2 Corinthiens 4.6-12
6 Dieu a dit autrefois : « La lumière brillera du milieu de l’obscurité ! » Eh bien, c’est lui aussi qui a fait briller sa lumière dans nos cœurs, pour nous donner la connaissance lumineuse de sa gloire qui resplendit sur le visage de Jésus Christ.
7 Mais nous portons ce trésor spirituel en nous comme en des vases d’argile, pour qu’il soit clair que cette puissance extraordinaire vient de Dieu et non de nous. 8 Nous sommes accablés de tous côtés, mais non pas laissés sans issue ; nous sommes perplexes, mais non désespérés ; 9 nous sommes persécutés, mais non abandonnés ; nous sommes jetés à terre, mais non anéantis. 10 Nous portons sans cesse dans notre corps la mort de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps. 11 Bien que vivants, nous sommes constamment exposés à la mort à cause de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps mortel. 12 Ainsi, la mort agit en nous, pour que la vie agisse en vous.
Le choix de ce texte biblique est assez naturel pour un dimanche de l’Eglise persécutée. L’expérience évoquée par l’apôtre Paul – sa propre expérience – est bien celle de la persécution. Il a connu l’opposition, jusqu’à la prison, à cause de sa foi et de son ministère. Il connaîtra même le martyr à la fin de sa vie… Mais ce n’est pas qu’un témoignage personnel. Paul en tire un enseignement, un principe général pour tout croyant. A partir du verset 7, il parle à la première personne du pluriel : “Nous portons ce trésor en nous comme des vases d’argile…”
Portes Ouvertes met l’accent sur la formule, très évocatrice, du verset 8 : “Nous sommes pressés de toutes parts mais non écrasés.” (Segond 21) Elle évoque le sentiment d’oppression que peuvent ressentir les chrétiens vivant dans des pays où ils n’ont pas le droit de dire ou de vivre leur foi. Elle évoque aussi la foi remarquable et leur persévérance face à la persécution : ils ne sont pas écrasés mais tiennent fermes dans la foi.
Portes Ouvertes distingue deux types de persécution dont peuvent souffrir les chrétiens :
La persécution “marteau”. Il s’agit d’une oppression violente (assassinat, kidnapping, mariage forcé, destruction de biens…).
La persécution “étau”. Il s’agit d’une pression par discrimination (oppression, rejet, déni de droit, exclusion, procès injuste…). C’est de ce type de persécution dont parle l’apôtre Paul dans notre texte.
Même si nous ne vivons pas dans un pays qui persécute les chrétiens, et nous pouvons en être reconnaissant, l’impression parfois d’être pris dans un étau peut sans doute nous concerner aussi. Parce que nous ne vivons pas forcément dans un contexte qui encourage notre foi. On perçoit même aujourd’hui une méfiance grandissante à l’égard des religions en général. Alors les pressions extérieures sont là. Elles sont évidentes dans certains cas, plus sournoises dans d’autres. Mais elles sont là. Dans notre contexte, ce sont des pressions qui nous poussent à nous conformer aux autres, à nous réfréner dans l’expression de notre foi, voire à la privatiser.
Ce qui frappe dans ce texte, c’est le paradoxe du vase d’argile : il est fragile mais il ne se brise pas. Et pour expliquer ce paradoxe, Paul trace un parallèle avec Jésus-Christ.
L’exemple de Jésus-Christ
Ce sont ici les versets 10-12 en particulier qu’il faut citer : “Nous portons sans cesse dans notre corps la mort de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps. Bien que vivants, nous sommes constamment exposés à la mort à cause de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps mortel. Ainsi, la mort agit en nous, pour que la vie agisse en vous.”
Ce sont des formules qu’il faut un peu décrypter… Il est question de corps, de mort et de vie, en lien avec Jésus et nous-mêmes. En fait, l’idée principale est sans doute de dire que nos souffrances et nos persécutions font écho à celles que le Christ a subies. D’ailleurs, il avait averti ses disciples : “S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi…” (Jean 15.20)
Si la mention du corps peut faire référence aux sévices physiques que l’on pouvait faire subir à ceux que l’on persécutait, je ne pense pas que nous devions limiter l’expression “dans notre corps” à cela. L’expression fait référence plus globalement à notre expérience ici-bas, sur cette terre, là où nous vivons avec notre corps. Rattachée à Jésus, l’expression fait référence à l’incarnation, par laquelle le Fils de Dieu n’a pas seulement pris un corps humain, mais il est devenu un être humain, dans son être tout entier, corps et âme.
L’image du vase d’argile peut être une formidable image de l’incarnation. Le Fils de Dieu devenu homme, c’est le trésor le plus précieux gardé dans un vase d’argile : un être humain. Dieu s’est fait fragile en devenant un être humain !
Le mystère de l’incarnation ouvre à tous les possibles pour le croyant ! Les vases d’argile que nous sommes sont au bénéfice de la plus grande et la plus extraordinaire des bonnes nouvelles : la mort et la résurrection du Christ. La lumière glorieuse qui resplendit sur le visage du Christ ressuscité nous rejoint dans toutes les obscurités que nous pouvons traverser.
C’est grâce à la mort et la résurrection de Jésus-Christ que le paradoxe du vase d’argile s’éclaircit.
Le paradoxe du vase d’argile
Le vase d’argile est fragile mais il ne se brise pas, malgré toutes les pressions auxquelles il est soumis, malgré l’étau dans lequel il se retrouve. C’est ce qu’évoquent les versets 8 et 9, avec leurs différentes formes d’oppressions qui nous malmènent mais ne vont pas jusqu’à nous briser.
Plus encore, Paul affirme que notre fragilité met en valeur la puissance de Dieu : “Mais nous portons ce trésor spirituel en nous comme en des vases d’argile, pour qu’il soit clair que cette puissance extraordinaire vient de Dieu et non de nous.” (v.7)
L’important, ce n’est pas le vase d’argile, c’est le trésor qu’il renferme, celui que nous avons dans notre coeur et dont Paul parle au verset 6 : “c’est lui aussi qui a fait briller sa lumière dans nos cœurs, pour nous donner la connaissance lumineuse de sa gloire qui resplendit sur le visage de Jésus Christ.” Ce trésor qu’a reçu tout croyant, c’est la présence lumineuse du Christ vivant, une part de sa gloire qui repose en nous, par son Esprit.
Et c’est ce trésor que renferme les vases d’argile que nous sommes qui rend les vases d’argile eux-mêmes plus solides.
L’exemple des chrétiens persécutés est toujours une illustration saisissante de ce que Paul dit ici. Je suis frappé comment, dans l’épreuve parfois la plus terrible, Dieu donne une force, une résistance incroyable à ces vases d’argile qui deviennent incassables. Pourtant ils sont fait de la même terre que nous… Mais plus la pression est forte à l’extérieur, plus la résistance venant de l’intérieur est forte. Dieu donne à chacun la force et la résistance dont il a besoin pour ne pas se briser.
Ici encore, il ne faudrait pas croire que le vase d’argile serait juste notre corps. Comme si notre faiblesse ne serait que physique, matérielle, et notre force spirituelle. Le vase d’argile, c’est tout notre être, ce que nous sommes, dans toutes les dimensions de notre personne. Le corps aussi, bien-sûr, mais tout en nous est fragile.
Et les pressions subies ne sont pas que physiques et matérielles. Même dans les contextes de persécution où les chrétiens sont pourchassés, emprisonnés, menacés physiquement, la pression qu’ils subissent est aussi largement psychologique et spirituelle.
Il est important de le reconnaître : nous sommes des vases d’argiles, nous sommes des êtres fragiles. Ce n’est pas une faiblesse de le reconnaître, au contraire : car pour être fort, il faut reconnaître sa fragilité… pour laisser Dieu agir en nous.
C’est un des grands dangers qui menacent les croyants, peut-être encore plus dans des contextes où ils ne sont pas persécutés : oublier notre fragilité et notre vulnérabilité, se croire hors d’atteinte, en sécurité… se croire fort.
Mais reconnaître sa fragilité, ce n’est pas pour autant s’apitoyer sur elle, voire se complaire en elle. Oui, nous sommes des vases d’argiles, mais nous avons en nous un trésor qui nous rend fort : le Christ vivant qui habite en nous.
Conclusion
Le paradoxe du vase d’argile, c’est l’affirmation de notre espérance. Portons un regard lucide sur nous-mêmes : nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Nous sommes fragiles, comme les autres. Mais nous avons un trésor, un trésor inestimable, que Dieu a choisi de placer en nous.
Notre force dans la détresse et l’adversité, c’est le trésor de notre foi. Notre assurance, c’est que le Christ vivant habite en nous par son Esprit. Notre espérance, c’est que sa lumière nous guidera toujours, même dans les ténèbres les plus profondes.