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Libérer la parole

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Regarder la vidéo

Il y a parfois des sujets dans l’actualité qui nous touchent, nous interpellent ou nous scandalisent. Il y en a un qui a fait la une, alors même que la crise du Covid occupe presque toute la place médiatique. Vous en avez forcément entendu parler. Je pense à ces accusations d’inceste ou de violence sexuelle contre des personnes publiques parfois très connues.

La parole se libère depuis quelque temps, et c’est heureux, autour des questions de violences sexuelles et conjugales. On pourrait se dire, peut-être, que les temps changent…

Vous avez peut-être vu ces vidéos d’archives qui refont surface, pas si anciennes que cela, puisqu’elles datent des années 70 ou 80. Il y a par exemple ce micro-trottoir ou des hommes répondaient à une journaliste qui leur demandaient s’il leur arrivait de battre leur femme. Et certains disaient, devant la caméra, que ça leur arrivait… quand leur femme le méritait ! Ou cette vidéo d’une grande émission de télévision des années 80, autour de l’inceste, où un médecin disait que dans bon nombre d’incestes il y a quand même beaucoup de romantisme et de tendresse…

Voir ces images et entendre de telles affirmations aujourd’hui fait vraiment froid dans le dos… Il serait évidemment impossible de tourner de telles vidéos aujourd’hui. Mais le drame des violences sexuelles et conjugales a-t-il pour autant cessé ? Certainement pas !

La parole se libère, certes, notamment sur les réseaux sociaux avec différents hashtags, et les témoignages se multiplient, y compris dans des ouvrages publiés. Mais ça dérange, parce que le problème est toujours là…

Il y a aujourd’hui des scandales qui éclatent dans tous les milieux, y compris dans des Églises évangéliques… Encore très récemment, vous avez peut-être entendu ces révélations terribles et accablantes sur un célèbre pasteur et apologète américain, décédé l’année dernière, qui dissimulait un comportement de prédateur sexuel. Vous me direz peut-être que ça ne se voit pas trop en France, dans nos Églises… mais ne nous faisons pas d’illusion, j’ai peine à croire qu’on en soit complètement indemne.

Car tous les milieux sont touchés ! D’après une enquête récente, 1 français sur 10 dit avoir été victime de violence sexuelle durant son enfance !

Aujourd’hui en France, une femme meurt tous les 2 jours et demi sous les coups de son conjoint. Et la situation ne s’est pas améliorée pendant la crise sanitaire. Les signalements pour violence conjugale ont augmenté de 40% pendant le premier confinement, et de 60% pendant le deuxième…

Dans l’écrasante majorité des cas, les victimes de ces violences, sous toutes leurs formes, sont des femmes ou des enfants. Et les auteurs de ces violences, à une écrasante majorité, sont des hommes. Le problème est encore bien là… malheureusement.

Non seulement on ne peut pas rester insensible à ces drames mais nous devons être conscients qu’ils touchent aussi nos milieux. Nous avons forcément parmi nous, et autour de nous, des personnes qui ont été ou sont victimes de telles violences.

N’avons-nous pas quelque chose à dire en tant que chrétiens ? Qu’est-ce que la Bible nous dit sur ces questions ? Pour y réfléchir, je vous propose de lire une partie d’un récit que l’on trouve dans l’Evangile selon Jean, celui de la rencontre de Jésus avec la femme Samaritaine.

Voici le contexte. Jésus s’était rendu en Galilée. Alors qu’il était seul, ses disciples étant allé en ville pour acheter des provisions, Jésus rencontre une femme, seule elle aussi, venue chercher de l’eau à un puits, en plein milieu de la journée. Jésus engage alors un dialogue avec elle, et lui demande de puiser de l’eau pour lui. C’était déjà surprenant, étant donné l’inimitié qu’il y avait entre les Juifs et les Samaritains. Mais Jésus en profite pour parler d’une autre eau, spirituelle celle-là, dont tous, Juifs, Samaritains ou n’importe qui d’autre ont réellement besoin. Lisons la suite du récit, à partir du verset 13, dans le chapitre 4 de l’Évangile selon Jean :

Jean 4.13-30

13 Jésus lui répondit : « Toute personne qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. »
15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. »
16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari et reviens ici. »
17 La femme lui répondit : « Je n’ai pas de mari. »
Et Jésus ajouta : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari ; 18 car tu as eu cinq maris, et l’homme avec lequel tu vis maintenant n’est pas ton mari. Tu as donc dit vrai. »
19 « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète. 20 Nos ancêtres samaritains ont adoré Dieu sur cette montagne, mais vous, les Juifs, vous dites que l’endroit où l’on doit adorer Dieu est à Jérusalem. »
21 « Crois-moi, continua Jésus, l’heure vient où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. 22 Vous, vous adorez Dieu sans le connaître ; nous, nous l’adorons et nous le connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient, et elle est même déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père par l’Esprit qui conduit à la vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. 24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent le fassent par l’Esprit qui conduit à la vérité. »
25 La femme lui dit : « Je sais que le Messie, c’est-à-dire le Christ, va venir. Quand il viendra, il nous enseignera toutes choses. »
26 Jésus lui répondit : « Je le suis, moi qui te parle. »
27 À ce moment-là, les disciples de Jésus revinrent ; et ils s’étonnèrent de le voir parler avec une femme. Pourtant aucun d’eux ne lui demanda : « Que lui veux-tu ? » ou : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
28 Alors la femme laissa sa jarre et retourna en ville, où elle dit aux gens : 29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! Ne serait-il pas le Christ ? » 30 Ils sortirent donc de la ville et vinrent à la rencontre de Jésus.

Vous me demanderez peut-être : mais quel est le rapport entre ce récit et la question des violences sexuelles et conjugales ? Le lien, je le vois dans le dialogue initié par Jésus, qui permet une libération de la parole pour une femme en souffrance. Regardons cela plus en détail…

Changer de regard

Quel regard portez-vous sur cette femme lorsque vous entendez Jésus lui dire qu’elle a eu 5 maris et que l’homme avec lequel elle vit n’est pas son mari ? En “bon évangélique”, on pourrait avoir tendance à porter un regard accusateur sur elle. Eh oui, qu’est-ce qu’elle a bien pu faire pour avoir 5 maris successifs ? Et qu’est-ce que c’est que cette relation avec cet homme qui n’est pas son mari ? Ce n’est pas clair…

Mais pensez-vous vraiment qu’elle a choisi d’avoir eu 5 maris ? A l’époque, comment est-ce que ça se passait ? Qui avait tout pouvoir dans un couple pour répudier son conjoint, pour tout et n’importe quoi ? Les hommes, évidemment ! Les femmes, elles, ne pouvaient pas répudier leur mari…

Dans quelles conditions les choses se sont passées pour elle ? On ne le sait pas. On ne connaît pas son histoire. Jésus, lui, visiblement, connaissait son histoire. Et il ne la juge pas. Voyez-vous la moindre parole de jugement de la part de Jésus sur cette femme ?

Ca me rappelle un autre récit de l’Evangile selon Jean, le récit dit de la femme adultère. Mais elle n’était pas toute seule à être adultère, que je sache ! Ceci dit, on ne parle que d’elle… On ne dit rien de l’homme qui était au moins aussi coupable qu’elle ! Lui, la foule ne cherchait pas à le lapider. Et qu’est-ce que Jésus dit à la fin à cette femme ? Certes, il lui dit de ne plus pécher… mais il lui dit aussi “Moi non plus, je ne te condamne pas !”

Tout cela me fait un peu penser à ces arguments scandaleux qu’on entend encore parfois, à propos d’une femme violentée qui l’a peut-être un peu cherché, ou d’une femme violée qui aurait quand même dû faire attention à sa manière de s’habiller !

Et si nous changions notre regard sur la femme Samaritaine… à partir du regard que Jésus porte sur elle ?

Jésus connaît notre histoire

Revenons donc à ce dialogue entre Jésus et la femme Samaritaine. Pourquoi Jésus lui demande-t-il d’aller chercher son mari, d’autant que, visiblement, il connaît très bien son histoire ? Il sait parfaitement qu’elle vit avec un homme qui n’est pas son mari…

D’ailleurs, on peut s’interroger sur l’intention de Jésus. Vous remarquerez que la femme ne va finalement jamais chercher son “mari” ou l’homme avec qui elle vit. Et Jésus ne s’en soucie plus, il ne le lui redemande pas après leur dialogue. Donc, ce n’était pas vraiment la question…

Et si ce que Jésus dit à cette femme était là plutôt pour lui montrer qu’il connaît, justement, son histoire. Et qu’il connaît sa souffrance, sa honte, sa véritable soif.

Quand la femme dit à Jésus qu’elle n’a pas de mari, est-ce qu’elle joue sur les mots ? Est-ce qu’elle essaie de dissimuler à Jésus la réalité de sa situation ? Ou exprime-t-elle une souffrance, un constat d’échec ou de honte après ses 5 mariages successifs et sa situation actuelle compliquée ?…

Certes, en théorie, elle pourrait avoir été veuve 5 fois par exemple, et ça serait déjà une source de souffrance ! Mais ce qui est le plus probable, vu le contexte de l’époque, c’est qu’elle ait été répudiée 5 fois, et ça pouvait être pour n’importe quelle raison, même futile. Vous croyez que, si elle avait été volage et frivole, dans un village où tout se sait, elle aurait trouvé facilement des maris ? Il est tout à fait possible qu’elle ait été trimballée d’un mari à un autre… Et qui sait, l’homme avec qui elle vit l’accueille peut-être en secret, bien plus bienveillant envers elle que ses 5 maris successifs ?

Alors, certes, j’extrapole, on n’en sait rien parce que le texte ne nous en dit rien. Nous ne connaissons pas l’histoire de cette femme… Et c’est justement pourquoi nous ne pouvons porter de jugement sur elle. Jésus, lui, connaît son histoire. Et il ne la juge pas…

Une parole libérée

On ne connaît pas l’histoire de cette femme Samaritaine, mais on se rend bien compte qu’elle ne va pas bien. Pourquoi aller chercher de l’eau à midi, sinon pour être seule et ne croiser personne ?

Cette femme est peut-être bien un exemple d’une femme qui souffre en silence et qui cache sa souffrance. Elle porte avec elle le poids du silence et de la honte, des non-dits et des secrets qu’on cache. Mais Jésus y est sensible et veut lui apporter la consolation et l’espérance. Jésus permet, ici, une sorte de libération de la parole…

Car le dialogue que cette femme a avec Jésus montre qu’elle a une soif spirituelle évidente. Voyez sa réponse à Jésus : « Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. »

Est-ce qu’elle n’a pas compris que Jésus parle d’une eau spirituelle ? Peut-être… Mais peut-être aussi qu’elle a compris que si elle découvre cette eau dont parle Jésus, une eau qui donne la vie éternelle, elle sera libérée, elle n’aura plus besoin de se cacher.

Et d’ailleurs, que se passe-t-il à la fin du récit (v.28-29) ? Elle laisse sa jarre et retourne en ville. Elle n’a plus besoin d’aller puiser l’eau au puits. Et elle ne se cache plus, elle va à la rencontre des habitants du village. Sa peur, sa honte n’est plus : “Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait !”

Sa parole est libérée. Elle est, elle-même, libre comme elle ne l’a jamais été !

 

Conclusion

C’est vrai, je me suis permis quelques extrapolations face à ce récit… Mais le plus important, c’est l’attitude de Jésus envers cette femme Samaritaine. Sa compassion, son regard sans jugement
Le plus important, c’est aussi le chemin parcouru par cette femme. N’est-il pas évident qu’elle n’est pas la même au début et à la fin du récit ? Ne voit-on pas qu’elle est libérée d’un poids lié à des souffrances accumulées au cours de son histoire ?

Aujourd’hui encore, il y a beaucoup de femmes qui portent un lourd secret, qui souffrent en silence, à cause de blessures, de souffrances endurées. Elles ne parlent pas. Comme pour la femme Samaritaine, on ne connaît pas forcément leur histoire. Mais Jésus, lui, la connaît.

Elles ont besoin d’écoute, d’être prise en considération, de ne pas être cataloguée ou jugée.

Tous, hommes ou femmes, vous avez peut-être vos blessures, vos souffrances, le poids d’une histoire douloureuse. L’eau que Jésus vous offre est une eau bienfaisante. Déposez votre jarre, allez à la source de la grâce et de la bonté de Dieu, brisez le silence, soyez restaurés !

Nourrir notre espérance

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Dans cette période de crise, une des difficultés, c’est le manque – de différentes choses ! Pour certains un manque financier dû à une perte d’emploi, pour d’autres le manque de relations sociales, pour d’autres encore le manque d’activités ressourçantes (sport, culture). Ou encore le manque de projets pour dessiner l’avenir. Même ceux qui sont très occupés manquent – de relations informelles avec les collègues, de liberté de déplacement (18h c’est tôt !), de voir la famille ou les amis sans crainte. Et on en souffre aussi en église : les petits groupes, les repas d’église, l’hospitalité, et au-delà, la chaleur et la fluidité des relations nous manquent ! tout comme la possibilité de nous projeter, la clarté sur la ligne à suivre, nous manquent !

Dans ce contexte de privation et de frustration, j’aimerais vous parler ce matin… du jeûne ! oui, oui, le jeûne !  cette privation supplémentaire… mais volontaire ! Le jeûne, c’est la privation volontaire de nourriture – partielle (comme p. ex. ce qu’on appelle le jeûne de Daniel où on ne mange que du végétal) ou totale (sans nourriture, pendant une partie de la journée, une journée ou plusieurs). Par extension, certains pratiquent des jeûnes électroniques, de réseaux sociaux, de télé… Le jeûne, comme la prière et l’aumône, fait partie des pratiques spirituelles courantes dans la plupart des religions, et aussi chez les chrétiens.

Alors chez les évangéliques, on trouve plusieurs positions. Certains sont très assidus dans le jeûne comme soutien de la prière, avec des soirées jeûne et prière en communauté p. ex. ou des jeûnes individuels. D’autres sont indifférents ou allergiques à cette pratique, qui paraît peut-être trop rituelle, ou dont on ne saisit pas bien l’objectif.

On sait que Jésus a pratiqué le jeûne, notamment juste après son baptême, pendant 40 jours, comme pour se préparer à sa mission qui allait aboutir à un renoncement total : le don de sa vie sur la Croix. Il ne s’est pas privé de nourriture : il s’est privé de sa vie, pour que nous soyons pardonnés et réconciliés avec Dieu !

Sinon, Jésus parle rarement du jeûne : comme ça fait partie des pratiques spirituelles juives, on part du principe que Jésus et ses auditeurs le pratiquaient mais Jésus ne le met pas particulièrement en avant.  Il en donne l’explication dans un échange avec les disciples de Jean-Baptiste, qui nous est transmis dans l’évangile de Matthieu ch.9.

Lecture biblique : Matthieu 9.14-17

14 Les disciples de Jean le baptiste s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous souvent, tandis que tes disciples ne jeûnent pas ? » 

15 Jésus leur répondit : « Pensez-vous que les invités à un mariage pourraient pleurer pendant que le marié est avec eux ? Mais des jours viendront où le marié leur sera enlevé ; alors ils jeûneront.

16 Personne ne répare un vieux vêtement avec un morceau de tissu neuf ; car ce morceau tirerait sur le vieux vêtement et la déchirure s’agrandirait encore. 

17 On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. On verse au contraire le vin nouveau dans des outres neuves et ainsi le tout se conserve bien. »

[verset 14] A l’époque de Jésus, il y a une diversité spirituelle. Les pharisiens et les disciples de Jean-Baptiste ne sont franchement pas pareils, mais les deux mouvements regroupent des personnes consacrées, engagées, qui essaient de suivre Dieu dans tout ce qu’ils font. Et ces personnes pratiquent le jeûne. Tous les Juifs sont censés pratiquer le jeûne, une fois par an au moins, lors du Jour des Expiations (Yom Kippour), en signe de repentance devant Dieu. D’autres jeûnes existent, dont on retrouve des exemples dans l’Ancien Testament : jeûne spontané pour se repentir d’une faute collective ou individuelle, jeûne qui exprime la lamentation, le deuil, devant des tragédies, et parfois des jeûnes pour se consacrer à la prière et chercher la volonté de Dieu. Certains pharisiens jeûnaient volontiers 2 jours par semaine. Les disciples de Jean-Baptiste, dans ce mouvement de renouveau centré sur la repentance et la recherche de la volonté de Dieu, intégraient manifestement eux aussi le jeûne à leur pratique régulière.

Leur question vient du fait qu’ils reconnaissent en Jésus, et en ses disciples, des croyants engagés, consacrés, sincères, entiers. Pourtant, ils ont un mode de vie plutôt festif, léger, et on ne les voit guère jeûner. Dans l’épisode qui précède, les pharisiens étaient choqués de voir Jésus participer à une fête avec des gens peu recommandables… Nul doute que Jésus est attaché à Dieu, mais pourquoi se démarque-t-il autant du bon ton spirituel ?

[v.15] Jésus répond avec 3 images qui soulignent la radicalité du changement. Avec son arrivée à lui, sous l’image du marié, la situation a changé si profondément, qu’il faut changer la façon de voir les choses, et la façon de vivre – on ne peut pas bricoler en intégrant quelques nouveautés à un état d’esprit ancien, ça ne va pas ensemble : d’où les images du tissu qui se déchire ou de l’outre de vin qui éclate. Le changement de fond va avec un changement de forme !

Et qu’est-ce qui change avec l’arrivée de Jésus ? C’est la fête ! La fête de l’amour de Dieu qui se révèle à travers Jésus ! Dieu qui pardonne à ceux qui se repentent, et qui offre un nouveau départ. Dieu qui communique sa vie – vivifiante, restauratrice – à tous ceux qui sont blessés ou moribonds. Dieu qui donne la joie à ceux qui pleurent, et la paix à ceux qui ont peur. Dieu qui montre le chemin à ceux qui cherchent sa volonté. Tout ce que le jeûne exprime comme attente reçoit une réponse en Christ.

Pourquoi s’humilier, se lamenter, se frustrer, alors que la paix, la vie, la vérité sont présentes là, physiquement, en Christ ? On ne cherche plus, on reçoit ! Jésus n’est pas un prophète comme Jean-Baptiste ou un enseignant doué, dans le genre des maîtres rabbiniques – c’est là que ses interlocuteurs se trompent – il est Dieu lui-même qui ouvre ses bras avec amour. C’est la fête ! Et rien de mieux que l’image du mariage pour exprimer cette joie exubérante de voir Dieu nous rejoindre à travers Jésus…

Mais dans notre lecture, on s’arrête trop souvent là ! Car Jésus ajoute une précision : tant qu’il est là, pas besoin de jeûner ou de se lamenter… mais le jour viendra où il sera enlevé, et la tristesse du deuil sera à nouveau appropriée.

A quoi Jésus fait-il référence ? Sûrement à sa mort violente. Les disciples, sonnés de voir Jésus disparaître, sombreront dans l’incompréhension, la peur, le découragement. En annonçant ce moment, Jésus montre qu’il y a encore des ombres au tableau.

Déjà et pas encore, la fête et le jeûne

Où nous situer, nous, aujourd’hui ? Sommes-nous dans la fête de la présence du Christ ? Ou dans la tristesse de son absence ?

Les deux !

Jésus est mort, c’est vrai, mais il est ressuscité. Il a rejoint Dieu, aux côtés de qui il règne aujourd’hui. A ses disciples, et à nous, il fait cette promesse extraordinaire : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. […] sachez-le : je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » ( Matthieu 28.18, 20). C’est la fête ! En Christ, nous avons accès à Dieu, librement, joyeusement, abondamment… Notre vie a changé !

Cependant, il reste des ombres au tableau. Le mal demeure, avec son lot de tragédies, d’injustices, de souffrances et de larmes. Et même à titre personnel, intérieur : même si nous sommes pardonnés, nous subissons encore les tentacules du péché, de ce mal en nous qui nous déforme de l’intérieur. Nous sommes enfants de Dieu, mais trop souvent encore alourdis de pensées, réflexes, comportements, qui ne sont pas en accord avec cette vie nouvelle. Nous vivons avec Dieu, mais pas encore dans la plénitude.

Nous sommes donc dans le « déjà », et dans le « pas encore ». C’est comme si Jésus avait acheté une maison, elle lui appartient, son nom est sur la porte, mais il n’a pas encore emménagé… Nous nous réjouissons que notre monde ait été racheté par Dieu, mais ô combien nous attendons son emménagement ! Il y a encore trop de moments d’ombre, de vide et de froid. Il nous manque la chaleur et la présence, la pleine lumière de notre Dieu.

Oui, la rencontre avec le Christ nous rassasie comme une fête, mais elle attise aussi en nous la faim de plus – plus de sainteté, dans notre cœur ; plus de justice, dans notre vie et notre monde. Et cette faim s’exprime dans cette prière qui crie à Dieu : que ton règne vienne ! Une prière d’espérance qui modifie peu à peu nos priorités et nos comportements.

Que pourrait bien apporter le jeûne dans cette démarche d’espérance ?

Nourrir notre espérance

Au niveau du jeûne alimentaire, ou même des autres (électronique p. ex.) il y a bien des avantages : le temps libéré pour prier ou lire la Bible, ou bien l’économie, par exemple d’un repas qui peut se transformer en don équivalent – à une association, à un proche dans le besoin… Et c’est vrai, le jeûne donne du temps et change notre rapport à ceux qui sont vraiment dans le manque (matériellement et spirituellement).

Mais le jeûne est aussi intéressant en lui-même, en tant qu’exercice spirituel du « pas encore ».

1/ l’expérience. Parfois notre spiritualité est un peu désincarnée : tout se passe dans la réflexion, les intentions… Le jeûne est une façon concrète d’exprimer, de ressentir, la faim réelle que Dieu se révèle.

C’est comme sourire pour accueillir, prendre dans ses bras pour réconforter,… Tous ces gestes qui nous manquent, et qui appuient, soutiennent, la parole ! Ces gestes qui nous impliquent autrement. Je ne crois pas que le jeûne change la valeur ou l’intensité de la prière, mais d’une certaine façon, notre corps entre à son tour dans cette démarche d’attente, d’espérance – et ça nous implique autrement. Un ami jeûneur me disait même que son corps l’incitait à prier. Quand son ventre gargouille, première pensée : j’ai faim ! Mais il le réoriente : non, Seigneur, c’est de ta présence que j’ai vraiment faim.

2/ l’exercice. Le jeûne est aussi un exercice de la frustration. Alors, dit comme ça, ça ne fait pas rêver ! La frustration, aujourd’hui, c’est presque une insulte – quelqu’un de frustré, c’est l’inverse de quelqu’un d’épanoui. Le jeûne alimentaire, comme frustration volontaire, est une façon de prendre position, et d’affirmer (à soi-même d’abord !) que le bonheur, l’épanouissement, le repos et la satisfaction ultimes nous manquent. Que la vie aujourd’hui nous frustre, oui, qu’elle ne correspond pas à ce que nous désirons vraiment au fond de nous. Vous pouvez avoir une famille, un super travail, une maison, de quoi vivre au large… le mal est toujours là ! peu importe sous quelle forme – nous ne sommes pas au paradis.

Pourquoi appuyer sur ce qui nous manque ? N’est-ce pas masochiste ? Parce que notre société nous invite sans relâche à combler nos manques – nos envies, nos désirs, nos révoltes – par des succédanés temporaires et parfois monnayés. Mais ces satisfactions sont rarement justes et équitables, rarement durables, rarement profondes. Le jeûne, en nous forçant à expérimenter un manque ponctuel, nous rappelle que le seul qui puisse vraiment nous satisfaire au plus profond de nous, c’est Dieu ! Par son pardon, son amour, sa vie, sa justice, sa vérité, sa paix… Dieu seul comble notre faim, à travers le Christ.

 

Conclusion

Alors, en réalité, peu importe que vous jeûniez ou pas… Le jeûne est une discipline vraiment intéressante, facile à essayer (vous pouvez trouver des conseils pratiques sur internet) et sans danger si vous n’êtes pas enceinte ou malade. Peu importe que vous jeûniez, parce que ce qui compte vraiment, et c’est ce que Jésus interrogeait, c’est le sens. Au-delà de la pratique, quelle faim avez-vous de Dieu ? Avez-vous soif de le voir se révéler, dans votre vie et dans le monde ? Comment cette espérance se manifeste-t-elle dans votre vie, qu’est-ce qu’elle vient transformer ?

« Heureux ceux qui ont faim et soif d’un monde juste, disait Jésus, car ils seront rassasiés » (Matthieu 5.6)

Apprendre à écouter Dieu

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Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=UuCsUzCb1Eo

Il y a une excellente série qui passe en ce moment sur Arte. Elle s’appelle “En thérapie”. C’est l’adaptation française d’une série israélienne, déjà adaptée dans plusieurs pays. Chaque épisode est une séance de psychothérapie, du lundi au jeudi, avec les mêmes patients, de semaine en semaine. Et le vendredi, c’est le psychanalyste lui-même qui rencontre son analyste. C’est passionnant !

Il y a presque un petit côté enquête, au fil des séances. Alors que se dévoilent petit à petit le passé et les traumatismes des patients, on comprend comment ils peuvent expliquer leurs souffrances et leurs problèmes d’aujourd’hui. Et on voit l’impact que cela a aussi sur le psychothérapeute lui-même. Mais en réalité, au-delà de la psychothérapie, il s’agit plus largement d’une série sur la vertu de l’écoute et de la parole. C’est grâce à l’écoute du psy que les patients peuvent parler et avancer.

La question que j’aimerais nous poser ce matin est : Est-ce que nous savons écouter ? La question se pose, évidemment, dans nos relations les uns aux autres. Dans un couple, dans une relation d’amitié, l’écoute est essentielle. Mais dans notre foi, notre relation à Dieu, l’écoute est aussi essentielle.

Mais est-ce que nous savons écouter Dieu ?

Pour nous aider à répondre à cette question, je vous propose de lire un récit dans le Premier livre de Samuel. Anne, une femme déjà d’un certain âge, n’arrivait pas à avoir d’enfant… Désespérée, elle a prié et demandé à Dieu de lui accorder un enfant, et elle s’engage alors, si Dieu l’exauce, à donner cet enfant au Seigneur. Après que Dieu ait exaucé sa prière, Anne a emmené Samuel, son fils, au sanctuaire, auprès du prêtre Héli.

Dieu avait un projet spécial pour cet enfant, il voulait faire de lui son prophète, un prophète qui aura une grande importance dans la suite de l’histoire d’Israël. Et c’est alors qu’il était encore enfant que le Seigneur a appelé Samuel. Voici le récit de sa vocation.

1 Samuel 3.1-9
1 Le jeune Samuel servait le Seigneur, sous la surveillance d’Héli.
En ce temps-là, il était rare que le Seigneur parle directement à un être humain ou qu’il lui accorde une vision.
2 Une nuit, le prêtre Héli, qui était devenu presque aveugle, dormait à sa place habituelle. 3 Samuel aussi dormait. Il était dans le sanctuaire du Seigneur, près du coffre de l’alliance. Avant l’aube, alors que la lampe du sanctuaire brûlait encore, 4 le Seigneur appela Samuel. Celui-ci répondit : « Oui, maître ! », 5 puis il accourut auprès d’Héli et lui dit : « Tu m’as appelé ; me voici ! » – « Je ne t’ai pas appelé, dit Héli ; retourne te coucher. » Samuel alla se recoucher.
6 Une seconde fois le Seigneur appela : « Samuel ! » L’enfant se leva et revint dire à Héli : « Tu m’as appelé ; me voici ! » – « Non, mon enfant ! répondit Héli, je ne t’ai pas appelé ; retourne te coucher. » 7 Samuel ne connaissait pas encore personnellement le Seigneur, car celui-ci ne lui avait jamais parlé directement jusqu’alors.
8 Pour la troisième fois, le Seigneur appela : « Samuel ! » Samuel se leva, revint trouver Héli et lui dit : « Tu m’as appelé ; me voici ! » Cette fois, Héli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant. 9 Il lui dit alors : « Va te recoucher. Et si on t’appelle de nouveau, tu répondras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !” » Samuel alla donc se recoucher à sa place.
C’est un récit de vocation particulier, pour un personnage particulier, choisi par Dieu pour un ministère particulier. Il ne s’agit pas de “sauter” dans le texte et de nous l’approprier trop vite. Ni vous ni moi ne sommes prophète comme l’a été Samuel. Il ne s’agit pas de s’attendre à vivre la même chose que lui.

Pour autant, il y a bien des leçons à tirer pour nous d’un tel texte. Il ne nous est pas donné seulement à titre informatif. Le Dieu qui a appelé Samuel à devenir prophète et le même qui nous appelle à le suivre aujourd’hui. Et il est le même à appeler certaines personnes à un ministère particulier. C’est le même Dieu qui, par son Esprit, nous conduit et nous inspire, nous met à coeur des projets et des convictions, nous appelle à le servir et à servir notre prochain. Jésus n’a-t-il pas promis à ses disciples : “l’Esprit saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.” (Jn 14.26) ?

Dieu nous parle aujourd’hui encore… si nous savons l’écouter. Mais est-ce que nous savons écouter ?

Dieu parle mais on ne reconnaît pas toujours sa voix

C’est étonnant comme, par trois fois, le jeune Samuel entend Dieu l’appeler mais il pense que c’est Héli qui l’appelle. Et Héli ne comprend pas non plus ce qui se passe. “Va te recoucher… tu as rêvé !”

Autrement dit, Dieu appelle Samuel mais Samuel ne se rend pas compte que c’est Dieu qui lui parle. Et je suis persuadé que nous vivons parfois la même chose. Peut-être même plus souvent qu’on ne le croit… Dieu nous parle mais nous ne nous en rendons pas compte !

Ca ne se passe peut-être pas comme pour Samuel, par une voix qui nous sort de notre sommeil. Mais Dieu est peut-être en train de nous parler par la voix d’un ami, par une circonstance qu’il a permise, par un texte que nous lisons. Dieu nous parle et nous, nous pensons que c’est juste un ami qui nous casse les pieds, c’est juste un hasard ou un concours de circonstance dans notre vie, c’est juste un texte lu et relu qu’on connaît déjà…

C’est la première leçon qu’on peut retirer de cet épisode de Samuel : Dieu peut nous parler sans que nous nous en rendions compte. Il nous parle mais on ne reconnaît pas sa voix. On l’entend mais on croit que c’est quelqu’un d’autre.

Dieu parle à ceux qui l’écoutent

C’est finalement Héli qui débloque la situation. Il finit par comprendre que c’est Dieu qui parle à Samuel. Il lui dit alors ce qu’il doit répondre. Et ça fonctionne. La suite du récit, que nous n’avons pas lu, montre comment Dieu va révéler ses plans à Samuel, et que ça ne sera d’ailleurs pas vraiment positif pour Héli et sa famille ! Retenons simplement ici que Héli explique à Samuel comment faire et lui apprend comment entendre la voix du Seigneur.

La réponse d’Héli peut sembler un peu simpliste au premier abord. Evidemment, il ne s’agit pas d’une formule magique qui nous garantit d’entendre Dieu nous parler. Ça se saurait ! Si vous essayez cette nuit, dans votre lit, de dire “Parle Seigneur, ton serviteur écoute” en pensant qu’une voix va raisonner du ciel et que c’est Dieu qui vous parlera, je ne vous garantis pas le résultat !

En fait, il me semble que la réponse d’Héli souligne la nécessaire disponibilité de notre part : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.”. Dieu parle à ceux qui l’écoutent… Pour entendre Dieu, il faut se mettre à son écoute, être prêt à l’entendre. Il faut croire qu’il veut nous parler.

L’écoute de Dieu, c’est une posture, pas une technique. Bien-sûr qu’il peut y avoir, dans notre vie, des moments d’écoute de Dieu particulière, lors de retraites spirituelles par exemple. On peut aussi s’aménager des temps d’écoute spécifiques dans nos journées, pour faire silence. Mais ce n’est pas à nous de dire à Dieu quand il doit nous parler. Et si nous voulons l’entendre et reconnaître sa voix, il s’agit de rester dans une posture d’écoute, en toutes circonstances.

C’est une posture qui part du principe que Dieu est présent à nos côtés, dans toutes les circonstances de notre vie. Et que c’est lui qui prend l’initiative de nous parler.

Ecouter Dieu, ça s’apprend !

Samuel était un prophète. Toute sa vie, il devra écouter le Seigneur et parler en son nom. Il a dû apprendre à écouter Dieu et ça a commencé cette nuit-là, lors de son appel. C’est une vocation particulière. Mais, dans une certaine mesure, nous sommes tous appelés à écouter Dieu. Mais ce n’est pas toujours évident. Et ça s’apprend.

On peut même dire que c’est un des fruits de la maturité chrétienne. Apprendre à discerner la présence de Dieu dans notre vie, à entendre sa voix dans les sons de notre quotidien, tout cela s’affine avec notre expérience de la vie chrétienne. Alors que l’ouïe baisse avec l’âge, l’écoute spirituelle, au contraire, s’affine avec l’expérience. C’est un peu la dynamique que l’apôtre Paul évoque quand il dit aux Corinthiens :

“Même si notre être physique se détruit peu à peu, notre être spirituel se renouvelle de jour en jour.” (1 Corinthiens 4.16 – NFC)

On pourrait dire : même si notre ouïe baisse, notre oreille spirituelle se renouvelle de jour en jour. Et c’est vrai. C’est une des leçons principale que je découvre, y compris dans l’exercice de mon ministère, avec les années d’expérience : l’essentiel, c’est l’écoute de Dieu.

Il ne s’agit pas de surinterpréter tout ce qui se passe, tout ce qu’on voit et qu’on entend. Mais il s’agit d’être attentif et convaincu que Dieu veut nous parler, à chacun, et de multiples manières. Le Seigneur ne nous parle pas toujours quand on s’y attend ni comme on s’y attend. Parfois on prend un temps d’écoute spécifique et de prière… et il ne nous parle pas. Parfois, c’est dans le feu de l’action, en plein milieu d’une activité, alors qu’on n’y pense même plus, qu’on perçoit, derrière une parole entendue, la voix de Dieu, ou derrière un événement qui survient, la main de Dieu. Comme une conviction, une certitude : Dieu est en train de me parler.

Conclusion

Dieu nous est tout proche, il fait sa demeure en nous, par son Esprit. Il n’y a pas d’intimité plus profonde.

C’est bien là l’enjeu de l’écoute de Dieu, notre intimité avec lui. L’approfondissement de l’une ne va pas sans l’autre. Voilà pourquoi l’apprentissage de l’écoute de Dieu est essentiel pour le croyant. C’est un peu comme dans un couple, ou dans une amitié très forte, on n’a pas besoin que l’autre parle pour comprendre ce qu’il veut nous dire. Un regard, un geste, un silence même suffisent… Parce qu’il y a une complicité, une intimité profonde.

C’est un peu la même chose avec le Seigneur. Plus nous serons proches de lui, plus nous entendrons sa voix dans notre vie.

Aimer son prochain 2/2: relancer le dialogue

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https://www.youtube.com/watch?v=0dkVeF7JTvc   (La prédication commence à 5’30)

Qu’est-ce qui peut entraver, ternir notre joie, et même notre joie devant Dieu ? les soucis, les souffrances, les craintes… et les conflits. La semaine dernière, j’ai commencé une prédication en deux parties sur un texte de loi de l’Ancien Testament, dans le livre du Lévitique, au ch. 19, qui affirme ce grand principe : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, repris par Jésus et ses disciples comme principe fondamental de notre attitude vis-à-vis de l’autre. Dans la première partie du texte de la semaine dernière, 3 éléments ressortaient pour expliquer ce que signifie « aimer son prochain » : lui montrer du respect, être équitable, et même généreux dans les occasions du quotidien. Il nous restait deux versets qui parlent plutôt des conflits dans nos relations. Ce texte ne parle pas forcément des grands affronts, des scandales comme on peut en rencontrer quelques uns dans une vie, mais plutôt des petites / moyennes difficultés récurrentes, ces déchirures issues de malentendus et maladresses, des égoïsmes et indifférences banales et ordinaires…

Lecture biblique : Lévitique 19.17-18

17 Tu ne détesteras pas ton frère dans ton cœur ; tu avertiras ton compatriote, mais tu ne te chargeras pas d’un péché à cause de lui. 

18 Tu ne te vengeras pas ; tu ne garderas pas de rancune envers les gens de ton peuple ; tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le SEIGNEUR.

 

Quand vous vous sentez offensé, votre première réaction est de…

A/ tendre un doigt accusateur, et piquer une colère

B/ serrer le poing, et chercher à vous venger (plus ou moins frontalement)

C/ croiser les bras, et vous refermer sur vous

Le texte propose une 4e réponse : avertir l’autre, lui tendre la main. Prendre l’initiative de lancer le dialogue sur ce sujet – dans le but implicite de résoudre la situation.

Dans un conflit, « aimer son prochain » équivaut à s’abstenir d’un certain nombre de réactions (ici, la haine, la rancune et la vengeance) et à en adopter une autre (relancer le dialogue). Creusons un peu…

1/ Veiller sur son cœur

Loin de se cantonner aux actes extérieurs, Dieu s’intéresse à notre attitude intérieure. Nos actes comptent, et aussi nos intentions, nos motivations, nos réactions intérieures… Jésus tire le fil en disant plus tard que celui qui insulte son frère, même en pensée, est sur la même pente que le meurtrier… A partir de petits commencements et de petites pensées inoffensives, nos pires comportements se préparent. On passe rarement du vide au trop-plein : c’est goutte à goutte que le vase proverbial se remplit. Dieu s’y intéresse, parce qu’il le voit, il connaît, il pèse ce qui se passe en nous, ce qui se trame dans notre âme.

Ainsi, en particulier dans le conflit, Dieu nous invite à veiller d’abord sur notre cœur, sur ces mouvements intérieurs qui vont faire germer tel ou tel comportement. Aimer, c’est d’abord refuser de détester, de se laisser aller à la rancune, à l’amertume, au mépris – c’est jeter le pinceau noir qui viendrait gribouiller la vision que nous avons de l’autre. Même si nos réactions sont intuitives et involontaires, Dieu nous invite à ne pas en rester là, à ne pas les laisser nous ballotter ou nous pousser sur une pente glissante, mais il nous appelle à choisir le chemin que nous voulons emprunter.

On connaît les dégâts de l’amertume, du mépris ou de la vengeance… Dans votre existence, avez-vous déjà vu quelque chose de bon sortir de la rancune, de la haine ou même, de l’indifférence, chez vous ou chez quelqu’un d’autre ? Alors pour vider le vase avant qu’il ne déborde, Dieu conseille d’avertir l’autre de ce qui ne va pas. Et ce faisant, on change de dynamique, on rechoisit son chemin – et on évite par là-même la pente glissante du péché, déjà pour nous, parce que notre vocation est d’être bienfaisants, non pas nocifs !

2/ ton prochain comme toi-même

J’aimerais parler du contenu de cet « avertir » auquel Dieu nous appelle. Mais je dois aussi parler de cette formule « aime ton prochain, comme toi-même ».

De quel prochain parle-t-on ? Ici, le texte mentionne le compatriote : Dieu vient de délivrer un peuple entier pour l’inviter à vivre dans sa présence et à montrer au monde à quoi ressemble la vie avec Dieu. Si ce peuple se déchire de l’intérieur, ça montrera autre chose que l’amour de Dieu, et puis ça gâchera les bénédictions que Dieu accorde. Il y a des similitudes avec le projet de Dieu pour l’Eglise au sens large, qui rassemble ceux que Dieu appelle à vivre en sa présence et à témoigner de sa grâce. Les conflits dans nos communautés, entre nos communautés, témoignent d’autre chose que de l’amour de Dieu…

Mais le prochain ne se rencontre pas que dans l’église ! C’est celui que je rencontre sur ma route quotidienne, avec plus ou moins d’affection : dans ma famille, mon réseau d’amis, dans mon voisinage, sur mon lieu de travail… C’est ma belle-mère, mon neveu, une collègue, un patron, un ami, ou une connaissance qui sort ponctuellement de l’anonymat pour prendre visage devant moi à cette étape du chemin.

Et le « comme toi-même » ? L’apport de la psychologie et de ses dérivés nous permet d’apprécier l’importance de ce « comme toi-même ». Dans une époque où nous sommes nombreux à être blessés de l’intérieur et à douter de notre valeur, cette invitation à recevoir l’amour pour soi sonne juste ! La bonne nouvelle de l’Evangile, c’est que Dieu nous aime, après tout ! Par peur de l’égoïsme et de l’orgueil, on l’a peut-être trop souvent oublié…

Cela dit, je ne suis pas convaincue que c’était l’intention du Lévitique ou de Jésus lorsqu’ils utilisent cette formule « comme toi-même ». Dans ce contexte, l’accent porte très clairement sur « ton prochain », en partant du principe qu’en général, nous nous traitons mieux que nous ne traitons les autres : avec plus d’indulgence, de protection, de réflexion. Nous prenons le temps de manger, dormir, nous laver, nous vêtir, de nous soigner etc. Et s’il y a  des exceptions qui ne le font pas, ce sont des exceptions ! Mais le principe général, c’est que spontanément, instinctivement, nous veillons sur nous-mêmes. Et l’appel qui résonne, en particulier dans le conflit, c’est d’accorder à l’autre les mêmes chances, le même bénéfice du doute, comme le dit Jésus, de faire à l’autre ce qu’on aimerait qu’il nous fasse (Matthieu 7.12).

3/ Avertir avec amour

Avertir et aimer : les deux mots s’éclairent l’un l’autre. Aimer l’autre, ce n’est pas toujours le brosser dans le sens du poil, mais parfois porter à  son attention ce qui ne va pas… et ainsi, on se décharge d’une complicité silencieuse avec son comportement. Mais avertir, dans le sens de l’amour, ce n’est pas seulement pour vider son sac ou son vase, pour lancer l’alerte, faire son devoir et retrouver une certaine tranquillité, mais pour le bien de l’autre aussi. Aimer l’autre, sans parler des émotions, c’est se comporter en ami, agir pour son bien. C’est contribuer à une solution qui soit juste et bonne pour chacun, avec respect, équité, générosité. Aimer le prochain, c’est chercher un chemin de solidarité vers l’autre, se rappeler qu’on est de la même pâte, relancer une passerelle là où le fossé menace de s’élargir. C’est refuser de réduire l’autre à l’offense, et chercher dans son visage la personne qu’il est, dans toute son humanité, sa beauté, sa fragilité, son ambiguïté ! Comme moi-même…

Alors, avertir c’est un premier pas, qui attend la réaction de l’autre. Même si notre intention désire une solution, notre responsabilité n’inclut pas la réaction de l’autre. S’il refuse d’entendre, on peut persévérer, mais pas le forcer. Ma responsabilité est de parler, même si l’autre n’écoute pas. Mais c’est bien une responsabilité conférée à chacun : tu aimeras, dit Dieu, toi… pas vous, ou on, ou l’autre… toi !

Et rien que ce premier pas, c’est tellement difficile de le faire ! parce qu’on est troublé par ce qu’on ressent ; parce qu’on a peur de la réaction de l’autre (sera-t-il agressif ? méprisant ? indifférent ?) ; et peut-être aussi parce que c’est plus facile de s’en tenir à notre version des choses – dialoguer, c’est parler mais aussi écouter, et prendre le risque d’être à son tour averti…

Ajoutons que nous sommes bien maladroits pour nous exprimer avec clarté et respect. Il y a d’excellents livres sur la communication[1], et vu l’importance du sujet dans nos vies quotidiennes, je ne peux que fortement conseiller de se former là-dessus pour de meilleures relations. Mais quand même quelques pistes, qui valent en toutes situations :

  • Prendre du recul. Respirer, faire une pause, laisser passer le flot de l’émotion, en parler à quelqu’un… se placer devant Dieu ! déjà pour voir si notre agacement est légitime avant de foncer tête baissée. Il y a bien des choses qui peuvent nous déplaire sans qu’elles ne soient mauvaises moralement.
  • Faire le tri entre les faits et mon interprétation des faits… Les malentendus sont tellement répandus ! Et souvent, l’autre n’a pas agi par rapport à moi, mais dans une logique qui lui est propre. Ce tri se fait au préalable, mais aussi dans la discussion : on essaiera d’être curieux, de demander pourquoi, d’accorder le bénéfice du doute à l’autre. Comme on aimerait qu’il évite de nous enfermer, nous, dans une de nos maladresses.
  • Choisir un cadre favorable. Commencer en privé, si possible en présentiel… faire baisser la pression. Déverser ses griefs sur les réseaux sociaux n’est pas très constructif; de même que les mails qui sont trop impersonnels pour pouvoir vraiment dialoguer avec nuance.
  • Avec humilité et bienveillance. Humilité pour être prêt à écouter vraiment l’autre, et accepter de réviser mon point de vue. Et bienveillance, car je cherche pour nous une issue positive. Le mot « aimer » n’est pas anodin !

4/ Un chemin

Le chemin que nous propose Lévitique 19 est un chemin… C’est en appliquant ces principes qu’on apprend à aimer, c’est en prenant ces habitudes, en adoptant ces postures, que l’on transmet de plus en plus d’amour et de bonté. Parfois, nous chrétiens avons l’impression (décourageante, culpabilisante !) que nous devrions déjà aimer notre prochain comme nous-mêmes, et qu’ainsi, à partir de cet amour idéal, nous aurions toujours la bonne attitude. Mais aimer notre prochain, comme aimer Dieu d’un cœur pur et entier, ce n’est pas automatique ! cela s’apprend ! proooogressivement ! L’amour ce n’est pas un examen que nous réussissons ou ratons, c’est un muscle que nous musclons exercice après exercice, entraînement après entraînement. Alors ne nous décourageons pas ! Mais utilisons chaque occasion, chaque situation comme une opportunité pour essayer de sortir de nos ornières et d’aimer un peu mieux…

Et sur ce chemin d’entraînement, nous avons un modèle – le Christ, qui ne nous a pas considérés comme des ennemis dans notre révolte, mais qui s’est fait notre frère ! ; nous avons un entraîneur, Dieu le Père, qui nous encourage par sa Parole et qui nous accompagne pas après pas ; et nous avons une boisson énergétique extrêmement puissante : l’Esprit de Dieu, qui œuvre en nous de l’intérieur… le chemin pour apprendre à aimer est contre-intuitif et déstabilisant, mais si nous le suivons, Dieu nous assure de sa présence, de sa triple présence, et de sa puissance… Oui, sa puissance, car Dieu accompagne de sa grâce nos tentatives maladroites et partielles, pour les transformer en bénédictions…

 

 

[1] Je comme unique, Jeanne Farmer, Empreinte Temps présent, 2014.

Les mots sont des fenêtres, ou bien ce sont des murs, Marshall Rosenberg, plusieurs éditions (fondateur de la méthode de Communication Non Violente, dite CNV).

Aimer son prochain 1/2: Respect et générosité

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https://www.youtube.com/watch?v=LxoOckQHdgg

Alors qu’on lui demande de désigner le commandement le plus important, Jésus répond : « Aime ton Dieu de toutes tes forces », et il ajoute : « aime ton prochain comme toi-même. Toute la loi se résume dans ces deux commandements. » (Matthieu 22.34-40)

Aimer son prochain comme soi-même… C’est un principe libérateur, qui donne du sens à la vie de foi, au-delà des règles religieuses. En même temps, c’est un principe qui met beaucoup de pression… Comment être sûr d’aimer son prochain ? Quand sait-on qu’on a atteint notre objectif ? Il n’y a pas de case à cocher, ni de protocole à suivre… Selon les situations, l’amour sera parfois indulgent, parfois exigeant… Et puis que veut vraiment dire « aimer » ? Entre : aimer le chocolat (ou la moto), aimer son épouse ou son mari, aimer ses enfants… quel type d’amour sommes-nous invités à vivre envers notre prochain ?

Notre difficulté vient sûrement en partie du fait qu’on connaît moins bien les lois du peuple juif que Jésus et ses compatriotes. Pour Jésus, les lois montrent concrètement à quoi ressemblent l’amour du prochain : elles illustrent dans un contexte donné ce grand principe universel que Dieu nous a créés pour vivre – aimer l’autre comme nous-mêmes. D’ailleurs, ce grand principe d’amour vient directement de la loi juive. Je vous propose ce matin de nous tourner vers quelques uns ( !) de ces exemples, pour voir comment ils peuvent nous aider concrètement à aimer notre prochain.

Lecture biblique : Lévitique 19. 9-18

9 Quand tu moissonnes, ne coupe pas les épis qui ont poussé en bordure de tes champs, et ne retourne pas ramasser les épis oubliés ; 10 ne repasse pas non plus dans tes vignes pour ramasser les grappes oubliées ou les grains tombés à terre. Laisse-les pour les pauvres et pour les immigrés. Je suis le Seigneur votre Dieu.

11 Ne commets pas de vol, ne mens pas. Ne trompe pas les autres Israélites. 

12 Ne prononce pas de faux serments en te servant de mon nom ; en faisant cela, tu déshonorerais qui je suis : je suis le Seigneur ton Dieu.

13 N’exploite personne et ne détourne rien ; ne garde pas jusqu’au lendemain le salaire dû à un ouvrier. 

14 N’insulte pas un sourd, et ne mets pas d’obstacle devant un aveugle. Montre par ton comportement que tu me respectes. Je suis le Seigneur.

15 Ne commets pas d’injustice dans tes jugements : n’avantage pas un faible, ne favorise pas un puissant, mais rends la justice de façon équitable envers les autres Israélites. 

16 Ne répands pas de calomnies sur les membres de ton peuple. Ne porte pas contre ton prochain des accusations qui le fassent condamner à mort. Je suis le Seigneur.

17 N’aie aucune pensée de haine contre un autre Israélite, mais n’hésite pas à le réprimander, afin de ne pas te charger d’un péché à son égard. 

18 Ne te venge pas et ne garde pas de rancune contre les membres de ton peuple. Chacun de vous aimera son prochain comme lui-même. Je suis le Seigneur.

Ces versets touchent à beaucoup de domaines différents, mais chaque précepte, à sa façon, est une façon d’aimer son prochain au quotidien. Je vais garder les deux derniers versets pour la semaine prochaine, car ils touchent plus aux relations privées, alors que les autres touchent à la vie en société en général.

Une diversité de situations

Récapitulons les situations citées : le travail au champ, les relations (tordues par le vol ou le mensonge), les droits des plus faibles, le domaine judiciaire. Le vol, on comprend bien, de même que l’interdiction d’abuser de la faiblesse d’un sourd ou d’un aveugle.

Côté champ, l’idée c’est que les employés, parfois très pauvres, engagés à la journée, puissent avoir un avantage en nature, en plus de leur salaire : que le propriétaire du champ laisse de manière informelle une sorte de prime de précarité. Le livre de Ruth raconte comment ce principe a permis à une famille de se reconstruire. Sur la même ligne, l’ouvrier journalier qui est payé le soir pour sa journée de travail vit vraiment au jour le jour : tarder à le payer, c’est ajouter à ses difficultés, comme si aujourd’hui un employeur payait ses salariés le 15 du mois au lieu du 2.

Côté juridique, il ne faut pas imaginer des tribunaux, des juges, des avocats etc. En général, ce sont les anciens du village qui arbitrent les conflits, sur la base de témoignages. D’où l’importance de ne pas être parjure : il n’y aura pas d’expert pour contester le faux témoignage, et ce mensonge peut complètement ruiner quelqu’un. En règle générale, dans un univers sans écrit, la parole vaut de l’or et on doit pouvoir compter sur ce que l’autre dit.

Globalement, Dieu exige du respect et de l’équité. Respecter l’autre dans ce qu’il est, et être juste, mais pas tâtillon : avec équité, on prendra en compte les circonstances (aggravantes ou atténuantes) de la situation. Respect et équité. Un respect qui n’est pas : chacun chez soi, on ne fait rien de mal et chacun se débrouille. Non, dans le respect biblique, il y a de la bienveillance et de la générosité, en particulier envers ceux qui sont dans le besoin – pauvres et immigrés. Aimer, c’est d’abord respecter et soutenir. Plus qu’un sentiment, c’est une attitude que Dieu demande – quelles que soient les émotions, ou la situation, avoir du respect, de l’équité, de la bienveillance vis-à-vis de mon prochain.

Justement, qui est ce prochain à aimer ? A notre époque mondialisée, où les drames des confins de la terre nous sont relayés parfois avec fracas, on peut se sentir écrasé et responsable du monde entier, quitte à changer d’indignation au gré des actualités !

Ici, le prochain, c’est le compatriote, le concitoyen, mais aussi celui qui est vulnérable, celui qui est pauvre ou immigré… En fait, celui qui se trouve sur ma route, aujourd’hui, quel qu’il soit – un inconnu, un collègue, un voisin, un membre de ma famille. Pas forcément celui dont je me sens proche, mais celui qui se trouve près de moi aujourd’hui.

Ca n’empêche de soutenir aussi des lointains ! Mais le premier cercle, c’est ceux qui m’entourent.

Pourquoi aimer son prochain ? car Dieu est Dieu. Le peuple juif, rescapé d’Egypte, sauvé par un Dieu fidèle et puissant, invité dans un nouveau pays à construire une nouvelle vie, est appelé à vivre avec Dieu, pour Dieu, par Dieu. A lui ressembler – au début du chapitre, Dieu dit : Vous serez saints car je suis saint (Lévitique 19.2). Vous serez comme moi ! Or Dieu est un Dieu qui respecte et qui soutient, un Dieu qui cherche notre bien et qui y travaille avec générosité.

Les chrétiens sont eux aussi, par le Christ, rachetés, sauvés, invités à une vie nouvelle – pour toujours ! Ils sont en plus habités par Dieu lui-même en Esprit, inspirés de l’intérieur pour vivre cet amour fondamental qui nous est pourtant si laborieux.

Pourquoi aimer son prochain ? parce qu’on a été créé pour ça, pour ressembler à Dieu ! Parce que l’être humain ne peut pas s’épanouir durablement en opprimant l’autre, ou même en vivant dans l’indifférence : il peut donner l’impression d’aller bien, d’être prospère, mais en réalité notre âme ne peut grandir que si elle s’élargit.

          3 domaines où vivre le respect et la générosité

Les commandements de l’Ancien Testament étaient destinés à aider le peuple juif à vivre cet amour du prochain. Même si notre société a changé, ces règles donnent quand même des idées concrètes et je voudrais finir avec 3 domaines où vivre le respect et la générosité. C’est varié, comme dans le texte, parce qu’il y a toujours un domaine dans lequel c’est plus difficile…

Dans nos paroles.

Tout-petits, on a appris que mentir, c’est mal ! Pour fonctionner, la société et les relations ont besoin d’une parole honnête, sinon on ne peut plus se faire confiance. Même dans notre société plus encadrée que dans l’Antiquité, les paroles tortueuses ou les contrats véreux peuvent mener à la catastrophe ! Mentir, c’est hors de question. S’arranger avec la vérité ?… aussi ! Et par honte, on est bien tenté de le faire…

Mais le texte va plus loin : colporter des rumeurs, des ragots, calomnier quelqu’un d’autre, c’est aussi avoir une parole irrespectueuse. Et si on pousse encore : il arrive que le prochain nous agace  ou nous agresse – respect et générosité nous exhortent à ne pas rentrer dans ce jeu, mais à garder une parole irréprochable. La maîtrise de soi, et donc de sa parole, fait partie des fruits de l’Esprit de Dieu en nous – c’est difficile, mais c’est notre vocation. Parfois il faudra prendre le temps de se taire et de laisser retomber pour pouvoir répondre avec respect.

* Avec plus faible que soi.

Dans toute la Bible, Dieu se présente comme un Dieu juste et qui protège la veuve et l’orphelin, le pauvre, le petit. Profiter de la faiblesse de l’autre, abuser de sa position ou de son pouvoir, ça le dégoûte ! Même s’il n’y a pas de conséquence visible, Dieu est dégoûté par l’abus de pouvoir.

Mais la pensée de Dieu va plus loin : pas de misérabilisme. Soutenir l’autre, oui, mais pas aux dépens de la justice. On n’abuse des gens vulnérables, mais on ne leur donne pas tous les droits non plus. Chacun a ses responsabilités éthiques !

Le texte attire notre attention sur les risques du favoritisme, d’un côté ou de l’autre – le favoritisme, ce n’est pas juste ! Ces derniers siècles, décennies, ont révélé et continuent de révéler les abus de pouvoir faits à d’autres peuples, aux femmes, aux personnes en difficulté. Mais quand la roue tourne, et que l’injustice première est dénoncée, le risque est grand, et on le voit parfois, de basculer dans l’autre excès, de se venger, de faire payer. Nourris de peine et d’indignation, les opprimés peuvent faire de très bons oppresseurs…

Dans un cercle plus restreint, face à un conflit d’équipe au travail, ou en famille, on peut être tenté de se ranger du côté de celui qui a notre sympathie ou qui a été trop souvent lésé. Mais Dieu nous invite à garder la tête froide, à lui laisser le jugement du passé et à nous concentrer sur la situation présente pour être le plus équitable possible.

Laisser de quoi glaner : le rapport à l’argent et au gain

Je termine par le début, et l’invitation à laisser de quoi glaner… Vous n’avez pas forcément de champ sous la main ! Mais je crois qu’en fait, Dieu nous interpelle sur notre rapport au gain et à l’argent. Dans la Bible, il n’y a pas de jugement sur les pauvres. L’histoire et la vie font que certains se retrouvent dans la précarité. Et la Bible ne cherche pas à mettre tout le monde exactement au même niveau, avec le même revenu : elle reconnaît qu’il y a des différences, parfois justes parfois non. Mais elle relève toujours une responsabilité des plus riches envers les plus pauvres : respecter, bien sûr, et soutenir quand c’est possible.

Laisser de quoi glaner, c’est petit, peu coûteux, et ça ne règlera pas le problème de l’autre. Mais petit pas par petit pas, ça peut lui donner un répit et qui sait, une chance de se retourner. C’est un petit débordement, qui peut apaiser l’autre sans nous mettre à sec. Aujourd’hui, sans forcément laisser notre sac à main ouvert pour les glaneurs de portefeuille, on peut, quand on en a les moyens, acheter un produit issu du commerce équitable ou solidaire, choisir une entreprise locale un peu plus chère mais plus juste dans la rémunération de ses employés, acheter au supermarché quelques conserves en surplus pour l’armoire solidaire, ou encore se choisir un prochain « au loin » avec un parrainage d’enfant ou un don pour des repas.

Conclusion

Par l’argent, comme par nos paroles ou nos prises de position, nous pouvons mettre en œuvre le respect et la générosité qui caractérisent l’amour du prochain tel que Dieu l’imagine. Aimer l’autre ne passe pas forcément par de grandes effusions, des gestes spectaculaires ou de lourds sacrifices, c’est aussi des petits choix, des petits moments, où l’on manifeste respect et générosité envers celui qui se trouve sur sa route.