Immigrés sur terre et citoyens exemplaires

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1 Pierre 2.11-17
11 Je vous y encourage, très chers amis, vous qui êtes des immigrés, des gens de passage sur cette terre : tenez-vous à l’écart des penchants mauvais qui font la guerre à votre être. 12 Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites et de remercier Dieu le jour où il viendra.
13 Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine : à l’empereur, qui a le pouvoir suprême, 14 et aux gouverneurs, envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour louer ceux qui font le bien. 15 En effet, ce que Dieu veut, c’est qu’en pratiquant le bien, vous réduisiez au silence les gens ignorants et stupides. 16 Conduisez-vous comme des personnes libres ; cependant, n’utilisez pas votre liberté comme un voile pour couvrir la malveillance, agissez plutôt comme des personnes qui sont au service de Dieu. 17 Respectez tous les êtres humains, aimez vos frères et vos sœurs en la foi, reconnaissez l’autorité de Dieu, respectez donc aussi l’empereur.

Après avoir parlé du miracle de l’Eglise, et après avoir encouragé les croyants à s’émerveiller de faire partie de ce miracle de Dieu, Pierre évoque maintenant la condition des croyants dans le monde, leur attitude à avoir dans la société. Et il ne cache que ce n’est pas évident…

Selon Pierre, nous sommes appelés à être à la fois des gens de passage, des immigrés sur cette terre, et des citoyens exemplaires.Et on peut comprendre qu’il n’est pas facile de concilier les deux. Pourtant, c’est bien dans la tension entre les deux que se trouve l’équilibre à rechercher. Regardons donc ce que les deux termes de la tension impliquent…

 

Des immigrés sur terre

“Vous qui êtes des immigrés” ! Les deux termes grecs utilisés au verset 11 désignaient les résidents étrangers dans un pays. Il est donc tout à fait légitime de traduire ici par ’immigré. On parle beaucoup d’immigrés et d’immigration aujourd’hui, certains voulant y voir la cause de tous les maux de notre société, désignant les immigrés comme les boucs émissaires d’aujourd’hui. Et malheureusement, ça ne risque pas de s’arranger avec l’approche de l’élection présidentielle l’année prochaine…

Eh bien c’est ce que nous sommes, nous croyants ! Nous sommes des immigrés sur cette terre.

L’idée derrière cette expression, ici comme dans d’autres passages du Nouveau Testament, c’est de dire que, en tant que croyants, notre patrie spirituelle, c’est le Royaume de Dieu. Et ça fait de nous, d’une certaine façon, des étrangers sur cette terre. Nous sommes citoyen des cieux et immigrés sur terre. C’est aussi ce que Jésus disait à ses disciples lorsqu’il affirmait qu’ils étaient dans le monde sans être du monde…

Or la situation d’un immigré n’est pas confortable. Quand vous êtes immigré dans un pays, quand vous venez d’une autre culture, que vous avez une autre couleur de peau, que vous parlez une autre langue… c’est beaucoup plus difficile de se faire sa place dans la société. Vous devez non seulement apprendre une nouvelle culture, une nouvelle langue, etc. mais vous devez aussi faire face à la méfiance, la suspicion, la discrimination, voire le racisme. Et vous devez alors en faire plus que les autres pour y arriver… C’est une réalité !

Quand on se place d’un point de vue spirituel, tous les croyants sont des immigrés sur cette terre. Nous ressentons bien un décalage culturel et spirituel, et nous avons parfois le sentiment d’être comme des étrangers. Nous nous exposons à l’incompréhension, la suspicion voire le rejet de ceux qui se méfient de nous ou ne nous comprennent pas. Et ce n’est pas nouveau… voyez ce que Pierre dit à ses lecteurs, en parlant de calomnies qui cherchent à nuire.

Soit dit en passant, ça veut sans doute dire aussi que lorsque vous êtes “immigrés deux fois”, en tant qu’étranger et en tant que croyant, c’est encore plus difficile… C’est pourquoi je me dis que nous avons beaucoup à apprendre de nos frères et soeurs chrétiens issus d’autres cultures et qui sont immigrés ici, en France…

En tout cas, si nous voulons, en tant que croyant, trouver notre place dans la société, il faut peut-être aussi faire plus d’effort que les autres. C’est un peu ce que Pierre dit au verset 12 : “Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites et de remercier Dieu le jour où il viendra.” En d’autres termes, si on vous calomnie, si on vous dénigre et vous accuse injustement… continuez d’avoir une conduite irréprochable.

Et il faut peut-être en faire plus que les autres… C’est pourquoi certains refusent de le faire ou se découragent. Et on tombe dans le communautarisme et le séparatisme spirituel. On reste entre croyants, on se coupe du monde, on ne s’implique plus dans la société.

Et c’est un problème parce que, certes, nous sommes immigrés sur cette terre, mais nous sommes aussi appelés à être des citoyens exemplaires.

 

Des citoyens exemplaires

Quelles exhortations Pierre adresse-t-il à ses lecteurs ?

  • Veiller sur soi-même : “tenez-vous à l’écart des penchants mauvais qui font la guerre à votre être.” (v.11)
  • Veiller à sa conduite devant les autres : “Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s’ils vous calomnient en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître le bien que vous faites” (v.12)
  • Respecter les autorités en place : “Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine” (v.13)

Veiller sur soi-même

Je trouve intéressant que Pierre commence par cette exhortation. Si vous voulez avoir une conduite irréprochable, commencez par veiller sur vous-mêmes. Il y a déjà une lutte intime et personnelle à mener, celle de ces “penchants mauvais” qui nous font la guerre. Les versions traditionnelles traduisent plus littéralement par “les désirs de la chair”.

Dans le langage théologique du Nouveau Testament, la chair est ce qui, en nous, est opposé à Dieu. La Bible parle aussi de ce qui est corrompu par le péché. En fait, c’est la part d’ombre que nous avons tous au fond de nous, ce sont les aspirations mauvaises, les envies néfastes, les désirs parfois destructeurs contre lesquels nous avons à lutter. Ils sont différents pour chacun de nous, mais ils sont bien présents d’une manière ou d’une autre. Nous savons que nous avons tous nos luttes intimes. Veiller sur soi-même, c’est mener ce combat, avec l’aide du Saint-Esprit qui agit en nous, pour nous restaurer.

Veiller à sa conduite devant les autres

Mais il y a aussi une autre lutte à mener, celle de notre conduite devant les autres, sur laquelle aussi nous devons veiller. Les païens dont Pierre parle, ce sont les non-croyants. Il s’agit d’avoir un comportement irréprochable devant eux. Ceci dit, Pierre avertit ses lecteurs : ça n’empêchera pas les critiques et les calomnies… Il ne faut pas se faire d’illusion. Mais il faut persévérer.

Pour le dire de façon un peu triviale, la meilleure façon de clouer le bec à nos détracteurs, c’est d’avoir une conduite irréprochable. Pierre n’invite pas à se rebeller, à se défendre, à contredire les calomnies mais à continuer de faire le bien, à persévérer dans une bonne conduite.

En tant que croyant, notre objectif n’est pas de défendre notre réputation ou notre honneur mais de glorifier le Seigneur par notre comportement.

Respecter les autorités en place

Enfin s’il s’agissait de veiller à notre conduite dans nos relations sociales, il s’agit aussi pour le croyant d’être un citoyen irréprochable, d’être soumis, de respecter les autorités humaines. Pierre les nomme explicitement : dans le contexte de ses destinataires, il s’agissait de l’empereur et des gouverneurs. Il s’agit donc, en l’occurrence, d’un régime autoritaire et imposé par la force, avec des valeurs assez éloignées des valeurs bibliques, y compris avec un statut quasi divin accordé à l’empereur.

Ça ne veut pas dire qu’un croyant doit toujours dire oui et amen, sans réfléchir, à tout ce que décident ses responsables politiques. On voit dans le livre des Actes que les apôtres refusent d’obéir aux autorités juives qui leur demandent d’arrêter d’enseigner au nom de Jésus. Dans certains cas, il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Mais il s’agit bien de respecter les personnes en charge de l’autorité, de se soumettre aux règles politiques et sociales de la société dans laquelle on vit… en un mot : être un citoyen irréprochable. Cela implique, plus largement, de prendre notre part, de manière constructive, pour le bien commun. Ou comme le disait le prophète Jérémie aux exilés à Babylone : “Cherchez à rendre prospère la ville où le Seigneur vous a fait exiler, et priez-le pour elle, car votre prospérité dépend de la sienne.” (Jérémie 29.7)

 

Conclusion

Il s’agit donc pour nous d’assumer la condition inconfortable d’immigré tout en cherchant à être des citoyens irréprochables, d’être conscients du décalage qui existe mais de jouer pleinement le jeu de la recherche du bien commun. Voilà le défi auquel nous devons faire face en tant que croyant.

Est-ce plus difficile aujourd’hui qu’hier ? Je ne sais pas… Ça a toujours été difficile. Ça l’était déjà au temps de l’apôtre Pierre ! Mais c’est un impératif auquel on ne peut pas couper. Car si nous ne vivons pas cette tension comme nécessaire, comment allons-nous pouvoir être témoin de notre espérance auprès de nos contemporains ?

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