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Lecture biblique: 1 Corinthiens 14.1-5 et 15-19
Paul a beaucoup parlé du rôle et de la nature de l’église à la communauté de Corinthe, qui était pour le moins bouillonnante voire chaotique. Sûrement qu’on y trouvait à la fois le meilleur et le pire. Des expériences de Dieu très intenses et spectaculaires, mais aussi (et c’est ce que nous connaissons le mieux puisque Paul s’attache surtout à évoquer ce qui ne va pas) l’indifférence, l’orgueil, l’égoïsme qui défigurent la communauté par des rivalités, des conflits, du désordre… Face aux difficultés de cette communauté, Paul reprend comme un refrain cet ingrédient incontournable de la foi en Jésus-Christ, qu’est l’amour pour les autres. Il en parle au chapitre 13, comme de la plus remarquable et désirable performance spirituelle, rappelant que sans l’amour le reste est vide. Maintenant, Paul applique au culte ce qu’il vient de dire sur l’amour. Si l’amour pour les autres est ce qu’il y a de plus important, comme l’a commandé le Christ, quel impact cela a-t-il, notamment, sur notre façon de vivre le culte, et plus largement, la spiritualité en communauté ?
- Le culte, un temps pour partager…
On devine dans le texte que les cultes à Corinthe étaient désordonnés. Chacun faisait ce qu’il voulait, et le culte était loin d’être édifiant – même si certains vivaient d’intenses moments avec Dieu, et en ressortaient nourris, grandis, enthousiasmés. Dans cette adoration, les Corinthiens privilégiaient une forme en particulier, le « parler en langues », une façon de prier ou chanter avec des sons qui ne correspondent à aucune langue existante, et dans laquelle le croyant exprime son adoration à Dieu de façon très personnelle – dans une grande intimité avec Dieu, un peu mystique. C’est ce que Paul appelle prier, ou chanter, avec le cœur. En soi, cette forme est bonne et valable – Paul d’ailleurs priait de cette façon-là régulièrement, et de nos jours, encore beaucoup prient ainsi.
Le problème, c’est que le parler en langues n’a pas forcément sa place au culte communautaire. En effet, le culte a pour but de rencontrer Dieu, oui, mais en communauté, avec les autres. Du coup, Paul évoque une autre forme d’expression spirituelle : la prophétie. Il ne s’agit pas forcément de prédire l’avenir, c’est même rarement le cas, mais de s’approprier pour aujourd’hui les vérités éternelles de la foi : comment les Écritures saintes qui révèlent Dieu viennent-elles nous parler aujourd’hui ? Cela prend en compte p.ex. la prédication, mais aussi toutes les paroles que nous échangeons : prières, exhortations… – tout ce qui rend la parole de Dieu actuelle pour notre vie, pour moi mais aussi pour les autres. Comme elle est censée être compréhensible par tous, la prophétie est plus appropriée pour le culte que le parler en langues, parce qu’elle prend en compte la communauté, alors que le parler en langues touche seulement à l’individu – sauf si la prière ensuite est traduite pour que les autres puissent s’y associer. Mais dans ce cas-là, si on cherche à être compris, pourquoi ne pas prier directement de manière intelligible ?
Au-delà de la question de telle ou telle forme de prière, l’enjeu, c’est notre attitude lors du culte, à l’église : que venons-nous chercher ? un havre de paix ? une respiration dans la semaine ? une réflexion à méditer les prochains jours ? un moment de louange exaltant qui dynamise notre foi ? Ce ne sont pas de mauvaises raisons de venir au culte, mais ce ne sont pas les seules ! ce ne sont même pas les plus importantes. Le culte, selon la Bible, est d’abord une rencontre avec Dieu et avec les autres, et si je vis le culte pour moi seul, je rate tout l’intérêt de l’église, qui est de vivre l’amour de Dieu ensemble.
- Une spiritualité équilibrée, en privé et en communauté
Si l’on ne vient pas au culte uniquement pour ce que nous allons y recevoir, mais pour vivre une rencontre avec Dieu et avec les autres, cela implique que chacun nourrisse sa vie spirituelle en dehors du culte. Paul cite sa propre expérience : quand il est seul, il vit des temps d’une extraordinaire intimité avec Dieu – dans le parler en langues, par des visions aussi…, mais quand il est en communauté, il ne cherche pas la même chose. ***
Cela paraît évident, mais parfois nous attendons du culte qu’il réponde à nos besoins, qu’il nous transporte vers Dieu, mais du coup, nous sommes parfois déçus ! parce que les chants ne nous plaisaient pas, que la prédication ne concernait pas notre situation, que nous aurions voulu tel silence, ou tel rythme, ou tel style… cela génère frustration, amertume, voire un peu de colère envers cette église qui ne répond pas à nos attentes.
Mais venir au culte, c’est comme aller manger chez des amis. Si vous jeûnez depuis une semaine, vous arrivez affamé, un peu énervé, clairement carencé, et vous sautez sur le buffet d’apéritif, vous trépignez pendant que les autres parlent, n’attendant qu’une chose : le plat principal. Et voici qu’arrive un plat que vous n’aimez pas trop… Et ainsi de suite – en rentrant, vous tempêtez contre vos amis, qui ne savent pas recevoir, qui perdent du temps, etc. En réalité, quand on va chez des amis, certes on a faim, mais raisonnablement, et on n’y va pas d’abord pour se nourrir ! on y va pour passer un bon moment ensemble, pour prendre des nouvelles, pour se confier, se soutenir ou débattre de sujets intéressants.
Venir à l’église est un peu pareil : on vient, oui, avec des attentes légitimes, mais on ne vient pas que pour soi, car le culte n’est pas pour assouvir les besoins de chacun individuellement, mais pour faire grandir l’ensemble. Cela suppose que nous avons d’autres occasions de laisser Dieu nous nourrir, dans des temps personnels de prière, de méditation biblique, de réflexion sur ce que Dieu est pour moi. Par exemple, telle personne se sentira vraiment proche de Dieu au travers de longs moments de chants, ou de musique – telle autre, en marchant dans la nature, ou dans un profond silence, ou encore en servant des repas à des personnes en besoin. Si l’on cherchait à tout faire pour tous, le culte serait vite indigeste. En fait, dans la communauté, au travers des différentes rencontres, on vise d’abord le partage : s’encourager, se consoler, et s’instruire les uns les autres. Et paradoxalement, on ne peut vraiment profiter des temps en communauté que si on soigne sa vie personnelle avec Dieu, de la même façon qu’on profitera du repas entre amis si on a correctement mangé à midi.
Dans la solitude, nous expérimentons, de façon parfois extraordinaire, la communion avec Dieu le tout Autre qui se fait proche, le Créateur transcendant qui me tend la main – cette exaltation, on la vit assez rarement en groupe ; et ce n’est pas grave, ce n’est pas cela que nous venons chercher au culte. Parce que, ensemble, on vit autre chose, on expérimente une autre réalité de Dieu, tout aussi sublime : la relation. Dieu aime partager, et cela se reflète dans les relations avec les autres, la communion, l’amour, le service mutuel : quand on prie à deux ou trois, ou même à 200, qu’on partage ensemble, qu’on agit, on goûte alors à cette dimension d’un Dieu multiple, varié, qui s’épanouit dans l’échange et le partage – et cela on ne peut le vivre qu’avec les autres.
Conclusion
Pour vivre pleinement notre foi, nous avons besoin des temps communautaires, et de temps où nous sommes seuls avec Dieu. Mais avec quel équilibre ? J’aimerais prendre pour conclure l’image de la vie de couple. Aucun couple ne fait tout ensemble, mais à l’inverse un couple qui ne ferait rien ensemble ne serait plus vraiment un couple, mais deux individus cohabitant sous le même toit. Cela étant, chaque couple a son propre système : certains passent trois quarts de leur temps ensemble, d’autres un quart, sans que cela n’empêche d’être un couple fort, uni, solidaire, et amoureux. Cette souplesse s’applique à notre implication dans l’église : que vous veniez seulement le dimanche ou cinq fois dans la semaine, c’est selon ce qui vous convient ! Ce qui compte, c’est que vous ne viviez pas avec Dieu à moitié – soit que en communauté, avec le risque de s’affamer et de paradoxalement tomber dans le piège de l’égocentrisme en venant chercher ce dont moi j’ai absolument besoin ; soit que tout seul, en se privant alors de l’expérience de la relation, par laquelle Dieu se révèle à nous, lorsque nous nous instruisons les uns les autres, que nous nous encourageons les uns les autres et que nous nous consolons les uns les autres. Alors cherchons Dieu dans l’intimité de la solitude comme dans les relations, afin qu’il se révèle à nous dans la richesse de ce qu’il est.
Laissons de côté les dons charismatiques ; c’est un aspect vécu par l’église de Corinthe et encore aujourd’hui par certaines églises.
Ce que Paul enseigne et que Florence nous rappelle, est la structure pyramidale décrite :
-au sommet : l’Eternel Dieu (la trinité),
-au milieu : l’église, l’assemblée ou encore la communauté,
-à la base : les membres, les disciples de Christ.
1- L’enseignement à suivre vient du sommet pour aller à la base via l’assemblée.
2- Chaque membre vit individuellement cet enseignement, le partage dans l’assemblée ou dans les église de quartiers, ou encore en groupes d’amis.
Des questions peuvent rester sans réponses nettes et précises. La vie de prière personnelle permet à notre Seigneur Jésus Christ d’y répondre.
Il y a, ainsi, un va et vient incessant entre Notre Dieu et chacun d’entre nous.
“Demandez et vous recevrez”
C’est le service rendu aux autres avec humilité, que Notre Seigneur Jésus, le premier, a accompli par sa vie terrestre ET à la croix.
Amitiés fraternelles à tous.
André LANG