre la réconciliation aujourd’hui

          Si nous croyons que Jésus nous a réconciliés avec Dieu, alors nous avons la plus ferme des assurances – c’est de là que Paul tire sa paix, sa joie, son espérance infaillibles. Le Christ nous a acquis l’amour de Dieu, et personne ne peut porter atteinte à la paix qu’il a établie – il la tient dans ses mains de ressuscité.

Donc soyons sûrs, pas de nous, de lui ! soyons sûrs, pas arrogants, mais fiers, marchons la tête haute, fermement établis dans la grâce de Dieu en Christ ! Emparons-nous, jour après jour, de ce privilège : nous avons accès à Dieu, nous sommes ses enfants bien-aimés, ses proches, ses amis.

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