Jean-Baptiste : Père Fouettard de l’Avent ?

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Lecture biblique : Luc 3.1-18

Jean-Baptiste est un personnage incontournable de l’Avent. Et il est fascinant par sa personnalité et son ministère. Mais c’est aussi un personnage dérangeant, un empêcheur de tourner en rond. A l’approche de Noël, il ressemble moins au Père Noël qu’au Père Fouettard !

Comment un tel personnage serait-il accueilli aujourd’hui ? Surtout dans le contexte actuel… Il serait sans doute arrêté, soupçonné de radicalisation ! Un homme dangereux au discours inacceptable, très loin du politiquement correct.

La question se pose : y a-t-il de la place pour un discours dérangeant dans le temps de l’Avent ?

La légitimité de Jean : sa place dans l’histoire

Jean-Baptiste, personnage atypique et non consensuel, a pourtant bien sa légitimité et Luc l’exprime de façon minutieuse.

L’évangéliste, en bon historien, commence par ancrer le ministère de Jean dans l’histoire. Il donne de nombreux indices qui inscrivent le prophète dans son temps, à un moment précis de l’histoire des hommes : le nom de l’empereur et le moment de son règne, le nom des différents gouverneurs de la région, ceux des grands-prêtres…

Mais en bon théologien, Luc replace aussi Jean-Baptiste dans le déroulement de l’histoire du salut, en citant un texte du prophète Esaïe. Jean est celui qui accomplit la prophétie, celui qui prépare la venue du Messie. Plus tard, Jésus lui-même confirmera cette interprétation témoignant en faveur de Jean-Baptiste :

Qu’est-ce que vous êtes allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et même plus qu’un prophète ! En effet, Jean est celui que les Livres Saints annoncent quand Dieu dit :
“Je vais envoyer mon messager devant toi.
Il préparera le chemin pour toi.”
(Luc 7.26-27)

Jésus ajoute même :

Je vous le dis : il n’y a jamais eu un homme plus important que Jean. Pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus important que lui.
(Luc 7.28)

Dans l’histoire du salut, Jean était le dernier des prophètes de l’Ancienne Alliance, celui qui précédait immédiatement la venue du Messie. C’est en cela aussi qu’il est appelé le plus important par Jésus. Mais avec l’avènement du Royaume de Dieu, avec la venue de Jésus, le plus petit dans ce Royaume est plus important que lui.

Jean lui-même en était conscient. Il était pleinement au clair sur les limites de sa mission. Alors que les gens se demandaient si c’était lui le Messie, il répondait :

Moi, je vous baptise avec de l’eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de lui enlever ses sandales. Lui, il vous baptisera avec le feu de l’Esprit Saint. (v.16)

Jean était la bonne personne à la bonne place. Conscient de sa mission et de ses limites. C’est ce qui lui donne une force de conviction sans pareil. Si la question se pose de façon aiguë pour des vocations particulières, elle a sa pertinence pour nous tous, « petits prophètes » du Christ que nous sommes, ses témoins.

La conviction de se savoir à sa place est essentielle. Est-ce votre cas ? Est-ce une question que vous vous posez, dans votre engagement dans l’Église, dans votre vie publique, professionnelle, familiale ?

La radicalité de Jean : son message sans équivoque

La force de conviction de Jean-Baptiste se traduit par un message sans équivoque, un appel à la repentance adressé à tous. Et les foules viennent à sa rencontre et veulent se faire baptiser.

C’est là que Jean les accueille de façon un peu particulière ! En guise de parole d’accueil : « espèce de vipères ! » Il les avertit ensuite que la colère de Dieu arrive et qu’ils n’y échapperont pas. A ceux qui croient pouvoir se targuer d’être descendants d’Abraham il leur répond que leur prétention est nulle et non avenue : « vous voyez ces pierres, ici. Eh bien, Dieu peut les changer pour en faire des enfants ! »

Voilà une drôle de préparation au baptême… Mais Jean-Baptiste compte bien réveiller les conscience, quitte à déranger et provoquer pour y arriver. En réalité, c’est le sens profond de la repentance qui est en jeu.

La paraphrase de la version Parole de Vie est pertinente : « Faites-vous baptiser, pour montrer que vous voulez changer votre vie, et Dieu pardonnera vos péchés. » Ce n’est pas le baptême qui importe, c’est la volonté de changer. Car c’est cela la repentance, le changement radical.

Certes, on peut être étonné par l’insistance de Jean-Baptiste sur le jugement, avec une vision assez terrifiante d’un Messie qui vient comme un juge impitoyable. Ce que Jean n’avait peut-être pas encore pleinement compris, c’est qu’il y aura bien un jugement… mais que le Messie, Jésus, allait le prendre sur lui-même, à notre place !

Quoi qu’il en soit, ce à quoi Jean appelle, c’est un vrai changement de vie. C’est ce qui ressort des conseils qu’il donne à différentes personnes qui s’adressent à lui.

Les foules lui demandent que faire. Jean leur répond : « Celui qui a deux vêtements doit en donner un à celui qui n’en a pas. Celui qui a de la nourriture doit en donner à celui qui n’en a pas. » Ce ne sont pas des recommandations religieuses mais pratiques. Ce qui témoigne de notre changement de vie, c’est notre vie, et rien d’autre ! Et ça commence dans les petites choses du quotidien. Ici, le partage et la solidarité.

Et quand des employés des impôts demandent conseil à Jean, il leur dit d’être honnête, tout simplement. Et dans le contexte de l’époque, c’était déjà pas mal. De même pour les militaires auxquels Jean dit de ne pas profiter de leur position de force pour s’enrichir.

En fait, je trouve très intéressant de constater qu’un message aussi radical, avec un appel aussi radical, est appelé à se concrétiser tout simplement, dans la vie quotidienne, dans l’amour du prochain, le respect de l’autre, l’intégrité. Preuve qu’on peut être radical sans être fanatique.

Conclusion

Y a-t-il une place pour un message dérangeant, qui nous bouscule, dans le temps de l’Avent ?

L’Avent, c’est l’attente de la venue du Christ. Le souvenir qu’il est venu il y a 2000 ans à Bethléem, qu’il vient aujourd’hui encore à notre rencontre, dans la foi, et qu’il reviendra pour établir son règne. C’est donc le temps de la préparation à un accueil renouvelé du Christ dans notre vie.

Et peut-être que ce temps d’attente ne doit pas forcément se passer paisiblement. Peut-être qu’il y a place aussi pour être dérangé, bousculé, interpellé. Sans doute doit-il y avoir une place laissée à Jean-Baptiste, qui n’interpellait pas seulement ses contemporains d’il y a 2000 ans mais qui nous interpelle aujourd’hui : « Changez votre vie ! »

Car rappelons cette évidence, qui reste toujours vrai aujourd’hui : ce qui témoigne de notre changement de vie, c’est notre vie, et rien d’autre !

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