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Vivre à contre-courant

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“Êtes-vous prêts à vivre à contre-courant ?” La vidéo nous laisse avec cette question… Une question qui prend une dimension toute particulière quand on entend ces témoignages, quand le fait de vivre à contre-courant conduit à la prison et la persécution pour sa foi. Mais la question demeure pertinente pour nous, aujourd’hui, dans notre contexte. Même si nous ne risquons pas la prison…

C’est une question qui s’est d’ailleurs posée très vite dans l’histoire de l’Eglise, dès le chapitre 4 du livre des Actes. Dans le contexte de cet épisode biblique, ce qui a déclenché le problème, c’est la guérison miraculeuse d’un infirme ! Et aussi, évidemment, la discussion qui a suivi où Pierre en a profité pour expliquer qu’ils avaient agi au nom de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Ce discours et ce miracle embarrassaient les chefs religieux. Les apôtres étaient devenus gênants, il fallait les faire taire. C’est tout de même étonnant : les apôtres étaient gênants… parce qu’ils faisaient le bien et annonçaient une bonne nouvelle ! Les raisons de leur emprisonnement étaient donc profondément injustes. Exactement comme dans la vidéo, avec le témoignage de Mojtaba.

Certes, il arrive que l’Evangile soit détourné ou instrumentalisé ! Et c’est évidemment condamnable. Il arrive aussi que les chrétiens tendent le bâton pour se faire battre, par leur attitude ou leur discours… Mais quand l’Evangile est simplement partagé, qu’il est véritablement vécu, et que c’est ça qui est perçu comme un risque de trouble à l’ordre publique, alors il y a un problème…

Portes Ouvertes nous fait part du témoignage du pasteur Wang Yi, en Chine. Lui, son épouse et d’autres responsables de leur église de 750 membres s’attendaient à être arrêtés un jour ou l’autre. Et c’est ce qui s’est passé le 9 décembre 2018 à Chengdu dans la province du Sichuan. Ce dimanche soir, plus d’une centaine de fidèles ont été interpellés à l’église, à leur domicile ou dans la rue. S’ils ont la plupart d’entre eux ont été libérés après avoir été interrogés, Wang Yi et 10 responsables sont restés en détention. Il encourt une peine de 15 ans de prison pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État.”

Quelques semaines avant d’être arrêté, le pasteur Wang Yi a rédigé sa « déclaration de désobéissance fidèle.» En voici un extrait :
« La Bible nous dit de respecter les autorités, mais elle ne nous dit pas d’aller à l’encontre de notre conscience ou du message de l’Évangile. L’Église utilise donc des moyens pacifiques pour manifester sa foi et répandre l’Évangile. En tant que pasteur, ma désobéissance fait partie du mandat de l’Évangile. Le Grand Mandat du Christ exige de nous une grande désobéissance. Le but de la désobéissance n’est pas de changer le monde, mais de témoigner d’un autre monde. »

Le témoignage du pasteur Wang Yi fait écho aux paroles prononcées par les apôtres Pierre et Jean, devant le conseil religieux, à la fin de l’épisode du livre des Actes des apôtres :

Actes 4.18-20
18 (Les membres du conseil) rappelèrent (les apôtres) et leur interdirent catégoriquement de prononcer ou d’enseigner le nom de Jésus. 19 Mais Pierre et Jean leur répondirent : « Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu. 20 Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu. »

L’attitude des apôtres, comme celle de nos frères et soeurs qui font face à la persécution, nous interpelle. Arrêtons-nous donc sur les paroles de Pierre et Jean.

Soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

“Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu.”

Être à contre-courant n’est pas une valeur en soi. C’est une conséquence possible de l’impératif de fidélité à Dieu. On peut se retrouver légitimement à contre-courant quand on est dans une situation où il faut choisir entre obéir aux hommes ou obéir à Dieu. Ce n’est pas toujours le cas… mais parfois c’est nécessaire.

Alors soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons ! Soyons à contre-courant parce que nous faisons le bien, et parce que nous témoignons de notre foi.

On pensera sans doute en premier, aujourd’hui, à l’évolution des moeurs, celle des normes éthiques et sociétales, qui peuvent nous donner l’impression d’être à contre-courant. Et il me paraît légitime d’assumer nos convictions dans ces domaines, pour autant que nous les argumentions sérieusement d’un point de vue biblique et théologique, et que nous n’en restions pas à des discours simplistes. Et même si ce n’est pas le coeur de l’Evangile qui est touché, nous devons sans doute accepter d’être en décalage dans ces questions qui touchent à la famille, au mariage, à la sexualité… quitte parfois à être taxé de réactionnaires et de rétrogrades !

Mais il ne faudrait pas penser que ce sont les seules questions où nous devrions être à contre-courant ! Nous devons interroger nos comportements du quotidien… là où l’Evangile a aussi quelque chose à nous dire. Être à contre-courant, c’est peut-être aussi refuser les petites magouilles du quotidien “que tout le monde s’autorise”, ne pas cautionner “ce que tout le monde pense tout bas” pour désigner des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…), ne pas se laisser enfermer dans le moule consumériste, égocentrique, compétitif. véhiculé par la publicité, les médias sociaux… Dans toutes ces petites questions du quotidien, nous pouvons facilement nous laisser emporter par le courant !

Soyons donc à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

Assumons-le et osons le dire !

“Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu.”

Les apôtres assument ouvertement leur désobéissance ! Ils ne peuvent pas se résoudre à se taire en ce qui concerne “ce qu’ils ont vu et entendu”. Cette formule sera reprise par Jean au début de sa première épître :

1 Jean 1.1-3
1 La parole qui donne la vie existe depuis le commencement. Nous l’avons entendue. Nous l’avons vue de nos propres yeux. Nous l’avons observée. Et nos mains l’ont touchée. 2 Cette vie s’est manifestée et nous l’avons vue ! Nous en sommes témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. 3 Ce que nous avons vu et entendu, c’est à vous que nous l’annonçons aussi ; ainsi vous serez comme nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

Ce que les apôtres ne peuvent pas garder sous silence, c’est le témoignage à propos de la personne et de l’oeuvre de Jésus. Ca, on ne peut pas le taire. C’est le coeur de notre foi, ce qui a changé notre vie, c’est la même bonne nouvelle qui est pour tous. Comment ne pas en parler ?

C’est une vraie interpellation pour nous, aujourd’hui, dans un contexte où on veut de plus en plus enfermer la foi dans la sphère privée. Et qu’on le veuille ou non, je pense que nous sommes influencés, conditionnés par cela. Est-ce que, si on en parle, ça va nous conduire à être persécuté ? Non. Pas en France. Mais être incompris, rejeté, moqué, oui, peut-être… Et on n’en a sans doute pas envie ! Alors on s’auto-censure. On arrive presque à avoir honte d’être chrétien, et pour éviter les ennuis, on ne le dit pas, on se tait…

En réalité, dire notre foi publiquement, même affirmer que les religions doivent avoir pleinement leur place dans le débat publique… c’est déjà presque vivre à contre-courant aujourd’hui !

Conclusion

Les apôtres Pierre et Paul devant le conseil religieux, Mojtaba en Iran, le pasteur Wang Yi en Chine… autant de chrétiens persécutés à cause de leur foi qui nous interpellent.

Ce n’est pas parce que nous ne risquons pas la persécution qu’il n’y a pas d’enjeu pour nous. Car le Seigneur nous appelle à être des témoins de la Bonne Nouvelle. Et il y a plein de raisons qui pourraient nous pousser à nous taire. Mais comme le dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains :

Romains 10.14
Comment feront-ils appel (au Seigneur) sans avoir mis leur foi en lui ? Et comment mettraient-ils leur foi en lui sans en avoir entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler si personne ne l’annonce ?

Et tant pis si on répondant à cet appel, nous nous nous retrouvons à contre-courant…

Miser sur l’éternité

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Dans les moments de joie, de bonheur, c’est facile de se sentir connecté. Connecté à Dieu, aux autres, à soi… La vie semble couler de source, on est dans la gratitude, ou, plus souvent, dans l’insouciance. Le hic, c’est quand les difficultés arrivent – et il y a toujours des difficultés qui arrivent, pour tout le monde, à tous les âges, de… 7 à…, non, en dessous de 7 ans ! 7 mois, 7 jours ? jusqu’à la fin, 77 ans ou plus !

Un collègue qui vient nous compliquer la vie, un projet qui coince, un accident, une crise familiale ou financière, une trahison… ou tout simplement la vie qui répand son lot de séparations, de maladies, de deuils. Dans ces difficultés-là, en plus du problème à résoudre ou de la douleur qu’on ressent, bien souvent, s’ajoute la sensation d’être isolé, démuni, seul pour porter ces fardeaux. Dans ces moments-là, on peut se sentir déconnecté – de soi (on se sent perdu), des autres (qui pourrait nous comprendre, ou nous aider ?), et même de Dieu : où est-il, lui, quand le bonheur s’effondre ?

Ces questions se posent à nous, qu’on ait la foi ou pas d’ailleurs. Pour un chrétien, cela peut le porter au doute, puisque la foi nous rapproche d’un Dieu qui nous bénit, nous protège, nous guide. Mais parfois on va plus loin et on imagine que la foi c’est comme un joker – puisqu’on est connecté à Dieu, on est déconnecté des réalités d’un monde en souffrance qui ne tourne pas rond… nos enfants sont protégés, notre couple va bien, nos finances sont abondantes, notre maison est assurée et notre corps est sain. Certains se sentiront même coupables : « si ça m’arrive, c’est que j’ai mal fait quelque chose. J’ai dû déplaire à Dieu d’une certaine façon ou alors je n’ai pas assez la foi ». Et même chez ceux qui ne croient pas, les épreuves, les crises, auront parfois un côté « séisme » qui nous met devant les « pourquoi » de la vie. Pourquoi ? Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

On trouve dans la Bible quelques lettres d’un chrétien dont la foi a beaucoup rayonné. Il a fondé et influencé bien des églises en Méditerranée. Il s’appelle Paul, et lui aussi a traversé bien des difficultés : disputes et trahisons, arrestations et séances de torture, problèmes de santé, problèmes d’argent… Dans une lettre qu’il écrit aux chrétiens de Rome, pour les aider à progresser dans la foi, il aborde la question de cette connexion avec Dieu, en particulier dans les difficultés. Romains 5.1-5

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

Paul commence par rappeler toutes les bonnes et belles choses que Dieu nous offre grâce au Christ : puisque Jésus a assumé nos fautes devant Dieu, nous sommes déclarés justes, libérés de la honte et de la culpabilité. Nous n’avons plus à prouver notre valeur ou à mériter l’amour de Dieu – nous comptons sur le Christ. Nous sommes donc en paix avec Dieu : une paix paisible, oui, mais plus que ça – nous sommes unis à Dieu, partenaires, amis. Nous vivons, nous demeurons, dans l’amour débordant, généreux (la grâce) de Dieu. Voilà notre lot ! La grâce ! L’amour patient, bienveillant, encourageant de Dieu. Et, nous sommes pleins d’espoir : puisque le Dieu d’éternité nous rejoint aujourd’hui et nous aime aujourd’hui, ce n’est pas pour nous abandonner… Il nous promet de vivre pour toujours avec lui : Jésus a vaincu tout ce qui pouvait nous séparer du Dieu qui fait vivre, jusqu’à la mort même.

Ainsi Paul peut-il dire qu’il met sa fierté dans son espérance. Sa fierté ! Quand on met notre fierté dans quelque chose, c’est qu’on y met notre joie, notre assurance, notre identité. Paul met son assurance, sa joie, son identité, dans la certitude de vivre pour toujours avec Dieu, dans sa gloire, c’est-à-dire, son éternité.

Mais c’est surtout la suite qui m’intéresse, parce que, je le disais tout à l’heure, la vie n’est pas toujours si simple !

… nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

Paul ne s’étend pas sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons dans la difficulté. Notre monde est perturbé et tous en font les frais, depuis les catastrophes naturelles jusqu’aux recoins sombres de notre cœur. Par contre, même sans donner d’explication sur ce qui nous arrive personnellement, Paul nous oriente sur la façon de vivre ces difficultés.

         L’épreuve : moment de vérité et exercice

Paul choisit de voir nos difficultés comme des moments de vérité. On le fait assez naturellement avec Dieu : “aha, puisqu’il m’arrive cela, ça prouve que… Dieu n’existe pas, Dieu est indifférent ou il se moque de nous, Dieu nous en veut…” Mais là, Paul regarde à sa longue expérience de chrétien, et il nous invite à changer de perspective. Nos difficultés sont des moments de vérité, oui, aussi sur ce que nous sommes. sur notre vie. sur ce qui en fait sa valeur.

Car c’est dans la difficulté que se révèle notre caractère : tout le monde peut être optimiste quand tout va bien. Si vos enfants sont toujours sages et obéissants, pas besoin d’être patients. Si vos amis tiennent toujours parole, il n’est pas question de leur pardonner.

Pour être plus précis, la difficulté révèle notre caractère, mais elle le forge aussi ! Je suis tombée une fois sur un sondage qui rapportait qu’une étonnante majorité de personnes (j’ai oublié les chiffres) reconnaissait que c’est dans l’épreuve qu’ils avaient grandi. Évidemment, ça on le sait après, parce que pendant l’épreuve, on se sent juste écartelé. L’épreuve nous exerce, nous oblige à grandir. On le voit autour de nous : ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche sont souvent moins déterminés que ceux qui ont dû se battre pour arriver là où ils sont aujourd’hui.

Comment l’épreuve peut-elle forger notre caractère ? Paul évoque 3 éléments : la persévérance, le courage, et l’espérance. C’est quand il est difficile de croire que la foi grandit, c’est quand on a peur que le courage se manifeste, et c’est quand on ne voit plus très bien où on va que l’espérance joue son rôle. Dans les histoires de héros, il y a quelque part un rêve tellement grand que le futur héros surmonte tous les obstacles pour y arriver. Et dans ce processus, il ne fait pas qu’affirmer son rêve, il mise dessus, il s’y accroche, et plus il avance, plus son rêve est solide parce qu’il l’a choisi, re-choisi, et re-choisi.

Le point commun de la persévérance, du courage et de l’espérance, c’est de nous tourner vers ce qu’on ne voit pas encore. De nous exercer à miser sur Dieu.

Choisir l’éternité

Mais à quoi bon s’exercer et surmonter des épreuves ? Est-ce qu’il y a un sens à tout ça ? Sinon, l’épreuve, c’est juste une expérience qui nous vide et nous casse. Le rêve de Dieu, c’est que nous devenions des personnes qui misent sur l’éternité.

Attention, loin de moi l’idée de relativiser les horreurs que nous pouvons vivre. Perdre un proche ou un enfant, être agressé physiquement, sentir son corps se désagréger, vivre dans l’insécurité ou la précarité – dans la Bible, Dieu ne justifie pas ces expériences, il ne vous envoie pas des calamités pour vous pousser à travailler telle compétence. Il n’est pas question de rechercher les détresses pour progresser, comme une discipline de la douleur.

Là où Paul nous interroge c’est sur notre perspective : puisque nous traversons tous des difficultés, (tous ! croyants ou pas), qu’est-ce que nous en faisons ? Cette perspective est essentielle. Vous connaissez l’adage : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Sauf que je suis sûre que vous avez dans votre entourage plein de personnes qui ont beaucoup souffert et qui ne sont pas pour autant devenues plus courageuses ou pleines d’espoir ! Les obstacles ne nous rendent pas automatiquement plus forts – selon la gravité de ce qu’on vit, ils nous fragilisent même plutôt et nous font entrer en mode « auto-défense » (résignation, amertume, méfiance…).

Bien des croyants diront : « je n’aime pas les épreuves, mais c’est vrai que dans ces cas-là, je me sens plus proche de Dieu, car à ce moment-là j’ai besoin de sa présence et de son aide (sous-entendu : quand ça va bien, on pense moins à se tourner vers Dieu) ».  Peut-être même que sans croire vraiment, quelqu’un pourrait prier dans la difficulté, et puis, une fois le problème résolu, on passe à autre chose. On peut très bien utiliser la foi comme béquille au cœur de la tourmente, et ranger la béquille au placard dès que c’est fini, comme après une entorse. Et finalement, Dieu nous aura aidés à traverser la difficulté, mais rien n’aura vraiment changé dans notre vie. Cette difficulté sera un souvenir mais elle ne nous aura pas rapprochés de Dieu. C’est comme dans un couple : face aux crises, on peut craquer et se séparer, chercher une solution à court terme (p. ex. l’un des deux prend sur lui mais le couple s’assèche), ou bien chercher une solution à long terme (et c’est là que le couple se rapproche et devient plus fort).

Dieu ne se rapproche pas de nous en Christ, pour nous éviter les problèmes ou pour résoudre plus vite nos problèmes. Il n’est pas le « Waze » de la vie, pour nous éviter les embouteillages, les accidents, et nous aider à aller plus vite là où nous voulons aller. Souvent, même en tant que chrétiens, nous avons une vision à très court terme de ce qu’est le bonheur ou la vie en paix : famille, travail, maison, et surtout la santé ! Mais Dieu veut nous conduire à sa destination – éternelle, pas à notre destination bien humaine, fragile et à validité limitée. Dieu veut nous conduire plus loin ! Alors il est ravi de nous faire passer dans des petits coins sympa le long de la route. Mais quand il y a un problème sur la route, son rêve, c’est que nous gardions le cap. Et le cap, c’est d’être avec lui, aujourd’hui, demain, pour l’éternité.

La conséquence directe, c’est que Dieu ne nous abandonne pas ! Il est avec nous, aujourd’hui et pour toujours, qu’on le voie à l’œuvre, ou pas. Notre part, à nous, dans la difficulté – mais aussi dans les bons moments d’ailleurs – c’est de miser sur Dieu. De placer notre assurance en lui, notre joie, notre identité – quoi qu’il arrive ! De lui demander, pas seulement de l’aide ponctuelle pour aujourd’hui, mais aussi de nous faire grandir dans sa perspective d’éternité. De nous remplir de ce qui ne périt pas. Et ça, seul le Dieu éternel peut le faire. Lui, il nous remplira de son amour, de sa présence, de sa force. Lui, il remplira notre présent de son éternité.

Faux débats et vraies questions

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J’ai de plus en plus de mal à regarder à la télévision les émissions de débat politique ou sociétal, en particulier sur les chaînes d’information continue… On nous y abreuve de débats qui attisent la suspicion, les peurs voire la haine. Ces derniers temps, c’est à propos du voile et des soi-disant signes extérieurs de radicalisation… J’ai vu que sur une chaîne de télévision, on a quand même débattu sur la différence entre une barbe innocente et une barbe signifiante ou préoccupante !

Et puis il est de bon ton, depuis quelque temps, pour ne pas être taxé d’islamophobie, de mettre dans le même sac les islamistes et les évangélistes (sic!). Ca c’est nous… décrits comme de dangereux obscurantistes rétrogrades, des prosélytes qui bafouent la laïcité. Bonjour les clichés et les amalgames !

Ceci dit, ce n’est pas nouveau. De tout temps, il y a eu des faux débats qui occultaient les vraies questions. Même dans l’Eglise… N’est-il pas arrivé, et n’arrive-t-il pas encore parfois, que des questions secondaires prennent tellement d’importance qu’on en vient à oublier l’essentiel ? Certains doivent se souvenir qu’il y a quelques années, dans le milieu évangélique, on se jetait mutuellement l’anathème pour des questions de chronologie des événements liés à la fin des temps ! Il peut même arriver encore que des Églises se déchirent pour des questions de choix de cantiques ou de tenues vestimentaires !

Bref, hier comme aujourd’hui, il y a des faux débats qui peuvent occulter les vraies questions, et faire oublier ce qui est vraiment important. Le texte de l’Evangile de ce matin nous en donne un exemple édifiant :

Luc 20.27-40
27 Quelques sadducéens vinrent auprès de Jésus. Ce sont eux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection. Ils l’interrogèrent 28 de la façon suivante : « Maître, Moïse a écrit pour nous : “Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme sans enfant, il doit épouser la veuve pour donner une descendance à celui qui est mort.” 29 Or, il y avait sept frères. Le premier se maria et mourut sans laisser de descendance. 30 Le deuxième épousa la veuve, 31 puis le troisième. Il en fut de même pour tous les sept, qui moururent sans laisser de descendance. 32 Finalement, la femme mourut à son tour. 33 À la résurrection des morts, de qui sera-t-elle l’épouse ? Car tous les sept l’ont eue comme épouse ! » 34 Jésus leur répondit : « Les hommes et les femmes de ce monde-ci se marient ; 35 mais les hommes et les femmes qui sont jugés dignes de ressusciter d’entre les morts et de vivre dans le monde à venir ne se marient pas. 36 Ils ne peuvent plus mourir, ils sont pareils aux anges. Ils sont enfants de Dieu, car il les a ressuscités. 37 Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter. Dans le passage qui parle du buisson, il appelle le Seigneur “le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob” 38 Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » 39 Quelques spécialistes des Écritures prirent alors la parole et dirent : « Tu as bien parlé, maître. » 40 Et ils n’osaient plus lui poser d’autres questions.

Les Sadducéens étaient un parti religieux important au temps de Jésus, différent des Pharisiens. En fait, les deux partis n’étaient pas vraiment amis, ils s’opposaient même souvent quant à la façon de comprendre la Bible ! Luc précise ici un point important, essentiel même pour comprendre la question qu’ils vont poser à Jésus : ils affirmaient qu’il n’y a pas de résurrection. Or, la foi en une résurrection finale était largement répandue parmi les Juifs du temps de Jésus. Les Pharisiens le croyaient par exemple. Mais pas les Sadducéens…

Quelques membres de ce parti religieux viennent donc poser une question à Jésus, en se référant à la loi de Moïse, qui faisait autorité pour tous. Et, justement, la question qu’ils posent est liée à la résurrection ! On peut donc déjà s’interroger sur la sincérité de leur question, eux qui n’y croyaient pas… Et puis leur question est quand même assez tarabiscotée. Évidemment, le cas qu’ils évoquent est théoriquement possible. On peut imaginer une femme être veuve sept fois, de sept frères successivement ! Même si, d’ailleurs, la question pourrait se poser à partir de deux mariages successifs, pas besoin d’aller jusqu’à sept…

La réponse de Jésus a fait couler beaucoup d’encre. Et je vous avoue que je ne suis pas sûr de bien tout comprendre. Jésus affirme-t-il que les liens tissés dans ce monde-ci ne compteront plus après la résurrection ? Que signifie l’expression désignant les hommes et les femmes ressuscités comme étant “pareils aux anges” ? C’est une phrase qui a pu alimenter un vieux débat, pendant le Moyen- ge, sur le sexe des anges ! C’est fou quand même : alors que Jésus répond à une question tarabiscotée, les chrétiens ont trouvé dans la réponse de Jésus une occasion de débattre sur une autre question tarabiscotée !

Comment faut-il donc comprendre la réponse de Jésus ? Je me demande s’il ne reste pas volontairement mystérieux dans sa réponse, pour nous dire qu’on ne peut pas vraiment comprendre. On ne peut pas comparer notre situation ici-bas à celle qui nous est réservée dans l’éternité, après notre résurrection. C’est comme vouloir se comparer aux anges… Se perdre dans des hypothèses ou des élucubrations sur le sujet est une perte de temps.

Parce que finalement, le point important est ailleurs. On le voit apparaître à la fin de la réponse de Jésus, lorsqu’il affirme explicitement quelque chose de clair et sans ambiguïté : “Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter.” (v.37) En réalité, Jésus répond donc à la question que les Sadducéens ne lui ont pas posée… celle de la réalité ou non de la résurrection à venir. Pour Jésus, c’est clair, il y aura bien une résurrection, parce que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Essayons de comprendre l’argument de Jésus.

Il fait référence à l’épisode du buisson ardent, lorsque le Seigneur s’est révélé à Moïse et qu’il lui dit : “Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.” (Exode 3.6) Plus loin il l’enverra vers le Pharaon pour délivrer son peuple de l’esclavage. C’est alors que Moïse demanda à Dieu de lui révéler son nom. Et Dieu lui répondit par une phrase un peu énigmatique que l’on peut traduire par “Je suis qui je suis”, ou “je serai qui je serai”. Et il ajoute : ”Voici donc ce que tu diras aux Israélites : “‘Je serai’ m’a envoyé vers vous”. (Exode 3.14).

Dieu est et il sera. Il est éternel, sans commencement ni fin. Et pour Jésus c’est à cause de la personne et de la nature même de Dieu qu’il peut affirmer qu’il y aura une résurrection. Parce que ce Dieu “qui est et qui sera” a choisi, depuis Abraham et même avant, de se révéler aux humains et de les sauver. “Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob” : Comment ce Dieu-là pourrait-il laisser se perdre dans la mort ceux avec qui il fait alliance ? D’ailleurs, Jésus l’affirme avec force : “Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui.”

De plus, ce que personne alors, ni les Sadducéens ni les disciples, ne pouvait savoir, c’est que Jésus lui-même allait en donner la preuve la plus éclatante par sa résurrection !

La vraie question n’est donc pas seulement de savoir s’il y aura ou non une résurrection d’entre les morts, mais de savoir si on connaît vraiment aujourd’hui le Dieu des vivants. Ce n’est pas une question théologique abstraite, c’est une question existentielle et relationnelle ! Voilà ce qui est vraiment important et qu’aucun faux débat ne devrait occulter !

C’était vrai pour les Sadducéens… ça reste vrai pour nous aujourd’hui !

Une question de curseur

Quels sont, aujourd’hui, les faux débats qui peuvent nous faire oublier ce qui est vraiment important ? Ou peut-être pourrait-on poser d’abord la question de façon positive : qu’est-ce qui est vraiment important ? Quel est le coeur du message que nous proclamons et que nous nous efforçons de vivre ?

Quelques éléments de réponse possibles : l’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Là on touche à l’essentiel. Et tout le reste n’est pas sans importance… mais doit avoir une importance relative. Et c’est important de le reconnaître. Nous devons accepter une certaine hiérarchisation dans la foi. Tout, dans la foi chrétienne, dans la vie chrétienne, tout n’a pas la même importance. Sinon, plus rien n’a d’importance… on nivelle toujours par le bas !

Nous devons accepter qu’il y ait des choses importantes et d’autres moins. Accepter qu’on puisse ne pas être d’accord sur la compréhension de certains textes bibliques, sur la façon de prier, sur certaines convictions doctrinales, sur des positionnements éthiques… et pour autant s’aimer, se respecter, se reconnaître comme frères et soeurs. Sinon aucune Église n’est possible… ou alors comme un groupement sectaire !

Tout est ici une question de curseur. Toutes les questions peuvent être intéressantes… dans la mesure où on y consacre le temps et l’énergie appropriés.

Il y a des questions vraiment secondaires. Là, le curseur est tout en bas. Pourtant elles peuvent prendre parfois une importance démesurée. Ce sont des questions de goût, de sensibilité personnelle. Je me souviens (pas dans cette Église !) du temps que nous avons consacré à choisir la couleur des nouveaux rideaux et des nouvelles chaises ! Incroyable ! Sur la question des cantiques et des tenues vestimentaires, évoquées en introduction, je suis sûr qu’on trouverait des versets bibliques pour alimenter le débat. Et c’est pareil pour plein d’autres questions… par exemple, en vrac, la longueur des cheveux, ou celle des jupes pour les jeunes filles, les tatouages, le fait de boire ou non de l’alcool, de fumer…

Je ne dis pas qu’on n’a rien à dire sur toutes ces questions. Je dis simplement qu’on peut facilement se perdre dans des débats stériles, faire de ces questions somme toute secondaires, des sujets de dispute, parfois même de division !

Je pousse un peu le curseur, avec des questions plus polémiques… mais qui peuvent aussi prendre trop de place ! Le fait de parler en langues ou pas, la compréhension du Millénium, le ministère pastoral féminin, la Création et l’évolution…

Allez, je monte encore un peu le curseur ? On se rapproche de la zone rouge… ça commence à devenir chaud ! L’interprétation des prophéties bibliques, la défense du modèle familial traditionnel, notre attitude face aux revendications LGBT…

Vous me direz que là, quand même, ce sont des questions importantes. C’est vrai… Mais ne sont-elles pas moins importantes que celles qui sont au coeur de l’Evangile, et qui doivent être notre motivation première ? Les questions pour lesquelles nous devons consacrer le plus de temps et d’énergie ?

Je les rappelle ? L’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Conclusion

Ne laissons pas des questions secondaires, ou moins importantes, nous faire passer à côté de l’essentiel. Soyons bien au clair sur ce qui constitue le coeur de notre foi. Nous pourrons toujours discuter des autres questions, sans y mettre trop d’énergie… et surtout sans perdre de vue le plus important : le Dieu vivant qui nous aime et qui nous sauve !

Non à l’esprit de comparaison !

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Ce n’est pas vraiment un secret : la pression de la performance règne autour de nous. Dans les études ou le travail, bien sûr : il faut réussir ! Faire plus, mieux, plus vite ! C’est visible aussi dans le sport, avec les dérives qui s’ensuivent. Cette pression, on la retrouve même en famille : on connaît tous (voire on l’expérimente) ces cas où l’un est le bon fils qui répond aux attentes parentales, tandis que l’autre est un raté.

Pour répondre à cette pression de la performance, nous avons différentes stratégies, parmi elles : se rassurer en se comparant aux autres. On compare la taille de nos maisons, de nos voitures, de nos comptes en banque… Ou, plus subtil, on regarde à qui est le plus écolo, le plus sain, le plus connecté… A qui est le plus occupé, celui au week-end exotique et bien rempli ! En particulier quand on manque d’estime de soi ou d’assurance, se comparer (à quelqu’un de moins fort bien sûr) permet de se rebooster rapidement, même si ça ne dure pas longtemps et que ça s’écroule dès qu’on rencontre quelqu’un de plus fort.

Cette stratégie a même fait son chemin dans le domaine spirituel : chacun sait qu’il n’est pas parfait… Mais nous sommes peut-être moins imparfaits que d’autres ! Et cela nous rassure. Je me souviens d’une amie qui se justifiait ainsi : oui, je suis un peu légère dans ma vie de couple, mais au moins je ne suis pas comme Untel qui est opportuniste et colérique.

La question de la performance (et de la comparaison, puisqu’elles vont souvent ensemble) fait ainsi partie des préoccupations hautement spirituelles de Jésus. Il l’aborde dans une parabole que j’aimerais méditer avec vous ce matin. Luc 18.9-14.

La parabole du pharisien & du collecteur d’impôts

9 Jésus dit la parabole suivante à l’intention de ceux qui croyaient faire la volonté de Dieu et méprisaient les autres :

Jésus est entouré de ses disciples et d’une petite foule de gens venus l’écouter. Par sa parabole, il vise ceux qui se persuadent d’être justes aux yeux de Dieu, d’être des gens bien, plus particulièrement en utilisant la stratégie de comparaison… Certains ont l’impression de ne pas en faire assez et se rassurent en se comparant. D’autres se réjouissent de leurs réussites, et cette satisfaction les conduit à regarder de haut les autres, comme s’il y avait des vrais croyants et des demis.

10 « Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l’un était pharisien, l’autre collecteur d’impôts.

Comme dans un début d’une histoire drôle : un Belge et un Français sont en bateau… Jésus ici utilise des types, des stéréotypes, même, pour planter le décor. La scène : un moment de prière en public. Ca pourrait être le culte, pour nous.

Les personnages : un pharisien et un collecteur d’impôts. Les pharisiens sont ces Juifs très pieux qui représentent à l’époque les bons croyants, zélés, intègres, sans compromis ! des purs, des vrais ! Jésus les intéresse, mais trop souvent, sa vision des choses les rebute. Pas étonnant que Jésus les choisisse pour son histoire.

Quant au collecteur d’impôts, même si c’est un travail à peu près honnête (il y a des relents de collaboration avec le pouvoir ennemi quand même), beaucoup d’entre eux baignent dans la corruption, le vol, les pots-de-vin etc. Ils ont la réputation d’être malhonnêtes, débauchés, loin de Dieu.

Qui Jésus mettrait-il dans son histoire aujourd’hui ? Un pasteur et un gérant de boîte de nuit ? Un bon évangélique, membre du conseil, cadre supérieur dans sa boîte, marié, père de famille, sportif… Et un trader, ou un patron de club de foot à la réputation sulfureuse ?  Quels que soient nos stéréotypes, ce  serait en tout cas un bon croyant et quelqu’un qu’on imaginerait pas dans une église…

11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : “Mon Dieu, je te remercie de ce que je ne suis pas comme tous les autres, qui sont voleurs, mauvais et adultères ; je te remercie de ce que je ne suis pas comme ce collecteur d’impôts. 12 Je jeûne deux jours par semaine et je te donne le dixième de tous mes revenus.”

Là où la loi religieuse juive ne demande que quelques jours de jeûne par an, en signe d’humilité et de repentance, ce pharisien se démène et se prive de nourriture deux fois par semaine : il profite de sauter ces repas pour prier pour son pays. Il donne la dîme de tout, et pas seulement de ce qui est obligatoire. Comme si vous donniez à l’église non seulement 10% de votre salaire, ce qui est déjà beau, mais aussi de la valeur de tous vos biens…

Mais vous voyez le problème, non ? je, je, je… Il a beau commencer sa prière par « ô Dieu, merci pour… », sa prière est centrée sur lui-même ! Pour quelle action divine est-il reconnaissant ? Il ne fait que se flatter lui-même ! Dieu ressemble au miroir de la reine dans Blanche-Neige : Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus juste dans ce royaume ! Dieu a disparu de l’échange, tant le pharisien est obnubilé par sa performance, par l’objectif qu’il a réussi à atteindre. Est-ce qu’il espère une prime ?

Et puis, son piédestal repose sur la supposée noirceur des autres qu’il oppose à sa propre réussite. Si son regard était honnête, il verrait bien que tout n’est pas noir chez les autres, ni tout blanc chez lui… Mais alors s’envolerait sa position favorable !

Lorsque que nos jugements sur d’autres – mouvements, personnes, catégories de population… – deviennent caricaturaux, qu’est-ce que ça cache ?

13 Le collecteur d’impôts, lui, se tenait à distance et n’osait pas même lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine et disait : “Mon Dieu, prends pitié de moi, qui suis un pécheur.”

L’attitude est radicalement différente. Il reste au fond, il baisse les yeux, se moque du regard des autres mais implore Dieu, par ses mots et ses gestes. Au cœur de sa prière, la demande de pardon. Il renonce à se justifier, à se chercher des excuses. Il a une vision de la justice de Dieu trop haute pour cela. Il mesure l’écart entre Dieu et la réalité de ce qu’il vit. Même s’il fait mieux qu’un autre, il sait qu’il ne sera jamais à la hauteur de Dieu.

Notre pharisien a sûrement rejeté de sa vie les « gros » péchés, ceux qui choquent. Bien sûr, il n’est pas parfait, et il y a toujours des choses pour lesquelles il faut demander pardon à Dieu. Mais globalement, par rapport à avant, ou par rapport à d’autres, ça va ! Ca va ?! En fait, il baisse les exigences de Dieu à sa mesure… Croit-il vraiment que la sainteté à laquelle Dieu nous appelle se résume à jeûner plus et à donner plus ? Qu’elle se monnaie à coup de repas et d’oboles, en heures de prière ou de présence au culte ?

Au lieu de prétendre quoi que ce soit, le collecteur d’impôt renonce à se justifier et en appelle simplement, seulement, à l’amour de Dieu. « Prends pitié de moi Seigneur ! Ecoute l’amour qui es dans tes entrailles, ô Dieu, et accueille-moi dans ta présence… par amour seul, puisque moi je ne mérite rien ! »

14 Je vous le dis, ajouta Jésus, cet homme était reconnu juste aux yeux de Dieu quand il retourna chez lui, mais pas le pharisien. En effet, celui qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. »

Dieu accède à la requête du malfrat, il lui pardonne et le déclare juste. L’écart entre Dieu et nous reste désespérément infranchissable. Pourtant, en Jésus, Dieu le franchit : il devient un homme, parfaitement juste, qui ne nous regarde pas du haut de sa sainteté mais vient prendre la place des méchants et des « bons » qui ne sont pas si bons… Plus besoin de nous justifier, c’est sa propre justice que le fils de Dieu nous offre, si nous le croyons. Dieu regarde au cœur, à la foi de ceux qui se tournent vers lui. Il prend chacun pour ce qu’il est, dans sa dynamique et ses problématiques – qui que nous soyons, ce qui compte pour Dieu, c’est de savoir si notre cœur est ouvert ou fermé à lui.

Voilà la beauté de la grâce ! relever celui qui s’est abaissé… Mais la grâce de Dieu va plus loin : celui qui se la jouait, lui, n’obtient rien. Il faut dire qu’il n’a rien demandé, finalement… Puisqu’il tient tant à se justifier, Dieu prend au sérieux ses maigres accomplissements… mais ils ne font pas le poids !

Non à l’esprit de comparaison

Tous les dimanches ou presque, nous chantons la grâce de Dieu en Christ. C’est bien ! Le vivons-nous ? Je vous propose un critère, d’après la parabole : est-ce que notre pharisien intérieur nous a fait glisser vers la comparaison ? est-ce que nous nous rassurons en lorgnant l’herbe moins verte qui est chez le voisin ? Qu’est-ce qui nous aide à tenir debout dans la présence de Dieu ? Nos œuvres, nos réussites, les échecs des autres… ou notre confiance en Christ ?

La comparaison « rassurante » se fraie parfois un chemin dans les églises. On compare le degré d’engagement dans les activités, l’adhésion à une norme, l’intensité des prières ou l’exactitude des connaissances. Ce sont de bonnes choses, mais ce qui nous rend membres de ce corps, c’est la foi, la foi seule en Christ.

Cela arrive aussi, tristement, entre églises: certains ont la vérité (en langage évangéliquement correct : ils défendent la bonne doctrine), sous-entendu : pas les autres. En bons protestants, nous sommes prompts à déclarer « hérétiques » ceux qui comprennent la Bible autrement. Je ne dis pas qu’il n’y a jamais d’erreurs, elles foisonnent au contraire, mais quand nous commençons à nous déclarer « purs », « saints », au détriment des autres, alors nous avons raté la grâce. Nous ne sommes pas sauvés par l’exactitude de notre doctrine ou la pureté de nos comportements (même si j’en conviens, ce sont de belles & bonnes choses à rechercher). Ni parce que nous sommes meilleurs que d’autres. Nous sommes sauvés parce que nous crions au Christ, avec humilité.

Quel regard portons-nous sur les autres ? ce regard est un indicateur de notre attitude envers Dieu. Une fois n’est pas coutume, je vous propose un remède : reprenons conscience de la grandeur de Dieu, de l’écart qui existe entre lui et nous. Reprenons conscience qu’il est le Roi, le Créateur de l’Univers, la Lumière pure et sainte dont le soleil n’est qu’une pâle indication… Reprenons conscience de qui nous sommes : devant celui qui trône avec majesté, bien plus haut que la lune ou le soleil, nous sommes toujours sur terre… Plus ou moins hauts, mais tous, tous, nous avons besoin de la grâce de Dieu. C’est seulement avec cette humilité que nous pourrons recevoir son pardon et que nous pourrons aimer ceux qui nous entourent, sans jugement, librement.