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Jésus, Noé et nous…

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Nous poursuivons notre lecture continue de la première épître de Pierre. Je lirai d’abord les versets 8-17 du chapitre 3, sans vraiment les commenter. Les exhortations qu’on y trouve sont dans la lignée du début de l’épître. Pierre y évoque la condition des croyants, au milieu d’une société qui leur est parfois hostile. Être fidèle au Christ dans un tel contexte n’est pas facile, et peut conduire à des souffrances.

1 Pierre 3.8-17
8 Enfin, ayez tous les mêmes dispositions d’esprit et les mêmes sentiments ; aimez-vous comme des frères et des sœurs, avec affection, soyez bienveillants et humbles les uns à l’égard des autres. 9 Ne rendez pas le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte. Au contraire, réagissez en bénissant, car c’est une bénédiction que Dieu a promis de vous accorder en héritage quand il vous a appelés. 10 En effet, voici ce qui est écrit :
« Celui qui veut aimer la vie et connaître des jours heureux,
qu’il se garde de médire, qu’il se garde de prononcer des paroles de ruse.
11 Qu’il se détourne du mal, qu’il pratique le bien
et qu’il recherche la paix avec persévérance.
12 Car le Seigneur a les yeux fixés sur les personnes qui sont justes,
prêt à écouter leurs prières ;
mais le Seigneur s’oppose à celles qui font le mal. »
13 Qui vous fera du mal si vous êtes pleins de zèle pour le bien ? 14 Même si vous aviez à souffrir parce que vous faites ce qui est juste, vous êtes heureux ! N’ayez aucune crainte des autres et ne vous laissez pas troubler. 15 Mais reconnaissez et honorez dans vos cœurs le Christ comme Seigneur. Tenez-vous toujours prêts à vous défendre face à tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous. 16 Mais faites-le avec douceur et respect ! Ayez une conscience pure, afin que ceux qui insultent votre bonne conduite de chrétiens aient à rougir de leurs calomnies. 17 Car il vaut mieux souffrir en faisant le bien, si telle est la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal.

Cette dernière affirmation est importante. Il ne faut pas rechercher l’opposition ni se réjouir des souffrances, il faut juste être conscient qu’elles peuvent se manifester lorsqu’on cherche à être fidèle à sa foi et avoir une vie cohérente avec ce que l’on croit. Mais ça ne doit pas nous décourager de faire le bien !

Mais lisons la suite, avec les derniers versets du chapitre, où Pierre va prendre de la hauteur théologique.

1 Pierre 3.18-22
18 En effet, le Christ lui-même a souffert à cause des péchés des humains, une fois pour toutes, lui l’innocent, pour des coupables, afin de vous amener à Dieu. Il a été mis à mort dans son corps humain, mais il a été rendu à la vie par l’Esprit saint. 19 Par la puissance de cet Esprit, il est même allé proclamer la bonne nouvelle aux esprits emprisonnés ; 20 ce sont ceux qui, autrefois, ont résisté à Dieu, quand celui-ci attendait avec patience, à l’époque où Noé construisait l’arche. Un petit nombre de personnes, huit en tout, sont entrées dans l’arche et ont été sauvées à travers l’eau. 21 Ces événements étaient l’image du baptême : celui-ci ne consiste pas à laver la saleté corporelle, mais à demander à Dieu une bonne conscience. Et c’est ainsi que vous êtes sauvés maintenant, vous aussi grâce à la résurrection de Jésus Christ ; 22 celui-ci est allé au ciel et il se tient à la droite de Dieu, où les anges et les autres autorités et puissances célestes lui sont soumis.
Pierre, dans ce passage, parle d’abord du Christ. Il évoque sa souffrance injuste, sa mort, lui l’innocent, pour des coupables. Il parle de sa résurrection et de sa proclamation de la bonne nouvelle “aux esprits emprisonnés”. Nous reparlerons de ce verset qui a donné lieu à de nombreux débats entre les exégètes et les théologiens… Et enfin il parle de son ascension. Désormais assis à la droite de Dieu, il règne sur toute autorité et toute puissance. Il s’agit donc pour Pierre, dans ce paragraphe, d’évoquer l’oeuvre de salut accomplie par le Christ, dans toute son ampleur.

Mais il parle aussi de Noé et du Déluge. De ce qui s’est passé alors, avec les contemporains du patriarche qui ont résisté à Dieu alors que Noé construisait l’arche, et Noé qui a été sauvé avec quelques-uns, les membres de sa famille, grâce à l’arche qu’il avait construite.

Enfin il parle aussi de nous, croyants, de notre lien au Christ. Les coupables pour lesquels il est mort, c’est nous ! Il parle aussi de notre baptême, qui exprime notre salut, grâce à la résurrection du Christ.

Et puis il entremêle ces trois fils. C’est ce qui fait la complexité de ce texte.
Les souffrances injustes du Christ renvoient à celle de Noé, seul juste au milieu d’une humanité rebelle, et aux nôtres, lorsque nous souffrons à cause de notre foi, dans un contexte hostile.
La puissance de la résurrection du Christ est la bonne nouvelle à proclamer, c’est vrai pour nous, à travers notre baptême, mais c’est vrai même pour ceux qui, au temps de Noé, résistaient à Dieu.

Nos souffrances, nos épreuves, nos difficultés de disciples du Christ aujourd’hui mais aussi notre foi et notre espérance s’inscrivent donc dans ce grand mouvement de salut, pleinement accompli par le Christ, mais déjà annoncé avec Noé. Nous sommes en bonne compagnie !

Jésus-Christ

C’est lui qui est au centre de ce passage de l’épître de Pierre : au cœur de notre foi, il y a la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ ! On pourrait dire qu’il est le centre de gravité de l’histoire du salut. Tout tourne autour de lui.

Ses souffrances font échos à nos souffrances et la puissance de sa résurrection est notre espérance. C’est une bonne nouvelle à proclamer à tous. Même aux “esprits en prison” mentionnés au verset 19 ! Retenons simplement ici, de ce texte difficile, que cette bonne nouvelle est non seulement pour nous qui croyons aujourd’hui, pour ceux qui sont venus après Jésus… mais aussi pour ceux qui l’ont précédé, par exemple au temps de Noé. Il faut que cette bonne nouvelle soit proclamée à tous.

C’est bien d’ailleurs ce qui se manifeste avec éclat le jour de Pentecôte où l’Esprit saisit les disciples réunis pour qu’ils proclament dans toutes les langues les merveilles de Dieu. Cette bonne nouvelle atteint les quatre coins de la terre, et résonne à travers les siècles.

Jésus-Christ est le centre de gravité de l’histoire du salut. Tout tourne autour de sa personne et de son oeuvre. Partout et en tout temps. Aujourd’hui, hier et pour l’éternité.

Noé

Associé au personnage de Noé, il y a le motif du Déluge, qui évoque le jugement de Dieu face à la révolte des humains.

Le récit biblique en dit finalement assez peu sur le personnage de Noé. Mais il apparaît comme une figure du juste fidèle, quitte à se retrouver seul contre tous. La majorité n’a pas forcément raison… et parfois il faut être prêt à nager à contre-courant. C’est le cas de le dire pour Noé…

Noé a été fidèle à Dieu jusqu’au bout. Même seul face à tous les autres qui se moquaient de lui et ne prenaient pas au sérieux les avertissements divins. C’est en effet en particulier sur l’époque où Noé construisait l’arche que Pierre s’arrête (v.20). Avant le Déluge. Alors que le fait de construire un tel navire, à sec, pouvait sembler une folie…

Noé est aussi une figure de l’humanité sauvée. Il a été épargné, lui et sa famille. Grâce à lui, l’humanité n’a pas été anéantie. Noé devient ainsi porteur d’une promesse, que Pierre rattache au baptême pour les croyants. C’est la promesse du salut.

Et nous…

Jésus-Christ, Noé… et nous ! Nous sommes sauvés par le Christ et, d’une certaine façon, nous sommes embarqués avec Noé.

Sauvés par le Christ

Même si Pierre mentionne ici le baptême, ce n’est pas lui qui sauve… c’est la résurrection du Christ, c’est-à-dire son œuvre accomplie. Le baptême est un témoignage, un engagement, en réponse à l’œuvre accomplie par le Christ, et en réponse à son œuvre en nous.

Jésus-Christ doit être le centre de gravité de notre vie. Tout doit tourner autour de lui. Ça ne doit pas faire de nous des “grenouilles de bénitier” ou des super-spirituels qui n’ont que des versets bibliques à la bouche.

En physique, le centre de gravité, c’est le point de concentration des différentes forces qui permet à un corps de se tenir en équilibre. Avoir Jésus-Christ comme centre de gravité de notre vie, c’est trouver en lui l’équilibre, la stabilité, la plénitude, tous rendus possibles par sa grâce qui pardonne et son Esprit qui vivifie.

Si Jésus-Christ est le centre de gravité de notre vie, alors tous les aspects de notre vie pointeront vers lui, d’une manière ou d’une autre, parfois de manière évidente, parfois de manière discrète mais réelle.

Embarqués avec Noé

Nous sommes aussi, d’une certaine façon, embarqués avec Noé. Il nous emmène avec lui dans son arche, si nous le suivons dans son exemple de fidélité. En fait, nous ne sommes pas embarqués seulement avec Noé mais avec tous les autres croyants, par le baptême que nous partageons, par l’engagement de foi personnel qu’il représente.

Le croyant n’est pas seul dans sa lutte, il ne marche pas, ou il ne navigue pas, seul. Il y a, évidemment, le Christ qui l’accompagne par son Esprit. Mais il y a aussi les autres croyants. Tous ceux qui nous ont précédé et nous montrent l’exemple. Tous ceux qui nous accompagnent sur la route, aujourd’hui. C’est pourquoi, même peu nombreuse ou fragile, l’Eglise, la communauté, est essentielle à notre marche chrétienne.

C’est par elle que nous sommes encouragés à la persévérance, à la fidélité jusqu’au bout, quelles que soient les circonstances, quelle que soit l’opposition rencontrée.

Conclusion

Dans ce paragraphe foisonnant, Pierre veut évoquer toute l’ampleur de l’œuvre accomplie par Jésus-Christ, par sa vie, sa mort, sa résurrection, une œuvre qui traverse les siècles et atteint tous les humains, d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Prendre conscience de l’ampleur de l’œuvre du Christ, c’est aussi prendre conscience de tout son potentiel dans notre vie. C’est une formidable source d’espérance, une promesse qui nous accompagne et nous aide à affronter les épreuves et les difficultés.

En effet, la même puissance de l’Esprit de vie qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vient faire sa demeure en nous, par la foi. C’est la promesse extraordinaire de Pentecôte. Alors non, nous n’aurons pas peur, quelle que soit l’adversité, car il vit en nous par son Esprit, celui qui “est allé au ciel et qui se tient à la droite de Dieu, où les anges et les autres autorités et puissances célestes lui sont soumis.”

Un bon caractère en témoignage

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Christ est Roi ! Lorsque nous affirmons que Christ est notre roi, notre seigneur, nous disons bien que nous voulons le suivre…Pour l’apôtre Pierre, suivre le Christ, c’est se soumettre à son autorité, pour faire sa volonté.

Mais à quoi ça ressemble de faire la volonté du Christ dans une société souvent loin de notre idéal spirituel ? Pierre s’exprime à une époque où la société gréco-romaine est complètement païenne, injuste, déséquilibrée, avec un ordre social contraignant et peu équitable. Et Pierre donne 3 exemples de l’impact de la soumission au Christ, qui conduit globalement à respecter les structures sociales, à nous y soumettre, mais volontairement, en témoins du Christ et pas en petits pions sans caractère. Dans la vie citoyenne, Pierre nous appelle à être irréprochables ; dans la vie professionnelle, à rester intègres quoi qu’il en coûte, et maintenant… la soumission dans la vie de couple !

On entre ici sur un terrain miné : le sujet est délicat, et Pierre ne correspond pas au discours politiquement correct du 21e siècle.

Quelques mots de contexte avant de lire le passage. Dans l’antiquité, l’homme est le chef de famille, avec quasiment tous les droits. C’est lui le boss ! Il donne les orientations du foyer, prend quasiment toutes les décisions, et a autorité sur sa maisonnée (famille et domestiques). Ensuite ça dépend de l’homme, mais voilà son statut. Lorsqu’un homme se convertit, sa famille entière le suit dans l’église. Mais lorsqu’une femme se convertit, la famille ne suit pas forcément ! souvent, la femme se retrouve en porte-à-faux avec son époux, et cela peut introduire un énorme décalage avec son mari, d’autant plus difficile à vivre que la relation est très hiérarchique.

Lecture biblique : 1 Pierre 3.1-7

1 Vous, de même, femmes, soyez soumises à votre mari, afin que, même si quelques-uns refusent de croire à la Parole, ils soient gagnés, sans parole, par la conduite de leurs femmes, 2 en considérant votre conduite pure, respectueuse. 

3 Que votre parure ne soit pas extérieure : cheveux tressés, bijoux d’or, toilettes élégantes ; 4 mais qu’elle soit la disposition cachée du cœur, parure incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’un grand prix devant Dieu. 

5 C’est ainsi qu’autrefois se paraient les saintes femmes qui espéraient en Dieu, étant soumises à leurs maris : 6 telle Sara, qui obéissait à Abraham, l’appelant son seigneur, elle dont vous êtes devenues les filles en faisant le bien, et en ne vous laissant troubler par aucune crainte.

7 Vous les maris, de même, menez la vie commune en tenant compte de la nature plus délicate de vos femmes ; montrez-leur du respect, puisqu’elles doivent hériter avec vous la grâce de la vie, afin que rien n’entrave vos prières.

Respecter son conjoint

Les femmes

Lorsque Pierre commence à parler des facettes de la soumission au Christ, il rappelle que l’objectif, c’est de témoigner de notre vie avec Dieu, notamment par nos actions et notre comportement: Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites (1 Pierre 2.12).

Pour l’épouse, l’objectif est le même : rester témoin de ce qui est juste et bon, même avec un mari indifférent ou hostile à notre foi. On ne parle pas ici des cas où le conjoint (homme ou femme d’ailleurs) devient dangereux pour notre vie ! Mais d’un décalage spirituel. Même quand ce n’est pas possible de parler de sa foi, il est toujours possible de témoigner par nos actes et notre attitude – c’est la conduite « pure » et respectueuse : respectueuse envers son mari, oui, mais surtout respectueuse envers Dieu (c’est encore la « crainte » du Seigneur qui est évoquée ici).

Ce caractère vertueux place la croyante dans la lignée des femmes de foi qui apparaissent dans l’Ancien Testament. Pierre cite en particulier Sara, qui appelle Abraham son Seigneur (Gn 18.12) C’est la façon de parler de son mari à l’époque – autres temps, autres conventions: mesdames, vous n’êtes pas obligées d’appeler votre mari “Seigneur”!

Même si Sara avait du caractère et prenait des initiatives, elle a respecté et soutenu son mari dans leur grande aventure de foi. Et ce respect est d’une authentique beauté. Pierre ne dénonce pas vraiment la coquetterie quand il oppose la beauté cosmétique et la belle conduite: il souligne plutôt la valeur d’un comportement qui témoigne du Christ, plus précieux que l’or ou le diamant. Ca n’empêche pas de porter des bijoux ou de bien s’habiller, mais le plus beau n’est pas là.

C’est vrai que l’apparence peut devenir une obsession qui nous détourne de l’essentiel. La vraie beauté, ce n’est pas ce qui s’affiche sur Instagram avec une bonne posture, la bonne tenue ou le maquillage (d’ailleurs les hommes ne sont pas toujours épargnés par cette obsession des muscles, des tatouages, du style vestimentaire: la vanité n’a pas de genre!) – la vraie beauté, c’est la beauté du caractère.

J’hésite à parler de “beauté intérieure”, parce que le caractère se voit, concrètement, au quotidien, dans nos actes et notre attitude du lever au coucher. Jusque sur les traits du visage : une chipie se repère assez vite!

Cette beauté, c’est la douceur, la tranquillité, la force intérieure (“en ne vous laissant troubler par rien” v.6). Devant l’incompréhension ou la difficulté, même si on ne part pas, on peut vite tomber dans la récrimination, le reproche, la critique incessante, ou alors des petites vengeances passives-agressives, ou encore se fermer à l’autre pour se protéger. Mais au lieu des disputes et de la froideur, la douceur invite à chercher le bien de l’autre, à nous soucier de lui, à voir les choses de son point de vue, et à oser lâcher prise pour faciliter la vie de couple. C’est difficile, surtout quand nos efforts ne sont pas récompensés – d’où l’importance de s’enraciner dans la paix de Dieu, pour tenir avec force sur ce chemin de bienveillance et de respect. La douceur n’est pas de la mollesse, elle demande de la force de caractère pour aimer quoi qu’il en coûte.

Les hommes

 

Aux hommes, maintenant! Le croyant doit lui aussi respecter son épouse, en prenant notamment en compte sa fragilité. Cet argument peut nous faire tiquer aujourd’hui, car il renvoie à des stéréotypes un peu crispants. Cela dit, à l’époque, la femme est de toute façon en infériorité: dans une société où le travail manuel est à la base de l’économie, la musculature plus légère des femmes est considérée comme une faiblesse. Et puis, les femmes antiques ont de toute façon un statut inférieur au niveau social, juridique… C’est variable selon les milieux sociaux, mais une femme est généralement sous l’autorité d’un homme.

Mais sous ses aspects conservateurs, Pierre est en train de dire aux maris – et c’est ça le plus révolutionnaire! – que eux aussi ont des devoirs envers leur épouse, que eux aussi doivent faire des efforts dans leur comportement, et montrer du respect et de la bienveillance à leur moitié.

Quand un homme se convertit, la famille suit, donc Pierre n’évoque pas la question du décalage spirituel, il part du principe que le couple est converti. Et dans ce cadre-là, ils sont égaux devant Dieu, appelés au même héritage et à une vie de communion. Ce n’est pas parce que la société permet au mari de dominer sa femme qu’il doit le faire! Non! Disciple du Christ, lui aussi est appelé au respect et à la bonté.

C’est tellement important, que la vie de prière en dépend! Heureusement, Dieu nous écoute même quand on ne se conduit pas bien (sinon, on ne pourrait plus prier!). L’idée, derrière, je crois, c’est que la proximité avec Dieu se nourrit de nos efforts à devenir plus saints, dans nos relations horizontales. Aimer Dieu se nourrit de nos efforts à aimer l’autre. Et négliger son “plus proche prochain” (comme dit mon mari), c’est négliger sa vie avec Dieu.

Donc, que notre conjoint partage notre foi ou pas, dans tous les cas, au minimum, nous sommes appelés à témoigner par notre caractère et par notre attitude, en veillant à le respecter et à lui montrer de la bonté, en hommage au Christ.

Seul dans sa famille 

Le focus de Pierre concerne la vie de couple, mais on peut facilement élargir à la vie de famille, en particulier lorsqu’il y a des tensions ou des décalages: des parents qui ne comprennent pas notre démarche, des enfants qui se sont éloignés de la foi, des petits-enfants indifférents, des frères et sœurs qui se moquent, des discussions à Noël qui sont à mille lieues de notre vie avec Dieu. Parfois, dans ces contextes-là, on ne peut pas ou plus parler de notre foi – et pour certains, c’est une tristesse, voire un échec. Mais nous pouvons toujours témoigner de Jésus, tout simplement parce que nous pouvons toujours nous efforcer de lui ressembler.

C’est exigeant, cela dit, parce que nos proches ont souvent le privilège (!) de voir la face cachée de notre personne: nos pics de colère, nos impatiences, nos jalousies, nos obstinations, nos intolérances, nos égoïsmes! etc.

C’est aussi en famille que les enjeux les plus sensibles ressortent: des conflits anciens, des vieux malentendus… ressembler au Christ dans ce contexte, c’est apprendre à rompre avec nos réflexes, nos mécanismes automatiques, avec notre historique. C’est affirmer: je suis une nouvelle créature, j’appartiens à Dieu, c’est sa vie qui coule en moi…

Et c’est une vraie bonne nouvelle, parce que c’est toujours possible : on peut être en difficulté dans sa vie de couple ou de famille/ incompris/ frustré, affaibli par l’âge, la maladie ou le handicap – Dieu parle à travers notre caractère et notre conduite. Dieu se révèle dans nos paroles, nos silences, notre douceur et notre tranquillité, notre respect de l’autre.

Sans accepter tout et n’importe quoi, respecter et aimer c’est viser ce qu’il y a de mieux pour l’autre, quitte à prendre sur nous pour rester tranquilles et bons. Notre choix est déterminant, même si le vrai travail de transformation, c’est Dieu qui le fait par son Esprit. Mais le Saint Esprit aura moins de liberté d’action si nous ne nous orientons pas résolument vers la sainteté et si nous ne prions pas Dieu de nous conformer à son Fils.

 

 

Finalement, chacun à sa façon est appelé à se mettre au service de l’autre, à s’investir du mieux possible dans la vie de couple ou de famille, à nourrir la confiance, le respect, l’amour, en signe de notre appartenance au Dieu d’amour. Et ça reste vrai, même quand il y a un décalage spirituel. La foi en Christ n’est pas un permis de saboter ou de négliger son mariage ou sa famille : comme en société ou au travail, le Christ nous invite à faire tous nos efforts pour lui ressembler, pour grandir en sainteté et en amour, même dans les situations inconfortables, même quand l’autre s’y oppose. C’est là que Dieu parle fort: quand la bonté que nous manifestons n’est pas naturelle, attendue, logique, mais qu’elle prend clairement sa source ailleurs.

Appelés à l’intégrité, coûte que coûte

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Comment testez-vous les compétences de quelqu’un, un étudiant, un cuisinier, une musicienne, une scientifique, un mécanicien ? Il me semble qu’il faut au moins deux éléments : mettre au défi et observer. Mettre au défi en donnant des exercices, une étude de cas, un projet, une période d’essai. Si c’est trop facile, vous ne pourrez pas mesurer l’étendue des compétences. Et bien sûr, il faut en être témoin, l’observer, pour pouvoir l’évaluer. Si l’étudiant fait son devoir maison, mais que le prof ne corrige pas, c’est utile mais incomplet !

Pierre a commencé sa lettre aux chrétiens dispersés d’Asie mineure en rappelant tout ce qu’ils ont reçu en Christ – c’est si énorme qu’on peut carrément dire que c’est une nouvelle vie. Et cette vie nouvelle s’exerce, se prouve, dans les défis de la vie quotidienne, et aux yeux de tous. L’analogie avec les examens s’arrête là ! La vie chrétienne n’est pas seulement un cheminement intérieur, spirituel, fait de convictions : elle se met en pratique publiquement dans notre vie de tous les jours. Pour parler de cette mise en pratique, Pierre évoque trois situations difficiles : la vie dans une société dont le gouvernement n’est pas toujours irréprochable, la souffrance au travail, et la solitude dans le couple.

Vincent a prêché la semaine dernière sur l’appel à être des citoyens exemplaires, et je vous invite à lire la suite.

Lecture biblique : 1 Pierre 2.18-25

17 Honorez tous les hommes, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi.

18 Serviteurs, soyez soumis avec une profonde crainte à vos maîtres, non seulement aux bons et aux doux, mais aussi aux acariâtres. 19 Car c’est une grâce de supporter, par respect pour Dieu, des peines que l’on souffre injustement. 20 Quelle gloire y a-t-il, en effet, à supporter les coups si vous avez commis une faute ? Mais si, après avoir fait le bien, vous souffrez avec patience, c’est là une grâce aux yeux de Dieu.           

21 Or c’est à cela que vous avez été appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces :

22 Lui qui n’a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est pas trouvé de tromperie ; 23 lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte, dans sa souffrance, ne menaçait pas, mais s’en remettait au juste Juge ; 24 lui qui, dans son propre corps, a porté nos péchés sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; lui dont les meurtrissures vous ont guéris. 25 Car vous étiez égarés comme des brebis, mais maintenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardien de vos âmes.

1/ le contexte de l’esclavage

Esclaves, soyez soumis! Même lorsque votre maître est injuste et cruel.

C’est difficile à entendre, les mots sont forts, choquants, et paraissent loin de notre vision de l’Evangile. Le texte était déjà choquant à l’époque de Pierre, mais pas pour les mêmes raisons…

Pierre n’emploie directement le mot “esclave”, mais serviteur. Mais les serviteurs étaient en général des esclaves. Quelques mots sur l’esclavage qui évoque pour nous différentes réalités, marquées par l’injustice, l’hypocrisie, et la violence, à différentes périodes de l’Histoire.

Dans l’Antiquité, le modèle “patron-salarié” existe assez peu : la plupart des “employés” sont des esclaves. Sont esclaves les ouvriers dans les mines, les gens de maison, les fonctionnaires, les employés de PME… On compte, selon les époques, et selon les chercheurs, entre 25 et 90% d’esclaves dans la société. C’est le modèle du travail, avec des conditions de vie et de travail très variables : entre un premier ministre sous l’ordre du roi ou de l’empereur qui vit confortablement au palais, et un ouvrier du bâtiment qui travaille sans sécurité, logé dans un baraquement de fortune, soumis aux coups d’un contremaître indifférent, il y a tout un monde, qui reflète la diversité des conditions de travail qu’on pourrait retrouver aujourd’hui.

Il y a cependant une spécificité à l’esclavage: l’esclave ne s’appartient pas, il appartient à son maître. Il fait partie de ses propriétés, voire de ses outils, et il est entièrement soumis à son autorité : le maître a quasiment tout pouvoir sur lui.

On peut comparer l’esclavage à la caste des Intouchables en Inde, cette caste en-dessous de tout, qui n’a aucun statut dans la société. En Inde, beaucoup de chrétiens viennent de la caste des intouchables : ces “moins-que-rien” découvrent avec émerveillement que Jésus les aime et les élève au rang d’enfants de Dieu. De la même façon, dans l’Antiquité, beaucoup d’esclaves se tournent vers le Christ et composent une grosse partie des églises.

Pour nous qui vivons avec les Droits de l’Homme, dans une société d’émancipation qui recherche la liberté et qui affirme l’égalité de tous, le message de Pierre paraît d’un conformisme décevant. Il faut bien se dire que ce n’est pas le même monde : là où nous avons certains recours quand la situation dégénère, en particulier au travail, à l’époque il n’y a ni police, ni syndicat, ni prud’hommes… Un esclave qui se rebelle ou qui est rattrapé après s’être enfui a de fortes chances d’être frappé, mutilé, voire tué en réponse.

Pierre ne s’exprimerait pas tout à fait de la même façon aujourd’hui. Quoique ! Même si les conditions de travail se sont nettement améliorées, et qu’un employé en théorie peut toujours démissionner, il y a bien des situations d’injustice dans lesquelles on peut se sentir coincé: quand l’adversaire est trop important, quand le système dysfonctionne, quand il y a de la corruption, etc.

En s’adressant aux esclaves, Pierre ne se prononce pas sur ce que devrait être la situation : il ne cautionne pas l’esclavage en tant que tel ! Son exhortation ne nous empêche de lutter pour plus de justice en milieu professionnel. Mais en attendant l’évolution de la société, que fait-on demain matin ? A quoi est appelé le chrétien dans une situation injuste, difficile, qui ne se résoudra peut-être jamais ou en tout cas pas tout de suite?

2/ un appel à la soumission?

L’appel de Pierre est a priori simple à comprendre : esclaves, soyez soumis à votre maître, pas seulement quand c’est facile, mais aussi quand c’est difficile.

Qu’implique cette soumission ? Là aussi c’est connoté ! Il faut regarder ce que dit le texte: ici, se soumettre à son maître, quoi qu’il arrive, c’est supporter des punitions injustes, contrairement au fait d’être puni parce qu’on a mal agi. Être puni parce qu’on a volé ou menti, c’est normal, ce n’est pas de la persécution! Mais il arrive qu’on soit puni alors qu’on a bien agi: soit parce que le chef montre de la méchanceté gratuite, soit parce qu’on a refusé de se compromettre et de mal agir malgré les ordres. La sanction tombe, alors qu’on n’a rien à se reprocher.

Pierre n’exhorte pas à rechercher la souffrance! Mais à rester intègre, quoi qu’il arrive, quel que soit l’interlocuteur ou l’adversaire.

Pierre passe du temps sur cette situation de l’esclave maltraité: déjà parce que c’est le lot de beaucoup de chrétiens à son époque, mais aussi parce qu’il y voit un parallèle particulier avec la figure du Christ. Pierre s’inspire de cette vieille prophétie d’Esaïe 53, qui compare le Messie à un serviteur souffrant, à un homme injustement maltraité, à une brebis muette sur le chemin de l’abattoir… Christ, bien qu’innocent et juste, nous a obtenu en subissant sur la croix les sanctions que nous méritions. Il s’est humilié, soumis, mis en-dessous de tout, pour nous relever. Mais la croix, ce n’est pas seulement la porte qui s’ouvre sur notre salut, un point de passage qu’on peut laisser derrière soi : c’est un style de vie. Pierre insiste: Jésus a souffert pour vous, pour vous obtenir le pardon ET pour vous donner un modèle.

Alors, on n’est pas Jésus, le Sauveur de l’humanité, et on n’est pas appelés à mourir sur la croix pour sauver les autres: un seul pouvait le faire, et sa mort a suffi. Par contre, le fait que Jésus soit toujours resté innocent, intègre, irréprochable, exemplaire, dans tout ce qu’il a fait, quel que soit son adversaire, ça nous sommes appelés à l’imiter, quitte à en souffrir. A la croix, nous sommes acquittés de nos injustices, pour vivre dans la justice de Dieu.

Cette intégrité mise à l’épreuve, dit Pierre, est une grâce, un honneur, et même une vocation, parce qu’elle nous permet de prouver qu’on ressemble au Christ, comme les défis, les exercices, dont je parlais au début. Une épreuve, dans les deux sens du terme, qui révèle la nature de notre vie nouvelle. Prenez l’exemple du mouvement non-violent conduit par MLK: c’est facile d’être non-violent avec un mari qui vous aime, un enseignant respectueux, un supérieur plein d’humilité. Mais là où la non-violence a une chance de se révéler, et de marquer les esprits, c’est lorsqu’elle s’oppose à la violence et à l’injustice. Aimer ceux qui nous aiment et qui nous font du bien, c’est facile, disait Jésus, mais aimer ceux qui nous font mal, c’est là que réside l’originalité de la vie nouvelle marquée par l’amour de Dieu. Un amour d’un autre monde, qui s’est démontré pour nous alors que nous étions ses ennemis, un amour qui s’éprouve avec ceux qui nous font du mal.

Ca ne veut pas forcément dire qu’on accepte tout et qu’on ne met aucune limite, qu’on glorifie la souffrance ou qu’on aime la douleur. L’exemple du Christ nous appelle plutôt à une vie juste, quoi qu’il en coûte.

C’est refuser de répondre à la violence par la violence, à l’injustice par le sabotage ou la vengeance, c’est s’abstenir des magouilles, des calomnies, des tactiques d’intimidation, des insultes, c’est respecter les règles du jeu même quand l’autre ne le fait pas. Imiter le Christ, c’est faire de son mieux, toujours, même avec le pire.

3/ Responsables de notre chemin

Le maître apparemment y gagne. Les carcans de la société semblent se renforcer. Et soi-même, on passe pour quoi? Refuser d’utiliser les armes à notre disposition, même si elles sont injustes, c’est passer pour un faible, un lâche, “trop bon trop… bête”. Socialement, on est perdant, incompris, en plus de toutes les difficultés inhérentes à la situation.

L’exhortation de Pierre apporte un autre regard, le regard de Dieu. Déjà, il s’adresse directement aux esclaves: en dehors du NT, aucun écrit ne fait ça. On ne parle pas à des outils, sauf pour leur donner des ordres! Mais Pierre, au nom de Jésus, interpelle ces esclaves, et plus largement ceux qui se sentent écrasés, impuissants, humiliés, incompris, coincés, en leur disant qu’ils ont le choix. Oui, ils ont le choix, dans cette impasse. Pas forcément le pouvoir de changer les choses, mais le choix de supporter l’injustice d’une manière intègre et droite. Le choix de courber le dos, non parce qu’ils sont faibles, mais parce qu’ils suivent l’exemple du Christ, le Juste, et prennent leur croix. Oui, ils ont le choix de résister au mal et de ne pas se laisser embarquer à leur tour dans l’injustice. La crainte dont parle Pierre, c’est la crainte de Dieu, la foi, le désir de servir le Maître, le juste Maître qui s’est donné pour les racheter et les appeler à la liberté.

Ce ne sont pas des moins-que-rien, ce sont des imitateurs du Christ, le Fils de Dieu lui-même, qui a enduré l’injustice par amour pour nous, pour nous rendre justes aux yeux de Dieu. Le suivre, prendre sa croix, imiter Jésus, c’est faire de son mieux, toujours faire de son mieux et choisir la justice.

Alors c’est extrêmement difficile, quasiment infaisable à vue humaine, et c’est seulement en se rapprochant du Christ, en s’imprégnant de son style, en lui demandant l’aide de son Esprit, que nous avons une chance de grandir dans cette intégrité. Et Pierre ajoute une remarque, qui fait écho au début de notre culte: le Christ s’est confié au juste Juge. Même dans le pire des cas, face à la pire des incompréhensions, Dieu voit, et il mesure, et il prend en compte ce que nous faisons. Lui, il rendra justice, en son temps. C’est en gardant les yeux fixés sur cet horizon de justice, cet héritage impérissable dont Pierre parlait au début, que nous pouvons traverser les vallées sombres: la lumière de la justice de Dieu ne tardera pas à se manifester – conduisons-nous donc, comme dit Paul, quoi qu’il arrive, en enfants de lumière, en personnes lumineuses et justes, pour la gloire de Dieu.

Immigrés sur terre et citoyens exemplaires

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Regarder la vidéo de la prédication.

1 Pierre 2.11-17
11 Je vous y encourage, très chers amis, vous qui êtes des immigrés, des gens de passage sur cette terre : tenez-vous à l’écart des penchants mauvais qui font la guerre à votre être. 12 Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites et de remercier Dieu le jour où il viendra.
13 Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine : à l’empereur, qui a le pouvoir suprême, 14 et aux gouverneurs, envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour louer ceux qui font le bien. 15 En effet, ce que Dieu veut, c’est qu’en pratiquant le bien, vous réduisiez au silence les gens ignorants et stupides. 16 Conduisez-vous comme des personnes libres ; cependant, n’utilisez pas votre liberté comme un voile pour couvrir la malveillance, agissez plutôt comme des personnes qui sont au service de Dieu. 17 Respectez tous les êtres humains, aimez vos frères et vos sœurs en la foi, reconnaissez l’autorité de Dieu, respectez donc aussi l’empereur.

Après avoir parlé du miracle de l’Eglise, et après avoir encouragé les croyants à s’émerveiller de faire partie de ce miracle de Dieu, Pierre évoque maintenant la condition des croyants dans le monde, leur attitude à avoir dans la société. Et il ne cache que ce n’est pas évident…

Selon Pierre, nous sommes appelés à être à la fois des gens de passage, des immigrés sur cette terre, et des citoyens exemplaires.Et on peut comprendre qu’il n’est pas facile de concilier les deux. Pourtant, c’est bien dans la tension entre les deux que se trouve l’équilibre à rechercher. Regardons donc ce que les deux termes de la tension impliquent…

 

Des immigrés sur terre

“Vous qui êtes des immigrés” ! Les deux termes grecs utilisés au verset 11 désignaient les résidents étrangers dans un pays. Il est donc tout à fait légitime de traduire ici par ’immigré. On parle beaucoup d’immigrés et d’immigration aujourd’hui, certains voulant y voir la cause de tous les maux de notre société, désignant les immigrés comme les boucs émissaires d’aujourd’hui. Et malheureusement, ça ne risque pas de s’arranger avec l’approche de l’élection présidentielle l’année prochaine…

Eh bien c’est ce que nous sommes, nous croyants ! Nous sommes des immigrés sur cette terre.

L’idée derrière cette expression, ici comme dans d’autres passages du Nouveau Testament, c’est de dire que, en tant que croyants, notre patrie spirituelle, c’est le Royaume de Dieu. Et ça fait de nous, d’une certaine façon, des étrangers sur cette terre. Nous sommes citoyen des cieux et immigrés sur terre. C’est aussi ce que Jésus disait à ses disciples lorsqu’il affirmait qu’ils étaient dans le monde sans être du monde…

Or la situation d’un immigré n’est pas confortable. Quand vous êtes immigré dans un pays, quand vous venez d’une autre culture, que vous avez une autre couleur de peau, que vous parlez une autre langue… c’est beaucoup plus difficile de se faire sa place dans la société. Vous devez non seulement apprendre une nouvelle culture, une nouvelle langue, etc. mais vous devez aussi faire face à la méfiance, la suspicion, la discrimination, voire le racisme. Et vous devez alors en faire plus que les autres pour y arriver… C’est une réalité !

Quand on se place d’un point de vue spirituel, tous les croyants sont des immigrés sur cette terre. Nous ressentons bien un décalage culturel et spirituel, et nous avons parfois le sentiment d’être comme des étrangers. Nous nous exposons à l’incompréhension, la suspicion voire le rejet de ceux qui se méfient de nous ou ne nous comprennent pas. Et ce n’est pas nouveau… voyez ce que Pierre dit à ses lecteurs, en parlant de calomnies qui cherchent à nuire.

Soit dit en passant, ça veut sans doute dire aussi que lorsque vous êtes “immigrés deux fois”, en tant qu’étranger et en tant que croyant, c’est encore plus difficile… C’est pourquoi je me dis que nous avons beaucoup à apprendre de nos frères et soeurs chrétiens issus d’autres cultures et qui sont immigrés ici, en France…

En tout cas, si nous voulons, en tant que croyant, trouver notre place dans la société, il faut peut-être aussi faire plus d’effort que les autres. C’est un peu ce que Pierre dit au verset 12 : “Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites et de remercier Dieu le jour où il viendra.” En d’autres termes, si on vous calomnie, si on vous dénigre et vous accuse injustement… continuez d’avoir une conduite irréprochable.

Et il faut peut-être en faire plus que les autres… C’est pourquoi certains refusent de le faire ou se découragent. Et on tombe dans le communautarisme et le séparatisme spirituel. On reste entre croyants, on se coupe du monde, on ne s’implique plus dans la société.

Et c’est un problème parce que, certes, nous sommes immigrés sur cette terre, mais nous sommes aussi appelés à être des citoyens exemplaires.

 

Des citoyens exemplaires

Quelles exhortations Pierre adresse-t-il à ses lecteurs ?

  • Veiller sur soi-même : “tenez-vous à l’écart des penchants mauvais qui font la guerre à votre être.” (v.11)
  • Veiller à sa conduite devant les autres : “Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites” (v.12)
  • Respecter les autorités en place : “Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine” (v.13)

Veiller sur soi-même

Je trouve intéressant que Pierre commence par cette exhortation. Si vous voulez avoir une conduite irréprochable, commencez par veiller sur vous-mêmes. Il y a déjà une lutte intime et personnelle à mener, celle de ces “penchants mauvais” qui nous font la guerre. Les versions traditionnelles traduisent plus littéralement par “les désirs de la chair”.

Dans le langage théologique du Nouveau Testament, la chair est ce qui, en nous, est opposé à Dieu. La Bible parle aussi de ce qui est corrompu par le péché. En fait, c’est la part d’ombre que nous avons tous au fond de nous, ce sont les aspirations mauvaises, les envies néfastes, les désirs parfois destructeurs contre lesquels nous avons à lutter. Ils sont différents pour chacun de nous, mais ils sont bien présents d’une manière ou d’une autre. Nous savons que nous avons tous nos luttes intimes. Veiller sur soi-même, c’est mener ce combat, avec l’aide du Saint-Esprit qui agit en nous, pour nous restaurer.

Veiller à sa conduite devant les autres

Mais il y a aussi une autre lutte à mener, celle de notre conduite devant les autres, sur laquelle aussi nous devons veiller. Les païens dont Pierre parle, ce sont les non-croyants. Il s’agit d’avoir un comportement irréprochable devant eux. Ceci dit, Pierre avertit ses lecteurs : ça n’empêchera pas les critiques et les calomnies… Il ne faut pas se faire d’illusion. Mais il faut persévérer.

Pour le dire de façon un peu triviale, la meilleure façon de clouer le bec à nos détracteurs, c’est d’avoir une conduite irréprochable. Pierre n’invite pas à se rebeller, à se défendre, à contredire les calomnies mais à continuer de faire le bien, à persévérer dans une bonne conduite.

En tant que croyant, notre objectif n’est pas de défendre notre réputation ou notre honneur mais de glorifier le Seigneur par notre comportement.

Respecter les autorités en place

Enfin s’il s’agissait de veiller à notre conduite dans nos relations sociales, il s’agit aussi pour le croyant d’être un citoyen irréprochable, d’être soumis, de respecter les autorités humaines. Pierre les nomme explicitement : dans le contexte de ses destinataires, il s’agissait de l’empereur et des gouverneurs. Il s’agit donc, en l’occurrence, d’un régime autoritaire et imposé par la force, avec des valeurs assez éloignées des valeurs bibliques, y compris avec un statut quasi divin accordé à l’empereur.

Ça ne veut pas dire qu’un croyant doit toujours dire oui et amen, sans réfléchir, à tout ce que décident ses responsables politiques. On voit dans le livre des Actes que les apôtres refusent d’obéir aux autorités juives qui leur demandent d’arrêter d’enseigner au nom de Jésus. Dans certains cas, il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Mais il s’agit bien de respecter les personnes en charge de l’autorité, de se soumettre aux règles politiques et sociales de la société dans laquelle on vit… en un mot : être un citoyen irréprochable. Cela implique, plus largement, de prendre notre part, de manière constructive, pour le bien commun. Ou comme le disait le prophète Jérémie aux exilés à Babylone : “Cherchez à rendre prospère la ville où le Seigneur vous a fait exiler, et priez-le pour elle, car votre prospérité dépend de la sienne.” (Jérémie 29.7)

 

Conclusion

Il s’agit donc pour nous d’assumer la condition inconfortable d’immigré tout en cherchant à être des citoyens irréprochables, d’être conscients du décalage qui existe mais de jouer pleinement le jeu de la recherche du bien commun. Voilà le défi auquel nous devons faire face en tant que croyant.

Est-ce plus difficile aujourd’hui qu’hier ? Je ne sais pas… Ça a toujours été difficile. Ça l’était déjà au temps de l’apôtre Pierre ! Mais c’est un impératif auquel on ne peut pas couper. Car si nous ne vivons pas cette tension comme nécessaire, comment allons-nous pouvoir être témoin de notre espérance auprès de nos contemporains ?