Lecture biblique: Jacques 1, 1-8, 12-18
Aujourd’hui nous commençons une série de prédications sur la lettre de l’apôtre Jacques, dans le Nouveau Testament. Jacques, un frère de Jésus, est responsable de la première église, à Jérusalem, qui rassemble des juifs convaincus que Jésus est le Messie qu’ils attendaient. Comme Jésus l’a demandé, ces croyants partagent et répandent la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ, d’abord à Jérusalem, puis en Judée (dans la région) puis de plus en plus loin : en Samarie, sur la côte, au nord jusqu’à Damas, Antioche, et même sur l’île de Chypre. Jacques écrit cette lettre à l’ensemble de ces chrétiens dispersés, dans une des premières lettres écrites aux églises, avant même l’apôtre Paul.
Pour le premier volet de notre série, je lirai une partie du ch. 1, qui commence très fort, avec la question des difficultés dans la vie du chrétien. Lecture.
Que faire face au mal ? Face aux injustices, face à la maladie, à la pauvreté, face à la persécution – que rencontraient les premiers chrétiens, malheureusement répandue dans encore de nombreux pays. Que faire face au mal ? au mal que je subis au quotidien, au mal tapi dans les replis de mon cœur…
1) Interpréter les difficultés: des épreuves pour progresser
Jacques nous invite à porter un regard original sur les difficultés que nous rencontrons, quel qu’en soit le domaine (harcèlement au travail, conflit familial, maladie, accident, doutes, dépression…) : ce sont des occasions de joie. Voilà un raccourci difficile à encaisser, surtout pour ceux qui traversent des difficultés aujourd’hui, mais aussi pour ceux qui s’attendraient à une vie chrétienne glorieuse et facile.
Les difficultés sont des occasions de joie, d’abord parce que Dieu, qui nous aime et qui est bon, les permet. En effet, il autorise voire provoque parfois notre mise en difficulté. Attention, Dieu ne crée jamais le mal, il ne produit jamais le mal : le mal le répugne, et il ne peut pas se compromettre avec lui. Cela dit, Dieu teste régulièrement ses enfants, ou plutôt la foi de ses enfants.
Vous savez peut-être que les avions, avant de pouvoir voler, sont soumis à des mises en situation pour vérifier, par exemple, la solidité des pare-brises en cas de collision avec un objet ou un animal dans le ciel. Vous vous doutez que si un oiseau percutait le pare-brise d’un avion et perforait ce pare-brise en plein vol, non seulement le pilote, mais aussi tous les passagers seraient en danger de mort ! Du coup, les avions fraîchement construits se prennent des projectiles dans le pare-brise pour tester la solidité et la sécurité des passagers.
Les difficultés sont là pour nous tester. Pour être plus précis, elles doivent aussi nous faire progresser, elles doivent augmenter et renforcer notre foi – par foi j’entends notre relation avec Dieu, par laquelle nous recevons la vie de Dieu. Dieu nous place parfois dans des situations à la limite de nos forces, pour que nous puissions progresser. Pour reprendre l’image du pare-brise d’avion, il envoie des projectiles presque trop gros pour voir où sont les failles et comment les combler, comment rendre notre pare-brise plus résistant encore.
Pour quoi Dieu nous soumet-il à un entraînement acharné et parfois aux limites de nos forces ? Parce que Dieu veut faire de nous des images rayonnantes de sa gloire, des porteurs de sa lumière forts et vigoureux, des donneurs de joie indestructibles, des pardonneurs qui ne reculent devant rien mais qui propagent, par leur être et leurs actions, l’amour de Dieu, la justice de Dieu, la vérité et la paix de Dieu au monde.
En Jésus-Christ, Dieu nous a pardonné, il a fait de nous, hommes blessés et corrompus, ses enfants, qu’il restaure peu à peu et transfigure par son Esprit. Il nous a fait naître, non pas pour que nous restions des bambins à jamais, mais pour que nous devenions des adultes, pleins de vitalité, de conviction, de force et de générosité. C’est un Père qui se réjouit de voir ses enfants grandir et progresser.
Quand on écoute des chrétiens témoigner sur ce qui les a fait grandir dans leur proximité avec Dieu, dans leur connaissance de Dieu, dans leur expérience de l’amour de Dieu, dans leur ressemblance à Dieu, 2 fois sur 3 c’est au travers du feu, au travers des difficultés – que ce soit la maladie d’un enfant, un conflit, un échec – 2 fois sur 3 c’est dans la souffrance que les enfants de Dieu grandissent. Il ne s’agit pas de chercher à tout prix l’échec ou le conflit, de s’empoisonner ou de foncer dans le mur pour chercher à progresser, mais il ne faut pas non plus fuir la difficulté, car c’est un moyen que Dieu utilise pour nous faire grandir. Dieu l’a fait avec Abraham – lorsqu’il a testé sa loyauté en lui demandant son fils – il l’a fait avec Jésus en l’envoyant au désert se faire tenter par le Diable juste après son baptême, et il le fait avec nous en permettant que nous vivions des difficultés.
2) Réagir aux difficultés : parier sur Dieu
Comment alors réagir aux difficultés de façon à grandir ?
D’abord j’aimerais rappeler que nos difficultés ne contiennent pas forcément une leçon cachée à découvrir, ou quelque chose de bon que nous devons ressortir de la situation. Les difficultés peuvent être mauvaises à 100% – devant un cancer, la mort accidentelle d’un enfant, la guerre, on ne peut pas « voir le verre à moitié plein » ou se dire « à toute chose malheur est bon ». Le mal est mauvais, entièrement mauvais, et Dieu ne le justifie pas.
Cela dit, même au cœur des difficultés purement mauvaises, Dieu qui nous a fait revivre par Jésus-Christ et par son Esprit, trace pour nous un chemin de vie. Pour suivre ce chemin, Jacques nous donne deux pistes : parier sur Dieu et écouter sa voix. ***
- Parier sur Dieu.
Nous ne sommes pas démunis dans la difficulté : si Dieu permet que nous la vivions, il ne veut pas nous y abandonner, loin de là ! Il est prêt à nous donner toutes les aides et les soutiens nécessaires pour que nous puissions remporter l’épreuve. Dieu n’est pas injuste ! il nous donne les moyens d’aller de l’étape qui est la nôtre. Il donne sa paix, son pardon, il ouvre des portes, il donne la force, le courage – à une condition : que nous lui demandions. Dieu parie sur nous et s’engage à nos côtés, il court avec nous, il est prêt à nous pousser dans les montées, si nous sommes prêts à notre tour à compter sur lui, à parier sur lui.
Dans la difficulté, Jacques évoque un obstacle : le manque de sagesse. Il ne s’agit pas du manque d’intelligence ou d’expérience : la sagesse biblique, c’est la connaissance de Dieu qui permet de vivre une vie juste en compagnie de Dieu. Les épreuves nous testent justement sur notre confiance en Dieu et nous placent devant un carrefour : vais-je suivre le chemin de Dieu ou douter de sa capacité à aider, de son amour, du bien-fondé de ses choix – comme Eve qui écoute le serpent au jardin d’Eden : « mais enfin ma chère Eve, Dieu a dit ne pas manger ce fruit parce qu’il conduit à la mort, mais pas du tout en fait ! c’est du flan ! en réalité, les chemins de traverse sont aussi bien que l’itinéraire de Dieu. » Sauf qu’à emprunter raccourcis et déviations, on se retrouve vite loin de Dieu, embourbés dans une situation qui nous conduit à la mort.
Prenez une femme qui traverse une rupture, et panique devant la solitude qui l’attend. Là elle rencontre un homme dont elle devine qu’il ne peut pas lui être bénéfique, qu’il est prêt à l’utiliser ou à l’emmener sur des chemins destructeurs. Douter de Dieu, c’est douter de sa capacité à la rejoindre dans sa solitude, à créer de nouveaux chemins d’amour pour elle, c’est bricoler une solution à sa solitude qui non seulement ne tiendra pas, mais en plus détruira. Parier sur Dieu demande du courage et beaucoup de foi, mais jacques rappelle combien Dieu est bon, combien il est généreux, combien il nous aime, lui qui a donné son fils pour nous sauver et faire de nous ses enfants. Alors parier sur Dieu, c’est parier sur sa fidélité, sur sa puissance, sur sa créativité, sur sa présence – et celui qui parie sur Dieu est sûr de recevoir le soutien de Dieu
Quelles que soient nos difficultés, elles s’accompagnent toujours d’un risque intérieur, d’une tentation intime, liée au mal tapi en nous, dans notre manque de loyauté, notre cupidité, notre convoitise, notre haine, notre lâcheté, notre orgueil… Vaincre l’épreuve, c’est autant résister au mal extérieur qu’au mal intérieur.
Le meilleur exemple que je connaisse, c’est Jésus : éprouvé dans son corps, affaibli et fatigué, dans le désert après son baptême, tenté par les demi-vérités du diable et confronté aux tours de passe-passe démoniaques, Jésus a su ne pas céder, ne pas suivre de mauvais instincts. Il a su lutter contre l’ambition du pouvoir facile, et l’orgueil de la puissance. Dans un autre désert, juste avant d’être emmené vers la croix, contemplant sa mort à venir, injuste et insoutenable, il a su lutter contre sa peur, refuser les échappatoires et les solutions faciles, pour aller au bout de sa mission et montrer au monde, sur la croix, l’immensité de l’amour de Dieu.
Persévérer dans l’épreuve, fortifier sa foi, résister au mal, demande que nous luttions d’abord contre les désirs mauvais, les impulsions destructrices qui sont en nous. Dieu nous replace devant notre responsabilité : nous ne choisissons pas ce que nous rencontrons, ni l’impact que cela a sur nous, mais nous pouvons choisir comment réagir à cet impact. Si je vous marche sur le pied, sans demander pardon, vous subissez la situation. Mais vous pouvez décider de ne pas vous laisser aller à la colère, de ne pas me pousser ou me marcher sur le pied en retour.
Dans toutes les situations qui nous mettent en difficulté, la Bible est notre boussole. Elle nous montre, en particulier au travers du Christ, quel est le chemin qui mène à Dieu. Elle disqualifie le vol, le mensonge, la trahison… autant que le mépris, la suffisance ou l’amertume. La Bible éclaire nos brouillards en faisant surgir des pistes d’honnêteté face au mensonge, de pardon face à l’offense, de courage face à l’oppression, d’amour face au mal.
Dieu nous rend libres, acteurs de nos choix et de nos réactions : face au mal, face à la tentation, je ne suis pas vouée à chuter ou succomber. Dieu parie sur moi, Dieu me tend la main, Dieu me parle, et il m’appelle à me tourner vers lui, dans un mouvement de conversion permanent, renonçant à mes instincts mauvais et pariant sur la grâce de Dieu qui m’a sauvée et va me sauver.
Conclusion
A quoi ressemble une épreuve réussie ? A une guérison, une délivrance ? Jacques n’exclut pas l’intervention miraculeuse de Dieu, mais il se concentre surtout sur le résultat dans notre âme : est-ce que l’épreuve m’a fait grandir ? Est-ce que je me suis rapprochée de Dieu ? Est-ce que je rayonne davantage de sa grâce et de sa vérité ?
Dieu nous promet la vie éternelle – une vie surabondante en qualité, en quantité, une vie de plénitude avec lui, dans un monde où sa justice et sa paix régneront. En attendant, dans un monde corrompu et blessant, il nous appelle à diriger vers lui, à parier sur sa fidélité et sur ses promesses, et à adopter dès aujourd’hui les valeurs de demain, à vivre dès aujourd’hui, dans ce monde, dans nos circonstances compliquées et épouvantes, à vivre déjà un peu du Royaume. Et ça, c’est une occasion de se réjouir !