Archives mensuelles : novembre 2016

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Dès le commencement, l’espérance…

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/des-le-commencement-lesperance

Lecture biblique: Genèse 3.8-19

Allumez la télévision, et regardez les informations. Les (mauvaises) nouvelles, majoritaires, distillent le malaise : injustices sociales, corruption, crimes et cruauté, dysfonctionnements divers, maladies, attentats, guerres… Que ce soit ici ou ailleurs, le monde ne tourne pas rond. Enfin, le monde. Si j’éteins la télé et que je regarde ma vie, je vois bien que ma vie ne tourne pas rond : j’y trouve les souffrances, les mensonges, les fautes – peut-être moins dramatiques, mais bien présentes. Notre vie ne tourne pas rond. Et le pire, c’est que nous le savons. Il y a un malaise, car ça ne devrait pas se passer comme ça ! Nous sommes choqués de l’injustice, scandalisés de la corruption, horrifiés devant le crime – et parfois dégoûtés de nous, de nos calculs mesquins, de notre langue acerbe, de nos trahisons ordinaires et de nos convoitises…

C’est ce malaise que vient expliquer la Genèse : de façon imagée, presque enfantine, à la manière des paraboles, la Genèse nous livre une histoire qui nous permet de comprendre l’Histoire, de comprendre notre histoire. Elle dit de manière pédagogique pourquoi on en est là : le monde a été créé bon, l’être humain très bon, mais voici, l’être humain n’a pas respecté le cadre que Dieu avait donné à sa création. Et les conséquences sont immédiates.

1)   La grande rupture

On imagine souvent que Dieu s’est empressé de juger l’homme et la femme qui avaient transgressé sa volonté. En fait non, il vient simplement à leur rencontre – mais eux se cachent. Ils ont peur. Dieu les interpelle, leur demande pourquoi ils se cachent – et ils avouent leur faute. Enfin, ils avouent… ou plutôt ils accusent ! « C’est pas moi, c’est l’autre – c’est la femme, tu sais celle que toi, Dieu, tu as créée (d’ailleurs je me demande si tu ne serais pas un peu responsable de ma faute !) ; (la femme) j’ai fait ce qu’il ne fallait pas, mais, c’est le serpent qui m’a trompée. » C’est pas moi c’est l’autre – les relations sont brisées. C’est la rupture entre l’homme et la femme, qui se pointent du doigt, mais aussi avec Dieu – on a peur, on se cache, on ment.

Dieu prononce alors un jugement, d’abord au serpent, puis à la femme et à l’homme. L’être humain est confronté aux conséquences de sa propre faute, mais il devra aussi subir l’autorité du serpent qu’il a choisi d’écouter à la place de Dieu.

La faute entraîne la rupture dans les relations créées harmonieuses. Dans le couple, l’intimité cède à la distance, au désir répond la domination, et celui qui s’expose risque bien de se prendre des coups. La joie d’être ensemble, même la joie de voir naître un enfant, se mêle d’angoisse et de peines. Dans la vie quotidienne, tout devient laborieux. Au travail aussi, lieu de responsabilité et de créativité, l’homme se prend les pieds dans les épines, se blesse dans les chardons, dans les difficultés, les dysfonctionnements, les galères… La joie cède la place à la frustration et à la souffrance.

Enfin résonne le glas : l’homme, jusqu’ici renouvelé chaque jour par la proximité avec le Dieu qui fait vivre, le Dieu créateur, s’est détourné de Dieu et perd donc les privilèges de sa relation avec lui : la mort devient l’horizon de l’existence, apportant un sentiment d’urgence, de crainte, de vanité… sans Dieu, sans la vie et la puissance et la présence de Dieu, tout perd son éclat, tout rouille, tout coince, tout blesse, tout porte à la mort. Voilà la vie renversée qu’Adam doit vivre maintenant, et nous avec – car Adam représente l’humanité, comme un roi représente son pays : lorsqu’il entre en guerre, tout le peuple est en guerre. Mais notre solidarité avec Adam va plus loin, car chacun s’est détourné de Dieu en commettant le mal.

2)   Un commencement d’espérance

Pourtant, Dieu offre un espoir, un commencement d’espérance. Premièrement, le serpent devra maintenant ramper, et il mangera la poussière. Ces images signifient que Dieu vient brider l’activité du diable : le serpent rampant s’oppose au serpent dressé et prêt à attaquer, nettement plus dangereux. Il vit encore mais il rampe, il garde du pouvoir mais limité, il ne pourra pas gagner en puissance. Deuxièmement, Dieu place la haine entre le serpent et l’humanité qui descendra d’Adam et Eve, dans une lutte à mort : l’homme cherche à écraser le serpent avec son pied, tandis que le serpent mord le pied qui le frappe, espérant instiller son venin fatal. Le serpent entrave l’homme mais ne peut pas prendre le dessus. Le bien et le mal s’annulent ; on le voit assez bien dans l’Histoire : les progrès par exemple entraînent toujours leurs lots de problèmes nouveaux, dont les solutions entraînent de nouveaux problèmes etc. Dans ce corps-à-corps, aucun vainqueur ne se dégage.

Mais la descendance porte une promesse que Dieu reprendra : la descendance d’Abraham sera source de bénédiction pour le monde, la descendance de Juda, quatrième fils de Jacob, portera la victoire, la descendance du roi David règnera pour toujours, dans un règne de justice et de paix. Ce fils d’Abraham, de Juda, de David, ce fils d’homme, c’est le Christ ! C’est Dieu devenu homme, Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu à nos côtés, qui vient se glisser dans notre corps-à-corps avec le serpent : Jésus, sur la croix, combat à notre place, pour nous, et laisse le serpent l’infecter de son venin mortel, pour écraser définitivement la tête du mal, et mettre un point final à sa domination. La résurrection prouve que Jésus ressort vainqueur, blessé, mais vainqueur, de ce combat qui nous libère de l’emprise du serpent, mais aussi des conséquences de notre révolte : à celui qui croit en Jésus, l’accès à Dieu est restauré, la mort perd sa force, la vie est de nouveau disponible, et pour toujours. Le Christ a remplacé la malédiction par une bénédiction.

Alors c’est bien beau, cette victoire, mais qu’est-ce que ça change à notre vie ? à notre quotidien ? Pour rester dans l’actualité présidentielle, on pourrait dire que Jésus a remporté la victoire et qu’il est maintenant le nouveau président du monde, mais il ne s’est pas encore installé au palais présidentiel. Le passage de pouvoir doit encore se faire, mais le tyran a été vaincu, il règne mais plus pour très longtemps, le corps bouge encore, mais la tête est écrasée. En préparant Noël, nous n’attendons pas la naissance du vainqueur, du sauveur, mais son retour, la manifestation totale de sa victoire au monde entier, son intronisation officielle.

Et cela a un impact sur notre quotidien, parce que Dieu nous invite à prendre du recul et à voir que, derrière les événements ordinaires de notre vie, les malaises et les injustices, Jésus a vaincu. Dieu nous invite à prendre parti, à nous engager aux côtés du vainqueur : par la foi, par l’espérance dans un monde désespérant, par des actes de résistance. De même qu’il y a des irruptions du mal qui nous choquent et nous scandalisent, Dieu nous invite à vivre des irruptions du bien, à inscrire notre espérance dans les gestes et les paroles du quotidien, à laisser la victoire du Christ transfigurer notre quotidien ! Pour reprendre les cas concrets que Dieu évoquait dans son jugement : quand un mari honore sa femme et refuse d’abuser de sa force, il proclame que la malédiction est renversée et il annonce la victoire du Christ ; quand dans un couple on évite de se renvoyer à la figure la faute commise 20 ans plus tôt, on annonce la victoire du Christ ; quand au travail on facilite le travail de son collègue en rendant un document dans les temps, ou qu’on choisit l’honnêteté dans une situation ambiguë, ou qu’on refuse les calomnies de bureau, on annonce la victoire du Christ ; quand nous soutenons ceux qui souffrent, dans leur corps ou leur âme, nous annonçons le Christ. Le matin au petit-déjeuner, pendant nos réunions, pendant nos cultes et dans le métro, sur la rocade et dans les réunions de famille, chaque fois que nous choisissons la justice, la bonté, la paix, l’amour, nous proclamons que le Christ nous a libérés de l’emprise du serpent et de la mort, et nous annonçons sa victoire.

L’Évangile, tout simplement

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Lecture biblique : Romains 1.1-17

Cette prédication a été donnée, dans le cadre d’un échange de chaire, à l’Eglise évangélique baptiste de Toulouse. 

A l’heure de la communication par mail ou SMS, une telle entrée en matière impressionne ! Et même au temps où vous écriviez des lettres, je ne pense pas que vous les commenciez de la sorte… Il faut dire qu’elle donne le ton de toute l’épître, sans doute la plus dense du Nouveau Testament. Elle contient en germe tout le développement théologique qui va suivre.

Mais en réalité, le cœur du message de l’épître est simple, et il apparaît déjà dans cette introduction. Le cœur du message, c’est l’Évangile, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Tout simplement.

L’Évangile, c’est Jésus-Christ !

Il faut savoir que les versets 1-7, en grec, sont une seule et longue phrase. L’apôtre Paul est coutumier du fait. C’est un enchaînement de phrases relatives qu’on est obligé de traduire par plusieurs phrases séparées en français. Mais elle est structurée de telle façon qu’au centre de cet enchevêtrement de phrases se trouve une affirmation : « Jésus-Christ notre Seigneur ».

Autrement dit, si on condensait au maximum cette introduction pour faire ressortir son idée centrale, pour Paul, l’Évangile, c’est Jésus-Christ. Et rien d’autre. Comme il le dira d’ailleurs aux Corinthiens :

« Je suis venu chez vous pour vous annoncer le projet caché de Dieu. Mais je ne l’ai pas fait avec des paroles compliquées ni avec des connaissances extraordinaires. En effet, au milieu de vous, je n’ai rien voulu savoir, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ cloué sur une croix. » (1 Co 2.1-2)

L’Évangile n’est pas un code de morale ou un ensemble de valeurs. Ce n’est même pas un corpus doctrinal. L’Évangile, c’est la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Une Bonne Nouvelle qui s’est incarnée dans l’histoire : Jésus a été annoncé par les prophètes, il est né issu de la famille de David. Mais elle bouleverse aussi l’histoire : Jésus est mort et ressuscité, proclamé Fils de Dieu.

J’ai l’impression que dans nos traditions évangéliques, on a eu tendance à avoir de l’Évangile une définition assez doctrinale, presque abstraite (les 4 lois spirituelles), dans laquelle on veut tout intégrer : le péché, la prédestination, la Trinité, voire même le millénium ! On y a parfois aussi ajouté certains impératifs moraux ou des valeurs indissociables : l’Évangile, c’est Jésus-Christ et tel changement de comportement, telle valeur, etc…

Tout cela est intéressant… mais est-ce qu’on ne risque pas de perdre de vue ce qui est le cœur de l’Évangile ? N’est-il pas salutaire de revenir à cette définition la plus sobre possible : l’Évangile, c’est Jésus-Christ. Car cela a des implications pratiques…

Si l’Évangile, c’est Jésus-Christ, alors accueillir l’Évangile, ce n’est pas adopter des valeurs, se conformer à une éthique ou adhérer à une confession de foi doctrinale. Accueillir l’Évangile, c’est rencontrer le Christ. Bien-sûr que cette rencontre aura des conséquences éthiques et théologiques, qu’elle va changer notre vie, notre vision de Dieu, du monde et de nous-mêmes. Mais tout cela sera une conséquence de la rencontre première avec le Christ.

Si l’Évangile, c’est Jésus-Christ, alors proclamer l’Évangile, c’est être témoin de Jésus-Christ. C’est raconter le Christ. C’est bien ce que font les quatre évangiles ! Ne sommes-nous pas appelés à faire de même dans notre témoignage personnel ? En le faisant, du coup, de manière personnalisée. Raconter le Christ qui nous est révélé dans la Bible et raconter le Christ dans ma vie.

Si l’Évangile, c’est Jésus-Christ, alors être fidèle à l’Évangile, c’est être fidèle au Christ. Il ne s’agit pas d’être les promoteurs de valeurs chrétiennes ou de comportements moraux évangéliques. Notre tâche première n’est pas d’être les défenseurs de la saine doctrine. Notre responsabilité première est d’être attaché au Christ et à son exemple. C’est là que se révèle la puissance de l’Évangile.

Car comment un code de morale ou un corpus doctrinal pourrait-il être une puissance de Dieu ? C’est Jésus-Christ, mort et ressuscité, qui est puissance de Dieu. La puissance qui a ressuscité le Christ d’entre les morts, c’est aussi celle qui est à l’œuvre dans notre vie.

L’Évangile, c’est Jésus-Christ. Tout simplement.

L’Évangile, c’est pour tous !

Une autre affirmation fondamentale sur l’Évangile, au cœur de cette introduction, c’est son caractère universel. L’Evangile, c’est pour tous !

C’est particulièrement pertinent dans le contexte de l’épître aux Romains où Paul travaille à l’unité de l’Église face aux difficulté de la cohabitation entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne. C’est au cœur de toute sa démonstration tout au long de l’épître et dès cette introduction.

Paul parle ici de l’Évangile comme d’une puissance pour sauver « tous ceux qui croient ». Et il décrit son ministère d’apôtre comme universel : « Je dois m’occuper de tous, des gens civilisés et de ceux qui ne le sont pas, des gens instruits et des ignorants. » Parce que l’Évangile n’est pas réservé à une élite, à quelques privilégiés ou une poignée d’élus.

En fait, si l’Évangile n’est pas pour tous, alors ce n’est pas l’Évangile du tout !

Cette puissance de Dieu, « pour les Juifs d’abord, les autres ensuite », c’est celle de la mort et la résurrection du Christ. Et l’accès à cette puissance est la même pour tous, Juifs ou non-Juifs : la foi. «  Dieu reconnaît les êtres humains comme justes quand ils croient en lui, et cette foi suffit ». Dieu nous déclare juste en vertu du Christ. Nous recevons sa justice, et nous sommes pardonnés. Et c’est la même chose pour tous ceux qui croient, qu’ils soient Juifs et païens, instruits ou ignorants, riches ou pauvres…

Cette universalité de l’Évangile nous interroge toujours sur le regard que nous portons sur notre prochain. Chaque être humain sur cette terre, quel qu’il soit, quoi qu’il ait fait, est un être que Dieu veut sauver, un pécheur perdu pour lequel Jésus-Christ a donné sa vie. Je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment le même regard sur tous nos contemporains…

A cet égard, j’aime beaucoup le livre de Jonas et son humour piquant, véritable pépite de l’Ancien Testament. C’est l’histoire d’un prophète qui refuse d’aller en Assyrie, chez l’ennemi, pour annoncer la destruction de Ninive de peur que ses habitants se repentent et que Dieu les épargne… et qui se met à bouder lorsque, justement, ça arrive ! Non sans humour, ce texte pointe du doigt notre difficulté, parfois, à accepter la grâce pour les autres. Pour ceux qui, nous le pensons, ne la mérite pas… oubliant que nous ne la méritons pas plus qu’eux !

Du coup, dire que l’Évangile est pour tous, c’est aussi dire qu’il est encore pour nous aussi. Il est pour tous, et toujours. Pour moi aujourd’hui encore. Sinon, c’est comme si on disait : l’Évangile, c’est pour la conversion. Après, on passe à autre chose, on va plus loin. Ca n’a pas de sens. C’est en Christ que se révèle toute la plénitude de Dieu, c’est par lui que s’accomplit tout le projet de Dieu. Que rechercher d’autre ?

Il est d’ailleurs intéressant de noter comment Paul expose ses projets de voyage à Rome. On le sent motivé, enthousiaste à l’idée d’aller les rencontrer. Dans quel but ? Pour leur annoncer l’Évangile. Pourtant, il écrit à des chrétiens… Ils ont déjà reçu l’Évangile. Mais celui qui a déjà reçu l’Évangile doit le recevoir encore. La rencontre avec le Christ est toujours à renouveler, notre relation à entretenir. L’histoire du Christ doit sans cesse nous rejoindre dans notre histoire.

L’Évangile, c’est pour tous, et pour tous les jours de ma vie !

Conclusion

L’Evangile, c’est Jésus-Christ. Tout simplement. Il est notre Seigneur, notre sauveur. Il est notre justice. Il est notre espérance. Il est le chemin, la vérité et la vie.

Pourquoi voudrions-nous y ajouter quoi que ce soit ?

Alors proclamons Jésus-Christ : racontons son histoire, son enseignement, son œuvre. Témoignons de son histoire dans notre vie. Attachons-nous à lui : rencontrons-le par la foi, et approfondissons notre relation à lui chaque jour.

C’est lui qui est la puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui croient !

L’église de rêve

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Lecture biblique: Apocalypse 3.7-13 (culte de sensibilisation à la cause des chrétiens persécutés, à l’initiative de l’ONG Portes Ouvertes)

Portes Ouvertes propose à notre méditation ce matin un passage du livre de l’Apocalypse. L’Eglise est alors persécutée à la fois par d’anciens compatriotes juifs, qui refusent de reconnaître en Jésus le Messie et font tout pour détruire les chrétiens, et par des païens qui luttent contre cette foi nouvelle qui ébranle leur mode de vie. Jean, disciple de Jésus, reçoit alors toute une série de révélations, qui ont pour but d’encourager l’Eglise persécutée : Dieu y révèle l’envers du décor, les coulisses du monde, invisibles à nos yeux, mais bien réelles. Il y rappelle essentiellement sa victoire, en Jésus mort et ressuscité, victoire déjà effective mais qui sera pleinement révélée lorsque Jésus reviendra. Au début du livre, Jean reçoit une vision du Christ, victorieux, fort, plein d’autorité, et le Christ lui demande d’écrire sept lettres, à destination de sept églises. Ces lettres suivent le même schéma : Jésus se présente, il adresse des compliments et/ou des reproches à l’église, puis des exhortations et/ou avertissements et une promesse à celui qui persévèrera dans la foi. Dans la lettre destinée à l’église de Philadelphie, il manque un des éléments… je vous invite à lire.        Lecture

Qu’est-ce qui fait une grande église ? Une église impressionnante, qui en jette ? De grands et beaux bâtiments (une grande église au sens littéral) ? son enracinement dans la tradition ? un soutien à beaucoup de missionnaires, des centaines d’invités au parcours Alpha, des enfants par dizaines… ? Peut-être une église avec beaucoup d’influence, avec un pasteur renommé, invité dans les conférences internationales… ? On a tous notre représentation de l’église de rêve ; mais quelle église impressionne Dieu ? La lettre à Philadelphie nous invite à regarder avec les yeux et les valeurs de Dieu : une église qui en jette, c’est une église fidèle. Une grande église, c’est une église fidèle. Peu importe le nombre de membres, peu importe le montant du budget ou le nombre de concerts d’évangélisation, une grande église, c’est une église fidèle à Dieu.

1)   Une église de valeur dans un écrin de faiblesse

La lettre à Philadelphie est une des deux seules, sur sept, à ne recevoir aucun reproche de la part du Seigneur. Bien plus, Jésus la félicite et l’encourage, et prend même la peine de lui dire explicitement qu’il l’aime. Elle est comme une perle précieuse à ses yeux.

Pourtant, c’est une église faible, avec peu de moyens, peu d’influence, peut-être peu de membres. Sa seule œuvre connue, c’est de tenir bon face aux persécutions des concitoyens juifs qui luttent contre l’« hérésie » chrétienne. Malgré toutes les pressions, ses membres refusent de renier le Christ. Leur « œuvre », c’est de croire, envers et contre tout, dans la puissance du Christ qui sauve par amour. Leur « œuvre » c’est la foi.

L’église de Philadelphie ressemble aux églises de l’ombre dont Pascale vous parlera tout à l’heure : des églises faites d’anciens musulmans, bouddhistes, hindous, qui vivent une persécution terrible de leurs proches, au point qu’ils perdent tout, parce qu’ils ont changé de foi.

A cette église, le Christ ne demande qu’une chose : « continue ! Tu es sur la bonne voie, petite église fidèle, restes-y ! persévère, c’est tout ce que je te demande ! » Il ne demande pas plus d’activité, d’influence, ou de puissance : non, « continue » !

Dieu chérit Philadelphie, mais il aime aussi les autres églises, bien sûr ! Les églises qui rayonnent, actives, dynamiques, avec beaucoup de membres, de baptêmes… Mais dans cette lettre, Dieu attire notre attention : dans toutes les églises, grosses ou petites, fortes ou fragiles, ce qui compte c’est la fidélité. D’ailleurs, dans les lettres qui s’adressent aux autres églises, souvent bien plus impressionnantes qu’à Philadelphie, le Christ adresse deux reproches : tu as perdu ton premier amour – ton enthousiasme pour Dieu, et, tu t’es laissée embarquée dans des compromis qui altèrent la Bonne Nouvelle du salut en Jésus seul.

Chaque église a ses projets, son profil, ses talents, mais ce qui compte en deçà, pour chacune, en tout temps et en tout lieu, c’est sa loyauté au Christ.

2)   Forts dans la faiblesse

Devant la fidélité de Philadelphie, malgré sa fragilité, le Christ déploie ses promesses : lui qui est fort, plein d’autorité (il a les clefs du Royaume de Dieu, il a l’autorité suprême – personne ne peut défaire ce que le Christ a fait, personne ne peut contrecarrer les plans du Christ ressuscité et victorieux), lui qui est fort va fortifier son église. Il va ouvrir une porte devant elle, lui assurer un avenir. De fait, historiquement, l’église de Philadelphie a été le dernier bastion chrétien à tenir face aux Turcs au XIVe siècle.

Il va lui livrer ses opposants, les persécuteurs – Jean parle de synagogue de Satan parce que ce sont des Juifs qui luttent contre l’église, il aurait parlé autrement si ç’avait été des païens, des athées, des bouddhistes, des musulmans… ce qu’il vise, c’est le persécuteur ! Peut-être que la porte ouverte, c’est les persécuteurs livrés à l’église, qui reconnaissent enfin, dans cette communauté, que Dieu les aime, que Dieu sauve en Jésus-Christ.

J’ai été très impressionnée, il y a quelques mois, par le témoignage d’une jeune femme emprisonnée, qui devait être torturée pour renier sa foi au Christ. Elle a beaucoup prié pour ne pas être torturée, mais elle n’a pas pu y échapper. Pourtant, au pire de l’interrogatoire, elle a ressenti une paix et une assurance inimaginables, et elle a pu affirmer, clairement, que Jésus est son sauveur. Les gardes l’ont reconduite dans sa cellule, mais au milieu de la nuit, l’un d’eux est venu frapper à sa porte pour en savoir plus sur Jésus : depuis, il croit, sa famille croit, il est même devenu pasteur.

Peut-être que c’est aussi ce genre de porte ouverte que le Christ promet à son église : malgré la fragilité et la simplicité, son témoignage fidèle portera du fruit.

Le Christ ajoute d’autres promesses : il la gardera dans l’épreuve – il lui donnera la force de persévérer et de tenir, il veillera sur elle. Et puis, à ceux qui auront persévéré jusqu’au bout, il accordera une place de choix aux côtés de Dieu, un nom nouveau, une carte d’identité du royaume de Dieu aussi permanente qu’une colonne. Ceux qui ne dorment plus que d’un œil, harcelés par leurs proches ou leur gouvernement, ceux que tous ont rejeté, ceux qui ont tout perdu (travail, famille, maison), à cause de leur foi au Christ, ceux-là reçoivent cette promesse extraordinaire d’être des colonnes inébranlables dans la maison de Dieu, pour toujours.

Conclusion

Apocalypse, livre des révélations. Que nous révèle cette lettre ? D’abord, que l’habit ne fait pas le moine – Dieu regarde au cœur, et il se réjouit avant tout d’une foi sincère et persévérante, même si elle paraît simplette à d’autres.

Ensuite, Dieu nous invite à deux choses : d’abord soutenir les frères et sœurs ballottés par les vents – dans la prière, la rédaction de cartes postales d’encouragement, l’envoi de Bibles : tout ce qui pourra les aider à tenir jusqu’au bout. Ne méprisons pas ce que Dieu chérit, ne soyons pas éblouis par les chrétiens célèbres au détriment de nos frères et sœurs qui luttent, dans l’ombre, mais en qui Dieu voit la même valeur.

Dieu nous invite à soutenir les églises de Philadelphie d’aujourd’hui, et il nous demande aussi de nous laisser enseigner par elles. De les prendre pour modèles. Que nous aussi, nous soyons forts par la force de Dieu. Que nous aussi, avec notre puissance et nos facilités, nous soyons d’abord pleins de loyauté et de fidélité envers Dieu, que nous proclamions l’Évangile avec joie et fierté – car celui qui nous a sauvés est le sauveur, le Seigneur, qui offre une nouvelle vie à ceux qui se tournent vers lui.

Vivre avec la porte entrouverte

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-avec-la-porte

Aujourd’hui nous terminons notre série sur la lettre de Jacques, apôtre, aux premières églises. Jacques ne fait pas vraiment de conclusion classique, avec salutations et résumé, mais il termine avec des exhortations, un peu pêle-mêle, qui rappellent les thèmes déjà évoqués : par exemple, le poids de la parole, l’importance de la persévérance, ou encore le soutien aux faibles.

Lecture biblique Jacques 5.7-20

Il est là. Il est vraiment là. Il est sur le seuil. Il attend son heure, sur le pas de la porte, au seuil de notre temps, mais il est déjà là, prêt à entrer. Jésus est là, le Ressuscité, vainqueur du mal et de la mort, se tient prêt, prêt à revenir manifester au monde entier sa victoire d’il y a 2000 ans.

Prenons-nous cette affirmation au sérieux ? Comment vivons-nous à la lumière de ce « bientôt » ? Alors certes, Jacques dit que Jésus revient bientôt – et ça fait presque 2000 ans. Bientôt : cela signifie surtout que Jésus est proche, qu’il est à la porte, et qu’il peut entrer à n’importe quel moment, demain, dans 10 ans, dans 3000 ans… N’importe quand, mais peut-être ce soir ! Il est sur le seuil. A ceux qui savent que Jésus est proche, la porte est comme entr’ouverte, car nous distinguons dans l’ombre sa présence et son regard. Il est là, nous le savons.

Prenons-nous cette affirmation au sérieux ? Jacques termine sa lettre avec diverses recommandations, mais au fond, un appel retentit : persévérez ! Tenez bon, car le Christ est à la porte, et la porte est entr’ouverte… Sans reprendre tout en détail, j’aimerais ce matin souligner trois caractéristiques de cette persévérance que Jacques nous appelle à vivre.

1)   Dans la prière

Qu’est-ce que la persévérance ? il ne s’agit pas d’attendre en se tournant les pouces ou en se résignant à l’impuissance : persévérer, c’est faire œuvre d’endurance. C’est tenir bon, jusqu’au bout – comme un coureur de fond qui serre les dents et qui tient, jusqu’au dernier mètre ! Jacques s’adresse à des chrétiens en grande partie éprouvés – par l’oppression sociale, la persécution, la maladie – tentés de se décourager et de baisser les bras, ou au contraire de prendre les armes et de se révolter, cédant à la violence et la l’injustice. Jacques appelle à persévérer, comme l’agriculteur bien forcé d’attendre que les saisons passent pour pouvoir récolter ce qu’il a semé. Il ne part pas en vacances pendant trois mois ; mais il ne creuse pas non plus le sol pour tirer sur les plants de tomates ou de haricots ! Il attend, oui, mais activement, préparant le terrain, préparant sa ferme, pour le jour J. Il attend avec confiance, sachant que dans la terre, invisibles à l’œil nu, poussent tranquillement les plantes semées.

Persévérer, endurer, attendre activement, voilà l’attitude à avoir, une attitude qu’illustre très bien la prière. Que fait celui qui prie ? Il ne se résigne pas à la situation, mais il ne prend pas non plus le pouvoir : il s’en remet à Dieu. Il tend les mains vers Dieu, pour lui confier ce qu’il vit : sa vie, sa personne, ses relations, ses peines, ses joies, ses projets…

Jacques s’attarde en particulier sur la prière pour les malades. Il encourage l’église à prier avec foi pour ceux qui sont gravement malades : avec foi, avec la confiance de ceux qui savent que Jésus est sur le seuil, et qu’il peut, s’il le veut, passer sa main par la porte entrebâillée pour relever celui qui agonise. Car si Jésus est là, tout près, il peut intervenir dans notre vie. Vivre en sachant que la porte est entr’ouverte, c’est oser prier que Dieu donne, dès maintenant, comme un avant-goût de ce que nous vivrons avec lui dans l’éternité, parce que la résurrection du Christ a fait sauter les verrous de la porte et que le règne de Dieu est tout près.

Cela étant, loin de Jacques l’idée d’ordonner à Dieu de guérir, de faire ceci ou cela : non, prier avec foi, c’est prier avec la certitude que Dieu est puissant, qu’il est bon, et qu’il nous répondra – tout en recevant avec humilité et confiance la réponse que Dieu décidera de nous donner : parfois la délivrance, parfois la foi nécessaire pour supporter l’épreuve.

2)   Dans la fidélité

Lorsqu’il évoque la prière pour les malades, Jacques touche à un aspect qui vous a peut-être interpellés : la question du péché, du mal dont nous nous rendons coupables. Il ne dit pas que toute maladie vient d’une faute à expier, d’ailleurs Jésus a souvent résisté à cette interprétation, et l’histoire de Job est bien l’exemple du juste éprouvé, jusque dans son corps, sans lien avec une faute particulière.

Pourquoi évoquer alors la question du péché ? D’abord parce que parfois – mais bien sage qui saura le discerner chez l’autre – parfois, une faute cause une maladie ou empêche la guérison. Mais, plus largement, c’est un appel à la cohérence. Si je demande à Dieu de me guérir, physiquement, comment pourrais-je rester aveugle sur mes troubles intérieurs ? le corps est important, mais l’âme encore plus ! Quand je prie pour être guérie, je demande à Dieu de me relever physiquement, mais la logique veut que si je prie pour être relevée, j’accepte aussi que Dieu me relève spirituellement, que Dieu me guérisse de ma culpabilité, de mon péché, des mensonges et des amertumes qui pourrissent ma vie…

Avec persévérance, nous cherchons à vivre toujours plus comme demain, quand Jésus aura passé la porte et instauré sa justice et sa paix : ne plus juger les autres mais les soutenir, ne plus mépriser le petit mais l’élever, ne plus regarder aux richesses illusoires mais chercher ce qui dure, ce qui est beau et bon aux yeux de Dieu. Être fidèle au Christ, c’est par exemple résister à la tentation de la manipulation ou de l’hypocrisie : Jacques évoque les contrats, les serments – que votre oui soit oui ! Tenez votre parole, sans ajouter de lignes en petits caractères pour vous dédouaner quand ça vous arrange ! Ce qui paraît être un détail de la vie chrétienne, nos serments, est un appel à l’intégrité et à la sainteté : cherchez à honorer Dieu dans toute votre vie, dans les grands moments et les petits détails !

3)   Dans la communauté

Dans la prière comme dans la recherche de sainteté, la communauté est essentielle. Comme les coureurs qui vont à plusieurs pour s’encourager et se soutenir quand l’un ou l’autre faiblit, les chrétiens ont besoin les uns des autres pour s’encourager à persévérer en attendant que Jésus passe la porte.

Prenez la prière : la nécessité d’avoir une relation personnelle avec Dieu, dans l’intimité et la solitude, n’empêche pas de partager nos joies et nos peines en communauté ; c’est d’autant plus vrai quand on touche le fond et qu’on ne peut plus prier qu’avec difficulté et angoisse, car alors le soutien de la communauté est nécessaire – non pas en entier dans la chambre du malade, mais représentée par ses responsables, les membres du conseil p. ex. Toute notre vie gagne à être vécue avec les autres croyants, mais il y a des moments où c’est indispensable : quand pointent le besoin de réconciliation, la lutte contre l’amertume ou la culpabilité, l’égarement, le découragement, l’angoisse. Il ne s’agit pas de tout confier à tout le monde, mais de compter sur quelques uns, dans l’église, avec qui nous ferons équipe pour aller plus loin. Un exemple : dans les périodes de tentation, de quelque nature qu’elle soit, lutter seul est une aberration. Se confier, par contre, à quelqu’un, et prier à deux, toutes les semaines, tous les jours s’il le faut, pour résister et se fortifier, voilà  qui permet de persévérer. Dieu nous offre les moyens de tenir le bon cap, quelque soit la force des vents ou la hauteur des vagues : c’est sa Parole, la Bible, c’est la prière, c’est le soutien des autres, par lesquels Dieu agit pour nous relever.

Conclusion   

Vivre en sachant que Jésus est sur le seuil et que la porte est entr’ouverte, c’est persévérer, dans la prière – en nous confiant à Dieu, dans la fidélité – en cherchant à vivre toujours mieux en accord avec ce Dieu que nous prions, dans la communauté des croyants – où nous expérimentons concrètement l’amour et la solidarité. Debout sur le seuil, Jésus nous invite à faire un pas de plus dans la bonne direction, il nous encourage à tenir malgré les difficultés.

Jacques s’est concentré sur la part que nous avons à faire, mais à la fin de cette lettre résonne encore la promesse du début : si quelqu’un manque – de sagesse, de persévérance, de sainteté, de patience, d’amour, de solidarité… – qu’il la demande à Dieu, avec foi, en sachant que Dieu va répondre, parce qu’il est généreux et bienveillant, plein de grâce et de compassion.