J’ai commencé ce parcours de quatre prédications sur le thème de la paix de Dieu parce que, dans le contexte troublé que nous connaissons, j’avais le sentiment que nous en avions besoin… avec le tumulte, voire la cacophonie ambiante. Et je n’ai pas l’impression que ça ait beaucoup changé. Nous avons plus que jamais besoin de la paix de Dieu !
Une paix que le Christ nous donne et qu’il garantit par sa présence à nos côtés à chaque instant, une paix qui dépasse toutes circonstances et toutes nos capacités de réfléchir et de penser, une paix qui trouve son origine dans la réconciliation avec Dieu : la paix de Dieu découle de la paix avec Dieu…
Pour terminer cette mini-série, il m’a semblé naturel de réfléchir à la paix que nous sommes appelés à donner. Avec la conviction que c’est en recevant la paix de Dieu que nous pouvons aussi donner la paix autour de nous. Il y a une béatitude de Jésus qui l’exprime avec force :
Matthieu 5.9
9 Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés enfants de Dieu !
Les béatitudes ouvrent le Sermon sur la Montagne. Elles constituent comme une charte du Royaume de Dieu, la description d’un idéal pour le croyant. Elle contient des formules parfois étonnantes (“Heureux les humbles de coeur…”), voire paradoxales (“Heureux ceux qui pleurent… Heureux ceux qu’on persécute…”). Mais elles se terminent toujours par une promesse, avec toujours la même structure : “Heureux… car…”
Matthieu 5.9
9 Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés enfants de Dieu !
Cette septième béatitude, sur laquelle nous allons nous arrêter ce matin, nous parle de la paix. Pour la comprendre et l’appliquer à notre vie, je propose des éléments de réponse à trois questions à propos des “artisans de paix” :
- Qu’est-ce qu’un artisan de paix ?
- Pourquoi seront-ils appelés enfants de Dieu ?
- En quoi sont-ils heureux ?
Qu’est-ce qu’un artisan de paix ?
Le terme grec utilisé ici (eirênepoioi) ne se trouve pas ailleurs dans la Bible. C’est un terme composé qui vient de eirêne, la paix et du verbe poieô, faire. Il est traduit de différentes façon dans les versions françaises :
- Segond : “ceux qui procurent la paix”
- TOB : “ceux qui font oeuvre de paix”
- Semeur : “ceux qui répandent la paix autour d’eux”
- Parole de Vie : “ceux qui font la paix autour d’eux”
- Nouvelle Bible Segond et Nouvelle Français Courant : “les artisans de paix”
C’est sans doute cette dernière traduction que je préfère. Elle exprime bien le fait que la paix n’est pas quelque chose qu’on donne comme ça, sans que ça nous coûte ou sans que ça demande du travail. Au contraire, la paix, ça se fabrique, ça se façonne, et ça demande du temps. Comme le travail d’un artisan. On peut même comparer la paix à un objet artisanal : c’est une pièce unique ! Elle doit trouver sa forme adaptée à chaque situation. Il n’y a pas de moule universel de la paix !
Un artisan de paix, c’est quelqu’un qui sait mettre à profit son expérience, son savoir-faire, et qui sait prendre le temps qu’il faut pour façonner la paix qui convient à une relation, dans un groupe de personnes, dans une situation conflictuelle…
Si la paix se façonne et se construit, c’est qu’elle n’est pas simplement l’absence de quelque chose. Elle doit être quelque chose en plus. La paix, ce n’est pas seulement l’absence de conflit, c’est la réconciliation. Ce n’est pas seulement l’absence de rancune, c’est le pardon. La paix, c’est la plénitude d’une relation restaurée. D’ailleurs le mot hébreu shalom qu’on traduit habituellement par paix évoque cette idée de plénitude.
C’est pourquoi la paix parfaite est celle qui découle de la plénitude de la présence de Dieu dans notre vie… Les artisans de paix sont ceux qui savent apporter un peu de cette plénitude à ceux qu’ils côtoient.
Pourquoi seront-ils appelés enfants de Dieu ?
Le premier artisan de paix, c’est Dieu lui-même. Toute l’histoire biblique témoigne de ce long travail de Dieu pour restaurer la paix brisée avec ses créatures, avec son peuple. Un véritable travail d’artisan, adapté parfaitement à la situation. Il a mis les mains dans le cambouis par l’incarnation, en devenant humain ! L’oeuvre de paix de Dieu a atteint sa plénitude dans la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ, une oeuvre de salut, de pardon, de réconciliation.
Celui qui est artisan de paix au nom du Christ montre qu’il a appris de l’exemple suprême. Il sera appelé enfant de Dieu parce qu’il aura agi comme son Père.
La question qu’on peut se poser, du coup, est la suivante : N’y a-t-il que les chrétiens qui puissent être artisans de paix ? Non ! Certainement pas ! On sait très bien que ce n’est pas le cas. Mais, en tenant compte de cette béatitude de Jésus, ne pourrait-on pas dire alors que ceux qui sont artisans de paix, sans être croyant, agissent en enfant de Dieu sans le savoir ? Ils agissent conformément à l’image de leur Créateur, inscrite en eux.
Le croyant, lui, est enfant de Dieu non seulement par le fait qu’il est créé à l’image de Dieu mais aussi par adoption, par sa foi en Jésus-Christ. Alors si les artisans de paix seront appelés enfants de Dieu, ceux qui sont enfants de Dieu sont aussi appelés aujourd’hui à être artisans de paix ! Il faut être cohérent… Ce n’est pas une option, c’est lié à notre identité d’enfant de Dieu.
C’est pour cela, par exemple, que l’apôtre Paul est si sévère dans ses lettres envers ceux qui amènent le trouble et la division dans les Eglises. Si les enfants de Dieu ne sont pas des artisans de paix mais des fauteurs de trouble, quelle image de Dieu cela renvoie-t-il ?
En quoi sont-ils heureux ?
Mais il ne faut pas oublier que notre texte de ce matin est une béatitude : Jésus dit des artisans de paix qu’il sont heureux !
Il suffit de lire l’ensemble des béatitudes pour comprendre que Jésus n’est pas en train de dire qu’ils auront une vie facile, sans difficulté, en étant toujours dans la joie : dans les paroles de Jésus, sont heureux aussi ceux qui pleurent et même ceux qui sont persécutés à cause de leur foi…
Il me semble qu’être heureux, selon les béatitudes, c’est d’abord être en accord avec la volonté de Dieu. En témoignent les promesses associées à chacune des béatitudes et qui expriment l’approbation de Dieu. Ils sont heureux, les artisans de paix, parce qu’il font l’oeuvre du Dieu d’amour et de paix. Ils sont heureux parce qu’ils recevront l’approbation de leur Créateur.
Du coup, être heureux, c’est aussi être en paix avec soi-même, en vivant en accord avec ce que nous sommes, des créatures faites à l’image de Dieu. Ils sont donc heureux les artisans de paix parce qu’ils se conduisent en accord avec cette image de Dieu inscrite au plus profond d’eux. Le Seigneur est un Dieu de paix : nous sommes faits pour la paix et non le conflit. Ils sont heureux, les artisans de paix, parce que la haine, la rancune ou la jalousie sont des émotions délétères qui nous détruisent à petit feu.
Conclusion
La paix que Jésus donne, la paix de Dieu, la paix avec Dieu… le parcours aurait été incomplet si nous nous étions arrêtés là. Car cette paix de Dieu, qui fait de nous pleinement ses enfants, nous responsabilise. Nous ne pouvons pas seulement la recevoir, même si elle nous est largement accordée par Dieu. Nous devons aussi la donner autour de nous. Nous sommes appelés à être des artisans de paix.
C’est ainsi que nous serons vraiment, par notre conduite, des enfants de Dieu. Et alors nous serons heureux. Heureux d’accomplir la volonté de Dieu. Heureux de manifester un peu de l’amour et la paix de Dieu que nous avons reçues à notre prochain. Heureux d’accomplir notre vocation d’hommes et de femmes créés à l’image de Dieu, des artisans de paix au nom du Dieu de paix.
Nous serons heureux et en paix. Aujourd’hui et pour l’éternité.