Culte visible ici (prédication à 24’20):
https://www.youtube.com/watch?v=1Oxn0svB22I
Je ne sais pas si je vous l’ai déjà raconté, mais quand je suis arrivée à Toulouse, j’ai changé d’agence bancaire. Ma conseillère a demandé à me rencontrer. Elle était très sympa, et quand elle a su que j’étais pasteur (depuis 1 mois !), elle m’a posé des tas de questions : mais comment on devient pasteur ? c’est possible de se marier ?! et comment ça marche au niveau financier ? (puis elle a élargi) quelle est ma position par rapport au mariage homosexuel ? et puis pourquoi la guerre, les catastrophes, le handicap ? Et voilà, dans le bureau de la conseillère, avec toutes les affiches d’entreprise, que j’essaie de répondre succinctement, mais avec des nuances, à ces questions qui partent dans tous les sens.
A un moment, j’en viens à expliquer que pour moi, le monde a été créé bon et beau, mais que quelque chose a mal tourné, et que je crois que Jésus apporte la solution. Ah oui, et comment ? demande-t-elle avec sincérité. Euh… dans ma tête défilaient les images de l’Apocalypse : les anges, les chevaux, les trompettes, la Jérusalem céleste… C’était complètement en décalage avec le poster pour le compte épargne-logement à côté de moi. Je ne sais plus comment je m’en suis sortie, mais je me souviens de cette difficulté à parler de mon espérance, et même à me la représenter.
Quelle est notre attente pour le monde ? C’est quoi, ce fameux paradis ? Notre foi en Christ nous assure du pardon et de l’amour de Dieu, mais pour le reste ?
Il y a quelque temps, je relisais le livre d’Ezechiel, et j’arrive à la dernière section (ch.40-48) qui décrit l’espérance du salut apporté par Dieu. Il y a de très belles promesses chez les prophètes, mais Ezechiel, lui, reçoit une vision, qui décrit la réalité à venir comme un nouveau Temple. Et quand je dis « décrit », il raconte tout : les mesures, les matériaux, etc. J’avoue que j’ai tendance à lire en diagonale ce genre de texte, un peu en me forçant, et puis au milieu, je tombe sur le chapitre 47, que je vais lire avec vous. C’est une vision prophétique, imagée et symbolique.
Lecture biblique: Ezechiel 47.1-12
1 L’homme (qui me guidait dans la vision) me ramena à l’entrée du temple. Je vis alors que de l’eau jaillissait de dessous l’entrée vers l’est ; la façade du temple était en effet orientée à l’est. L’eau s’écoulait du côté sud du temple, puis passait au sud de l’autel.
2 L’homme me fit sortir du temple par le porche nord et m’en fit contourner l’extérieur jusqu’au porche oriental. L’eau s’écoulait au sud de ce porche.
3 Il s’avança vers l’est ; il tenait un cordeau à la main avec lequel il compta 1 000 mesures dans cette direction. Il me fit traverser l’eau : elle m’arrivait aux chevilles. 4 Il compta encore 1 000 mesures et me fit traverser l’eau : elle m’arrivait aux genoux. Au bout des 1 000 mesures suivantes, il me fit de nouveau traverser l’eau : cette fois-ci, elle m’arrivait à la taille. 5 Il compta encore 1 000 mesures, mais je ne pouvais plus traverser, car l’eau était si profonde qu’il fallait nager. C’était devenu un torrent infranchissable.
6 Il me dit : « As-tu bien regardé, toi, fils d’Adam ? » Il m’emmena un moment à l’écart puis me ramena au bord du torrent. 7 Je constatai alors qu’il y avait de très nombreux arbres sur chaque rive.
8 L’homme me dit : « Ce torrent se dirige vers l’est du pays, il descend la vallée du Jourdain et débouche dans la mer Morte. Lorsqu’il parvient à la mer, il en renouvelle l’eau, qui devient saine. 9 Des êtres de toute espèce se mettront à grouiller et les poissons se multiplieront partout où le torrent arrivera. Il assainira la mer et, là où il se déversera, il apportera avec lui la vie. 10 Alors, depuis En-Guédi jusqu’à En-Églaïm, partout il y aura des pêcheurs qui mettront leurs filets à sécher sur les bords de la mer. On y trouvera un aussi grand nombre d’espèces de poissons que dans la mer Méditerranée. 11 Cependant les marais et les lagunes de son littoral ne seront pas assainis, on les gardera comme réserves de sel.
12 Sur chaque rive du torrent, des arbres fruitiers de toutes sortes pousseront. Leur feuillage ne se flétrira jamais et ils produiront sans cesse des fruits. Ils donneront chaque mois une nouvelle récolte, car ils sont arrosés par l’eau provenant du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture et leurs feuilles de remède. »
C’est un texte qui a donné la trame de la vision finale de l’apôtre Jean, dans l’Apocalypse (ch.22), avec des petites différences. C’est intéressant de relever les points forts de la vision d’Ezechiel, parce qu’elle évoque des éléments que l’Apocalypse ne reprend pas toujours, pas parce que c’est faux mais parce que l’intention de l’Apocalypse est d’insister sur d’autres points.
1/ Le fleuve, image de la vitalité de Dieu
Le fleuve, ici, c’est vraiment l’image de la vitalité de Dieu. Le Temple représente la présence de Dieu dans le monde, et de sa présence, coule/découle la vie.
Nous attendons le jour où Dieu sera pleinement présent, visiblement présent, dans toute sa création, qui l’accueillera avec joie.
Ensuite, il y a l’histoire des 4 fois 1000 mesures : 4000 coudées ça fait moins de 2 km. En moins de 2 km, le cours d’eau passe d’une hauteur de quelques cm (à la hauteur des chevilles) à plus d’un mètre cinquante (au-delà des épaules, impossible à traverser sans nager). Sans avoir d’affluent, le fleuve grandit par lui-même, de façon exponentielle, par une force intérieure – et on n’imagine même pas sa profondeur au bout de 30-40 km, quand il arrive à la Mer Morte !
La vitalité de Dieu se nourrit d’elle-même et se déploie avec une abondance que nous avons du mal à imaginer.
Enfin, ce fleuve revivifie tout sur son passage : les rives désertiques se couvrent d’arbres fruitiers. Leurs fruits sont bons et abondants, et leurs feuilles, pleines de propriétés thérapeutiques. C’est le pouvoir de l’eau dans le désert : l’abondance jaillit.
Mais ce qui est peut-être le plus saisissant, c’est que ce fleuve renouvelle la mer morte. Cette mer, située à l’est de Jérusalem, est environ 10 fois plus salée que l’eau de mer habituelle, et aucun poisson ni aucune algue ne peuvent subsister dans de telles conditions, d’où le nom de « mer morte ». J’ai eu la chance de visiter la mer morte, et de pouvoir m’y baigner : j’avais à ce moment-là des petites lésions sur la peau – ça m’a brûlé pendant des heures, comme si on m’avait frottée avec du sel. L’anecdote souligne surtout à quelle point cette mer est invivable!
Or le fleuve de Dieu renouvelle la mer morte. C’est difficile d’imaginer notre espérance, un monde heureux et paisible, la résurrection, les morts qui reviennent à la vie… Alors la vision d’Ezechiel nous parle peut-être mieux : on passe de ce qui est vide, stérile et brûlant à une mer agréable, rafraîchissante, remplie à déborder de poissons et de vie.
2/ La promesse d’un renouveau
Dans la vision d’Ezechiel, la mer morte symbolise bien plus que l’étendue d’eau salée. C’est tout ce qui est mort dans notre monde, ou ce qui empêche la vie telle que Dieu la désire. C’est la violence (de la guerre internationale à la violence familiale, en passant par la guerre civile, le terrorisme, le harcèlement et le racisme), c’est l’esclavage moderne dans notre économie mondialisée, c’est l’idolâtrie de l’argent et du pouvoir, c’est le mépris de l’autre, c’est les désastres écologiques, c’est la maladie, c’est la confusion spirituelle… Tout ce que nous voyons ou dont nous entendons parler ou que nous subissons, et qui nous révolte, parce que Dieu est un Dieu créateur, un Dieu de vie, et il a mis en nous l’aspiration à la vie. Quand nous voyons ce qui est mortifère, nous sommes révoltés, et Dieu aussi.
Or dans la vision d’Ezechiel, la mer morte ne disparaît pas : elle est transformée. Elle est renouvelée, vivifiée, remplie, rénovée, purifiée. Les zones d’ombre autour de nous, ces lieux de désespoir, ces situations sordides ou effrayantes qui nous impressionnent, Dieu ne veut pas les effacer, il veut en faire des lieux où la vie grouille et déborde. Il veut les faire passer de la mort à la vie – en somme, les faire ressusciter. Le texte d’Ezechiel utilise même des mots qui rappellent le premier chapitre de la Genèse, quand, à partir du vide et de la confusion, Dieu crée un monde harmonieux et abondant. Le Dieu qui crée peut ressusciter.
Cette vision nous invite à voir l’œuvre de Dieu autrement. Quand il purifie le monde, il n’agit comme un vieux prof acariâtre et sévère, qui corrigerait rageusement une copie au stylo rouge en barrant neuf mots sur dix. Non, Dieu est généreux et patient. Il ne regarde pas nos vies et notre monde avec dégoût, en trépignant d’impatience à l’idée d’effacer tout ce qui le dérange ! Il est plutôt comme une infirmière qui refait les pansements d’un grand brûlé, qui applique le traitement jour après jour, jusqu’à ce que la peau se renouvelle et que le patient reprenne sa vie. Quel amour et quelle tendresse en Dieu pour les mers mortes de notre monde, quel désir de les vivifier, de les transformer, de les rendre justes et belles et droites et fortes !
3/ L’impact sur notre vie de foi
Qu’est-ce que ça change pour nous ?
Déjà, ça corrige notre vision de Dieu : loin d’être austère et dur, notre Dieu est un Dieu généreux et joyeux, qui désire la vie, et la vie pour tous. Aucun être, aucune situation n’est trop morte pour lui : il veut y recréer la vie.
C’est important aussi d’avoir la vision d’ensemble. Souvent nous sommes centrés sur notre besoin de Dieu, notre pardon, notre salut individuel, notre paix intérieure… Et c’est essentiel ! Mais Dieu voit les choses en grand : il a créé notre planète dont nous n’avons pas fini d’explorer les ressources, l’humanité en milliards, et la bagatelle de 100 milliards de galaxies. Dieu voit les choses en grand ! Et même si nous ne pouvons pas faire le tour de ses projets, prendre un peu de recul, nous décentrer de nous, et prendre conscience que ses plans de salut nous dépassent, c’est salutaire.
Voir les choses en grand… pour admirer Dieu encore plus ! Pour prendre davantage conscience de sa bonté surabondante ! pour voir que son œuvre en Christ déborde mon destin et même le destin de l’église : Dieu a un projet pour le monde.
Et ce projet nous invite à regarder autrement la réalité de notre vie et de notre monde : avec lucidité, compassion et espérance. Quelques soient les problèmes d’une personne ou la gravité d’une situation, rien n’est complètement désespéré. Tout cela, Dieu le connaît et il veut y mettre la vie. Nous n’avons pas à détourner les yeux avec gêne, à nous anesthésier ou à nous divertir, ou à nous décourager parce que la situation nous dépasse. Avec lucidité et espérance, nous pouvons prier que ton règne vienne, que ce fleuve de vie vienne renouveler les déserts et les mers mortes…
Car oui, ce qui est incroyable, c’est que Dieu nous invite à expérimenter dès aujourd’hui ce fleuve de vie… mais comment ? C’est ce que nous verrons la semaine prochaine !