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Lecture biblique: Genèse 3.8-19
Allumez la télévision, et regardez les informations. Les (mauvaises) nouvelles, majoritaires, distillent le malaise : injustices sociales, corruption, crimes et cruauté, dysfonctionnements divers, maladies, attentats, guerres… Que ce soit ici ou ailleurs, le monde ne tourne pas rond. Enfin, le monde. Si j’éteins la télé et que je regarde ma vie, je vois bien que ma vie ne tourne pas rond : j’y trouve les souffrances, les mensonges, les fautes – peut-être moins dramatiques, mais bien présentes. Notre vie ne tourne pas rond. Et le pire, c’est que nous le savons. Il y a un malaise, car ça ne devrait pas se passer comme ça ! Nous sommes choqués de l’injustice, scandalisés de la corruption, horrifiés devant le crime – et parfois dégoûtés de nous, de nos calculs mesquins, de notre langue acerbe, de nos trahisons ordinaires et de nos convoitises…
C’est ce malaise que vient expliquer la Genèse : de façon imagée, presque enfantine, à la manière des paraboles, la Genèse nous livre une histoire qui nous permet de comprendre l’Histoire, de comprendre notre histoire. Elle dit de manière pédagogique pourquoi on en est là : le monde a été créé bon, l’être humain très bon, mais voici, l’être humain n’a pas respecté le cadre que Dieu avait donné à sa création. Et les conséquences sont immédiates.
1) La grande rupture
On imagine souvent que Dieu s’est empressé de juger l’homme et la femme qui avaient transgressé sa volonté. En fait non, il vient simplement à leur rencontre – mais eux se cachent. Ils ont peur. Dieu les interpelle, leur demande pourquoi ils se cachent – et ils avouent leur faute. Enfin, ils avouent… ou plutôt ils accusent ! « C’est pas moi, c’est l’autre – c’est la femme, tu sais celle que toi, Dieu, tu as créée (d’ailleurs je me demande si tu ne serais pas un peu responsable de ma faute !) ; (la femme) j’ai fait ce qu’il ne fallait pas, mais, c’est le serpent qui m’a trompée. » C’est pas moi c’est l’autre – les relations sont brisées. C’est la rupture entre l’homme et la femme, qui se pointent du doigt, mais aussi avec Dieu – on a peur, on se cache, on ment.
Dieu prononce alors un jugement, d’abord au serpent, puis à la femme et à l’homme. L’être humain est confronté aux conséquences de sa propre faute, mais il devra aussi subir l’autorité du serpent qu’il a choisi d’écouter à la place de Dieu.
La faute entraîne la rupture dans les relations créées harmonieuses. Dans le couple, l’intimité cède à la distance, au désir répond la domination, et celui qui s’expose risque bien de se prendre des coups. La joie d’être ensemble, même la joie de voir naître un enfant, se mêle d’angoisse et de peines. Dans la vie quotidienne, tout devient laborieux. Au travail aussi, lieu de responsabilité et de créativité, l’homme se prend les pieds dans les épines, se blesse dans les chardons, dans les difficultés, les dysfonctionnements, les galères… La joie cède la place à la frustration et à la souffrance.
Enfin résonne le glas : l’homme, jusqu’ici renouvelé chaque jour par la proximité avec le Dieu qui fait vivre, le Dieu créateur, s’est détourné de Dieu et perd donc les privilèges de sa relation avec lui : la mort devient l’horizon de l’existence, apportant un sentiment d’urgence, de crainte, de vanité… sans Dieu, sans la vie et la puissance et la présence de Dieu, tout perd son éclat, tout rouille, tout coince, tout blesse, tout porte à la mort. Voilà la vie renversée qu’Adam doit vivre maintenant, et nous avec – car Adam représente l’humanité, comme un roi représente son pays : lorsqu’il entre en guerre, tout le peuple est en guerre. Mais notre solidarité avec Adam va plus loin, car chacun s’est détourné de Dieu en commettant le mal.
2) Un commencement d’espérance
Pourtant, Dieu offre un espoir, un commencement d’espérance. Premièrement, le serpent devra maintenant ramper, et il mangera la poussière. Ces images signifient que Dieu vient brider l’activité du diable : le serpent rampant s’oppose au serpent dressé et prêt à attaquer, nettement plus dangereux. Il vit encore mais il rampe, il garde du pouvoir mais limité, il ne pourra pas gagner en puissance. Deuxièmement, Dieu place la haine entre le serpent et l’humanité qui descendra d’Adam et Eve, dans une lutte à mort : l’homme cherche à écraser le serpent avec son pied, tandis que le serpent mord le pied qui le frappe, espérant instiller son venin fatal. Le serpent entrave l’homme mais ne peut pas prendre le dessus. Le bien et le mal s’annulent ; on le voit assez bien dans l’Histoire : les progrès par exemple entraînent toujours leurs lots de problèmes nouveaux, dont les solutions entraînent de nouveaux problèmes etc. Dans ce corps-à-corps, aucun vainqueur ne se dégage.
Mais la descendance porte une promesse que Dieu reprendra : la descendance d’Abraham sera source de bénédiction pour le monde, la descendance de Juda, quatrième fils de Jacob, portera la victoire, la descendance du roi David règnera pour toujours, dans un règne de justice et de paix. Ce fils d’Abraham, de Juda, de David, ce fils d’homme, c’est le Christ ! C’est Dieu devenu homme, Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu à nos côtés, qui vient se glisser dans notre corps-à-corps avec le serpent : Jésus, sur la croix, combat à notre place, pour nous, et laisse le serpent l’infecter de son venin mortel, pour écraser définitivement la tête du mal, et mettre un point final à sa domination. La résurrection prouve que Jésus ressort vainqueur, blessé, mais vainqueur, de ce combat qui nous libère de l’emprise du serpent, mais aussi des conséquences de notre révolte : à celui qui croit en Jésus, l’accès à Dieu est restauré, la mort perd sa force, la vie est de nouveau disponible, et pour toujours. Le Christ a remplacé la malédiction par une bénédiction.
Alors c’est bien beau, cette victoire, mais qu’est-ce que ça change à notre vie ? à notre quotidien ? Pour rester dans l’actualité présidentielle, on pourrait dire que Jésus a remporté la victoire et qu’il est maintenant le nouveau président du monde, mais il ne s’est pas encore installé au palais présidentiel. Le passage de pouvoir doit encore se faire, mais le tyran a été vaincu, il règne mais plus pour très longtemps, le corps bouge encore, mais la tête est écrasée. En préparant Noël, nous n’attendons pas la naissance du vainqueur, du sauveur, mais son retour, la manifestation totale de sa victoire au monde entier, son intronisation officielle.
Et cela a un impact sur notre quotidien, parce que Dieu nous invite à prendre du recul et à voir que, derrière les événements ordinaires de notre vie, les malaises et les injustices, Jésus a vaincu. Dieu nous invite à prendre parti, à nous engager aux côtés du vainqueur : par la foi, par l’espérance dans un monde désespérant, par des actes de résistance. De même qu’il y a des irruptions du mal qui nous choquent et nous scandalisent, Dieu nous invite à vivre des irruptions du bien, à inscrire notre espérance dans les gestes et les paroles du quotidien, à laisser la victoire du Christ transfigurer notre quotidien ! Pour reprendre les cas concrets que Dieu évoquait dans son jugement : quand un mari honore sa femme et refuse d’abuser de sa force, il proclame que la malédiction est renversée et il annonce la victoire du Christ ; quand dans un couple on évite de se renvoyer à la figure la faute commise 20 ans plus tôt, on annonce la victoire du Christ ; quand au travail on facilite le travail de son collègue en rendant un document dans les temps, ou qu’on choisit l’honnêteté dans une situation ambiguë, ou qu’on refuse les calomnies de bureau, on annonce la victoire du Christ ; quand nous soutenons ceux qui souffrent, dans leur corps ou leur âme, nous annonçons le Christ. Le matin au petit-déjeuner, pendant nos réunions, pendant nos cultes et dans le métro, sur la rocade et dans les réunions de famille, chaque fois que nous choisissons la justice, la bonté, la paix, l’amour, nous proclamons que le Christ nous a libérés de l’emprise du serpent et de la mort, et nous annonçons sa victoire.
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