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Pour moi, cette image illustre la croissance spirituelle à laquelle nous sommes appelés. Ce poisson saute dans un autre bocal. C’est juste un bocal un peu plus grand mais pour élargir son espace vital, il doit accepter de quitter son petit bocal, confortable et sécurisant. Et plus tard il devra à nouveau en sortir pour un bocal un peu plus grand. Le bocal symbolise notre zone de confort. Si nous voulons grandir, progresser, il faut parfois élargir notre zone de confort et accepter de « changer de bocal ».
Nous avons tous une zone de confort. Des repères, des habitudes, des pratiques dans lesquelles nous nous sentons bien, en sécurité, et qui nous permettent de vivre avec un minimum de stress. C’est vrai dans tous les aspects de notre vie : personnel, professionnel, familial et bien-sûr aussi spirituel. Et quant à l’aspect spirituel, c’est vrai pour les chrétiens comme pour les Eglises ! Les Eglises aussi ont leur zone de confort spirituel.
Mais quand notre zone de confort est complètement hermétique, qu’elle se transforme en bunker infranchissable, elle devient notre prison. Elle nous empêche d’évoluer, de progresser, de grandir spirituellement. Elle nous enferme dans un statu quo.
Quand donc notre zone de confort devient-elle un danger pour nous ? A quel moment nos habitudes et nos repères mettent-ils en péril notre croissance spirituelle ?
Je vous propose de lire un texte de l’épître de Paul aux Ephésiens pour nous aider dans notre réflexion :
Ephésiens 4.11-16
11 Voici les « dons » que le Christ a faits : les uns ont reçu le don d’être apôtres, ou bien d’être prophètes, ou bien d’annoncer la Bonne Nouvelle. D’autres ont reçu le don de conduire le peuple de Dieu, ou encore d’enseigner. 12 Par ces dons, le Christ a voulu former ceux qui appartiennent à Dieu. Ainsi, ils peuvent accomplir leur service de chrétiens pour construire le corps du Christ. 13 Alors tous ensemble, nous aurons peu à peu une même foi et une même connaissance du Fils de Dieu. Finalement, nous serons des chrétiens adultes et nous atteindrons la taille parfaite du Christ. 14 Nous ne serons plus des bébés. Nous ne ressemblerons plus à un petit bateau poussé dans tous les sens par les vagues de la mer. Nous ne serons plus emportés de tous les côtés par le vent des idées fausses. Les gens ne nous tromperont plus avec leurs mensonges habiles. 15 Mais en disant la vérité avec amour, nous grandirons en tout vers celui qui est la tête, le Christ. 16 C’est par lui que toutes les parties du corps tiennent ensemble et sont unies. Beaucoup d’articulations servent à unir le corps, et quand chaque partie du corps fait son travail, le corps grandit et se construit lui-même dans l’amour.
1. Nous avons besoin de repères pour une foi stable
On a besoin de repères. Certains rituels, certaines habitudes, sont positifs ! Lire votre Bible le matin, prier le soir avant de vous coucher ou aller au culte le dimanche, ce sont de bonnes habitudes. Elles nous aident à avoir une certaine discipline dans notre vie spirituelle et c’est très bien !
On a besoin de repères stables dans notre vie chrétienne, pour avoir une foi et une piété stables, équilibrées. On s’en rend compte dans ce que dit l’apôtre Paul. L’objectif, c’est d’être des chrétiens adultes et non des enfants spirituels, ballottés à tout vent de doctrine, poussés dans un sens puis tiré dans un autre en fonction des prédicateurs en vogue sur youtube ou des Eglises à la mode.
Il y a une référence unique, le Christ, et un cadre approprié pour nous accompagner dans cette croissance, l’Eglise (le corps, avec tous ses membres et ses articulations). Il ne s’agit donc pas de toujours tout remettre en cause dans notre foi et notre vie chrétienne, de changer d’Eglise chaque année, de changer de convictions théologiques comme on change de chemise !
C’est important d’avoir réfléchi sa foi et forgé ses convictions. C’est important d’avoir une certaine discipline dans notre vie de piété. C’est important de s’attacher à une Eglise locale et d’y trouver sa place, un engagement qui nous corresponde. Et quand tous ces éléments se mettent en place, une certaine zone de confort s’installe dans notre vie chrétienne. Et c’est très bien.
C’est très bien… si on ne s’endort pas ! Si cette zone de confort ne se transforme pas en un petit nid douillet ou en bastion imprenable. Le danger d’une zone de confort, c’est quand elle devient hermétique, qu’on refuse d’envisager qu’elle puisse évoluer. Avoir une foi stable, c’est bien. C’est même essentiel. Mais il faut veiller à ce que cette stabilité ne soit pas une immobilité, une routine qui a perdu sa sève, son élan, son enthousiasme. Car alors on risque le dessèchement spirituel, celui d’une vie chrétienne « en pilote automatique ».
Et on l’a dit, tout cela est vrai aussi pour une Eglise ! D’autant qu’on perçoit souvent l’Eglise, avec raison d’ailleurs, comme un lieu de ressourcement. On y recherche donc un certain confort, et c’est légitime jusqu’à un certain point. Mais y a-t-il vraiment un ressourcement bienfaisant dans la routine ? Il y a des Eglises qui fonctionnent aussi « en pilote automatique » : ça roule, ça tourne, on a des activités, un bâtiment, un pasteur… mais on ne se remet pas en question, on garde telle ou telle réunion ou telle ou telle façon de faire parce que ça s’est toujours fait comme ça…
Et puis on craint le changement. On veut bien accueillir tout le monde… mais en espérant qu’ils ne soient pas trop différents de nous quand même. On veut bien rencontrer ses frères et sœurs… mais sans faire trop d’effort pour aller à la rencontre de celui ou celle qu’on ne connaît pas vraiment, on préfère rester dans le cercle de ses habitués. On veut bien innover dans la forme, dans les réunions proposées… mais pas trop quand même, pour respecter ce qui s’est toujours fait
2. Nous avons besoin de bousculer nos repères pour grandir
Revenons à ce que dit l’apôtre Paul : pour lui, la perspective, c’est la croissance. Il s’agit de ne pas rester des bébés mais de devenir adultes, de croître vers le Christ. Et cet impératif concerne à la fois l’Eglise dans son ensemble et chaque croyant qui en fait partie.
Or, on le sait, quand on grandit, on change ses repères. Notre vie, nos habitudes, nos convictions évoluent. Et la croissance n’est pas confortable. Le passage de l’enfance à l’adolescence, puis de l’adolescence à l’âge adulte, ne sont pas des périodes confortables. Les différentes étapes de la vie sont autant de périodes inconfortables, avec leur lot de remises en question, parfois déstabilisantes.
Nécessairement, si nous voulons grandir spirituellement, il nous faut accepter de sortir de notre zone de confort, d’être parfois déstabilisé dans nos repères. Regardez les béatitudes : c’est tout sauf confortable ! « Heureux les pauvres en esprit, heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont soif et faim de justice, heureux les persécutés pour la justice… »
Du coup, c’est parfois le Seigneur qui utilise la manière forte pour nous faire sortir de notre zone de confort. C’est ce qui est arrivé à Pierre, dans « notre » récit de sa rencontre avec Corneille (Actes 10-11).
Pierre a été bousculé dans son « confort », celui des traditions auxquelles il était attaché. On pourrait même se dire que ces traditions étaient légitimes puisqu’elles remontaient à la loi de Moïse ! Elles étaient rassurantes, elles le mettaient à l’écart des païens pour préserver la pureté. Or, la vision que Dieu lui a envoyée l’a déstabilisé : une grande toile descendue du ciel dans laquelle se trouve mélangés tous les animaux, purs et impurs selon la loi de Moïse, avec cet appel qui retentit : « Pierre, lève-toi ! Tue et mange ! ». Mais non, répondait Pierre, Seigneur, je ne peux pas. Jamais je n’ai mangé de viande impure. Jamais je n’en mangerai ! Et Dieu insiste : “Ce que Dieu a rendu pur, ne dis pas que c’est interdit !”
Ce n’était pas confortable pour Pierre. Et il a dû se faire violence pour répondre à l’appel de Dieu et aller chez Corneille, manger avec lui, un païen. Et c’est en sortant de sa zone de confort qu’il a vu l’action de Dieu, il a vu l’Esprit saint descendre sur Corneille et sa famille. Ce n’était pas confortable ensuite non plus pour Pierre parce qu’il a dû justifier son attitude devant les autres chrétiens, d’origine juive, qui l’accusaient : « Tu es entré chez des gens qui ne sont pas circoncis et tu as mangé avec eux ! » C’était tellement peu confortable que plus tard, Pierre fera marche arrière dans une certaine circonstance. C’est Paul qui en parle dans son épître aux Galates et il s’est fermement opposé à lui :
« En effet, avant l’arrivée de certaines personnes proches de Jacques, Céphas mangeait avec les frères qui ne sont pas d’origine juive. Mais quand les autres sont arrivés, il s’est éloigné, il n’est plus allé avec les non-Juifs, il avait peur des chrétiens qui défendaient les coutumes juives. » (Galates 2.12)
Mais on n’est pas obligé d’attendre que le Seigneur nous secoue pour bousculer nos repères. On peut aussi cultiver un esprit d’ouverture et de curiosité. Se laisser surprendre par l’autre, et par le Seigneur. Demander à Dieu de nous donner l’humilité, la lucidité et le courage d’avoir un regard en vérité sur nous-mêmes.
Conclusion
Il est légitime d’avoir, dans notre vie et dans notre Eglise, une zone de confort. Nous avons besoin de repères stables pour avoir une foi stable. Mais nous devons veiller à ne pas nous y laisser enfermer.
Parce que le confort, le bien-être, aussi agréables soient-ils, ne sont pas les objectifs à poursuivre en tant que croyant. Notre objectif, Paul le souligne, c’est la croissance ! Pour que nous devenions des chrétiens adultes, et pour que l’Eglise grandisse harmonieusement en tant que corps du Christ.
Et toute croissance implique nécessairement des changements, des évolutions, et c’est parfois déstabilisant, en tout cas pas toujours confortable… Mais c’est bien ce à quoi nous sommes appelés ! Alors sommes-nous prêt à « changer de bocal » pour élargir notre zone de confort ?
Voilà tout la question qui se pose à nous :
-vivre dans le présent avec son historique, sa culture(qui sont du passé) avec ses appuis, ses repères stables dont on a besoin ? Oui.
– vivre dans la vision de notre futur par, pour et en Christ ? Oui.
Alors, faire du surplace ou marcher(courir vers le but, comme dit Paul) par, pour et en Christ ?
“A chaque jour suffit sa peine”. Jésus connaît d’avance demain.