Archives mensuelles : décembre 2014

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Vivre par la foi: l’exemple d’Abraham (Hé 11.8-19)

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-par-la-foi

L’auteur donne aux croyants toute une liste d’exemples, dont Abraham est un des plus longs. Il reprend trois événements majeurs dans la vie du patriarche : 1/ en Gn 12, lorsque Dieu appelle Abram, déjà âgé, à quitter sa terre pour aller vivre en pays inconnu, avec la promesse de commencer avec lui une grande nation bénie de Dieu (8-10). 2/ entre Gn 15 et 21, lorsque Dieu promet au couple âgé et stérile la naissance d’un fils qui héritera de la promesse faite à Abram. Après plusieurs années qui usent d’ailleurs la patience de Sara, Isaac finit par naître et réalise ainsi la promesse de Dieu qu’Abraham aurait un fils. (11-12)  3/ en Gn 22, alors qu’Isaac a grandi, Dieu demande à Abraham de lui offrir Isaac en sacrifice de reconnaissance. Abraham part donc avec Isaac et le prépare pour le sacrifice quand au dernier moment, un ange le retient d’aller plus loin et lui fournit une victime appropriée. Au milieu de cette notice biographique, une parenthèse nous plonge dans les motivations des patriarches.

Les récits de la Genèse sont assez sobres et se concentrent surtout sur les faits, très peu sur les projets du patriarche, sur ses motivations, ses espoirs et ses craintes. L’auteur de la lettre aux Hébreux relit l’histoire d’Abraham à la lumière de toute la révélation, et met en valeur les implications de la foi d’Abraham, notamment dans les v.13-16.

Dans ce passage où l’auteur veut encourager les chrétiens à vivre par la foi, à rester fermement attachés au Christ, l’histoire d’Abraham met en valeur (sans être exhaustive) deux dimensions de la foi que nous sommes appelés à vivre nous aussi.

1)   La confiance en Dieu visible dans l’obéissance

La foi peut recevoir différentes définitions : croire que Dieu existe et qu’il est bon envers nous, adhérer à un ensemble de convictions, nourrir une relation avec Dieu (aspect de piété). Ce que notre texte met en valeur, c’est la confiance en Dieu envers et contre tout, alors que le bon sens décourage de suivre Dieu.

A chaque événement de la vie d’Abraham, il y a un sérieux obstacle à suivre Dieu ; on remarque d’ailleurs un crescendo d’obstacles de plus en plus déroutants, qui demandent une confiance de plus en plus grande.

D’abord, Dieu demande à Abram de tout quitter pour un endroit inconnu, et Abram prend sa famille, ses biens, et s’engage dans un long voyage vers le Sud, sans savoir à quoi s’attendre. Il a pour seule garantie une promesse, un peu extravagante d’ailleurs : à travers lui et ses descendants qu’il n’a pas, le monde sera béni. C’est l’obstacle de l’ignorance : Abram se lance dans une aventure qu’il ne maîtrise en rien. Nous, nous aurions sûrement demandé des esquisses du fameux pays, étudié son potentiel, nous aurions demandé à Dieu des garanties pour voir s’il était sérieux et fiable, et nous aurions peut-être pris une assurance en cas d’échec. Abram ne demande aucune garantie : il plonge.

Ensuite, Dieu promet à Abraham un fils avec Sara, sa femme, qui héritera des projets de Dieu. Dieu fait cette promesse à plusieurs reprises à un couple stérile et âgé (notre passage dit : déjà marqué par la mort), et là on passe à l’obstacle de ce qui est possible. Au départ, Sara tente d’adopter un fils, mais non, c’est bien de son ventre stérile que Dieu veut faire naître l’héritier. Quand Abraham comprend ce que Dieu promet, il rit en lui-même, tant l’idée est farfelue. Quand Sara entend à son tour comment l’enfant doit naître, elle aussi exprime son incrédulité en riant. Finalement, un an plus tard, naît Isaac. Vous remarquez que là, Dieu laisse le temps au couple de s’habituer à l’idée ! Même si ce que Dieu promet paraît impossible d’un point de vue humain, Abraham et Sara finissent par lui faire confiance, et ils renoncent à tout plan B.

Enfin, troisième épreuve, cet héritier promis, attendu, chéri, Dieu demande de le lui sacrifier. Au-delà de la tragédie que représente la mort de cet enfant, il y a l’obstacle de l’incohérence de Dieu. Dieu a promis qu’Isaac porterait la promesse de Dieu, sa bénédiction, et qu’à travers lui seul naîtrait la descendance d’Abraham, prélude à une nation aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ou le sable de la mer. Comment cela peut-il arriver par un mort ? On passe encore un cran dans l’inconnu, dans l’impossible ! Pourtant, face à ce Dieu qui souffle le chaud et le froid, qui semble se contredire, Abraham fait confiance. D’une certaine manière, il sait maintenant que ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu, que ce qui est insensé – en termes de garanties ou de probabilité – aux yeux des hommes n’est pas en dehors des capacités de Dieu. L’auteur de notre passage suppose qu’Abraham a réconcilié le paradoxe en faisant confiance au Dieu de la vie, qui avait déjà fait surgir la vie d’un ventre stérile, et qui pouvait aussi bien faire surgir la vie dans un cadavre.

A chaque fois, Abraham est mis devant des situations impossibles, qui demandent une décision radicale. Il n’y a pas de demi-mesure : on suit ou on ne suit pas ! La confiance en Dieu s’exprime à chaque fois par l’obéissance. Ce n’est pas toujours de gaieté de cœur, ou immédiat (on le voit avec l’incrédulité face à Isaac), mais la foi se concrétise forcément dans l’obéissance. Obéir c’est suivre coûte que coûte le Dieu qui nous appelle, qui nous fait vivre. C’est s’attacher à Dieu, donner plus de réalité à ses promesses et à sa puissance qu’à notre champ de possibilités.

Dans l’obéissance de la foi, nous devons parfois vivre des ruptures, des abandons, des deuils, même s’ils sont moins spectaculaires que le voyage d’Abraham ou le presque sacrifice d’Isaac. Dans l’obéissance de la foi, nous devons aussi accueillir des options apparemment insensées, irrationnelles, parfois effrayantes. La seule raison pour obéir, c’est la connaissance du Dieu vivant. Là on n’est pas dans l’obéissance à des codes, des rituels, mais dans l’attachement à une personne, un attachement qui dépasse tout autre attachement que nous pourrions avoir, la conviction que ce Dieu-là est bon et puissant, et que même si nous avons l’impression de sauter dans le vide, ce Dieu-là va nous rattraper, ce saut est la seule manière de le suivre.

2)   L’espérance dans les promesses de Dieu visible dans la persévérance

La foi est confiance en Dieu, un attachement au Dieu vivant, bon et tout-puissant, qui triomphe de tout autre attachement. Cette confiance en Dieu est aussi marquée par l’espérance dans les promesses de Dieu. La foi est une marche avec Dieu, caractérisée par l’attachement à Dieu, comme si on se tenait à lui, et par une direction, une orientation : le royaume de Dieu, le règne de Dieu où toutes ses promesses s’accompliront parfaitement.

L’auteur aux Hébreux s’appuie sur le fait qu’Abraham a vécu sur la terre promise comme un étranger, comme un résident temporaire. Il ne s’est jamais installé, et il se définit lui-même de cette manière en parlant aux habitants de Canaan. Abraham avait reçu la promesse d’une terre qu’habiterait sa nombreuse descendance : à la fin de sa vie, il achète un tombeau sur cette terre, pour Sara ; ce tombeau est une sorte d’avance dans la possession de ce pays qui ne sera effective que des siècles plus tard. De loin, il voit la réalisation de la promesse d’un pays, ce qui va le motiver à rester toute sa vie un nomade, à vivre dans l’inconfort, sans jamais retourner dans son pays d’origine, sans non plus hâter la réalisation de la promesse. Il sait que Dieu va accomplir ses projets et il s’accroche à ces promesses, sans se chercher de béquilles.

Ce qui étonne un peu dans notre texte, c’est l’idée qu’Abraham et les autres croyants attendaient non pas la possession de Canaan, mais l’établissement du règne parfait de Dieu, la Jérusalem céleste aux fondations bien solides, éternelles. Pour quelqu’un qui n’a pas encore vu la Jérusalem terrestre, l’attente d’une Jérusalem parfaite, céleste, étonne. Là, on est en plein dans la relecture de l’auteur aux Hébreux, dans sa compréhension bien plus tard de ce qui se joue à l’époque d’Abraham.

D’un côté, il s’appuie sur le fait qu’Abraham a toujours gardé le cap des promesses de Dieu, il a supporté tous les inconforts, les incertitudes, parce qu’il savait que Dieu réaliserait sa promesse en son temps. D’un autre côté, la progression de la révélation biblique montre qu’Abraham est le père de tous les croyants, d’abord des israélites puis de tous ceux qui reconnaissent le Messie juif, Jésus, comme leur sauveur. De même, si l’occupation du pays promis est un élément important de la bénédiction divine dans l’AT, elle se révèle décevante puisque le peuple n’arrive pas à rester fidèle à Dieu, et que le pays du peuple élu finit par ressembler fortement aux nations païennes, lorsque le peuple se détourne de Dieu au point de l’oublier presque complètement. Le pays promis est une image imparfaite du Royaume que Dieu établira, un règne de paix et de justice, qui dépasse toutes les tentatives humaines et que nous attendons encore. La connaissance de l’histoire biblique permet à l’auteur de bien comprendre la portée de l’espérance d’Abraham, même si lui-même n’en était pas forcément conscient.

Le point crucial de cette réflexion, c’est que les croyants vivent en étrangers et résidents temporaires sur cette terre, en attendant le royaume de Dieu. Ca implique deux choses : premièrement, une marche persévérante orientée par les promesses de Dieu, une marche marquée par la justice, le pardon, la vérité, l’amour, parce que ces valeurs vont triompher lorsque Dieu établira parfaitement son règne. Alors le croyant ne s’arrête pas en route, il ne satisfait pas de demi-mesures, de demi-accomplissements, de compromis. Il garde les yeux fixés sur la promesse, s’approchant toujours un peu plus du Royaume de Dieu.

Deuxièmement, notre espérance est synonyme d’étrangeté, de décalage. Dans un monde où les orientations de vie sont différentes, celui qui cherche le royaume de Dieu est bien souvent à contre-courant, étranger dans son propre pays, décalé dans ses valeurs, ses actes, son attitude, passant même parfois pour un insensé. Il ne faut pas chercher la différence pour la différence, et Jésus comme Paul invitent à ne pas scandaliser nos contemporains par une attitude choquante. Cela étant, si nous sommes orientés vers le royaume de Dieu, notre vie sera forcément différente, forcément décalée. Ce décalage est inconfortable : il signifie que nous ne sommes pas chez nous ici – ou ailleurs – tant que le christ n’est pas revenu. Il signifie que nous serons forcément frustrés par notre situation, que nous serons en butte à l’incompréhension voire au mépris de ceux qui nous entourent. C’est pour cette raison que l’épître aux hébreux encourage particulièrement à la persévérance : ces difficultés, nos prédécesseurs dans la foi les ont supportées en contemplant les promesses de Dieu. L’étrangeté, la frustration, les souffrances d’aujourd’hui sont éclipsés par la richesse et la splendeur incomparables de ce que Dieu a prévu pour l’éternité.

Conclusion

Les croyants de l’AT ne sont pas parfaits, ce ne sont pas des héros : ils avaient nos faiblesses, nos craintes, notre incrédulité, mais ils connaissaient le Dieu vivant, et ils ont choisi de le suivre coûte que coûte. Ils ne sont pas meilleurs que nous, juste des exemples de ce que produit la relation avec Dieu : une confiance radicale qui s’exprime par une obéissance un peu folle, une espérance ardente qui donne un nouveau sens à notre vie, qui attend l’accomplissement des promesses de Dieu.

Malgré les doutes, les questions, la solitude, malgré la peur et l’inquiétude, les croyants tiennent bon en s’accrochant à Dieu, en le suivant sur cette voie étroite de l’obéissance et de la persévérance. Seulement, nous avons un avantage de taille par rapport à Abraham et aux autres croyants de l’AT : Dieu a déjà réalisé une promesse, celle d’envoyer un sauveur pour les hommes qu’il aime. Ce sauveur est pour nous la preuve de l’amour de Dieu, la preuve que rien n’est impossible au Dieu tout-puissant, la preuve que ses promesses ne sont pas des paroles en l’air mais des certitudes bien plus sûres que tout ce que nous connaissons. Alors faisons nôtre le chemin de foi d’Abraham : suivons notre Dieu avec confiance, marchons vers lui avec persévérance, sans nous laisser détourner ou décourager, en puisant notre force dans tout ce que Dieu a fait pour nous.

Quelle maison pour le Seigneur ?

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Lecture biblique : 2 Samuel 7.1-16

David est roi d’Israël. Son autorité est désormais reconnue… mais ça n’a pas été simple pour en arriver là. D’une manière générale, l’établissement de la royauté en Israël a été assez chaotique.

Après la période des juges, où « chacun faisait ce qui lui semblait bon », le peuple a voulu un roi. Le Seigneur, lui, n’était pas très chaud. C’est lui qui devait être leur roi. Mais la théocratie, c’est une utopie ici-bas. Le cœur de l’homme étant ce qu’il est, ça ne peut pas fonctionner. Alors Israël aura un roi… Mais la première expérience n’est pas vraiment concluante : Saül sera finalement destitué par Dieu. David lui succédera, d’abord en secret, puis sa royauté s’affermira.

Au moment de notre texte, David est à l’apogée de son règne… et il est pris de scrupules ! En effet, il s’est bâti un palais, une belle maison, et Dieu, lui, n’a rien d’autre qu’une tente.

Il s’en ouvre au prophète Nathan, son conseiller. « Tu vois, moi, j’habite une maison en bois de cèdre. Mais le coffre sacré a seulement une tente de toile comme maison. ». Le prophète comprend le sous-entendu. Et il estime que les intentions du roi sont louables. Il l’encourage. Dieu ne peut qu’être d’accord : « Tu as sûrement une idée à ce sujet. Fais ce que tu penses, le SEIGNEUR est avec toi. »

Mais le Seigneur ne l’entend pas de cette oreille. Il se révèle alors à Nathan : il ne veut pas que David lui construise une maison. Il faut le lui dire et le stopper dans ses intentions… Mais pourquoi ?

Dieu n’a pas besoin de maison

Dieu n’a jamais demandé à ce qu’on lui construise un temple ! Il se contente bien d’une tente. Ça lui va bien d’être un Dieu nomade, accompagnant son peuple dans son voyage. Comme lors de la sortie d’Egypte, dans la traversée du désert, ou dans la conquête du pays promis.

D’ailleurs, dans l’épisode du désert, la tente est moins une maison qu’un lieu de rencontre. Dieu guidait son peuple par une nuée le jour et une colonne de feu la nuit. C’est lui qui décidait quand s’arrêter et quand repartir. Et quand le peuple s’arrêtait, on installait la tente en dehors du camp. Il manifestait alors sa présence en mettant la nuée à l’entrée de la tente. C’était le lieu privilégier pour Dieu pour rencontrer Moïse mais aussi pour le peuple d’aller consulter le Seigneur :

« Quand les Israélites installent leur camp, Moïse prend la tente sacrée et il la dresse en dehors du camp, assez loin. On l’appelle « la tente de la rencontre ». Tous ceux qui veulent consulter le SEIGNEUR sortent du camp et ils vont vers cette tente. » (Exode 33.7)

Le Seigneur est plus du genre à planter sa tente où il veut et quand il veut pour rencontrer son peuple qu’à se laisser enfermer entre les quatre murs d’une maison ! Dieu est, fondamentalement, nomade : toujours en mouvement. Il ne se laisse jamais enfermer ou limiter par quoi que ce soit : un temple, une église, un dogme ou une religion…

Et ce Dieu nomade finira par s’incarner en devenant homme. Toujours en mouvement… D’ailleurs, dans le prologue de son évangile, Jean le dit bien :

« La Parole s’est faite chair, et elle a fait sa demeure (littéralement : elle a planté sa tente) parmi nous » (Jean 1.14)

L’incarnation, le Fils de Dieu devenu homme que nous célébrons à Noël, c’est le Dieu nomade qui a planté sa tente parmi nous, pour venir à notre rencontre. Et parce que Dieu est toujours en mouvement, après sa résurrection, le Fils est remonté auprès du Père. Et le Saint-Esprit a été envoyé, pour planter sa tente chez le croyant, pour faire de notre corps le temple de Dieu. Aujourd’hui, nous sommes les temples du Dieu nomade qui chemine avec nous.

C’est Dieu qui va construire une maison à David

La deuxième raison pour laquelle le Seigneur ne veut pas que David lui construise un temple, c’est que c’est lui, le Seigneur, qui va construire une maison à David. Dieu renverse la perspective : « ce n’est pas toi qui va me construire une maison, c’est moi qui vais t’en construire une ». Évidemment ici, on joue sur les mots. La maison dont parle le Seigneur pour David n’a rien à voir avec le palais qu’il s’est fait bâtir, c’est une dynastie. Et Dieu promet qu’elle sera établie pour toujours.

On a vu, à juste titre, une dimension messianique à cette promesse. Elle est, certes, encore voilée. Mais elle se précisera petit à petit, notamment dans le discours des prophètes où le titre « fils de David » finira par devenir un titre messianique, appliqué à Jésus dans le Nouveau Testament. Car en effet, cette dynastie établie pour toujours, ce règne sans fin ne peut que pointer vers Celui qui est venu pour établir le Royaume de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus, le Christ.

Il faut tout de même dire qu’un temple sera bien construit finalement pour le Seigneur. Mais selon les conditions fixées par Dieu lui-même : non par David mais par Salomon, son fils, premier représentant de cette dynastie promise.

Et le jour de l’inauguration du temple, il sera bien dit clairement que cette « maison » de Dieu ne peut en aucun cas le contenir. Salomon lui-même le dira dans sa prière :

« Est-ce que Dieu peut vraiment habiter sur la terre ? Le ciel est immense, mais il ne peut pas te contenir, toi, mon Dieu. Et ce temple que j’ai construit est beaucoup trop petit pour toi. » (1 Rois 8.27)

J’aime cette idée de construire un temple, une maison pour Dieu, tout en sachant qu’il sera beaucoup trop petit. Il faut nous en souvenir ! Tous les temples que nous construisons pour Dieu sont trop petits. Nos églises sont trop petites, nos vies sont trop petites, nos théologies sont trop petites. Penser le contraire, c’est succomber à la dérive sectaire, ou l’orgueil spirituel.

Quelle conclusion en tirer ? Dieu accueille ce que nous construisons pour lui. Et comme il a rempli le temple de Salomon de sa gloire, il habite les temples que nous lui offrons. Il habite nos églises et nos vies. Mais ce qui compte avant tout, c’est ce qu’il construit pour nous. C’est son projet pour nos vies et nos églises. C’est son Royaume appelé à croître dans notre cœur, dans nos églises, dans le monde.

Conclusion

Finalement, le projet de David de construire un temple pour le Seigneur a abouti, mais pas comme il le pensait. Les projets de Dieu étaient différents. La construction du temple a juste été différée, et réalisée par Salomon. Mais le grand projet de Dieu a été révélé à David. Celui d’une autre maison, une dynastie, ferment d’un autre royaume, le Royaume de Dieu inauguré par le Messie.

Nous pouvons faire des projets, mais c’est le projet de Dieu qui s’accomplit. Un projet qui n’est pas toujours conforme à ce que nous imaginons. Mais un projet dont la portée dépasse ce que nous pouvons penser. Il ne peut en être autrement de notre Dieu nomade, toujours en mouvement et toujours prêt à planter sa tente pour que nous puissions le rencontrer.

Tenez bon! Le Seigneur sera votre force (Ep 6.10-18)

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Pendant l’Avent, nous attendons la venue de Dieu. Je vous propose de méditer le texte du jour, à la fin de la lettre de Paul aux Ephésiens, un texte qui nous donne des indications sur la manière dont nous devons attendre la venue de Dieu.

Lecture Ep 6.10-18

Nous sommes en guerre ! Voilà comment se conclut la lettre aux Ephésiens, une lettre où Paul met pourtant un fort accent sur la paix : Jésus-Christ nous réconcilie avec Dieu et avec les autres. En nous reconnectant chacun à Dieu, il nous reconnecte aussi les uns aux autres. La paix est donc une des principales victoires du christ, un bien que nous sommes appelés à nous approprier dans l’Eglise et à développer. Toutefois, Paul termine sa lettre avec une image apparemment opposée à la paix : celle du combat. Il appelle plusieurs fois les chrétiens à résister, en revêtant – et c’est là le point fort du texte – une armure complète qui nous permettra de tenir. Paul utilise là une image forte qui a pour but de marquer les esprits au moment de son exhortation finale et d’encourager les chrétiens dans le temps qui précède le retour du Christ.

1)   L’appel à tenir ferme dans la bataille spirituelle

Nous sommes en guerre. Paul nous invite à reconnaître que la vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille, et que nous ne sommes pas en terrain neutre. Au contraire, nous rencontrons des obstacles, des adversaires, et nous devons prendre position dans le combat engagé. Quoi que nous fassions, nous y sommes, et nous avons besoin de nous préparer de manière adéquate.

Evidemment, nous pensons tout de suite aux combats que vivent les chrétiens de l’église persécutée dans le monde, pour qui la lutte est une réalité quotidienne et malheureusement difficile à nier. En creusant un peu, on peut penser aussi aux résistances discrètes mais réelles que rencontre la foi chrétienne dans la société occidentale d’aujourd’hui. Mais il me semble que Paul nous invite à ne pas être dupes : même dans l’hypothèse de conditions politiques ou religieuses optimales, aucun chrétien n’est exempté de ce combat.

En effet, Paul nous invite à voir plus loin que les adversaires en chair et en os, à voir plus loin que les difficultés ou les résistances que nous rencontrons : ceux face à qui nous devons résister ne sont pas en chair et en os, mais ce sont des adversaires spirituels : des forces très puissantes, des puissances de la nuit, des esprits mauvais, regroupés sous l’égide de l’adversaire principal qu’est le diable. Vous remarquerez que Paul ne se lance pas dans une description détaillée des différents démons, de leur organisation, de leur mode de fonctionnement, de leurs œuvres. A mon sens, ce qui ressort de cette liste, c’est surtout la variété des opposants, qui ont en commun le fait de lutter contre Dieu et ceux qui lui appartiennent. Paul nous pousse à reconnaître que chacun, dans son contexte, est engagé dans la lutte et doit faire face aux pièges du diable.

Il me semble qu’on n’a pas besoin d’aller dans le spectaculaire pour reconnaître ces méthodes de l’adversaire : ce peut être le mépris ou le rejet violent de notre foi chez les autres, mais aussi les doctrines qui nous détournent de la vérité de l’Evangile ou les tentations de commettre le mal (mensonge, vol, tromperie, etc.), ou encore, et c’est plus pernicieux, des situations apparemment innocentes, où nous tombons doucement dans l’indifférence, dans le ressentiment ou l’amertume, dans des situations où nous nous sentons dans notre droit et nous écartons, sans vraiment le voir, de la grâce qui a transformé notre vie. Personnellement, je reconnais que je n’ai pas besoin d’aller très loin pour tomber dans ces pièges-là…!

Face à ces stratagèmes, à la diversité des adversaires, et surtout à leur nature spirituelle, nous armer ne signifie pas mettre un gilet pare-balles ou acheter un fusil. Nous avons besoin d’être équipés sur le plan spirituel pour tenir bon, et Paul nous dirige vers le seul qui puisse nous rendre forts : Dieu. Le seul qui puisse nous permettre de résister, c’est Dieu, le Dieu décrit au début de la lettre, au ch.1 (peut-être un des plus beaux passages de la Bible), celui dont la puissance et la force spirituelle ont vaincu le mal, toutes les forces du mal, dans leur variété et leur hargne, celui qui a vaincu la mort en faisant ressusciter Jésus-Christ.

Pour nous battre contre les puissances spirituelles, nous devons nous ranger derrière un chef spirituel. Mais il ne faudrait pas se tromper : une forte inégalité réside entre les deux camps. En réalité, même si la bataille fait rage, elle est perdue d’avance, ou vaincue d’avance, depuis que Jésus-Christ est ressuscité. Le théologien Oscar Cullmann compare d’ailleurs notre situation à la situation de la France entre le débarquement des forces alliées en Normandie en 1944 et l’armistice signée en 1945. Le débarquement déclenche la victoire des Alliés, mais les combats durent encore presque un an et font des dégâts. C’est exactement ce que nous vivons : Jésus-Christ a remporté la victoire décisive et un jour, son royaume sera établi. Mais les adversaires ne se sont pas encore rendus et continuent de lutter, donc nous aussi.

2)   les moyens à disposition

Nous devons donc nous préparer, nous équiper, pour tenir bon en attendant la victoire pleine et entière de notre Seigneur. Paul résume, dans l’image mémorable de l’armure d’un soldat, les armes que nous avons à notre disposition.

Quelles sont-elles ? La vérité, la justice, la paix, la foi, le salut, la parole de Dieu. Ces armes nous les connaissons bien, car ce sont les grâces données au chrétien : la vérité révélée en Jésus-Christ, la justice offerte au croyant, la paix nous réconciliant avec Dieu et les autres, la confiance en Dieu en toutes circonstances, l’assurance d’appartenir à Dieu et la parole, la Bible, qui nous rappelle toutes ces vérités et nous apprend comment vivre avec Dieu. Toutes ces grâces ont déjà été citées par Paul : ce sont les fondements de la vie chrétienne, développés au fil des évangiles et des lettres des apôtres.

L’armure décrite a un rôle défensif : le grand bouclier protecteur, la cuirasse, le casque, mais il y a aussi l’épée (pas une grande, mais Paul fait référence à une petite épée maniable facile à emporter en toutes circonstances), et la ceinture qui porte normalement une petite arme. Les grâces de la foi ne sont pas seulement un abri antiatomique, mais elles nous rendent actifs dans la lutte.

Ces dons ne sont pas juste des outils que nous recevons pour résister, mais nous sommes appelés à nous les approprier pleinement. Par exemple, la justice que Dieu nous accorde en Jésus-Christ, nous sommes appelés à la pratiquer, à la mettre en œuvre concrètement dans notre vie. La parole de Dieu, ce ne sont pas seulement des versets à répondre du tac au tac, mais une révélation qui transforme peu à peu notre manière de voir et nous fait entrer dans les points de vue de Dieu lui-même. Et ainsi pour toutes ces grâces que nous recevons et que nous sommes appelés à mettre en œuvre dans notre vie.

Paul décrit une armure romaine, image classique du soldat de l’époque, mais en réalité, sa vraie source d’inspiration, c’est l’AT, et particulièrement le prophète Esaïe. On y lit que le Messie aura pour ceinture la justice et la fidélité (11.5) et sa parole sera une épée coupante (49.2). Dieu lui-même revêt la cuirasse de la justice et le casque du salut (59.17). Et ceux qui annoncent la bonne nouvelle de la paix sont bénis (52.7). Ainsi, l’armure que Paul nous propose, c’est l’identité-même de Dieu révélée à travers son Messie, Jésus-Christ, une identité que les enfants de Dieu ont pour vocation de s’approprier. C’est bien du Seigneur que nous tirons notre force, et bien plus !

Vous avez peut-être remarqué que ces dons ne sont pas particulièrement liés à la guerre, ils ressemblent davantage aux habits que nous devrions porter tous les jours ! à la vie normale du chrétien, de plus en plus proche de Dieu. Pour survivre, nous devons nous accrocher à Dieu et à la vocation qu’il nous donne. Pas besoin d’aller provoquer les adversaires ou de développer une stratégie particulière ! Notre préparation, notre équipement, c’est simplement de vivre en enfants de Dieu avec détermination et persévérance, demeurer dans le Christ vainqueur, nous enraciner toujours plus profondément en lui, c’est ainsi que nous pourrons tenir, fermement établis sur le roc, en sachant que la tempête se déchaîne. Enracinons-nous en Dieu, c’est en lui que nous pourrons tenir.

3)   L’importance de la prière

Demeurer, s’enraciner, s’appuyer, autant d’images d’une relation intime avec Dieu, que Paul encourage en nous appelant à la prière : « 18. Priez sans cesse. Faites toutes vos prières et vos demandes par l’Esprit saint ! » La prière n’est pas une arme supplémentaire, c’est le canal qui nous permet de recevoir les dons de Dieu, d’être en relation avec lui par le Saint Esprit. La prière conduit à demander à Dieu tout ce dont nous avons besoin pour chaque jour, pour tenir bon : nous ne sommes pas seuls dans le combat contre le mal sous toutes ses formes. Dans la prière, nous apprenons aussi à nous ranger derrière le Seigneur, à ne pas faire les fanfarons mais à le laisser intervenir dans notre vie, dans notre cœur. Dans la prière nous exerçons notre confiance en Dieu et nous nous ressourçons en nous rappelant l’immensité de son amour et de sa puissance. Enfin la prière nous met à l’écoute de Dieu et de ses projets pour nous, des directions qu’il nous conseille.

Dans ce cadre-là, l’intercession pour nos frères et sœurs chrétiens a une place importante. Dans d’autres textes, nous sommes invités à soutenir les chrétiens éprouvés, dans leur santé, leur foi, leur famille etc. à être solidaires les uns des autres, à nous encourager et nous consoler les uns autres dans les moments de faiblesse, de malheur, de difficultés. Ici, l’intercession est plus large : tous ont besoin de la prière. Même ceux qui apparemment ne rencontrent aucune difficulté, ceux qui paraissent forts ou bien ancrés dans la foi : puisque nous sommes impliqués dans la bataille, nous avons tous besoin du Seigneur pour tenir. Même celui qui est fort, qui marche bien, peut tomber ! Prier les uns pour les autres, c’est prier pour ceux qui vacillent, afin que Dieu les garde, et pour ceux qui tiennent, afin que Dieu les garde aussi ! Plus tôt dans sa lettre, Paul parle de l’église comme d’un corps où nous nous aidons les uns les autres à grandir, à progresser dans notre identité d’enfants de Dieu, à vivre avec Dieu. La prière est un moyen concret de nous édifier les uns les autres.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que Paul nous invite à être vigilants, attentifs, lucides sur notre situation : le monde n’est pas encore apaisé, et la victoire du Christ à la croix suscite une résistance ultime de ceux qui ne veulent pas reconnaître Dieu comme Seigneur. Nous ne devons pas être dupes, mais pas morbides pour autant, ou craintifs : Dieu est déjà vainqueur, il nous a établis chez lui, et il nous donne quotidiennement toutes les grâces dont nous avons besoin. Notre rôle, dans cette période intermédiaire où nous attendons la proclamation universelle du règne de Dieu, c’est de développer avec détermination la nouvelle identité que Dieu nous donne en Jésus-Christ : une identité marquée par la vérité, la justice, la paix, le salut, la foi et la connaissance de la volonté de Dieu. Alors enracinons-nous dans le Christ, puisons en lui nos forces, nos motivations, nos valeurs, nos espoirs, laissons son Esprit nous pétrir à l’image de Dieu, et Dieu nous gardera, il nous protégera et nous conduira sur son chemin.

La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, commence ici

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arrière-planLecture biblique : Marc 1.1-8

Marc commence son évangile avec une phrase qui pourrait passer inaperçue, une simple formule banale : « La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, commence ici. »

Mais y a-t-il vraiment des formules banales dans les évangiles ? Chaque phrase a son importance. Même celle-ci, qui nous en dit finalement bien plus qu’on pourrait le croire à la première lecture.

La Bonne Nouvelle, c’est Jésus !

Le mot évangile est entré dans le langage courant. Et pour nous, ça désigne un livre. Ou plutôt quatre livres du Nouveau Testament. Et on oublierait presque parfois que ce n’est qu’une transcription d’un terme grec qui a une signification très simple : évangile signifie bonne nouvelle.

Or, quel étrange prophète de bonne nouvelle ce Jean-Baptiste, qui apparaît dès le début de l’évangile selon Marc ! Derrière son apparence hirsute d’ermite retiré dans le désert, vêtu d’habits sommaires, avec un régime alimentaire des plus rudimentaires, il proclame un message radical et exigeant : « changez votre vie ! »

Mais en réalité, la Bonne Nouvelle, ce n’est pas Jean-Baptiste, ni même son message. La Bonne Nouvelle, c’est un personne. C’est celui qui vient après lui. Celui dont Jean dit qu’il n’est pas digne d’ôter ses sandales… Ce n’est pas nous, les chrétiens, ou l’Église, et encore moins une religion… La Bonne Nouvelle, c’est Jésus.

Et ce n’est pas fini ! C’est aussi le fait que cette personne soit le Christ, le Messie, celui que Dieu a choisi pour accomplir son plan de salut. Et ce n’est pas fini ! C’est aussi le fait que ce Messie est le Fils de Dieu, Dieu lui-même. Voilà la Bonne Nouvelle : Jésus est le Christ, le Fils de Dieu.

Est-ce que nous vivons l’Évangile comme une bonne nouvelle ? Est-ce que nous l’annonçons comme une bonne nouvelle ? Est-ce que les gens voient dans notre vie, dans notre Église, que c’est une bonne nouvelle ?

La Bonne Nouvelle commence (presque) ici…

En réalité, on devrait dire que la Bonne Nouvelle commence presque ici… Parce que si la Bonne Nouvelle, c’est Jésus-Christ, Marc ne nous en parle pas tout de suite.

Il y a d’abord les prophètes, et notamment Esaïe qui annonce l’émergence d’une voix qui crie dans le désert. Et donc il y a aussi d’abord Jean-Baptiste, et sa prédication publique invitant les foules à se préparer à l’accueil du Messie qui doit venir. Il y a d’abord ce baptême d’eau proposé par Jean qui annonce un autre baptême, celui de l’Esprit saint, que le Christ apportera.

Bref, la Bonne Nouvelle ne tombe pas comme ça du ciel, du jour au lendemain. Son émergence est préparée. Vous connaissez le cantique traditionnel :

« Depuis plus de 4000 ans, nous le promettaient les prophètes,

Depuis plus de 4000 ans, nous attendions cet heureux temps… »

Dans le calendrier liturgique, le temps de l’Avent, tout un mois durant, nous rappelle cette attente. Noël, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ venu sur terre, arrive au terme d’un temps de préparation. Et il y a là une vérité importante : pour recevoir la Bonne Nouvelle, il faut y être préparé, comme la bonne terre de la parabole, prête à accueillir la semence.

Comment avons-nous été préparés à recevoir la Bonne Nouvelle ? Par notre éducation ? Par des rencontres ? Par des circonstances, des événements heureux ou non, qui ont émaillé notre existence ? Nous avons tous un chemin, propre à chacun, dans lequel pourtant nous pouvons sans aucun doute discerner des jalons que Dieu a posé dans notre vie pour nous préparer à l’accueil de la Bonne Nouvelle.

Et puis cette Bonne Nouvelle, on ne la reçoit pas une fois dans sa vie et c’est terminé. L’Evangile nous rencontre et nous interpelle sans cesse. Nous nous réunissons pour entendre tout à nouveau cette Bonne Nouvelle… Mais comment nous y préparons-nous ?

La Bonne Nouvelle commence… mais ne se termine pas

Avec un tel début pour son ouvrage, on pourrait s’attendre à une fin similaire. Du style : « La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, se termine ici… ». Mais si on va à la fin de l’Évangile selon Marc, on se rend compte que ce n’est pas le cas. Pas du tout.

En réalité, l’Évangile selon Marc a la particularité d’avoir une fin abrupte, une fin ouverte. Il est communément admis aujourd’hui que les versets 9-20 sont un ajout postérieur à la rédaction de l’Évangile. Rien d’hérétique dans ces versets, qui empruntent leur contenu aux autres évangiles et au livre des Actes des apôtres. Mais à l’origine, l’évangile selon Marc s’arrêtait au verset 8, de façon surprenante :

« Les femmes sortent de la tombe et partent en courant. Elles tremblent, elles sont bouleversées, et elles ne disent rien à personne, parce qu’elles ont peur. »

Je ne sais pas si vous aimez les fins ouvertes dans un roman ou dans un film. Elles peuvent nous frustrer parce qu’elles ne proposent pas une fin claire et précise. C’est ce qui explique l’ajout à la fin de l’évangile selon Marc… Mais elles peuvent aussi nous stimuler parce qu’elles nous laissent imaginer la suite. Les fins ouvertes nous interpellent, elles nous invitent à continuer l’histoire.

Dans la Bible, le livre de Jonas aussi a une fin ouverte. Avec une question que Dieu pose au prophète sans qu’il y ait de réponse explicite :

« Alors, est-ce que je ne peux pas, moi, avoir pitié de cette grande ville de Ninive ? » (Jonas 4.11)

La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ a un commencement… mais pas de fin. Elle commence avec sa naissance, elle se poursuivra avec sa mort sur la croix. Mais ce ne sera pas la fin : elle se poursuivra avec sa résurrection. Voilà pourquoi elle n’a pas de fin, parce que Jésus-Christ est ressuscité et il est vivant pour toujours !

De plus, le fait qu’il n’y ait pas de fin à l’Évangile selon Marc nous invite aussi à continuer l’histoire. L’Evangile ne doit pas rester un livre, il doit devenir pour nous une Bonne Nouvelle, il veut poursuivre son histoire dans chacune de nos vies.

Conclusion

Dès le début de son ouvrage, Marc nous rappelle que l’Évangile est une Bonne Nouvelle parce qu’il ne s’agit ni d’un simple message ni d’une religion, mais d’une personne. Jésus-Christ, Fils de Dieu.

Et cette Bonne Nouvelle est vivante parce que Jésus-Christ est vivant. Recevoir l’Évangile, c’est laisser le Christ entrer dans notre vie, et nous tenir prêt à l’accueillir tout à nouveau chaque jour.

Pour chacun de nous, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, peut commencer ici et maintenant.

Attendre l’intervention de Dieu (Esaïe 63.15-64.8)

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Nous commençons aujourd’hui la période de l’Avent, c’est-à-dire l’attente de la venue du Seigneur. Dans cette période, plusieurs attentes se superposent : à côté des petits – et des grands – qui attendent la fête avec plus ou moins d’excitation, voire avec un calendrier spécial, nous nous souvenons des jours qui ont précédé la naissance de Jésus le Messie, de ces derniers jours avant l’accomplissement de la promesse divine d’envoyer un sauveur pour le monde. Pour nous qui vivons après la naissance de Jésus, ce temps d’avent revêt deux autres aspects : nous attendons le retour du Seigneur, selon sa promesse de revenir pour instaurer son règne de paix, mais c’est aussi un temps privilégié pour dire notre besoin de Dieu dès maintenant, notre désir de le retrouver, de l’écouter, de le voir à l’œuvre dans notre vie, aujourd’hui – un besoin permanent que cette période d’attente nous permet d’exprimer de manière particulière. Pour ouvrir donc ces semaines où nous essaierons de nous tourner plus particulièrement vers le Seigneur, je vous propose de méditer ensemble un texte du prophète Esaïe qui demande avec force l’intervention de Dieu.

Lecture Es 63.15-64.8

Esaïe prononce cette prière, cette supplication, au nom du peuple en détresse. Dans la première moitié de son livre, le prophète annonce au peuple juif comment Dieu va agir envers eux : à cause de l’infidélité et de l’injustice du peuple, Dieu va leur ôter leurs privilèges, leur pays, et les livrer aux mains des ennemis voisins. Dans la deuxième partie du livre, Esaïe s’adresse au peuple exilé pour lui adresser des paroles d’encouragement, pour lui rappeler la bonté de Dieu, juste et saint, certes, mais aussi compatissant. Nous sommes à ce moment-là, où Esaïe évoque la détresse du peuple puni, dépouillé, dispersé, esclave de maîtres étrangers, et adresse en leur nom une supplication à Dieu. Dans cette prière pour que Dieu intervienne en faveur de son peuple, nous trouvons trois caractéristiques qui colorent notre propre attente et qui forment une sorte de passerelle entre ce peuple exilé et nous.

1)   La douleur de l’attente

En relisant ce texte cette semaine, j’ai été choquée par le ton de la prière. J’ai eu l’impression d’entendre quelqu’un à vif, presque écorché. Le prophète exprime la douleur extrême d’un peuple qui se sent abandonné. Déporté en exil de l’autre côté du désert, à Babylone, le peuple a tout perdu : sa souveraineté, sa terre, et même son Dieu, pourrait-on dire. En effet, le Temple de Jérusalem, lieu de rencontre avec Dieu, a été détruit (18b Nos ennemis ont écrasé ton lieu saint). Le peuple se retrouve complètement démuni, livré au mépris et à la domination païenne, sans avoir de grandes perspectives pour l’avenir.

Le prophète exprime avec vigueur, au nom de ses compatriotes, l’expérience de l’absence de Dieu, comme si Dieu s’était retiré de leur vie, de leur peuple.

15 Où est ton brûlant amour pour nous ? Où est ta puissance ?

Nous ne sentons plus ta tendresse et ta bonté pour nous.

6b tu ne veux plus nous voir

et tu nous as abandonnés au pouvoir de nos fautes.

Dieu leur a tourné le dos, il les a laissés à leur triste sort. Cette absence, le peuple la ressent cruellement pendant l’exil, mais c’est une expérience que nous avons aussi parfois. Dans la souffrance, la solitude, la difficulté, nous avons l’impression que Dieu lui-même nous abandonne. A l’épreuve s’ajoute l’absence de Dieu, son silence indéchiffrable, et c’est parfois le plus insupportable : se demander où est passé Dieu, pourquoi il nous laisse seuls.

Face à la distance de Dieu, le prophète constate et dit sa tristesse, mais il va plus loin et n’hésite pas à interpeller Dieu avec un ton presque vindicatif.

17a : SEIGNEUR, tu nous a laissés nous perdre loin de ton chemin,

tu as laissé nos cœurs se fermer et refuser de te respecter.

Pourquoi donc ?

Clairement, à ce moment-là, le peuple est puni par Dieu lors de l’exil : dès le début de son alliance avec Israël, Dieu les prévenus que s’ils ne respectaient pas les termes de l’alliance, Dieu leur retirerait ce qu’il leur a donné, à savoir la liberté, un pays, et une relation privilégiée avec lui, il les livrerait au chemin qu’ils auraient choisi. Mais même dans cette situation qui résulte de la culpabilité du peuple, et qui est juste, Esaie interpelle Dieu et demande à Dieu de tempérer sa colère : Ne sois pas trop en colère, SEIGNEUR (8a). Comme un enfant qui aurait fait une bêtise malgré les interdictions répétées et serait mis au coin, mais qui ne cesserait de se retourner pour demander : mais combien de temps encore ? La prière frôlerait presque l’insolence !  Ces questions soulignent, à mon sens, combien l’absence de Dieu est terrible à supporter.

2)   Humilité et repentance de celui qui attend

Si Esaïe interpelle Dieu et souligne que c’est Dieu qui a toutes les clefs en main, il ne l’accuse pas d’être injuste, bien au contraire. Tout en exprimant la douleur face à l’absence de Dieu et le besoin ardent que Dieu mette un terme à sa punition, le prophète reconnaît la responsabilité d’un peuple qui s’est détourné de Dieu et qui n’a finalement que ce qu’il mérite. Il reste lucide et juste, conscient que le peuple d’Israël a vécu trop longtemps dans l’incrédulité :

Depuis longtemps, c’est comme si tu n’étais plus notre roi, comme si nous ne portions plus ton nom. (19a) Personne ne fait plus appel à toi, personne ne se réveille pour s’attacher à toi. (6a)

Le peuple a vécu comme un peuple païen, sans foi ni loi, sans donner à Dieu la place de roi, sans l’écouter, sans lui obéir. Ils ont vécu la plupart du temps comme s’ils ne connaissaient pas Dieu. Du coup l’exil paraît presque logique : « vous faites comme si je n’existais pas et que je ne vous avais pas tout donné, alors je vais me rendre absent et vous retirer les biens pour lesquels vous n’avez aucune gratitude ».

Le prophète en est conscient, et il ne remet pas en cause le juste jugement de Dieu. Il reconnaît même l’injustice du peuple qui invalide tout, une injustice sociale, religieuse, politique, qui recouvre tout ce que le peuple pourrait faire d’un voile de pourriture.

Nous sommes tous comme des gens impurs,  et nos meilleures actions

sont aussi dégoûtantes qu’un linge taché de sang.

Nos fautes nous rendent semblables à des feuilles mortes emportées par le vent. (5)

Ce qui fait le paradoxe de cette prière, c’est que le peuple mérite pleinement sa peine et n’a droit à aucun allègement, à aucun recours, tant il est coupable, mais le prophète s’adresse quand même à Dieu pour lui demander de faire grâce. Il demande à Dieu de revenir, de voir, d’intervenir :

SEIGNEUR, regarde du haut du ciel, le lieu saint et magnifique où tu habites, vois ce qui nous arrive. (15a) Reviens (17b)  Ah ! si tu déchirais le ciel et si tu descendais ! (19b)

Ne sois pas trop en colère, SEIGNEUR. Ne te souviens pas pour toujours de nos fautes.

Regarde, nous t’en prions, nous sommes tous ton peuple. (8)

Tout en étant lucide sur l’état spirituel du peuple, et sur sa culpabilité, le prophète ne cesse d’avoir recours à Dieu, de lui demander de mettre un terme à la peine.

Dans cette prière, nous trouvons la repentance et l’humilité de celui qui se sait indigne devant Dieu, qui n’invoque aucun droit, aucun mérite, tant il est lucide sur sa responsabilité. Toutefois, cette repentance ne s’exprime pas dans les termes habituels : le prophète ne reste pas passif, silencieusement résigné à son sort, mais il supplie tant et plus le Dieu tout-puissant de prendre pitié.

3)   L’appel à Dieu le Père, seul sauveur

Quelles sont les raisons pour demander la clémence de Dieu tout en se sachant indignes de la demander ?

Esaïe remonte à la première alliance de Dieu avec ce qui allait devenir le peuple d’Israël : l’alliance avec Abraham, père d’Isaac et de Jacob qui donne son nom – Israël – au peuple que Dieu délivre près de 500 ans plus tard ! Esaïe rappelle à Dieu qu’il s’est engagé : le jour où il a appelé Abraham (qui n’avait rien demandé) et qu’il a mis en marche son projet de bénir cet homme stérile pour que naisse de lui un peuple qui serait béni de Dieu, Dieu s’est engagé. Dieu est le Père, l’initiateur du peuple, celui qui a tout commencé, ce qui revient plusieurs fois dans le texte.

Mais toi, SEIGNEUR, tu es notre père, « notre libérateur », voilà ton nom depuis toujours. (16)

Nous sommes l’argile, et tu es le potier. Tes mains nous ont tous formés. (7)

Esaïe confronte donc Dieu à ses propres projets, à ses propres engagements : pourquoi nous avoir fait naître si tu nous abandonnes maintenant ? La raison pour demander grâce, c’est la fidélité de Dieu à lui-même, à ses décisions, malgré les ratés et les fautes du peuple : Dieu s’est engagé, et parce que c’est lui qui a conclu le contrat, il ne peut pas l’annuler sans se renier lui-même.

Esaïe évoque ainsi les engagements de Dieu, mais aussi les délivrances passées : en demandant à ce que Dieu descende du ciel et déchire el ciel, qu’il fasse trembler les montagnes et les peuples, Esaie rappelle la sortie d’Egypte, les œuvres étonnantes que Dieu a accomplies pour sauver le peuple de l’esclavage (les plaies d’Egypte, la traversée de la mer) ainsi que ce moment extraordinaire où Dieu s’est révélé au peuple sur la montagne du Sinaï, dans le tonnerre et le feu. Dieu est capable d’intervenir, le passé en est la preuve.

Enfin, Esaïe rappelle à Dieu son identité :

Aucun autre dieu que toi n’agit de cette façon pour ceux qui ont confiance en lui.

Non, personne n’en a jamais entendu parler, personne ne l’a jamais appris,

aucun œil ne l’a jamais vu.

4Tu viens à la rencontre de ceux qui pratiquent la justice avec joie,

qui se souviennent de toi pour suivre ton chemin. (3-4a)

Dieu se tourne vers ceux qui se tournent vers lui, il répond à celui qui appelle, il ouvre à celui qui frappe : il est compatissant, prêt à écouter, prêt à répondre, d’abord à celui qui pratique la justice, mais Esaïe ose espérer que la compassion de Dieu atteindra aussi celui qui est injuste, qui le reconnaît et qui souhaite trouver la justice, qui souhaite revenir sans trop savoir comment sur le bon chemin.

Conclusion

Dans cette période de l’Avent, nous ne sommes pas en exil, nous ne sommes pas tous éprouvés ou punis. En rappelant l’horreur de l’absence de Dieu, cette prière nous invite à rechercher avec ardeur, à mettre toute notre énergie à appeler Dieu dans notre vie. Elle nous rappelle que l’amour de Dieu n’est pas un dû, pour nous qui sommes faibles et bien souvent injustes aux yeux de Dieu. Pourtant, l’espoir demeure, à cause de l’identité de Dieu : il est celui qui bénit, celui qui délivre, celui qui aime, celui qui intervient. Dieu est juste et compatissant, et parce qu’il est fidèle à lui-même et à son amour pour nous, nous avons toujours une porte d’entrée, un accès à Dieu. Sa compassion, Dieu l’a manifestée d’une manière étonnante, inouïe, en envoyant son propre fils mourir sur la croix pour nous sauver de notre injustice. C’est un fait. Quel que soit le point où nous sommes, quelle que soit notre responsabilité pour notre situation, si nous invoquons le Seigneur et si nous faisons appel à sa miséricorde, Dieu nous répondra parce qu’il s’est engagé envers nous en Jésus-Christ, par amour, par pure grâce. Approchons-nous donc de lui avec humilité et confiance !