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La vitalité, notre espérance (Dieu, source de vitalité 3/4)

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Culte visible ici (prédication à 24’20):

https://www.youtube.com/watch?v=1Oxn0svB22I

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Je ne sais pas si je vous l’ai déjà raconté, mais quand je suis arrivée à Toulouse, j’ai changé d’agence bancaire. Ma conseillère a demandé à me rencontrer. Elle était très sympa, et quand elle a su que j’étais pasteur (depuis 1 mois !), elle m’a posé des tas de questions : mais comment on devient pasteur ? c’est possible de se marier ?! et comment ça marche au niveau financier ? (puis elle a élargi) quelle est ma position par rapport au mariage homosexuel ? et puis pourquoi la guerre, les catastrophes, le handicap ? Et voilà, dans le bureau de la conseillère, avec toutes les affiches d’entreprise, que j’essaie de répondre succinctement, mais avec des nuances, à ces questions qui partent dans tous les sens.

A un moment, j’en viens à expliquer que pour moi, le monde a été créé bon et beau, mais que quelque chose a mal tourné, et que je crois que Jésus apporte la solution. Ah oui, et comment ? demande-t-elle avec sincérité. Euh… dans ma tête défilaient les images de l’Apocalypse : les anges, les chevaux, les trompettes, la Jérusalem céleste… C’était complètement en décalage avec le poster pour le compte épargne-logement à côté de moi. Je ne sais plus comment je m’en suis sortie, mais je me souviens de cette difficulté à parler de mon espérance, et même à me la représenter.

Quelle est notre attente pour le monde ? C’est quoi, ce fameux paradis ? Notre foi en Christ nous assure du pardon et de l’amour de Dieu, mais pour le reste ?

Il y a quelque temps, je relisais le livre d’Ezechiel, et j’arrive à la dernière section (ch.40-48) qui décrit l’espérance du salut apporté par Dieu. Il y a de très belles promesses chez les prophètes, mais Ezechiel, lui, reçoit une vision, qui décrit la réalité à venir comme un nouveau Temple. Et quand je dis « décrit », il raconte tout : les mesures, les matériaux, etc. J’avoue que j’ai tendance à lire en diagonale ce genre de texte, un peu en me forçant, et puis au milieu, je tombe sur le chapitre 47, que je vais lire avec vous. C’est une vision prophétique, imagée et symbolique.

Lecture biblique: Ezechiel 47.1-12

1 L’homme (qui me guidait dans la vision) me ramena à l’entrée du temple. Je vis alors que de l’eau jaillissait de dessous l’entrée vers l’est ; la façade du temple était en effet orientée à l’est. L’eau s’écoulait du côté sud du temple, puis passait au sud de l’autel. 

2 L’homme me fit sortir du temple par le porche nord et m’en fit contourner l’extérieur jusqu’au porche oriental. L’eau s’écoulait au sud de ce porche. 

3 Il s’avança vers l’est ; il tenait un cordeau à la main avec lequel il compta 1 000 mesures dans cette direction. Il me fit traverser l’eau : elle m’arrivait aux chevilles. 4 Il compta encore 1 000 mesures et me fit traverser l’eau : elle m’arrivait aux genoux. Au bout des 1 000 mesures suivantes, il me fit de nouveau traverser l’eau : cette fois-ci, elle m’arrivait à la taille. 5 Il compta encore 1 000 mesures, mais je ne pouvais plus traverser, car l’eau était si profonde qu’il fallait nager. C’était devenu un torrent infranchissable. 

6 Il me dit : « As-tu bien regardé, toi, fils d’Adam ? » Il m’emmena un moment à l’écart puis me ramena au bord du torrent. 7 Je constatai alors qu’il y avait de très nombreux arbres sur chaque rive. 

8 L’homme me dit : « Ce torrent se dirige vers l’est du pays, il descend la vallée du Jourdain et débouche dans la mer Morte. Lorsqu’il parvient à la mer, il en renouvelle l’eau, qui devient saine. 9 Des êtres de toute espèce se mettront à grouiller et les poissons se multiplieront partout où le torrent arrivera. Il assainira la mer et, là où il se déversera, il apportera avec lui la vie. 10 Alors, depuis En-Guédi jusqu’à En-Églaïm, partout il y aura des pêcheurs qui mettront leurs filets à sécher sur les bords de la mer. On y trouvera un aussi grand nombre d’espèces de poissons que dans la mer Méditerranée. 11 Cependant les marais et les lagunes de son littoral ne seront pas assainis, on les gardera comme réserves de sel. 

12 Sur chaque rive du torrent, des arbres fruitiers de toutes sortes pousseront. Leur feuillage ne se flétrira jamais et ils produiront sans cesse des fruits. Ils donneront chaque mois une nouvelle récolte, car ils sont arrosés par l’eau provenant du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture et leurs feuilles de remède. »

 

C’est un texte qui a donné la trame de la vision finale de l’apôtre Jean, dans l’Apocalypse (ch.22), avec des petites différences. C’est intéressant de relever les points forts de la vision d’Ezechiel, parce qu’elle évoque des éléments que l’Apocalypse ne reprend pas toujours, pas parce que c’est faux mais parce que l’intention de l’Apocalypse est d’insister sur d’autres points.

1/ Le fleuve, image de la vitalité de Dieu

Le fleuve, ici, c’est vraiment l’image de la vitalité de Dieu. Le Temple représente la présence de Dieu dans le monde, et de sa présence, coule/découle la vie.

Nous attendons le jour où Dieu sera pleinement présent, visiblement présent, dans toute sa création, qui l’accueillera avec joie.

Ensuite, il y a l’histoire des 4 fois 1000 mesures : 4000 coudées ça fait moins de 2 km. En moins de 2 km, le cours d’eau passe d’une hauteur de quelques cm (à la hauteur des chevilles) à plus d’un mètre cinquante (au-delà des épaules, impossible à traverser sans nager). Sans avoir d’affluent, le fleuve grandit par lui-même, de façon exponentielle, par une force intérieure – et on n’imagine même pas sa profondeur au bout de 30-40 km, quand il arrive à la Mer Morte !

La vitalité de Dieu se nourrit d’elle-même et se déploie avec une abondance que nous avons du mal à imaginer.

Enfin, ce fleuve revivifie tout sur son passage : les rives désertiques se couvrent d’arbres fruitiers. Leurs fruits sont bons et abondants, et leurs feuilles, pleines de propriétés thérapeutiques. C’est le pouvoir de l’eau dans le désert : l’abondance jaillit.

Mais ce qui est peut-être le plus saisissant, c’est que ce fleuve renouvelle la mer morte. Cette mer, située à l’est de Jérusalem, est environ 10 fois plus salée que l’eau de mer habituelle, et aucun poisson ni aucune algue ne peuvent subsister dans de telles conditions, d’où le nom de « mer morte ». J’ai eu la chance de visiter la mer morte, et de pouvoir m’y baigner : j’avais à ce moment-là des petites lésions sur la peau – ça m’a brûlé pendant des heures, comme si on m’avait frottée avec du sel. L’anecdote souligne surtout à quelle point cette mer est invivable!

Or le fleuve de Dieu renouvelle la mer morte. C’est difficile d’imaginer notre espérance, un monde heureux et paisible, la résurrection, les morts qui reviennent à la vie… Alors la vision d’Ezechiel nous parle peut-être mieux : on passe de ce qui est vide, stérile et brûlant à une mer agréable, rafraîchissante, remplie à déborder de poissons et de vie.

2/ La promesse d’un renouveau

Dans la vision d’Ezechiel, la mer morte symbolise bien plus que l’étendue d’eau salée. C’est tout ce qui est mort dans notre monde, ou ce qui empêche la vie telle que Dieu la désire. C’est la violence (de la guerre internationale à la violence familiale, en passant par la guerre civile, le terrorisme, le harcèlement et le racisme), c’est l’esclavage moderne dans notre économie mondialisée, c’est l’idolâtrie de l’argent et du pouvoir, c’est le mépris de l’autre, c’est les désastres écologiques, c’est la maladie, c’est la confusion spirituelle… Tout ce que nous voyons ou dont nous entendons parler ou que nous subissons, et qui nous révolte, parce que Dieu est un Dieu créateur, un Dieu de vie, et il a mis en nous l’aspiration à la vie. Quand nous voyons ce qui est mortifère, nous sommes révoltés, et Dieu aussi.

Or dans la vision d’Ezechiel, la mer morte ne disparaît pas : elle est transformée. Elle est renouvelée, vivifiée, remplie, rénovée, purifiée. Les zones d’ombre autour de nous, ces lieux de désespoir, ces situations sordides ou effrayantes qui nous impressionnent, Dieu ne veut pas les effacer, il veut en faire des lieux où la vie grouille et déborde. Il veut les faire passer de la mort à la vie – en somme, les faire ressusciter. Le texte d’Ezechiel utilise même des mots qui rappellent le premier chapitre de la Genèse, quand, à partir du vide et de la confusion, Dieu crée un monde harmonieux et abondant. Le Dieu qui crée peut ressusciter.

Cette vision nous invite à voir l’œuvre de Dieu autrement. Quand il purifie le monde, il n’agit comme un vieux prof acariâtre et sévère, qui corrigerait rageusement une copie au stylo rouge en barrant neuf mots sur dix. Non, Dieu est généreux et patient. Il ne regarde pas nos vies et notre monde avec dégoût, en trépignant d’impatience à l’idée d’effacer tout ce qui le dérange ! Il est plutôt comme une infirmière qui refait les pansements d’un grand brûlé, qui applique le traitement jour après jour, jusqu’à ce que la peau se renouvelle et que le patient reprenne sa vie. Quel amour et quelle tendresse en Dieu pour les mers mortes de notre monde, quel désir de les vivifier, de les transformer, de les rendre justes et belles et droites et fortes !

3/  L’impact sur notre vie de foi

Qu’est-ce que ça change pour nous ?

Déjà, ça corrige notre vision de Dieu : loin d’être austère et dur, notre Dieu est un Dieu généreux et joyeux, qui désire la vie, et la vie pour tous. Aucun être, aucune situation n’est trop morte pour lui : il veut y recréer la vie.

C’est important aussi d’avoir la vision d’ensemble. Souvent nous sommes centrés sur notre besoin de Dieu, notre pardon, notre salut individuel, notre paix intérieure… Et c’est essentiel ! Mais Dieu voit les choses en grand : il a créé notre planète dont nous n’avons pas fini d’explorer les ressources, l’humanité en milliards, et la bagatelle de 100 milliards de galaxies. Dieu voit les choses en grand ! Et même si nous ne pouvons pas faire le tour de ses projets, prendre un peu de recul, nous décentrer de nous, et prendre conscience que ses plans de salut nous dépassent, c’est salutaire.

Voir les choses en grand… pour admirer Dieu encore plus ! Pour prendre davantage conscience de sa bonté surabondante ! pour voir que son œuvre en Christ déborde mon destin et même le destin de l’église : Dieu a un projet pour le monde.

Et ce projet nous invite à regarder autrement la réalité de notre vie et de notre monde : avec lucidité, compassion et espérance. Quelques soient les problèmes d’une personne ou la gravité d’une situation, rien n’est complètement désespéré. Tout cela, Dieu le connaît et il veut y mettre la vie. Nous n’avons pas à détourner les yeux avec gêne, à nous anesthésier ou à nous divertir, ou à nous décourager parce que la situation nous dépasse. Avec lucidité et espérance, nous pouvons prier que ton règne vienne, que ce fleuve de vie vienne renouveler les déserts et les mers mortes…

Car oui, ce qui est incroyable, c’est que Dieu nous invite à expérimenter dès aujourd’hui ce fleuve de vie… mais comment ? C’est ce que nous verrons la semaine prochaine !

S’abandonner à Dieu (Dieu, source de notre vitalité 2/4)

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Il était une fois, un homme…

Non, ce n’est pas un conte de fées que je voudrais vous raconter. Ca peut y ressembler, mais ne vous laissez pas impressionner : c’est une histoire, une histoire vraie. J’en ai été témoin il y a longtemps, quand j’ai eu la chance de voyager en Israël… Ce voyage a changé ma vie et celle de ceux qui m’entouraient.

Nous n’y sommes pas allés pour faire du tourisme, nous y sommes allés en dernier recours.

J’étais alors le serviteur d’un homme appelé Naaman. Nous venons du pays d’Aram, que d’autres appellent la Syrie. En ce temps-là, mon pays et le pays d’Israël se faisaient régulièrement la guerre, et dernièrement nous remportions systématiquement la victoire. A croire que leur dieu les avait abandonnés ! Pourquoi sommes-nous allés chez nos ennemis ? Parce que mon maître était désespéré.

Naaman était un homme de grande stature, un général renommé et apprécié par le roi. C’était l’incarnation de la force physique, mais aussi mentale : les stratégies militaires qu’il élaborait étaient sans défaut. Il était devenu le bras droit de notre roi. Mais un jour, on ne sait pas comment, cette force de la nature est tombée malade.

Au début, personne ne s’en doutait, il était juste plus fatigué et irritable, mais ça arrive. Au bout d’un moment, pourtant, on a commencé à voir apparaître sur ses mains et sur son cou, qui débordaient du col, des sortes de plaques rouges et boursouflées, qui se sont vite répandues, même sur son visage. Ces plaques le démangeaient beaucoup, et j’ai compris que sa cuirasse était presque insupportable à porter. La nuit, il se levait de plus en plus, je l’entendais marcher dans le palais : les brûlures devaient l’empêcher de dormir.

On a vu alors défiler une quantité de médecins, il fallait sans cesse chercher tel produit, faire tel sacrifice, manger tel aliment, appliquer telle dédoction… mais rien n’y a fait. Dans cette période de pure frénésie, rien n’a fonctionné. Mon maître était très pudique, mais je voyais bien, mois après mois, qu’il commençait à désespérer. Il refusait toutes les invitations, n’assistait plus qu’aux cérémonies obligatoires, il se désintéressait de tout.

Je crois qu’au-delà de la douleur physique, il se sentait diminué en tant qu’homme, et qu’il avait honte de cette situation, même s’il n’y était pour rien.

Une petite esclave juive avait rejoint le palais. Voyant que la situation durait, elle demanda à voir notre maîtresse. Très timidement, elle lui parla d’un prophète, dans son pays natal, en Israël, qui faisait beaucoup de miracles. Peut-être pourrait-il aider Naaman ? Notre maîtresse en parla à son époux, qui en parla au roi : celui-ci appréciait tant Naaman qu’il lui accorda son congé sans difficultés. Il lui confia une lettre de recommandation pour le roi d’Israël, et lui donna une montagne de cadeaux pour amadouer ce roi ennemi. Il y avait, au moins 500 kilos d’argent, 80 kilos d’or, 10 tenues royales brodées et serties de pierres précieuses… Un vrai trésor !

Je passe sur le voyage, qui nous a pris plus d’une semaine. En arrivant à la capitale, nous allons directement au palais, où le roi juif, un peu étonné, nous accueille. On commence le protocole, on donne une partie des cadeaux (bien appréciés !), mais quand le roi lit la lettre, il s’emporte. Quoi, qu’est-ce que cette histoire ? Pourquoi venir lui mettre sur le dos la maladie de Naaman ? Enfin, il n’est pas Dieu, il ne peut pas rien y faire ! Est-ce que ce ne serait pas plutôt un prétexte de l’ennemi pour venir l’espionner ?

Nouvelle déception pour mon maître. Nous avons besoin de racheter des provisions pour le voyage retour, alors nous attendons quelques jours au palais, dans cette atmosphère de suspicion vraiment inconfortable.

Un soir, le roi nous convoque, très agité : il a reçu une lettre d’un certain Elisée, qui se prétend prophète, et qui affirme pouvoir guérir Naaman. Le roi n’a pas l’air très au courant, et sur le moment, je trouve ça bizarre qu’il ne sache même pas qu’il y a dans son pays un prophète censé être si puissant.

Bon, quitte à être en Israel, même s’il n’a plus beaucoup d’espoir, mon maître décide de passer voir Elisée. Nous voilà repartis jusqu’au village du prophète, dont la maison (cabane !) se tient un peu à l’écart. Sur le chemin, avant même que nous ayons pu arriver et expliquer notre démarche, un homme vient à notre rencontre. Le prophète ? non, non non, il se présente, c’est son serviteur. Il nous dit, de la part d’Elisée, que la maladie de Naaman disparaîtra si celui-ci va se baigner sept fois dans le Jourdain, le fleuve qui coule juste à côté.

Le visage de mon maître se décompose. Aucun protocole n’a été respecté. Lui, le grand général, le n°2 du pays d’Aram, voilà comment on le traite ? On l’accueille sur un bord de chemin poussiéreux ? On ne daigne pas le rencontrer face à face ? On ne l’examine pas ? On l’envoie prendre un bain ? N’importe quoi ! Comme s’il ne pouvait pas faire ça chez lui ! Vexé, déçu, furieux, mon maître fait faire demi-tour à son char.

D’un côté, je le comprends, mais de l’autre, après avoir fait tout ce chemin, s’arrêter si tôt, c’est dommage ! Avec les autres serviteurs, nous commençons à discuter. Parce que, nous l’aimons bien, Naaman : il est exigeant, c’est vrai, mais respectueux, plein de bon sens (la plupart du temps). Alors à notre tour, nous essayons de le convaincre : si le prophète avait demandé quelque chose de difficile, ne l’aurait-il pas fait ? Pourquoi ne pas tenter de se baigner ici ? qu’a-t-il à perdre ? Naaman rechigne, mais l’idée fait son chemin.

C’est vrai que la simplicité fait parfois peur : on préfère suivre un protocole clair, même s’il est lourd. Quand le processus est compliqué, ça valide en quelque sorte la gravité de ce qu’on vit. Et puis, ça fait sérieux, réfléchi, efficace. Aller prendre un bain ? Sans formule magique ni geste, ni même présence du prophète ? Chez nous, en Aram, les dieux exigent toujours des choses compliquées. Le dieu d’Elisée serait-il capable d’agir ainsi, aussi simplement ? C’est difficile d’y croire…

Je n’oublierai jamais ce qui s’est passé ensuite. Ca n’a peut-être duré que quelques minutes, mais ce moment avait le poids de l’éternité.

Naaman arrête le char, descend, il s’approche de la rive du Jourdain. Il enlève son manteau de dessus, et le pose à côté. Vêtement après vêtement, lentement il se dépouille, là sous nos yeux, comme s’il nous avait oubliés. Au début, nous détournons les yeux, pudiques, mais la situation est trop inédite. C’est plus que ses vêtements, qu’il enlève – c’est ses médailles, son rang, son statut, et son identité.

Les morceaux de peau apparaissent, et les fameuses plaques rouges. Il en a partout, ça fait mal rien qu’à le regarder. Naaman avance d’un pas hésitant, met un pied dans l’eau, puis va plus en profondeur. L’eau, qui ne doit pas être très chaude, lui arrive à la taille. Il s’accroupit, s’incline, plonge la tête sous l’eau. Il se redresse. Une fois. Il attend, inspire à nouveau, et replonge. Deux fois.

Je le regarde plonger, et je compte : sept fois, répétitives, qui prennent tant de temps, qui restent si laborieuses, comme si chaque fois une couche de vie glissait de son corps et fondait dans l’eau. Je pense alors à tout ce que je n’aimerais pas exposer, ni au regard des hommes ni au regard d’un Dieu. Je pense à tout ce qui me pèse, tout ce qui me démange et me brûle, même si personne ne le voit. Y aurait-il un moyen de m’en décharger ? d’en être lavé ?

 

Naaman se redresse et sort du fleuve. Mais, ce n’est plus le même homme ! sa peau est redevenue comme avant, lisse et brune comme la nôtre ! Nous n’en revenons pas… Naaman a l’air hébété, comme au réveil d’un long sommeil, ou au retour d’un pays lointain. Le soulagement se lit sur ses traits, avec autre chose, que je n’arrive pas à définir. Une conviction ? Une détermination ?

Un autre serviteur lui tend une tenue de rechange, il ne met que la longue chemise de dessous, chausse les sandales et part, presque en courant, vers la cabane d’Elisée. Cette fois-ci, le prophète sort à sa rencontre. Naaman tombe à genoux, il lui raconte, avec des gestes et des éclats de voix, ce qui vient de se passer.

 

En m’approchant, j’entends qu’il lui propose le reste des cadeaux, mais non, répond le prophète, c’est gratuit. Quand Dieu agit, c’est gratuit ! Tout ce que Dieu désire, c’est qu’on lui fasse confiance.

Alors, Naaman se redresse. D’une voix forte, il dit qu’il a compris. Les dieux qu’il connaissait jusqu’à maintenant, et même toutes les choses dans lesquelles il plaçait sa confiance et son identité, ces choses sont vides et inutiles, mais le Dieu d’Israel, c’est lui le Dieu qui fait vivre. Et ce dieu-là est pour tout le monde, même pour Naaman, un étranger, un malade, un ennemi ; même à lui, Dieu a fait grâce.

Naaman fait venir un âne, et demande à prendre un peu de terre, d’ici, en souvenir de ce qu’il a expérimenté dans le Jourdain. Cette terre l’aidera à continuer de vivre avec Dieu et pour Dieu, même en Aram.

Nous sommes rentrés, et Naaman s’est effectivement tenu à sa foi. Je l’ai toujours vu murmurer des prières à son Dieu. Il a demandé à s’occuper des affaires intérieures, rechignant à retourner au front. Quand il est mort, d’une autre maladie, malgré les douleurs il s’accrochait à la paix. Il disait qu’il avait l’assurance que Dieu l’accueillerait.

(récit basé sur le texte de 2 Rois 5.1-19)

– – – – – – –

La semaine dernière, le psaume 1 nous conduisait à voir la vie avec Dieu comme un arbre planté près d’un cours d’eau, puisant en Dieu sagesse, réconfort, soutien, protection, inspiration. Mais l’histoire de Naaman nous dit que la vie avec Dieu, c’est bien davantage : la foi n’est pas un truc en plus, une béquille qu’on ajoute à notre boîte à outils, une nouvelle corde à notre arc, un Dieu chez qui on va se servir. Non, la vie avec Dieu, c’est un fleuve dans lequel on plonge, tout entier, avec nos faiblesses et nos forces, avec nos illusions et nos questions, une relation dans laquelle on plonge tout entier et qui remplit toute notre vie.

Dieu lui-même a plongé pour nous rejoindre : en Christ, il est descendu dans le Jourdain, mieux, il est monté sur une croix, pour porter nos faiblesses et nos illusions, et répondre à notre question : oui, il nous aime, oui, il veut nous donner la vie.

Pour saisir la vie de Dieu, nous avons toujours besoin de revenir au Christ, mort et ressuscité, lui qui a plongé pour nous rejoindre, et qui est ressorti vivant, pour toujours, nous invitant à le suivre pour entrer dans la vie de Dieu.

 

Déterminés à être heureux (Dieu, source de notre vitalité 1/4)

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Qu’est-ce qui définit une vie réussie ? Pour certains, c’est le fait d’adhérer à un système de règles sociales, politiques ou religieuses. Pour d’autres, c’est ce qu’on a obtenu : argent, pouvoir, possessions matérielles, statut social… D’autres ne jureront que par la popularité, mesurée aujourd’hui au nombre de clics/likes sur les réseaux sociaux. D’autres encore se concentreront sur l’intensité des expériences vécues. Mais depuis quelques décennies, devant les errances politiques et religieuses, devant la vanité du consumérisme et l’instabilité de la popularité, une autre mesure tend à s’imposer pour qualifier une vie de réussie : l’expression de soi, le développement ou l’épanouissement personnel. De plus en plus, la réussite c’est le fait d’être en phase avec soi-même.

Ce refus du conformisme ou des apparences sonne assez juste, on ressent un désir d’authenticité rafraîchissant et libérateur. Pourtant, j’ai l’impression que parfois, c’est comme si nous devenions un petit monde clos : notre source est en nous, notre but est nous-mêmes, le moyen c’est le corps, les pensées, le quotidien, l’expérience. De soi à soi par soi. Je deviens mon propre champ d’accomplissement. C’est peut-être libérateur, mais poussé à l’extrême ça devient étroit et stérile.

Les textes bibliques abordent bien sûr la question du bonheur, de la vie réussie. J’aimerais en aborder un avec vous ce matin : le psaume 1. A la différence des autres psaumes, celui-ci n’est pas une prière ou un chant, mais un petit poème de sagesse composé en introduction du recueil des psaumes, à la spiritualité si foisonnante.

Lecture biblique : Psaume 1 (Bible du Semeur)

1 Heureux l’homme qui ne marche pas selon les conseils des méchants,

qui ne va pas se tenir sur le chemin des pécheurs,

qui ne s’assied pas en la compagnie des moqueurs.

2 Toute sa joie, il la met dans la Loi de l’Eternel, qu’il médite jour et nuit.

3 Il prospère comme un arbre implanté près d’un cours d’eau ;

il donne toujours son fruit lorsqu’en revient la saison.

Son feuillage est toujours vert ; tout ce qu’il fait réussit.

4 Tel n’est pas le cas des méchants : ils sont pareils à la paille éparpillée par le vent.

5 Aussi, lors du jugement, ils ne subsisteront pas,

et nul pécheur ne se maintiendra parmi la communauté des justes.

6 Oui car l’Eternel prend en compte la voie suivie par les justes  ;

mais le sentier des méchants les mène à la ruine.

Deux chemins

Ce psaume a bien pour but de nous encourager à suivre la voie du bonheur, de la réussite : la preuve, cette image de l’arbre planté près d’un cours d’eau, vert et fécond.  L’image semble peut-être anodine, dans notre région si verdoyante, mais dans un pays aride comme Israël, l’arbre près du cours d’eau, c’est le sommet de la plénitude, c’est tout ce dont un arbre peut rêver.

Alors comment aller vers le bonheur ? Dans ce psaume introductif, pas de nuance mais des grands principes – d’où le côté binaire très fort dans le psaume : il y a le bon chemin, et le mauvais. Sur le bon chemin, on arrive à la réussite, à la joie, à une vie qui tient la route et qui a du poids. En face, on trouve une vie inconsistante, vaine, frivole, sans racines et sans fruits, qui se dissout elle-même dans le néant (la ruine).

La clef : la relation avec Dieu

La différence entre les deux chemins ? C’est la relation avec Dieu. Pas ce qu’on possède, pas les apparences ni le conformisme social, pas non plus le taux d’expression de soi – la connexion à Dieu. Cette relation est nourrie du côté du croyant par le fait de se concentrer sur Dieu, de se laisser instruire par lui, de laisser la sagesse de Dieu irriguer sa vie. En face, Dieu répond en reconnaissant et en soutenant ce chemin du croyant. Il donne du relief à la vie, du sens et du poids.

C’est bien cette relation avec Dieu qui permet de recevoir le titre de « juste ». La justice ne vient pas de nous-mêmes, mais de Dieu : elle se reçoit dans la mesure où Dieu nous irrigue et nous conduit. Les problèmes et les injustices du monde ne sont pas qu’extérieurs : même en nous (d’abord en nous ?), il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Bien sûr, nous sommes imparfaits et limités, mais aussi en quelque sorte tordus, incapables de faire le bien que nous voudrions, et prompts à faire ce que nous savons inutile & destructeur (cf. Romains 6). Que se passerait-il si chacun de nous exprimait et assumait toutes ses pensées et ses moindres désirs ? Au-delà du fait que nous ignorons la vision d’ensemble ou les conséquences de nos actes, il faut bien admettre que nos pensées, rêves et désirs ne sont pas toujours innocents ! Nous avons besoin de Dieu parce que, livrés à nous-mêmes, nous finissons trop souvent par être vains et destructeurs.

C’est la relation avec Dieu qui nous rend justes. Et cette relation s’incarne en Christ : Dieu devenu homme pour vivre avec nous, et ultimément mourir pour nous, en assumant les conséquences de tout ce qui est tordu dans notre cœur et dans notre monde. Par la foi en Christ, nous sommes déclarés justes devant Dieu– sans rien mériter, avec seule prouesse d’avoir accueilli l’amour et le pardon de Dieu. Dieu nous conduit ensuite, avec patience, pour nous faire grandir et porter du fruit.

Quelle réussite ?         

Nous voir grandir et porter du fruit : c’est ça, la réussite. J’insiste, parce que l’affirmation « Tout ce que le croyant fait lui réussit » interroge. Dans les psaumes qui suivent, bien souvent le croyant sera interpellé par les difficultés qu’il rencontre, alors même que les gens sans foi ni loi semblent avancer dans la vie et prospérer tranquillement. Souvent la question de la justice reviendra : pourquoi les innocents souffrent-ils quand les coupables sont tranquilles ?  Notre vie présente le même constat : avoir la foi ne nous assure pas contre les souffrances ici-bas, que ce soit au niveau des finances, du travail, des relations, de la santé ou des accidents.

Le psaume se permet malgré tout d’affirmer la réussite, que Jésus clarifiera : ceux qui ont le cœur doux et humble, qui sont assoiffés de justice et nourris par la miséricorde de Dieu, vivront avec Dieu pour toujours (voir Matthieu 5.1-12). C’est l’espérance chrétienne : pas l’attente d’une récompense, comme des bons points pour nos bonnes actions ici, mais l’espérance d’une vie abondante, dans la présence de Dieu, pour toujours, au-delà des douleurs et lourdeurs du temps présent.

Mais la joie de la vie avec Dieu n’est pas réservée à l’au-delà : dès aujourd’hui, la relation avec Dieu redéfinit nos critères, et donc notre réussite. Dans la pauvreté, nous pouvons être généreux ; dans la richesse, être humbles ; face aux difficultés, perséverer ; dans la maladie, apprendre la patience. Parmi nos « héros » historiques (et c’est d’actualité avec les statues à garder ou pas), au-delà de la richesse ou de la popularité, c’est la valeur morale que nous admirons encore aujourd’hui – une vie féconde, bonne pour soi mais aussi pour les autres, est une réussite, même s’il y a des difficultés.

La détermination à marcher avec Dieu

Mais comment atteindre cette vie réussie, cette croissance et cette fécondité ? En fait, on ne peut pas. En tout cas,  pas directement.

Le psaume invite ici à nous concentrer sur la source de notre bonheur : notre relation avec Dieu – laissons la source de Dieu irriguer nos racines, et le reste suivra, comme le fruit naît naturellement d’un arbre sain.

1/ Nourrir notre relation avec Dieu. Ici, le psaume cite la Loi – pas seulement le Lévitique ! C’est la méditation de la Parole de Dieu, de sa volonté et de sa sagesse, dans le but qu’elle nous façonne peu à peu. Notons qu’il en tire de la joie, et du plaisir ! Même si la gratification n’est pas toujours immédiate, Dieu est la personne la plus extraordinaire qui soit : le connaître, méditer sur lui, mais aussi passer du temps avec lui, dans la prière, la louange ou simplement le silence, nous conduit dans sa joie.

2/ Choisir la cohérence. Agir en accord avec ses valeurs, mais aussi renoncer à tout ce qui peut nous détourner de Dieu. Ca peut être désagréable ou douloureux, mais c’est nécessaire, comme pour un arbuste dont on taille les branches mortes pour qu’il porte plus de fruit. (diapo v.1) Au v.1, le psaume met l’accent sur le refus du style de vie des pécheurs : il n’y a pas de demi-mesure dans la vie chrétienne, Dieu nous appelle à être déterminés pour le suivre à 100%. Je ne crois pas que l’enjeu soit ici les fréquentations, mais plutôt le choix de ce qui nous influence. Jésus était régulièrement avec des gens de mauvaise réputation, et pourtant il restait intègre. La question centrale, c’est ce qui nous influence : nos relations, oui, mais aussi ce que nous regardons sur internet ou à la télé, ce que nous lisons ou écoutons, les idées auxquelles nous donnons du crédit… Et quand ces influences entravent notre vie avec Dieu, il faut être prêt à prendre de la distance.

Peut-être vous sentez-vous loin de cet arbre feuillu, un peu sec ou désorienté. C’est peut-être l’occasion de se poser au moins la question : où j’en suis dans ma relation avec Dieu ? Et même si c’est juste la fatigue des mois passés ou simplement la pause estivale, ça vaut le coup de se poser régulièrement la question, comme un bilan annuel de santé : où j’en suis dans ma relation avec Dieu ?

  • Y a-t-il des chemins auxquels je dois renoncer? des chemins extérieurs (pratiques, fréquentations) ou des chemins intérieurs (amertume, colère, jugement, orgueil…) ?
  • En face, comment puis-je nourrir ma relation avec Dieu? Prier et lire sa Bible ne sont pas toujours évidents, surtout sur le long terme : qu’est-ce qui pourrait renouveler ma façon de faire ? Changer de traduction, trouver un plan de lecture ou un programme de prière ?… Ces pratiques ne sont pas qu’individuelles : Dieu nous parle et nous nourrit aussi dans la communauté, à travers l’autre, à travers son témoignage, son soutien, sa prière, sa vision des choses, ses conseils.

Dieu nous sauve pour une vie joyeuse et féconde, une vie bonne pour nous mais aussi pour les autres, dès aujourd’hui ! Il nous donne tant… Mais nous avons notre part : choisir de plonger en lui nos racines, accepter de couper les branches mortes. La bénédiction de Dieu ne passe pas par nos mérites ou notre efficacité, mais elle découle en partie de notre détermination à vivre auprès de lui. Que par son Esprit, Dieu nous fortifie dans notre détermination à le suivre – et qu’il nous bénisse !

Lent à la colère et riche en bonté

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Lorsque j’ai pris connaissance des textes bibliques proposés pour ce dimanche, j’avoue que je n’étais pas trop inspiré pour ma prédication… Mais il y a aussi, dans la liste de lecture de la Bible en 6 ans, un psaume qui est proposé pour chaque jour. Alors j’ai commencé à lire celui de ce dimanche, le Psaume 145 :

1 Chant de louange de David.
Mon Dieu, toi le roi, je veux proclamer ta grandeur,
et bénir ton nom pour toujours.
2 Je te bénirai chaque jour,
je t’acclamerai sans fin !
3 Le Seigneur est grand, infiniment digne d’être loué ;
sa grandeur est sans limite.
4 Que chaque génération annonce à la suivante ce que tu as fait
et lui raconte tes exploits !
5 Je veux parler de ta majesté, de ta gloire, de ta splendeur.
Moi je veux méditer tes merveilles.
6 Ils parleront de ta puissance redoutable.
Moi, je raconterai ta grandeur.
7 Que l’on rappelle tes grands bienfaits,
et que l’on proclame avec joie ta justice !
8 Le Seigneur est bienveillant et plein de tendresse,
il est lent à la colère et riche en bonté.

Et je me suis arrêté là… Le psaume continue (je l’ai quand même relu ensuite), largement dominé par une tonalité de louange, mais pour la prédication, je ne suis pas allé plus loin que le verset 8, avec cette expression qu’on retrouve à plusieurs reprises dans tout l’Ancien Testament, à propos de Dieu : “il est lent à la colère et riche en bonté”. La première fois, c’était avec Moïse, dans un moment d’intimité inédite avec le Seigneur, alors que Moïse était sur le Mont Sinaï, recevant de Dieu les tablettes de la Loi :

Exode 34.5-6
5 Le Seigneur descendit dans la colonne de nuée et se tint là, à côté de Moïse. Il proclama son nom : « Le Seigneur ». 6 Puis il passa devant Moïse en proclamant encore : « Je suis le Seigneur ! Je suis un Dieu plein de tendresse et de bienveillance, lent à la colère, riche en bonté et en vérité… »

On retrouvera la même formule dans le livre des Nombres (Nb 14.18), dans celui de Néhémie (Né 9.17), dans trois Psaumes (Ps 86.15, Ps 103.8, Ps 145.8), chez le prophète Joël (Jl 2.13) et dans le livre de Jonas (Jon 4.2). Sans compter d’autres formules proches, comme celles parlant d’un Dieu “qui ne garde pas sa colère pour toujours”.

C’est donc une formule biblique importante pour décrire la nature du Seigneur. On pourrait simplement dire (et certaines versions traduisent ainsi) : “Dieu est patient et bon”. Et ça serait correct, même théologiquement… mais c’est tellement moins évocateur que de dire qu’il est “lent à la colère et riche en bonté” !

En réalité, cette formule dit quelque chose de la réalité intime de Dieu, elle est sans doute la meilleure façon d’exprimer l’articulation complexe entre la sainteté de Dieu et son amour.

Lent à la colère

Qu’est-ce qui vous met en colère ? Moi, j’ai plein de choses qui me mettent en colère : l’injustice, la bêtise, l’hypocrisie, les jugements à l’emporte-pièce, toute forme de haine ou de violence… Et ça me semble légitime. Alors franchement, en regardant notre monde, et en regardant notre coeur, ne croyez-vous pas que Dieu a de bonnes raisons d’être en colère ?

Bien-sûr qu’il y a quelque chose d’anthropomorphique (faute de mieux, on projette sur Dieu des comportements humains) dans le fait de parler de la colère de Dieu. Toutefois, le terme dit bien quelque chose de la nature de Dieu. Mais Dieu n’est pas colérique… Quelqu’un de colérique ne maîtrise pas sa colère, et il s’emporte pour un rien. Dieu est tout le contraire d’un colérique puisqu’il est “lent à la colère”.

La colère de Dieu, c’est sa réaction viscérale face au mal : c’est insupportable pour lui qui est parfaitement et infiniment bon, lui qui est pure lumière et en qui il n’y a pas le moindre soupçon d’obscurité.

Mais parce que Dieu est amour, on devrait oublier qu’il est aussi sainteté et justice ? Franchement, qui voudrait d’un “bon Dieu” naïf et mou ? C’est justement parce que Dieu est saint que son amour est si grand ! Ce que nous dit la formule “lent à la colère”, appliquée à Dieu, c’est que, au nom de son amour, Dieu renonce à sa colère. Mais ça n’enlève rien à sa sainteté !

Dieu est saint, par nature. Il est parfaitement bon, pur de tout mal. De toute éternité. Et pour l’éternité. Mais il choisit de retenir sa colère… parce qu’il nous aime.

Riche en bonté

Le mot hébreu (hesed), traduit ici par bonté, est couramment utilisé dans la Bible : près de 250 fois. Il est utilisé parfois pour évoquer les comportements des êtres humains entre eux mais la plupart du temps il décrit l’action bienveillante et bienfaisante de Dieu envers les croyants ou l’humanité en général. Les différentes versions françaises traduisent ce terme, ici ou ailleurs, par fidélité, loyauté, bienveillance, miséricorde…

La bonté dont il est question dans la formule “lent à la colère et riche en bonté” évoque donc l’amour de Dieu en action, la façon dont Dieu exprime son amour. On est loin du “bon Dieu” lointain et gentil…

Le texte biblique ne dit pas seulement que Dieu fait preuve de bonté mais qu’il est “riche en bonté”. La nuance est de taille. Dieu ne se contente pas d’être bon, il manifeste sa bonté avec abondance. Alors que Dieu retient sa colère, il abonde dans l’expression de son amour. Là, il ne se retient pas !

Si vous lisez l’ensemble du Psaume 145, vous verrez combien cette abondance de la bonté de Dieu est évoquée. Ce qui pousse Dieu à l’action, c’est son amour. Il a tout créé par amour. Ensuite, dans son projet de salut, il a tout mis en oeuvre pour renouer le contact avec les humains qui se sont détournés de lui, par amour. Et son amour abondant s’est manifesté à son paroxysme lorsqu’il a envoyé son Fils mourir pour nous sur la croix.

Voilà comment Dieu s’est montré riche en bonté !

Sainteté et amour

Dieu retient sa colère et laisse libre cours à son amour. Quelles sont les implications pour nous de cette double affirmation, dans notre relation à Dieu, et dans notre relation aux autres ?

En ce qui concerne notre relation à Dieu, nous devons reconnaître que le Seigneur a aujourd’hui encore toutes les raisons d’être en colère contre nous… mais il nous accueille par grâce. Une démarche de repentance, comme nous l’avons vécue au début de ce culte, exprime cette double réalité. C’est justement parce que Dieu retient sa colère et laisse libre cours à son amour que nous pouvons entrer dans une démarche de repentance en toute confiance. Et ça n’a rien de morbide. La repentance n’est pas mortifère, elle est au contraire source de vie. C’est la façon la plus authentique de se tenir devant Dieu, en tenant compte à la fois de sa sainteté et de son amour. Parce que Dieu retient sa colère, je n’ai pas à craindre de me présenter devant lui tel que je suis, avec mes failles et mes faiblesses. Et parce qu’il est riche en bonté, je sais qu’en retour je recevrai le pardon, l’assurance de son amour, la grâce de sa présence.

Quant à notre relation aux autres, l’exemple du Seigneur doit nous inspirer. D’ailleurs, dans les Proverbes, quatre fois l’expression “lent à la colère” est appliquée aux être humains, comme une exhortation à vivre (Pr 14.29, 15.18, 16.32, 19.11). Et nous pourrions aussi, évidemment, évoquer les nombreux passages de la Bible qui nous invitent être bon envers tous, à commencer par le commandement “tu aimeras ton prochain comme toi-même”.

Bien-sûr qu’il y a des choses qui nous mettent en colère, parfois même de la part de nos proches. On ne choisit pas d’être en colère… mais on peut choisir de retenir sa colère. On peut choisir de faire preuve de patience, de bienveillance, de grâce, comme on aimerait que les autres le fassent à notre égard. Retenir sa colère est ainsi la première étape nécessaire pour pouvoir faire preuve de bonté, de façon généreuse et gratuite. Bref, c’est en étant lent à la colère que l’on peut être riche en bonté !

Au bénéfice d’un Dieu qui retient sa colère et donne libre cours à son amour, nous sommes appelés à notre tour à retenir notre colère et à donner libre cours à notre amour !