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Lecture biblique : Luc 2.40-52
Les évangiles canoniques sont peu bavards sur l’enfance de Jésus. Pourtant, on pourrait légitimement se poser des questions : Comment était Jésus enfant ? Quelle conscience avait-il de sa personne et sa mission ? Accomplissait-il des miracles ?
En réalité, si on excepte la visite des mages qu’on peut difficilement dater et les premiers jours de sa vie, cet épisode est le seul qui évoque un moment de la vie de Jésus entre sa naissance et le début de son ministère public. Il est le seul qui lève le voile sur 30 ans de présence incognito du Fils de Dieu sur la terre !
Un épisode banal
Si les évangiles canoniques sont presque muets sur l’enfance de Jésus, les évangiles apocryphes, par contre, contiennent de nombreux récits parfois extravagants. On voit Jésus accomplir des miracles en enfant capricieux : par exemple il pétrit des moineaux à partir de terre glaise un jour de sabbat et leur donne vie d’un claquement de mains, ou alors, irrité par un enfant qui le bouscule, il le terrasse d’une seule parole. Ailleurs il apparaît comme un surdoué qui remet en place son maître d’école.
Tout cela contraste avec l’extrême sobriété des évangiles bibliques. Car au premier abord, même s’il y a bien quelques aspects étonnants, le seul récit de l’enfance dans les évangiles canoniques est banal. Il apparaît même dans le texte comme une parenthèse : les versets 40 et 52, qui encadrent notre récit, disent à peu près la même chose. C’est donc l’histoire d’un enfant perdu dans une foule et finalement retrouvé par ses parents. On pourrait presque entendre : « Le petit Jésus a perdu ses parents et les attend à la réception ».
Les pèlerinages à Jérusalem pour les différentes fêtes suscitaient de grands mouvements de foules. On s’y rendait en famille, au sens large, et on se déplaçait en grands groupes. Ce qui explique que Marie et Joseph n’aient pas réalisé tout de suite que Jésus n’était plus avec eux. Ils pensaient sans doute qu’il était avec les autres enfants. Quand ils réalisent qu’il n’est plus dans le groupe, l’angoisse les saisit. Ils font demi-tour et vont le chercher à Jérusalem. Et ils finissent par le retrouver au temple.
Puis tout redevient comme avant : « Jésus grandit, sa sagesse se développe et il se rend agréable à Dieu et aux hommes. »
Nous voyons ici un incident banal au milieu d’une enfance tout ce qu’il y a de plus normale, comme pour n’importe quel enfant. Mais cette banalité est importante car elle témoigne de la réalité de l’incarnation. Pour que le Fils de Dieu devienne homme, il fallait qu’il nous rejoigne aussi dans notre banalité, notre quotidien. Ça n’aurait pas été le cas s’il s’était incarné en surhomme, comme nous le présente un peu les évangiles apocryphes. Jésus n’est pas un super-héros, il est notre frère en humanité.
Un récit prophétique
Ceci dit, derrière la banalité se cache autre chose, notamment dans la façon dont Luc raconte cet épisode. Une phrase en fin de récit nous met la puce à l’oreille : « Sa mère garde toutes ces choses dans son cœur. » Et si on mène l’enquête, on se rend compte qu’il y a quelques indices cachés indiquant que ce texte va au-delà de l’épisode banal.
Tout d’abord, les événements se passent alors que Jésus a 12 ans. Était-ce la première fois qu’il accompagnait ses parents à Jérusalem pour la Pâque ou le faisait-il chaque année, on ne sait pas. Mais il se trouve que ce nombre 12 a une portée symbolique dans la Bible, désignant le peuple de Dieu (les 12 tribus, les 12 apôtres…).
Autre élément intéressant lorsqu’on connaît la suite de l’histoire : Jésus est retrouvé par ses parents le troisième jour. Autrement dit, pendant 3 jours Jésus était perdu, comme mort pour ses parents. Et le troisième jours ils le découvrent vivant ! Et en plus ça se passe pendant la fête de la Pâque ! Est-ce vraiment une coïncidence ?
Ensuite, il y a le fait que Jésus discute avec les maîtres de la Loi. Il les écoute et pose des questions. Et il fait preuve d’une sagesse qui étonne ceux qui l’entendent. Plus tard, ce seront eux, les chefs religieux, qui poseront des questions à Jésus, la plupart du temps pour le piéger. Et les foules seront toujours étonnées par sa sagesse… C’est comme si l’affrontement futur de Jésus avec les chefs religieux se préparait déjà, ici, dans le temple, lorsque Jésus a 12 ans.
Enfin, il y a la réponse de Jésus à l’inquiétude de ses parents : « Vous m’avez cherché, pourquoi ? Vous ne savez donc pas que je dois être dans la maison de mon Père ? ». Et là, ces paroles sont vraiment étonnantes. Elles traduisent déjà un lien particulier de Jésus avec ses parents, préfigurant ce qu’il dira plus tard et qui sera mal perçu par sa famille :
20Alors on annonce à Jésus : « Ta mère et tes frères sont là, dehors, ils veulent te voir. » 21Mais Jésus dit à tout le monde : « Ma mère et mes frères, ce sont les gens qui écoutent la parole de Dieu et qui lui obéissent. » (Luc 8.20-21)
Il y a dans ce dialogue de Jésus enfant avec ses parents quelque chose du décalage et de l’incompréhension à laquelle Jésus devra faire face dans son ministère, de la part des siens.
Je ne crois pas que tous ces indices soient des coïncidences. La façon dont Luc raconte cet épisode banal de l’enfance de Jésus annonce ce que sera le ministère de Jésus un peu moins de vingt ans plus tard. Petit à petit, Dieu préparait Jésus à l’accomplissement de sa mission.
Dieu prend le temps de la préparation de son plan. Toute l’histoire biblique en témoigne, déployant sur plusieurs siècles l’action de Dieu jusqu’à l’accomplissement de la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Dieu prend le temps…
Et c’est vrai aussi dans notre vie où nous aimerions souvent que les choses avancent plus vite, que tout soit réglé d’un claquement de doigt ou d’une simple prière. Il y a des accomplissements qui demandent une attente et une préparation. Et Dieu sait prendre ce temps… pour nous c’est souvent plus difficile !
Conclusion
Au seuil d’une nouvelle année, cet épisode au premier abord banal nous invite à voir la présence de Dieu dans notre quotidien. La plupart des jours de 2016 seront sans doute banals pour chacun d’entre nous. Ça ne signifie pas que le Seigneur n’y sera pas présent et qu’il ne sera pas en train d’accomplir, ou de préparer l’accomplissement de ses promesses !
Gardons cette assurance dans notre cœur. Nous en aurons sans doute bien besoin.