Archives mensuelles : mai 2016

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Partager, c’est multiplier !

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/partager-cest-multiplier

Lecture biblique : Luc 9.10-17

Peu de temps avant notre récit, Jésus avait envoyé ses douze apôtres, deux par deux, pour annoncer le Royaume de Dieu et guérir les malades. Jésus leur en a donné le pouvoir. De retour auprès de Jésus, ils ont plein de choses à raconter. Et ils sont peut-être aussi un peu fatigués… Du coup, Jésus les emmène à l’écart de la foule.

Mais impossible d’être tranquille et de souffler un peu… Jésus semble dépassé par son succès ! Les foules le suivent partout, elles ne sont pas rassasiées de son enseignement et de ses miracles. Et Jésus les accueille. Il leur parle du Royaume de Dieu et guérit les malades. Toujours disponible…

Et une fois de plus, les disciples vont avoir un petit peu de mal à suivre Jésus. Le dialogue qu’ils ont avec leur maître en témoigne. Les disciples voient Jésus accueillir et guérir ceux qui viennent à lui. Tout ça c’est bien joli mais il faut garder un peu les pieds sur terre. Et les disciples sont là pour ça ! Il commence à se faire tard, il faut penser aux besoins premiers des foules : il faut qu’ils trouvent un lieu pour se loger et se nourrir. Ils pourront toujours revenir demain… « Allez, Jésus, renvoie-les ! » Parler du Royaume de Dieu c’est bien, mais il y a aussi des besoins physiques qu’il faut combler. Il y a un temps pour tout…

Et là, Jésus répond : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Bon… les disciples ne se démontent pas, ils gardent toujours les pieds sur terre : ce n’est pas avec cinq pains et deux poissons qu’on va nourrir toute cette foule ! On va devoir aller acheter de la nourriture pour tout le monde ? On offre une tournée générale ? Et là, Judas, qui tenait la bourse, a dû un peu tiquer quand même !

En fait, pas du tout, Jésus a une autre solution. Il y a environ 5000 personnes ? Bon, on le fait asseoir par groupes d’une cinquantaine. Les disciples obéissent… pas sûr qu’ils comprennent vraiment où Jésus voulait en venir mais ils n’en sont pas à une surprise près avec leur maître ! Peut-être qu’il organise leur départ pour que ça se passe dans l’ordre, sans mouvement de foule excessif.

Et là Jésus prend les 5 pains et 2 poissons. Peut-être pour dire aux foules : « Vous voyez, on n’a que ça à manger, ça ne suffit pas. Il faut qu’on aille acheter de la nourriture pour tout le monde ! » Peut-être qu’il va même demander à ce que les foules participent financièrement ! On partage l’addition !

Mais non, il lève les yeux vers le ciel et prie. Une simple prière de bénédiction sur les pains et les poissons. Il y a tout juste assez pour le petit groupe des disciples. « On ne va quand même pas manger devant la foule qui nous regarde ? » Non, il faut les distribuer à la foule ! 5 pains et 2 poissons ! Pour 5000 personnes !!!

Et les disciples obéissent. Que peuvent-ils faire d’autre ? Mais avec ce qu’ils ont, le repas va être plus que frugal… Alors ils commencent à distribuer. Sans doute des toutes petites parts… et en sachant qu’il n’y en aura pas pour tout le monde ! Enfin, c’est ce qu’ils font au moins au début. Parce qu’à chaque fois qu’ils reviennent vers Jésus, il reste du pain et des poissons. Si bien qu’ils commencent à donner de plus grosses parts. Ceux qui avaient été servis en premier reçoivent sans doute une deuxième part, plus généreuse. Et finalement, tout le monde mange à sa faim. Incroyable. Les 5000 personnes ! Et il y a même 12 paniers de reste ! De quoi nourrir les disciples pour les prochains jours…

Alors que retenir de cet épisode ? C’est un miracle qui ne ressemble à aucun autre. Et qui est, à sa façon, comme tous les miracles des évangiles, un signe du Royaume de Dieu.
Un miracle qui invite au partage

Jésus aurait pu, en un clin d’oeil, multiplier les pains et les poissons. Il ne l’a pas fait. Dieu aurait pu faire que, immédiatement après la prière de Jésus, les paniers se remplissent de pains et de poissons. Il ne l’a pas fait non plus.

La multiplication se déroule alors que les disciples distribuent la nourriture. C’est en partageant que le miracle s’accomplit. Et il y a là un signe fort : le Royaume de Dieu, c’est le partage !

Le Royaume de Dieu, c’est Dieu qui s’est fait homme. Dieu qui est venu partager notre condition, Jésus-Christ qui a donné sa vie en partage et qui donne la vie éternelle à tous ceux qui croient.

Le Royaume de Dieu, c’est là où l’amour doit être partagé : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé. » La première communauté de disciples l’avait compris, de façon très concrète : ils vendaient tous leurs bien pour les mettre en commun, ils les partageaient pour que personne ne manque de rien. (Actes 2.44-45) C’était un peu radical ? Peut-être… Mais plus tard, l’apôtre Paul organisera une collecte en faveur des chrétiens de Jérusalem, invitant clairement les églises au partage.

Comment recevons-nous, aujourd’hui, cette invitation au partage ? Quel partage vivons-nous dans l’église ? Quelle place le partage a-t-il dans notre vie ?

Il faut dire que le partage, c’est presque une valeur subversive dans notre société individualiste et matérialiste… Et pourtant, c’est une soif que nos contemporains ont ! Les grognes sociales d’aujourd’hui traduisent cette soif. Même s’il y a des excès dans les discours et les méthodes… Mais il y a un sentiment général que le gâteau n’est pas partagé par tout le monde. On vit quand même dans un monde où 1% de la population mondiale possède autant de richesse que les autres 99% ! En France, un grand patron gagne, en moyenne, 105 fois plus qu’un salarié de base.

Dans ce contexte, l’Évangile a quelque chose à apporter… s’il est authentiquement vécu par les chrétiens. Et s’il est difficile de faire changer en profondeur une société, notre récit de l’Évangile souligne que dans le Royaume de Dieu, très peu (5 pains et 2 poissons) peut devenir beaucoup (12 paniers de restes). Ne négligeons pas les petits commencements…

Et cela entre en échos avec plusieurs paraboles du Royaume, comme celle du grain de moutarde, si petit, qui pourtant donne naissance à une plante aussi grande qu’un arbre. Ou celle du levain, presque invisible, mais qui fait lever toute la pâte.

Croyons-nous à la puissance du Royaume de Dieu ? Croyons-nous à la nécessité, et l’urgence, de le partager ?

Le Royaume de Dieu, c’est le partage. Et dans le partage, ce qui est petit devient grand. Partager, ce n’est pas diviser, c’est multiplier !
Avant le miracle : une prière ordinaire

Avant que le miracle ne se produise, rien ne le laissait présager. Une simple prière le précède. Et quelle simplicité dans la prière de Jésus ! Il ne demande pas à Dieu de multiplier les pains et les poissons. Il aurait pu… Mais il prononce simplement une bénédiction, comme on le fait avant n’importe quel repas. C’est tout. Et le miracle a lieu…

L’extraordinaire surgit de l’ordinaire, à un moment et d’une façon auxquelles on ne s’attend pas. Il en est de même du Royaume de Dieu. Il s’incarne dans le quotidien, et il peut parfois, à notre surprise, transformer l’ordinaire en extraordinaire.

L’ordinaire de la foi mise en pratique. Dans la confiance. J’aime voir dans cette prière de Jésus l’expression de sa confiance dans son Père. « 5 pains et 2 poissons pour 5000 personnes ? Je te fais confiance ! ».

L’ordinaire du partage, de la solidarité, de l’amour. L’ordinaire de l’Évangile incarné dans notre quotidien. De cet ordinaire-là peut surgir l’extraordinaire du Royaume de Dieu, et de la rencontre avec le Christ vivant.
Après le miracle : les restes

Un autre élément intéressant dans ce récit est ce qui se passe après le miracle. Il y a des restes ! Le Seigneur aurait pu se contenter de pourvoir juste à ce qu’il fallait pour que tout le monde mange à sa faim. Ca aurait déjà été pas mal ! Mais non, il va au-delà. Parce que le Royaume de Dieu, c’est un Royaume d’abondance.

Plus de monde encore aurait pu être nourri, la foule aurait pu être plus grande, il y avait encore de la place pour d’autres. Il y a toujours de la place dans le Royaume de Dieu ! Les 12 paniers de reste sont une invitation à poursuivre le partage. Toujours.

Conclusion

Ce miracle de Jésus, comme tous les autres, n’est pas gratuit. Il ne l’accomplit pas pour épater la galerie mais pour poser un signe du Royaume de Dieu. Et ce miracle est une invitation au partage.

Le Royaume de Dieu est partage. Et nous sommes appelés à le vivre et à le transmettre. Est-ce que je suis convaincu que partager, c’est multiplier ? Multiplier les occasions d’aimer, multiplier les manifestations concrètes du Royaume de Dieu.

Alors quels sont les pains et les poissons que j’hésite encore à partager ? Comment pourrais-je demain laisser plus de place au partage qu’aujourd’hui ? Quel est le prochain pas que je suis appelé à faire ?

Échos de Pentecôte

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/echos-de-pentecote

Texte biblique : Actes 2.1-11

L’épisode de la venue du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte accomplit la promesse de Jésus à ses disciples. Au début du livre des Actes, il leur disait : « vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde. » (Ac 1.8) On peut même dire que cet épisode marque le point de départ de l’histoire de l’Église.

Mais il entre aussi en écho avec d’autres récits bibliques importants. Des échos qui viennent enrichir notre compréhension de l’événement de la Pentecôte.

Un écho au don de la Loi

Pentecôte, c’est d’abord une fête juive où l’on commémore le don de la Loi au temps de Moïse.

L’épisode est relaté dans le livre de l’Exode (chapitre 19). Dieu convoque Moïse sur le mont Sinaï et invite le peuple à se rassembler mais surtout sans approcher de la montagne, sous peine de mourir. Moïse monte donc à la rencontre de Dieu et les éléments naturels se déchaînent : tonnerre, éclairs, fumée, feu. Alors Dieu parle à son peuple depuis la montagne et lui donne les 10 commandements. Plus tard ces paroles seront gravées sur deux tablettes de pierre par Dieu lui-même.

Or, dans le livre des Actes, les phénomènes spectaculaires rappellent ceux du mont Sinaï : le bruit violent, la tempête, le feu. Et Dieu parle aussi, mais cette fois par la bouche des apôtres. Pierre expliquera aux foules le sens de cet événement. Les promesses des prophètes s’accomplissent : l’Esprit de Dieu est répandu sur tous. On peut penser aussi à la promesse de nouvelle alliance chez Jérémie, où Dieu promet de graver sa loi, non plus sur de la pierre mais directement sur les cœurs (Jr 31.33).

Pentecôte, c’est une promesse qui s’accomplit. Une promesse qui reste vraie aujourd’hui : Dieu, par son Esprit, grave sa Loi dans notre cœur. Il nous rend capable de faire sa volonté, parce qu’il habite en nous. Quelle bonne nouvelle !

Un écho à l’appel d’Abraham

L’événement de la Pentecôte fait aussi écho à un autre épisode fondateur, celui de l’appel d’Abraham.

Quand Dieu appelle Abraham à quitter son pays, il lui donne la promesse d’une descendance nombreuse par laquelle seront bénies « toutes les familles de la terre » (Gn 12.3). Cette portée universelle de la promesse de Dieu sera reprise chez les prophètes et trouve un accomplissement particulier le jour de la Pentecôte. Grande fête de pèlerinage, elle rassemblait des croyants de tous les pays qui ont entendu parler des merveilles de Dieu dans leur propre langue. C’est le point de départ de l’annonce universelle de l’Évangile.

Désormais, la bonne nouvelle sera annoncée jusqu’au bout du monde, selon le commandement de Jésus. Et par cet Evangile proclamé à tous, par cette bonne nouvelle du salut, offerte à tous les hommes, toutes les familles de la terre seront bénies. Ainsi la promesse faite à Abraham est aujourd’hui encore en cours d’accomplissement.

Pentecôte, c’est un appel qui retentit. Un appel auquel répondre aujourd’hui comme hier. Un appel à retransmettre à tous les peuples, dans toutes les langues, celui du message de l’Évangile.

Un écho à la tour de Babel

Enfin, Pentecôte entre aussi en écho avec un épisode moins heureux de l’histoire biblique : la tour de Babel.

La Genèse (chapitre 11) dit que l’humanité parlait alors une seule langue. Contrairement au commandement reçu du Créateur de se multiplier et de remplir toute la terre, les hommes décident de s’arrêter, de bâtir une ville et de construire une tour qui va jusqu’au ciel. Un défi lancé à Dieu. Mais Dieu descend pour plonger l’humanité dans la confusion en créant les différentes langues, si bien que, ne se comprenant plus, les hommes sont obligés d’arrêter la construction de la tour et de se disperser.

Pentecôte, c’est un anti-Babel. A Babel, l’humanité voulait monter jusqu’à Dieu par défi et a été dispersée par la confusion des langues que Dieu a jetée sur elle. A Jérusalem, en ce jour de Pentecôte, c’est Dieu qui est descendu parmi les hommes par son Esprit, pour les réconcilier. Le miracle des langues en est le signe. Alors que l’humanité de Babel s’est divisée par la confusion des langues, l’humanité de Pentecôte est réconciliée, dans toutes ses langues, par l’unique message de l’Évangile.

Pentecôte, c’est un signe dans l’histoire. Le signe d’une humanité réconciliée, qui est au cœur du projet de Dieu. Une humanité réconciliée avec Dieu, et les uns avec les autres.

Quel écho dans ma vie ?

Mais il ne faut pas en rester là. Pentecôte est une promesse qui s’accomplit. Mais comment s’accomplit-elle dans ma vie ? C’est un appel qui retentit. Mais comment est-ce que j’y répond aujourd’hui ? C’est un signe dans l’histoire. Mais comment ce signe marque-t-il mon histoire ?

Bref, quels échos Pentecôte a-t-elle dans ma vie ? Voilà la question à se poser…

Pour nous aujourd’hui, la Pentecôte ne sert à rien si elle n’est qu’un événement du passé, un moment dans l’histoire de l’Église. Dans ce cas, c’est juste l’occasion d’avoir un long week-end de plus avec le lundi de Pentecôte.

Non. Pentecôte doit être plus que cela pour le croyant. C’est une fête chrétienne importante. Si Pâques est la fête centrale rappelant l’oeuvre accomplie par le Christ, mort et ressuscité. Pentecôte est la fête qui rappelle qu’en venant habiter le croyant, le Saint-Esprit nous met en marche.

A Pâques, le Seigneur nous dit : « J’ai tout accompli ». A Pentecôte, il nous dit : « A vous de jouer maintenant !  Soyez mes témoins ! »

Pentecôte est une réalité à vivre tous les jours. Celle de la présence en nous du Saint-Esprit qui nous rend capable de faire la volonté de Dieu. Dans quelle mesure est-ce vrai dans ma vie ?

L’appel de Pentecôte à faire entendre dans toutes les langues les merveilles de Dieu nous concerne aussi, évidemment. Quelle part je prends à l’annonce de la bonne nouvelle du salut, ce message universel par lequel toutes les familles de la terre doivent être bénies ?

Et ce signe de réconciliation que constitue Pentecôte, comment s’incarne-t-il dans ma vie ? Comment je fais œuvre de réconciliation ? Conformément à l’exhortation de l’apôtre Paul aux Corinthiens : « Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation » (2 Co 5.18 – TOB)

La réalité de Pentecôte aujourd’hui, dans notre vie, dans notre Église, elle se manifestera dans nos vies transformées par la Parole de Dieu, dans notre proclamation de l’Évangile à tous, et dans notre engagement pour la paix et la réconciliation.

Quel écho Pentecôte a-t-elle dans notre vie, dans notre Église ?

Conclusion

N’oublions pas la fête de Pentecôte. Elle est non seulement la commémoration d’un événement historique dans l’histoire de l’Église, mais elle est aussi une fête à vivre aujourd’hui. Nous devons laisser résonner en nous le message de Pentecôte. C’est une promesse, un appel et un signe qui nous encouragent, nous interpellent, nous bousculent.

Entendons donc ce que le Seigneur nous dit en ce jour de Pentecôte : « J’ai tout accompli et je t’ai donné mon Esprit. Maintenant, à toi jouer ! Sois mon témoin ! »

Que tous soient un

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Lecture biblique: Jean 17.20-26

A quoi pense Jésus alors qu’il avance vers la mort ? Avant d’être arrêté par les soldats pour être condamné, Jésus se prépare à l’épreuve qu’il va vivre en allant prier au jardin de Gethsémané. Jésus, après avoir exprimé à Dieu son angoisse devant la mort à venir, se remet à la volonté de son Père céleste dans la prière. Dans cette prière apaisée, Jésus prie pour lui, afin que sa mort serve à honorer Dieu, il prie pour ses disciples, pour qu’ils soient gardés dans les temps troublés qui les guettent, et il finit par prier pour les croyants futurs, la partie que nous allons méditer. Là, il se projette au-delà de sa mort, de sa résurrection 3 jours après, mais aussi au-delà de son retour auprès de Dieu (l’ascension) et de l’envoi de l’Esprit (la Pentecôte, quelques jours plus tard).

Cette prière nous révèle ce qui occupe les pensées du Christ au moment de marcher vers la croix : l’église. La foule d’hommes et de femmes à qui il offre le salut, d’avance. Cette prière a la force des dernières volontés, d’un testament, de ces derniers mots qui n’expriment pas tout mais qui concentrent l’essentiel.

Jésus porte un regard sur son œuvre accomplie auprès des disciples, l’enseignement qu’il a donné, et que les disciples sont appelés à transmettre, et il confie à Dieu l’aboutissement de son œuvre : ce que l’Eglise est appelée à vivre pour profiter pleinement de ce que Jésus a accompli. Et j’aimerais m’arrêter sur deux aspects de ces dernières volontés, de cette prière de Jésus pour l’Eglise.

1)   Se centrer sur Jésus

Premièrement, ce qui ressort de cette prière, c’est que la vocation de l’Eglise est de se centrer sur Jésus. Jésus est au centre, de cette prière comme de notre foi, et l’église n’a d’autre fondement que le Christ, le Christ seul. Jésus est le chemin unique qui nous conduit à Dieu, pour la simple raison qu’il est Dieu devenu homme. C’est la spécificité de l’Evangile, de la foi chrétienne : notre conviction que ce n’est pas l’homme qui trouve Dieu, mais que c’est Dieu qui rejoint l’homme, en se faisant homme lui-même en Jésus-Christ. Jésus nous permet d’aller à Dieu car il est Dieu qui vient à nous.

Jésus nous montre Dieu : il nous dévoile ses pensées dans ses enseignements, il manifeste sa puissance dans ses miracles, il témoigne de l’amour et de la justice sans failles de Dieu lors de ses rencontres. Il ne se contente pas de rendre visible le Dieu invisible de loin, mais il nous met en relation avec Dieu. Il nous met en contact avec Dieu. C’est la différence entre voir un film biographique sur un génie de la musique et rencontrer ce génie, passer du temps avec lui, devenir son ami. En lui, nous rencontrons Dieu.

Par lui et par lui seul, nous avons accès à l’amour mystérieux de Dieu, cet amour que nous décrivons par la Trinité : Dieu en trois personnes, Dieu père, fils, Saint Esprit, un seul Dieu mais relationnel, éternellement rempli d’amour. Jésus se rend solidaire de nous dans son humanité, pour nous rendre accessible cet amour qui caractérise la vie de Dieu, pour nous associer à cet amour riche & débordant. Quand nous nous attachons à Jésus, Dieu nous aime comme il l’aime! Lorsque nous nous attachons à ce que Dieu a de plus précieux, Jésus, nous devenons ce que Dieu a de plus précieux.

Tout ce que nous vivons, notamment en église, passe au crible de ce critère-là : est-ce que Jésus est au centre ? Dans nos cultes, dans nos prières, dans nos activités, mais aussi dans notre foi : l’apôtre Paul dit aux Corinthiens qu’il ne prêche que le Christ – or Paul évoque énormément de sujets. Toutefois, dans cette diversité, il se réfère constamment au Christ, pas à d’autres penseurs, pas à d’autres sagesses : si le Christ révèle Dieu, parce qu’il est Dieu devenu homme, alors il n’y a aucun autre chemin pour comprendre ce que Dieu désire pour notre vie. C’est par le Christ que Dieu nous aime, nous sauve et nous conduit.

2)   Grandir dans l’unité

Être unis à Jésus, vivre en lui, par la foi, c’est être unis à Dieu, c’est recevoir de la richesse d’amour de Dieu qui déborde jusqu’à nous, par Jésus. Mais cette union à Dieu dépasse notre foi privée et intérieure : elle nous relie aux autres croyants attachés à Jésus. C’est la dominante de cette prière : que tous soient un, comme Dieu et Jésus sont un, parce que tous sont un avec Jésus. Que tous soient un. L’unité est au cœur des dernières volontés de Jésus, l’unité entre les croyants qui atteste que c’est bien à Dieu qu’ils sont reliés par Jésus, que c’est bien cette harmonie divine qu’ils reçoivent en Jésus, que c’est bien à cette source d’eau vive qu’ils étanchent leur soif.

Jésus donne deux commandements : aimez-vous comme je vous ai aimés, et allez dans le monde annoncer le salut de Dieu que je viens vous offrir. L’amour entre nous, l’unité qui nous rassemble, est au cœur de la mission et de la prière de Jésus. Ce n’est pas facultatif : être proche de Dieu, c’est être proche de ses proches. Etre chrétien, c’est être membre du peuple de Dieu, membre de l’église, ce que montre concrètement le baptême.

Cela dit, l’unité que Jésus appelle de sa prière n’est pas une unité de façade, un accord superficiel basé sur le plus petit dénominateur commun. L’amour n’est pas notre Dieu : Dieu est notre Dieu. Dieu est aimant, mais il est aussi la vérité, et notre unité entre croyants ne peut avoir du sens que si elle a un fondement et un but communs. Être unis entre nous, c’est d’abord être unis au Christ qui nous unit : il ne s’agit pas de tout relativiser, tout accepter, tout considérer comme équivalent, en disant que l’essentiel c’est l’amour. Non ! L’essentiel c’est Dieu ! un Dieu d’amour et de vérité !

Cette unité nous est donnée dans la foi commune à Jésus, mais elle se travaille, elle doit se parfaire – et c’est ce que Jésus demande à Dieu pour l’Eglise : parfaire l’unité qui rassemble les croyants. Et cette unité grandit lorsque nous nous centrons sur l’essentiel ensemble. Lorsque nous lisons la Bible ensemble et que nous cherchons ce qui prime pour Dieu. Lorsque nous prions ensemble et que nous demandons ce que Dieu désire pour nous. Lorsque nous nous approprions ensemble les priorités de Dieu et que nous cherchons ensemble comment réaliser la mission qu’il nous donne. L’église n’est pas seulement un lieu de ressourcement personnel – même si j’espère qu’elle l’est aussi. C’est l’endroit où nous expérimentons l’unité avec Dieu, à notre niveau, au culte qui nous rassemble, mais aussi hors du culte, dans des rencontres spécifiques qui nourrissent nos convictions communes et donnent un fondement ferme à notre amour fraternel. Plus nous nous centrons ensemble sur Jésus, plus nous serons proches les uns des autres. Plus nous sommes convaincus que Jésus prime, son œuvre, son salut, la mission qu’il nous confie, plus nous sommes prêts à mettre de côté les inévitables divergences qui pourraient nous séparer. Avant de conclure, j’aimerais juste rappeler la devise reprise par notre union d’églises évangéliques libres : « Dans les choses essentielles, fidélité. Dans les choses secondaires, liberté (droit à ne pas être d’accord, à faire les choses différemment). En toutes choses, charité. »

Conclusion            

Je crois que le monde a soif de sens, soif d’un amour que nul être humain ne peut donner, soif d’une espérance que nul projet ne peut offrir. Jésus nous ouvre les portes de la vie avec Dieu, une vie nourrie par la vérité et la justice de Dieu, abreuvée par son amour, illuminée par sa présence. Lorsque nous nous centrons sur Jésus, quitte à renoncer à ce qui est périphérique, lorsque nous nous centrons sur l’essentiel et que nous cherchons à le vivre pleinement, nous donnons un témoignage de ce sens, de cet amour, de cette espérance que l’on trouve en Dieu grâce à Jésus-Christ. Nous devenons, comme c’est la vocation de chaque communauté, un lieu de vie et de rencontre avec Dieu, la preuve qu’il est possible de rencontrer Dieu et de vivre avec lui. Que Dieu nous aide à devenir parfaitement unis au Christ et les uns aux autres, afin que son amour et sa justice soient visibles et accessibles à tous les assoiffés de notre temps.

Continuer la route

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/sounds-from-dimanche-morning

Lecture biblique : Lettre aux Hébreux 12.1-13

Méditons un extrait de la lettre aux Hébreux, ainsi appelée car elle s’adresse à des chrétiens d’origine juive. Elle a été écrite pour encourager ces chrétiens tentés de revenir à leur pratique religieuse juive, soit par habitude, soit à cause de la persécution notamment par les Juifs qui considéraient les chrétiens comme des hérétiques. L’auteur veut encourager ces chrétiens à tenir ferme dans la foi, à persévérer avec le Christ, sur le chemin de salut qu’il a ouvert pour nous, malgré les difficultés. Avant notre passage, il rappelle l’œuvre unique et inégalable du Christ en notre faveur, ainsi que le témoignage des anciens dans la foi que sont Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David etc.

Lettre aux chrétiens découragés… lettre aux chrétiens qui sont à terre, qui trébuchent, qui boitent, aux chrétiens essoufflés, désespérés, incapables de faire un pas de plus… Un peu comme ces enfants qui butent sur un énième caillou et peinent à se relever. La lettre aux Hébreux veut encourager les chrétiens tentés d’abandonner la foi face aux difficultés et les inviter à se relever et à continuer la route avec Dieu. Mais je crois qu’elle veut aussi encourager ceux qui marchent à bonne allure, encore tout frais au début du chemin, ou moins rapides mais installés dans un rythme de croisière.

Pour nous encourager, ce texte donne deux images, que je vais simplement reprendre : la vie chrétienne est une épreuve sportive, et une éducation.

1)   La vie chrétienne, une course tout-terrain

Dans la catégorie des épreuves sportives, la vie chrétienne n’est pas une balade le long du Canal du Midi… C’est plutôt un cross tout-terrain avec de beaux et faciles passages en clairière ensoleillée, mais aussi des côtes, des zones boueuses, des troncs qui nous barrent la route…

Un courant est un peu à la mode aujourd’hui, en France notamment, la théologie de la prospérité, ou théologie de l’abondance. Ce courant affirme que la vie avec Dieu est une balade sur le canal, parce que Dieu bénit le croyant, c’est-à-dire qu’il lui donne en abondance tout ce qui peut le rendre heureux : la santé – le chrétien n’est jamais malade ou toujours guéri, la réussite – les portes s’ouvrent devant l’enfant de Dieu ! il trouve du travail, il trouve l’âme sœur ! –, l’argent bien sûr – le vrai croyant est riche. On trouve cette façon de penser dans certaines églises, sur internet dans des prédications, ou de façon édulcorée, dans des petits slogans qui donnent l’impression que tout ira bien si on est chrétien, dans des livres d’encouragement, dans certains chants de louange. Tout ira bien si on est chrétien : le travail, la santé, le couple, la famille, la foi…

Comme tout ce qui est pernicieux, cette théologie a du vrai : elle s’appuie sur les promesses de l’A.T. qui rappellent que Dieu veut nous bénir complètement, dans toute notre personne, dans notre corps, notre âme, nos relations, notre travail… Elle s’appuie aussi sur la victoire de Pâques : Jésus est ressuscité, il a vaincu la mort, il a triomphé du péché, et par son Esprit il nous libère de cette mort et de ce péché, il nous offre une vie abondante en quantité et en qualité.

Le problème de cette façon de voir la vie chrétienne, c’est qu’elle occulte deux choses :

1) la victoire du Christ a été obtenue à la Croix, au terme d’un chemin d’humilité et de renoncement – Jésus est né dans une étable, a vécu simplement, est mort dans la honte, est ressuscité à l’abri des regards. Il n’a pas écrasé ses ennemis à la façon d’un Jules César. La victoire du Christ, elle commence à la croix. Même si son œuvre est unique, la manière dont Jésus a vécu nous donne un modèle à suivre : le Christ a marché sur un chemin étroit, escarpé, accidenté. Comment les disciples auraient-ils une vie différente de celle de leur maître ?

2) Nous sommes dans un entre-deux : le Christ est ressuscité, le mal a été vaincu officiellement, mais… il continue sur le terrain. A l’Ascension, Jésus est remonté victorieux auprès de Dieu le Père, il est retourné au QG, et à la Pentecôte il a envoyé l’Esprit qui nous aide sur le terrain, qui nous donne force et sagesse pour tous les jours. Mais le mal demeure, la souffrance demeure, le péché demeure (et d’abord en nous) ; nous n’avons pour l’instant qu’un acompte de la vie libre et bonne, du salut que Dieu nous offre en Jésus.

Que veut dire être enfant de Dieu ?   Être enfant de Dieu, c’est vivre à la lumière de Dieu, connaître son amour, son pardon, sa paix, mais c’est vivre tout cela dans l’obscurité aujourd’hui. Ce qui veut dire que, même si la lumière de Dieu l’éclaire, notre vie reste marquée par l’obscurité tant que le Christ n’est pas revenu.

Alors ne nous attendons pas à une vie en rose, à une vie facile, à une course à plat : nous marchons à la suite du Christ, sur un chemin étroit et difficile.

2)   La vie chrétienne, une discipline

Sur ce chemin étroit, le découragement nous guette. Les causes en sont nombreuses : l’opposition directe à notre foi, la pression d’un mode de vie incompatible avec les valeurs de Dieu et tente de dévier du chemin,    les coups durs de la vie (problèmes de santé, perte d’un emploi, deuil). En toile de fond, jamais très loin, le péché qui nous colle à la peau, qui nous colle à l’âme, les vieilles habitudes, les vieux réflexes, les priorités mal placées, les motivations pas claires, l’orgueil et le mépris, la peur et le doute… Tout ce qui nous encombre et nous empêche de suivre Dieu.

Le texte nous invite à considérer ces difficultés comme une discipline pour aller loin. Notre vie ici-bas est une éducation : Dieu nous forme et nous transforme pour nous rendre de plus en plus proches de lui, de plus en plus ressemblants au Christ. Le texte reprend l’image du parent qui élève son enfant : Dieu est notre Père, et il nous forme pour faire de nous de belles personnes, des êtres de justice et de paix, généreux de l’amour reçu de Dieu. Il nous apprend à grandir dans notre foi, notre confiance, notre sainteté.

Qui aime bien châtie bien. Aujourd’hui c’est plutôt mal vu, car on aime à privilégier dans l’éducation ce qui positif, force de proposition, constructif.

Toutefois, il me semble que toute éducation comporte deux pendants. Il y a ce que l’on donne à l’enfant, positivement, pour le faire grandir : la nourriture, les soins, la tendresse, l’attention, l’instruction, les récompenses etc. Il y a aussi un pendant moins agréable mais tout aussi nécessaire : les limites, les corrections, les punitions. Vous connaissez peut-être des enfants qui n’ont reçu que la première partie : en général on les fuit… Ce sont des enfants gâtés, pourris, souvent égoïstes et aveugles à autrui.

On peut avoir une réaction allergique, épidermique, à l’idée que Dieu, notre Père, nous châtie, souvent à cause d’une éducation abusive. D’abord, toute éducation comporte des dons et des corrections ; si le texte ici se concentre sur les corrections, c’est qu’on se décourage rarement face aux dons ! N’oublions pas que le but du texte est d’encourager ceux qui flanchent. Dieu s’il nous châtie, nous donne aussi, et souvent bien plus qu’il ne punit. Une éducation basée uniquement sur les réprimandes, sans encouragement positif, n’est absolument pas le modèle que Dieu suit avec nous !

Ensuite, Dieu corrige, mais toujours pour notre bien absolu – à la différence des parents humains qui, malgré de bonnes intentions, peuvent se tromper : la lettre dit bien « nos parents nous corrigeaient selon leurs idées à eux » (v.10). Dieu n’imite pas nos parents ! C’est le père, la mère qui ressemblent, imparfaitement et de loin, à Dieu, le Père parfait, plein d’amour, parfaitement juste et bon.

Nos épreuves, nos difficultés, sont non seulement le signe que nous vivons dans un monde abîmé – nous sommes nous-mêmes bien boiteux – mais peuvent également témoigner de l’attention de Dieu envers nous. En effet, nos épreuves ne signifient pas que Dieu nous a abandonnés, ni que Dieu nous en veut. Si Dieu tolère ce qui nous arrive, c’est qu’il pense que ça peut être pour nous l’occasion de grandir. Je pense là au fameux « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8.28) : certains le comprennent comme « tout est facile aux enfants de Dieu » – ce qui me paraît difficile à tenir quand on voit la vie des chrétiens ici comme ailleurs. J’en suis personnellement venue à le comprendre comme « Tout peut être occasion pour l’enfant de Dieu de grandir en amour et en vérité, en justice et en paix ».

Tout ce qui arrive n’a pas forcément un sens en soi, déjà tout prêt, qu’il faudrait découvrir. Un cancer, un viol, la perte d’un enfant : ce ne sont pas des leçons que le Seigneur nous fait apprendre de force. Le plus souvent, le mal n’a pas de sens, notamment le mal subi. Ce que je crois, c’est qu’au cœur de ces sables mouvants, Dieu nous tend la main et nous relève. On y grandira en foi, en confiance, en renoncement, en douceur, humilité, gratuité, compassion… Avec Dieu, on peut apprendre de tout ce que nous vivons : il n’y a pas de fatalité qui nous laisserait pour mort, car il nous donne de pouvoir avancer malgré tout, il nous relève et il nous redonne un sens, une direction, un chemin. Toute chute est l’occasion de se relever, en saisissant la main de Dieu.

Enfin, l’implication de Dieu est inégale dans ce que nous vivons. La Bible affirme, et c’est logique, que Dieu déteste le mal – Dieu ne prend donc pas plaisir à nous éprouver, il n’est pas vicieux ou cruel ! Dieu œuvre activement à notre bien, mais il tolère le mal que nous supportons. Pour prendre un exemple imparfait : imaginez que votre enfant rentre de l’école en boitant. Il s’est battu, il est tombé et son genou est écorché. Est-ce que vous allez déclencher le branle-bas de combat pour faire exclure l’enfant qui a démarré la bagarre ? Pour différentes raisons, votre réaction face à la souffrance de votre enfant ne sera pas forcément ce que lui voudrait.

Conclusion 

Tout ce qui nous arrive n’est pas programmé dans un but précis, nos difficultés comme nos facilités pourraient nous détourner de l’objectif : vivre avec Dieu. Même si nous ne pouvons pas changer ce qui nous arrive, nous pouvons apprendre à le vivre avec Dieu, à voir comment lui nous aide à traverser les clairières et les marécages. Nous pouvons saisir chaque occasion pour laisser Dieu nous enseigner à devenir de meilleurs porteurs de l’image de Dieu, de plus en plus fidèles, de plus en plus précis, de plus en plus rayonnants. A devenir des ouvriers de paix, des artisans de miséricorde, des passeurs d’espoir, des témoins de foi. Avec un impact éternel. (diapo)

Quand nous sommes, ou que nous serons, empêtrés et découragés, regardons au Christ, qui nous précède sur ce chemin étroit. Regardons au Christ qui nous a réservé une place éternelle aux côtés de Dieu. Regardons au Père qui nous relève et nous remet en route. Et reprenons courage pour persévérer, avec la foule de tous les croyants.