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Quand l’espérance répond à nos peurs

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Ne trouvez-vous pas que le temps de l’Avent est un peu étrange cette année ? Le climat social en France, avec en plus l’attentat de Strasbourg, tout cela fait qu’on n’a pas forcément le coeur pour les fêtes…

Il y a, aujourd’hui, beaucoup de craintes et d’inquiétudes qui s’expriment. Elles nourrissent des angoisses ou des colères qui transparaissent dans les mouvements sociaux qui agitent notre actualité.

  • Aujourd’hui, on a peur du lendemain, des fins de mois difficiles. On entend cette formule choc sur les rond-points : “La fin du monde, c’est la fin du mois !” On a peur du spectre du chômage, on craint de ne plus pouvoir nourrir sa famille…
  • Aujourd’hui, on a peur de l’étranger, de celui qui est différent et qui vient d’une autre culture, d’une autre religion, d’un autre pays. Et c’est une peur qui conduit à la désignation de boucs émissaires, et qui réveille la bête xénophobe et raciste.
  • Aujourd’hui, on a peur pour l’avenir de notre planète, on s’inquiète du dérèglement climatique. C’est très présent chez les jeunes générations : avez-vous vu cette impressionnante vidéo de la jeune Greta Thunberg, une adolescente suédoise de 15 ans, qui a pris la parole devant la COP 24 pour interpeller les dirigeants des pays de l’ONU quant à leur inaction pour la justice climatique ?

Et pourtant, chaque dimanche depuis le 2 décembre, on célèbre le temps de l’Avent, on parle d’attente et d’espérance… Mais en quoi l’espérance chrétienne peut-elle être une réponse à toutes ces craintes ?

En quête d’espérance

Le texte de l’Ancien Testament de ce dimanche nous parle d’espérance. Il contient un verset qui est cité dans un récit de Noël, celui de la visite des mages d’Orient. C’est la réponse que les maîtres de la loi leur donnent quand ils demandent où doit naître le roi des Juifs : « Et toi, Bethléem Ephrata, toi qui es petite parmi les phratries de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël…”

Le prophète Michée annonce donc le lieu de naissance du Messie : Bethléem. Et c’est en général tout ce qu’on lit de Michée : le verset 1 du chapitre 5. Et encore, pas jusqu’au bout du verset… Alors on va en lire un peu plus ce matin. Mais avant de lire le texte, je vous propose un voyage dans le temps !

Replongeons-nous dans le contexte de l’époque. Nous sommes au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Le royaume d’Israël s’est scindé en deux royaumes, Israël au nord et Juda au sud. Ça s’est passé plusieurs siècles auparavant, après le règne de Salomon. Originaire du petit village de Morécheth, Michée est un prophète influent. Il a reçu de Dieu des messages à transmettre pour les deux royaumes.

Il faut dire que toute la région est fébrile parce que l’ogre Assyrien dévore tout sur son passage. Rien ne semble pouvoir arrêter l’expansion de cet empire qui est désormais aux portes d’Israël. Il règne dans le pays comme un parfum de fin du monde…

D’autant qu’il n’y a pas seulement les dangers qui viennent de l’extérieur. La situation sociale et spirituelle des deux royaumes est mauvaise. La gloire d’antan, au temps de Salomon, est bien lointaine. L’injustice règne dans le pays, et Michée le dénonce avec force. Au nom du Seigneur, il mène un réquisitoire contre les riches et contre les classes dirigeantes. Il dénonce les riches propriétaires qui accaparent les terres, qui recourent à la fraude et la violence pour arriver à leur fin, dans leur appétit de posséder qui est sans limite. Bref, les riches deviennent de plus en plus riche, et les pauvres de plus en plus pauvre… Il dénonce aussi la complaisance des classes dirigeantes, les magistrats et les prophètes, des responsables sensés donner l’exemple, et qui pourtant cèdent à la corruption et font preuve de favoritisme.

Tout ça ne vous rappelle rien ? Je ne sais pas si Michée aurait porté un gilet jaune… mais son réquisitoire trouve d’étonnants échos aujourd’hui. Dans leurs dénonciations, les prophètes bibliques gardent, malheureusement, un cruelle actualité, parce que le coeur de l’homme n’a pas changé. Mais ne gardent-ils pas aussi une pertinence quand ils parlent d’espérance, comme c’est le cas de Michée dans le chapitre 5 de son livre, d’où est tirée la parole dite aux mages dans l’évangile et que je vous invite maintenant à lire, dans son contexte :

Michée 5.1-5
1 Le SEIGNEUR dit :
« Et toi, Bethléem Éfrata,
tu es un petit village parmi ceux des clans de Juda.
Pourtant, celui qui doit gouverner Israël,
je le ferai sortir de chez toi.
Il appartient à une famille très ancienne. »
2 Le SEIGNEUR va abandonner son peuple pendant un certain temps.
Ensuite, le jour viendra où la femme qui doit accoucher aura un fils.
Ceux qui seront encore en vie après l’exil viendront rejoindre les autres Israélites.
3 Et lui, le chef annoncé, il se lèvera et il sera leur berger
par la puissance du SEIGNEUR, par la présence glorieuse du SEIGNEUR son Dieu.
Les gens de son peuple vivront en sécurité.
En effet, sa puissance s’étendra jusqu’au bout du monde.
4 C’est lui qui donnera la paix.
« Si les Assyriens entrent dans notre pays et s’ils pénètrent dans nos palais,
nous enverrons contre eux des chefs très nombreux.
5 Avec leurs armes, ils conquerront l’Assyrie, le pays de Nemrod, et ils le domineront.
« Le chef promis nous délivrera des Assyriens s’ils passent nos frontières et s’ils entrent dans notre pays. »

L’espérance de Michée

Lu dans son contexte, la parole citée aux mages de l’évangile prend un relief différent. Il est frappant de voir combien la prophétie de Michée est liée au contexte de son époque. On ne s’en rend pas compte en ne lisant que le verset 1… mais dans ce texte on perçoit explicitement la peur face à l’envahisseur Assyrien, et même la perspective d’un exil qui semble inéluctable : on dit que le Seigneur va abandonner son peuple pour un temps.

Mais on perçoit aussi l’espérance d’une délivrance du Seigneur, l’aspiration à une restauration, à une paix retrouvée. Une espérance qui se focalise sur un enfant, issu d’une famille ancienne, et qui naîtra à Bethléem. Cet enfant deviendra le berger du peuple. Pour un connaisseur de la Bible, la mention de cette famille ancienne de Bethléem ne peut faire référence qu’à la lignée de David, le grand roi, d’où doit être issu le Messie, le libérateur choisi par Dieu.

Quel était donc la signification de ce texte pour les contemporains de Michée ? Le malheur vient, l’exil est inéluctable. Mais un espoir demeure, au-delà de l’exil. Dieu suscitera de la lignée de David un libérateur pour son peuple. Pour le petit nombre resté fidèle à Dieu, il y avait là une source d’espérance au milieu d’une grande détresse.

Les années ont passé après cette prophétie, il n’y a jamais eu vraiment de retour de l’exil en Assyrie… il y en a bien eu un de l’exil de Juda à Babylone, quelques décennies plus tard. Mais la gloire d’antan n’a jamais été retrouvée. L’attente d’un libérateur est restée… D’ailleurs, on sent bien dans le texte de Michée que la perspective déborde le contexte de son époque, notamment à cause de sa dimension universelle.

Alors au temps de Jésus, un texte comme celui de Michée exprimait l’attente messianique. Le contexte socio-politique avait changé. Ce n’était plus les Assyriens ou les Babyloniens qui faisaient peur mais l’occupant Romain. Les soupçons de corruption et de collusion avec l’envahisseur étaient forts, la méfiance à l’égard des classes dirigeantes alimentait la grogne du peuple. L’attente d’un libérateur était importante.

Les évangiles voient dans la naissance de Jésus le véritable accomplissement de la prophétie de Michée. Mais contrairement à l’attente de beaucoup, Jésus n’est pas venu en libérateur politique mais en libérateur spirituel. Peu nombreux sont ceux qui reconnaîtront en Jésus le berger dont parle Michée. Les chefs religieux le combattront, le peuple appellera à le crucifier. Quelques-uns y ont cru, non sans difficulté. Mais de ce petit groupe de disciples est né l’Eglise, et la bonne nouvelle s’est répandue, de génération en génération, jusqu’à nous.

Quand l’espérance rencontre nos peurs

De ce texte et de sa mise en perspective, je relève que l’espérance du croyant rencontre nos peurs. Pour les croyants au temps de Michée, les peurs se nommaient Assyrie, exil, guerre… Leur espérance était alors celle d’un libérateur, d’un rétablissement, d’une paix retrouvée.

D’ailleurs, peut-on concevoir notre espérance en dehors de nos peurs ? Bien-sûr, l’espérance chrétienne est plus grande que nos craintes. Il ne s’agit pas de se construire chacun une petite espérance à soi pour calmer nos craintes personnelles. Mais elle est bien aussi pertinente pour répondre à nos peurs d’aujourd’hui.

Au coeur du message de Noël, il y a l’affirmation d’un Dieu qui se fait proche de nous, qui devient l’un des nôtres et partage notre condition. Au coeur de l’espérance chrétienne se trouve la personne et l’oeuve de Jésus-Christ : sa vie, sa mort et sa résurrection. L’espérance qui rencontre nos peurs, c’est le Christ qui nous rejoint dans nos détresses. Il s’est fait pauvre, il a accepté d’être rejeté, il s’est rendu solidaire de l’humanité.

J’ai la conviction que l’Evangile a des réponses à proposer aux peurs de nos contemporains, qui peuvent aussi être les nôtres.

Sur la peur du lendemain, des fins de mois difficiles, je ne vais évidemment pas dire que Jésus va remplir votre compte en banque ! Même si, malheureusement, certaines théologies de la prospérité le prétendent… Mais l’Evangile montre bien que Dieu ne se soucie pas que de notre âme ! L’incarnation – Dieu qui prend chair – en est la preuve ! Et l’espérance de la “résurrection de la chair” en est une autre ! Comme dans la prière que Jésus a enseigné, où la première demande qui nous concerne dit “Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.” Si on choisit un mode de vie simple, dans l’esprit de l’Evangile, qui n’oublie pas la générosité, on peut faire confiance à Dieu pour tous les domaines de notre vie, y compris matériel.

Face à la peur de l’étranger, de celui qui est différent, l’Evangile nous apprend que la peur et la haine ne sont jamais une solution. La solution est dans l’amour : Jésus va même jusqu’à nous inviter à aimer nos ennemis… comme il l’a fait lui-même. Il est venu pour tous, il est mort pour tous. “Dieu a voulu tout réconcilier avec lui, par son Fils et pour son Fils.” (Colossiens 1.20) L’espérance de la réconciliation nous conduit sur des chemins de paix et de pardon.

Quant à la peur pour l’avenir de notre planète, on peut évidemment se référer à la doctrine de la Création qui doit nous inciter à respecter et protéger l’oeuvre du Créateur. Mais l’espérance chrétienne a aussi quelque chose à nous dire sur le sujet. On oublie parfois que l’espérance de la résurrection, c’est pour toute la création ! La création aussi “sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.” (Romains 8.21) Cette perspective conduit à la fois à respecter et préserver cette terre destinée aussi au salut, et à éviter toute idolâtrie de la nature, qu’on retrouve dans certaines postures écologistes extrêmes.

Conclusion

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Laissons-la nous rejoindre… et nous surprendre !

Mais quand l’espérance chrétienne est réduite à un ensemble de doctrines ou à un schéma eschatologique, elle n’est plus capable de nous surprendre. Dans la perspective biblique, l’espérance est une personne. C’est l’enfant et le berger dont parle Michée. C’est Jésus-Christ dont parle les évangiles.

Se laisser surprendre par notre espérance, c’est laisser le Seigneur nous rejoindre sur notre chemin, comme il l’entend… et non comme nous le voudrions. Car sinon, on risque bien de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe, comme tant de contemporains de Jésus qui n’ont pas su voir devant leurs yeux s’accomplir leur espérance.

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Et ce temps de Noël est propice à le rappeler, particulièrement dans le contexte agité qui est le nôtre.

Se préparer à l’action de Dieu

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Le temps de l’Avent, c’est le temps de l’attente. Attente des vacances, attente des fêtes, parfois avec appréhension, comme le rappelait Vincent dimanche dernier. Mais il y aussi une autre dimension : en nous préparant à fêter la venue de Dieu parmi les hommes, en Christ, il y a plus de 2000 ans, nous nous rappelons que Dieu n’est pas au bout de son œuvre et que nous sommes encore dans l’attente. Encore aujourd’hui, nous attendons que Dieu nous restaure, qu’il agisse dans notre vie, et, plus loin, qu’il bâtisse ce monde juste et paisible qu’il s’est fixé comme but. Nous attendons que Dieu révèle son salut. Car il n’y a que Dieu qui peut sauver, relever, guérir profondément.

Vincent nous rappelait que même dans cette attente intérieure, Dieu est actif. Par son Esprit en nous, il nous prépare et nous inspire. Mais quelle est notre part ? Le texte proposé aujourd’hui nous permet de zoomer sur cette part qui est la nôtre. C’est un extrait de l’Evangile de Luc, c’est-à-dire la biographie que Luc écrit sur Jésus, et après avoir raconté la naissance de Jean (le cousin de Jésus) et de Jésus, il nous transmet la prédication de Jean le Baptiste qui à sa façon prépare le moment où Jésus va parcourir les routes et annoncer le salut de Dieu.

Texte biblique: Luc 3.1-6

1 C’était la quinzième année du règne de l’empereur Tibère ; Ponce-Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l’Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l’Abilène, 2 Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres.

La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. 

On voit l’historien méthodique ! Luc nous donne tout le contexte politique et religieux du moment où Jean a reçu ce qu’il devait transmettre au nom de Dieu. Tibère, c’est l’empereur romain de l’époque, un empereur qui frise la cruauté dans ses dernières années. Ponce-Pilate est son émissaire à Jérusalem et sa région, tandis que les autres régions d’Israël sont gouvernées par des Juifs acoquinés avec le pouvoir romain. Israël est sous domination étrangère : le contexte paraît peu favorable à ce que Dieu agisse. C’est même un contexte d’opposition : Hérode fera tuer Jean, Ponce-Pilate & les grands-prêtres juifs feront condamner et crucifier Jésus quelques années plus tard.

Pour nous la situation est différente, mais nous paraît aussi peu favorable pour que Dieu agisse. Que ce soit sur le plan politique, spirituel, économique, moral, dans l’ambiance de peur actuelle ou de scepticisme global, nous pouvons avoir l’impression qu’il y a des murs devant nous, devant Dieu, et que Dieu aura du mal à se frayer un chemin dans notre société.

Et pourtant, Dieu se révèle dans ce temps-là. C’est à ce moment-là qu’il adresse sa parole à Jean, une parole que Jean est appelé à relayer largement, à claironner à qui veut l’entendre, une parole qui prépare les gens à accueillir Jésus. Et c’est dans ce contexte-là que Jésus va commencer à parler de Dieu, à enseigner, à guérir, à sauver…

Mais remarquez où se trouve Jean lorsque Dieu lui adresse la parole : dans le désert. Le désert est un endroit où Dieu aime parler – un endroit où il y a peu de distractions, où généralement on se tient prêt à écouter Dieu. C’est dans le désert que Dieu a donné sa loi à Moïse par exemple. Mais ce qui compte c’est moins le lieu que l’attitude de celui qui écoute : Jean dans le désert s’est rendu disponible à Dieu.

Dans le brouhaha qui nous entoure, dans notre brouhaha intérieur – nos préoccupations, nos activités – comment nous rendons-nous disponibles à Dieu ? Nous aurons du mal à aller au désert… mais au quotidien, comment créons-nous l’espace pour nous mettre à l’écoute de Dieu ? Est-ce que c’est un temps de prière après le petit-déjeuner ? Ou dans la voiture ? Une lecture biblique avec le café ou la tisane ? Comment nous préparons-nous à écouter Dieu ?

3 Jean se mit à parcourir toute la région voisine de la rivière, le Jourdain. Il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. »

4 Ainsi arriva ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre : « Un homme crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! 5 Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les courbes de la route seront redressées, les chemins en mauvais état seront égalisés.

6 Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. »

Dieu n’a pas seulement parlé à Jean pour lui-même mais il l’envoie proclamer le besoin de se préparer à l’action de Dieu. Qu’annonce donc Jean ? Changez de comportement (parfois traduit par « Repentez-vous / Convertissez-vous ») et faites-vous baptiser – alors Dieu vous pardonnera vos péchés. La citation du prophète Esaie vient en renfort : faites des sentiers bien droits, et tout le monde verra le salut de Dieu. Quand on parle de pardon des péchés, de salut, quelle réalité est derrière ? Ce n’est pas seulement une absolution ! Mais une réconciliation. Ce que Dieu désire, c’est nous appeler ses enfants. Mais le mal que nous commettons, nos erreurs, nos fautes, nos mensonges, nos déviations, tout cela nous éloigne de lui et nous empêche de vivre librement avec lui.

Quand quelqu’un vous a blessé, ou que vous avez blessé quelqu’un, même si vous regrettez le froid qui s’ensuit, votre relation ne pourra pas être restaurée tant que celui qui a blessé l’autre ne demande pas pardon. Alors souvent, demander pardon ne nous demande pas grand-chose, à part de passer sur notre orgueil. Mais imaginez que vous avez brûlé la maison de quelqu’un, ou que vous avez renversé son enfant… Il faudra payer des dommages & intérêts ! La Bible nous dit que c’est Jésus qui paie nos dommages et intérêts envers Dieu, pour que la seule part qui nous reste ce soit de demander pardon. De nous tourner vers Dieu.

A ce moment-là, Jean-Baptiste ne sait pas que c’est son cousin, Jésus, qui portera notre salut, ni comment il le rendra possible. Mais il sait que Dieu veut nous sauver et nous pardonner. Et il sait que nous devons nous tourner vers lui pour que ce soit possible.

« Changez de comportement / convertissez-vous / repentez-vous » : ce n’est pas le changement pour le changement. Ce n’est pas non plus passer son temps à s’auto-flageller ! Non, c’est se tourner vers Dieu, nous rendre humblement disponible, mettre de côté notre orgueil et notre fierté pour recevoir une nouvelle chance.

Et dans ce mouvement, quand nous nous tournons vers Dieu, nous nous détournons forcément de quelque chose. Pour accueillir, nous abandonnons forcément autre chose. C’est le mouvement de la conversion : en croyant en Jésus, nous abandonnons d’autres croyances – l’athéisme, le matérialisme, certaines images de la divinité, certaines images de notre façon d’être aimé de Dieu, certaines conceptions du bonheur [cf. tém blabla Taizé ?]. Nous abandonnons certaines pratiques parce que nous nous rendons compte qu’elles ne sont pas compatibles avec ce que Dieu veut vivre avec nous – des fausses libertés, des addictions, des comportements qui nous avilissent… Nous faisons de la place en nous et dans notre vie, pour que Dieu agisse.

Mais que fait-on après ? Est-ce que c’est fini ? Dans plusieurs de ses lettres aux églises, l’apôtre Paul suggère que ce mouvement, ce changement, cette transformation, implique constamment de notre part un abandon et un accueil (Rm 12.1-2, Ep 4.22-24, Col 3.9-10) – l’abandon de ce qui nous éloigne de Dieu, l’accueil de ce que Dieu désire pour nous. Constamment, nous sommes appelés à faire de la place – comme à la maison ! Pour garder une maison où l’on peut circuler agréablement et inviter facilement, il faut régulièrement trier, jeter, ranger, remplacer. Le grand ménage de l’emménagement ne suffit pas ! Dans notre vie aussi, pour accueillir Dieu, le ménage nous attend ! Il y a les déchets encombrants : la débauche, la malhonnêteté, le vol… Mais il y a aussi les vêtements jetés sur la chaise, les anciennes clefs éparpillées, les papiers qui s’accumulent : rien de grave en soi, mais l’accumulation et la confusion. Qu’est-ce que ce serait dans notre vie ? L’immaturité ? L’indifférence ? l’orgueil, le jugement, le mépris, la dureté de cœur et le refus de pardonner (souvent pour des raisons qu’on trouve très bonnes, mais qui devant Jésus ne tiendraient pas forcément….), la paresse, l’amertume…

Comment faisons-nous le point ? Est-ce que nous osons regarder en face les sentiers tordus de notre cœur – bien souvent nous sentons là où ça coince dans notre vie : est-ce que nous fuyons ou est-ce que nous remettons à Dieu ? Et quand nous n’avons aucune idée de ce qui nous encombre, est-ce que nous osons demander à Dieu de nous montrer ce qui cloche ?

Jean invite à poser un geste d’engagement, à ne pas s’arrêter aux bonnes intentions : pour lui c’est le bain du baptême – avec un sens partiel par rapport au baptême demandé par Jésus. Pour Jean, c’est un geste qui montre concrètement que nous voulons laisser Dieu agir en nous et nous sauver, un appel à l’action pour ne pas en rester aux vœux pieux… Si vous voulez davantage lire la Bible, quelle est votre stratégie ? Un moment bien défini, une alarme, une application ? Si vous voulez renoncer au jugement, comment allez-vous le mettre en pratique ? S’il reste des conflits dans votre vie, à qui irez-vous demander pardon ?

Ces décisions, ces gestes, ça ne veut pas dire que nous allons nous sauver nous-mêmes ! Mais que nous nous ouvrons à l’action de Dieu dans notre vie, avec humilité, conscients que nous avons toujours besoin de lui pour devenir l’homme ou la femme qu’il veut que nous soyons. Parce qu’après tout, c’est Dieu qui comble les vallées de nos blessures, qui abaisse les montagnes de notre suffisance, qui redresse les courbes de nos fonctionnements tordus, qui égalise les chemins que nous prenons, afin que nous puissions marcher avec assurance et joie dans sa présence. Alors dans la conviction que Dieu peut agir dans toutes les situations, dans l’espérance du salut qu’il a accompli en Christ, tournons-nous humblement vers Dieu et laissons-le nous transformer. Il le fera !

Attendre sa venue

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Aujourd’hui c’est le premier dimanche de l’Avent… Dans quel état d’esprit êtes-vous au début de cette période des fêtes de fin d’année ?

Pour certains, c’est une période de joie et d’excitation… et je ne parle pas seulement des enfants ! On ressort les décorations de Noël pour le sapin, on profite des illuminations le soir dans la ville, on va faire un tour au marché de Noël, on peaufine sa “liste pour le père Noël”, on réfléchit aux cadeaux originaux à acheter ou confectionner pour ceux qu’on aime, on ressort les CD de chants de Noël traditionnels, on imagine les bons menus pour le Réveillon… “Les fêtes ? C’est le meilleur moment de l’année !”

Pour d’autres, c’est une période de stress… C’est un vrai casse-tête pour trouver des cadeaux un peu originaux pour la belle-mère ou l’oncle machin, ou pour confectionner un menu qui plaira à tout le monde. Et puis il faut faire tous les achats, après les heures de boulot, et donc en se retrouvant aux heures de pointe dans les magasins et faire la queue pendant des heures aux caisses. Sans oublier une place pour le sapin, qui va mettre des épines partout dans la maison… et même si c’est un faux sapin, il faut quand même déménager la moitié du salon pour l’installer. “Les fêtes ? Vivement que ce soit fini !”

Pour d’autres enfin, c’est une période difficile et triste… Certains n’aiment pas les fêtes parce qu’elles font remonter à la surface des souvenirs douloureux. Je pense à ceux qui ont perdu récemment un être cher et passeront les fêtes sans lui ou sans elle. Et puis il y a ceux qui sont seuls et qui s’apprêtent à passer le réveillon de Noël devant la télé, ou les familles désunies ou en conflit pour lesquelles la perspective de réunions de famille est une vraie inquiétude… “Les fêtes ? J’angoisse…”

Je suis sûr qu’on peut trouver ces différents sentiments parmi nous. Parfois même avec un mélange de plusieurs sentiments…

Mais comment peut-on vivre autrement ce temps de l’Avent, dans l’Eglise et en tant que chrétien ? Le calendrier liturgique nous invite chaque année à consacrer quatre dimanches à préparer la célébration de Noël. En venant à l’église le dimanche matin, nous pouvons décider de faire une pause, pour attendre Noël autrement.

Qu’est-ce qu’on attend pendant l’Avent ? Etymologiquement, l’Avent c’est l’avènement, la venue. C’est un temps où on se prépare à commémorer la venue du Fils de Dieu sur terre mais aussi où on se rappelle qu’on attend encore sa venue, une autre venue, celle de son retour, comme il l’a promis.

La question du retour du Seigneur était, il y a quelques décennies, un sujet brûlant dans les églises évangéliques. Chacun se battait pour son schéma eschatologique (le calendrier des événements liés au retour de Jésus), et ça allait parfois jusqu’à l’anathème pour celui qui ne pensait pas comme nous ! Heureusement, on en est sorti… mais il ne faudrait pas pour autant oublier que l’attente du retour du Seigneur fait bien partie de l’enseignement du Nouveau Testament. Et le temps de l’Avent est un temps propice pour nous le rappeler !
Cette attente de la venue du Seigneur peut d’ailleurs aussi être vécue de différentes façons.
On peut l’attendre avec joie, voire avec impatience, en se remémorant les promesses de l’établissement du Royaume de Dieu !
Mais on peut aussi l’attendre dans le stress ou l’angoisse, en s’interrogeant : Serai-je prêt ? Aurai-je fait tout ce qu’il faut ?

La question de l’attente du retour de Jésus-Christ est au coeur de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens et l’apôtre s’efforce surtout de rassurer et d’apaiser les craintes de ses lecteurs, tout en les encourageant à persévérer dans leur attente. C’est le texte du Nouveau Testament de ce dimanche :

1 Thessaloniciens 3.12-4.3
12 Que le Seigneur fasse grandir de plus en plus l’amour que vous avez les uns pour les autres et pour tous ! Que cet amour ressemble à notre amour pour vous ! 13 Ainsi, le Seigneur remplira vos cœurs de sa force. Et quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher.
1 Frères et sœurs chrétiens, vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c’est bien de cette façon que vous vivez. Mais faites encore des progrès ! Nous vous demandons et nous vous conseillons cela au nom du Seigneur Jésus. 2 En effet, vous connaissez les conseils que nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus. 3 Ce que Dieu veut, c’est que vous soyez entièrement à lui. N’ayez pas une vie immorale.

La perspective de ce texte est bien le retour du Seigneur (v.13), et le fait que nous soyons prêts pour son retour : “quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher.”

Être saint, ici, ce n’est pas être parfait ! Car alors on pourrait craindre de ne jamais être à la hauteur ! Être saint, ici, c’est être consacré à Dieu, lui appartenir… autrement dit, être prêt pour accueillir le Seigneur qui vient.

C’est Lui qui nous prépare

La première chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c’est que c’est Dieu qui nous prépare à sa venue : c’est lui qui fait grandir son amour en nous, c’est lui qui nous remplit de sa force.

C’est quand même réconfortant. Ça nous enlève une sacrée pression : c’est lui qui nous prépare ! Pas besoin de nous demander si nous serons à la hauteur, si nous aurons fait tout ce qu’il fallait, si nous avons les ressources et les compétences nécessaires pour être prêt. C’est lui qui nous prépare à sa venue !

Il suffit de nous laisser remplir de son amour et de sa présence. Il y a comme un paradoxe : avant son retour, le Seigneur n’est pas absent. Être dans l’attente de la venue du Seigneur, c’est aussi s’ouvrir à sa présence aujourd’hui, par son Esprit. C’est lui qui nous remplit de l’amour de Dieu et de sa force, que nous soyons dans la joie, dans la tristesse ou l’angoisse.

C’est nous qui devons progresser

Mais la deuxième chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c’est que nous ne pouvons pas vivre cette attente les bras croisés, passifs. Nous avons toujours des progrès à faire… Paul le dit aux chrétiens de Thessalonique : “Faites encore des progrès !” (v.1). Et il rappelle un peu plus loin que ce que Dieu attend de nous, c’est un chemin de progrès spirituels constants : “Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification” (v.3)

Ce rappel, chaque année, de l’attente de la venue du Seigneur doit entretenir en nous une certaine insatisfaction. Non pas pour ne jamais être content mais pour ne pas croire qu’on est arrivé au bout du chemin… Un des plus grands dangers pour notre vie spirituelle, c’est la suffisance, l’autosatisfaction. Elle commence quand on se compare aux autres et qu’on se dit que, finalement, on est plutôt pas mal comme chrétien.

Les chrétiens de Thessaloniques étaient plutôt des bons chrétiens ! Paul le dit : “vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c’est bien de cette façon que vous vivez.” Vous êtes de bons chrétiens ! Mais il ajoute aussitôt : “faites encore des progrès !” Ne vous contentez pas de vos acquis, ne pensez pas une seconde que vous êtes arrivés au bout du chemin !

Et ce n’est pas contradictoire avec ce qui précède, c’est complémentaire… C’est Dieu qui nous prépare mais il ne le fera pas sans nous, à notre insu.
Oubliez que c’est Dieu qui nous prépare, et vous vous épuiserez à chercher à plaire à Dieu par vos propres forces, vous ploierez sous la culpabilité parce que vous n’y arriverez pas et vous vous découragerez de ne pas voir assez de progrès dans votre vie spirituelle !
Mais oubliez que vous avez votre part à faire, et vous oublierez aussi de vivre l’attente du Seigneur comme une autre façon de vivre sa présence. Votre attente sera vide, triste, sans espérance.

Conclusion

Et si nous vivions ce temps de l’Avent comme une occasion de nous rapprocher du Seigneur ? Attendre le Seigneur, c’est s’attendre à lui, dès aujourd’hui ! Il vient, par son Esprit, il s’approche de nous, là où nous sommes. Chacun peut y trouver son compte.

Regardez le récit de Noël ! C’est la fête, le choeur des anges se réjouit ! Mais c’est aussi le stress et l’angoisse : il vient dans une famille modeste en situation précaire puisqu’elle doit loger dans une étable !

Jésus nous rejoint là où nous sommes. Il vient se réjouir avec nous. Il nous apporte le repos au milieu du stress. Il apaise notre angoisse et nous console. Nous rapprocher de lui c’est le laisser nous rejoindre… et vivre sa présence autrement, dans l’attente de son retour !