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Une foi aux mille nuances

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Dans trois semaines, nous fêterons Pâques. Nous proclamerons la mort et la résurrection de Jésus, Dieu fait homme.

Si Jésus est mort, c’est pour nous délivrer de nos chaînes, de nos esclavages, de nos blessures – celles que nous portons, et celles que nous imposons aux autres. C’est pour nous rapprocher du Dieu dont nous étions déconnectés en portant sur lui tout ce qui en nous fait horreur à Dieu (ce que la Bible appelle péché). Par sa mort, nous sommes pardonnés, libérés de toute honte et de toute culpabilité devant Dieu – Jésus a tout assumé.

Mais Jésus ne nous donne pas seulement une nouvelle chance, la possibilité d’un nouveau départ, en effaçant l’ardoise de nos dettes. Il nous invite à une vie nouvelle, dont sa résurrection est le gage : il est vivant, d’une vie divine qui transperce même la mort. Cette vie, par la foi, nous pouvons la recevoir, comme nous avons reçu le pardon de Dieu par la foi. La caractéristique de cette vie, c’est que nous sommes maintenant connectés à Dieu. Directement, sans problème de réseau : nous pouvons recevoir de Dieu et lui donner, lui parler, lui demander, avec la liberté d’un enfant qui se confie à son père.

Mais ce n’est pas toujours facile de savoir comment se tenir devant Dieu. Comment être en relation avec lui. Dans notre enfance, nous avons appris que dans nos relations avec les autres, nous pouvons avoir différentes attitudes. Vous ne vous comportez pas de la même façon envers le maire de votre village ou votre beau-frère, votre conjoint ou votre mère, envers un inconnu ou un voisin. On s’adapte : le vocabulaire n’est pas le même, ni les sujets de conversation, ou encore le degré de confidence. Et le critère c’est l’identité de l’autre, qui détermine ma relation avec lui.

Le problème dans notre relation avec Dieu, c’est qu’on ne le voit pas. On l’entend rarement. Quelle attitude avoir envers lui ? Cette question, on ne peut y répondre qu’en méditant sur qui est Dieu. Tout dépend de qui est ce Dieu qui nous sauve, ce Dieu qui nous réconcilie avec lui.

Pour nourrir notre méditation, et nous aider à mieux être en relation avec Dieu, je vous propose un texte de l’AT, dans le livre de l’Exode, il y a quelques 3500 ans. Nous sommes à une époque difficile. Depuis plusieurs siècles, les descendants d’Abrahm, son fils Isaac et son petit-fils Jacob habitent en Egypte, où avec le temps ils sont devenus esclaves. L’oppression est de plus en plus dure. Il y a quelques années, un Juif a bien essayé de soulager leur misère, mais dans son ardeur il a tué un Egyptien et il a fui le pays. Cet homme c’est Moïse. Nous le retrouvons quarante ans plus tard…

Lecture biblique : Exode 3. 1-15

1 Moïse garde les moutons et les chèvres de Jéthro, son beau-père, le prêtre de Madian. Un jour, Moïse conduit le troupeau au-delà du désert et il arrive à l’Horeb, la montagne de Dieu.

2 Là, l’ange du SEIGNEUR lui apparaît dans une flamme, au milieu d’un buisson. Moïse regarde : le buisson est en feu, mais le feu ne détruit pas le buisson. 

3 Moïse se dit : « Je vais faire un détour pour voir cette chose étonnante. Le buisson n’est pas brûlé. Pourquoi donc ? » 

4 Le SEIGNEUR voit que Moïse fait un détour pour regarder. Alors Dieu l’appelle du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Moïse répond : « Je suis là ! » 

5 Le SEIGNEUR dit : « N’approche pas du buisson ! Enlève tes sandales parce que cet endroit est saint. 6 Je suis le Dieu de tes ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » Moïse se cache le visage parce qu’il a peur de regarder Dieu.

Piqué par la curiosité devant un buisson qui ne brûle pas, Moïse s’avance. Au milieu de ce buisson, la voix de Dieu.

C’est l’ange du Seigneur, ange au sens de messager. On retrouve bien souvent cet « ange du Seigneur » dans l’AT, un messager qui s’exprime au nom de Dieu, avec l’autorité divine, au point que quand il parle on peut dire que Dieu parle. Là où il est, on peut dire que Dieu est présent d’une manière spéciale. On ne voit pas Dieu tel qu’il est, mais ce messager porte un peu du poids divin.

Dieu appelle Moïse deux fois, avec affection, c’est lui qui prend l’initiative, mais il le repousse juste après : « N’avance pas trop près ! Garde tes distances ! Et enlève tes chaussures, comme on le fait quand on entre chez un supérieur. » A d’autres époques, on ferait la révérence, on s’inclinerait.

Dieu révèle à Moïse, dès les premiers mots de leur échange, sa sainteté en premier. Qu’est-ce que cela signifie ? Dieu est pur : rien de mal en lui, rien d’imparfait qui puisse l’approcher sous peine de se consumer, de s’auto-détruire, comme on se brûle en touchant une flamme. Mais dans la pureté de Dieu, il y a aussi de la puissance, quelque chose de majestueux et d’impressionnant comme un éclair ou un sommet enneigé. Dieu est roi.

La sainteté de Dieu va être au cœur de ce que Dieu veut apprendre au peuple d’Israël par la suite : on ne s’approche pas de lui n’importe comment, sous peine de se brûler. Dieu demandera un temple avec des étapes, des sas, des restrictions, pour le souligner : on ne s’approche pas n’importe comment du Créateur, du Roi pur et puissant.

7 Le SEIGNEUR continue : « J’ai vu la misère de mon peuple en Égypte. Je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs égyptiens. Oui, je connais ses souffrances. 8 Je suis donc descendu pour le délivrer du pouvoir des Égyptiens. Je veux l’emmener d’Égypte dans un pays beau et grand qui déborde de lait et de miel. C’est le pays des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizites, des Hivites et des Jébusites. [en évoquant les peuples, il dessine le contour des régions qui formeront le pays] 9 En effet, les cris des Israélites sont montés jusqu’à moi, et j’ai vu aussi comment les Égyptiens les écrasent. 10 Alors maintenant, je t’envoie vers le roi d’Égypte. Va et fais sortir de son pays les Israélites, mon peuple. »

Dieu ne s’étend pas sur sa sainteté, et il montre vite sa compassion. Il voit, il entend, il connaît les souffrances de son peuple – alors il va agir (il va « descendre »), et il va agir par l’intermédiaire de Moïse.

Il va libérer Israël de l’esclavage, pour le faire entrer dans un pays où le peuple pourra être souverain, et vivre librement sa relation avec Dieu. C’est un projet d’abondance que Dieu a : abondance visible, matérielle (le lait et le miel symbolisent la richesse des terres), mais aussi abondance spirituelle (la liberté, la joie, la justice, la paix…).

C’est un projet qui en annonce un autre, plus global : le salut en Jésus. Toute sa vie, et jusque dans sa mort, il œuvrera pour libérer de l’esclavage, et du pire qui soit : l’esclavage du péché, ce mal en nous qui nous empêche de vivre vraiment, dans la présence de Dieu. Le salut, c’est cette vie abondante dans la présence de Dieu, que nous commençons à vivre par la foi, mais dont nous attendons le plein accomplissement, lorsque Dieu aura instauré justice et paix dans ce monde.

Dieu intervient, non pas parce qu’Israël est un peuple particulièrement attendrissant, mais parce qu’il y a plusieurs siècles, Dieu a fait une promesse. Une promesse à Abraham, Isaac, et Jacob. La promesse d’un pays, la promesse de la vie avec lui. Il a fallu du temps pour accomplir cette promesse pour des raisons qui nous échappent. Mais maintenant, Dieu se montre fidèle à sa promesse, à sa parole, à l’alliance conclue avec les ancêtres de Moïse.

11 Moïse répond à Dieu : « Moi ? Est-ce que je suis capable d’aller trouver le roi d’Égypte pour faire sortir les Israélites de son pays ? » 

12 Dieu lui dit : « Je serai avec toi. C’est moi qui t’envoie. Voici la preuve : quand tu auras fait sortir d’Égypte le peuple d’Israël, vous me servirez sur cette montagne. » 

13 Moïse dit à Dieu : « Bon ! Je vais donc aller trouver les Israélites. Je leur dirai : “Le Dieu de vos ancêtres m’envoie vers vous.” Mais ils vont me demander ton nom. Qu’est-ce que je dois répondre ? » 

14 Dieu dit à Moïse : « JE SUIS QUI JE SUIS. Voici ce que tu diras aux Israélites : “JE SUIS m’a envoyé vers vous.”  » 15 « Puis tu leur diras encore : “Celui qui m’a envoyé vers vous s’appelle LE SEIGNEUR. Il est le Dieu de vos ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.” C’est mon nom pour toujours. C’est le nom par lequel vous pourrez faire appel à moi de génération en génération. »

Moïse va jouer un rôle clef dans le projet de libération que Dieu a élaboré. Mais il doute, moitié par politesse (oh non, c’est trop d’honneur… qui suis-je ?…), moitié parce qu’il n’est pas le héros idéal ! Déjà avancé en âge, exilé depuis quarante ans, meurtrier (un meurtre n’a pas vraiment de délai de prescription !), il n’est pas à la hauteur.

Dieu répond avec une promesse : je t’accompagne, et un signe : tu vas y arriver, et quand tu auras accompli cette mission, tu seras avec le peuple, sur cette montagne-même où nous parlons, et vous inaugurez votre liberté avec une célébration qui sera le début d’une nouvelle ère.

Pour rassurer encore Moïse, Dieu précise son nom : Je suis. La forme utilisée dans le texte est ambiguë : ça peut vouloir dire « je suis » ou « je fais être, je crée ». Pour Dieu, qui est la source de toute vie, les deux marchent ! Puisqu’il est, puisqu’il crée, aucun obstacle n’est définitif. Dieu appelle ainsi Moïse au courage et à la confiance : allez ! on y va !

Moïse ne dira pas « je suis » aux Israélites, il dira « il est » avec les lettres qui forment le mot « yahvé », qu’on reprend parfois pour désigner Dieu. Dans ce nom, on sent la majesté de Dieu – il est. Il est saint, Il est compatissant, Il est avec nous.

            Une foi aux mille nuances

C’est ce Dieu-là que nous révèle Jésus : un Dieu impressionnant, un Dieu au cœur ardent, un Dieu très haut qui se fait très proche. Il a la vision panoramique du monde entier, avec ses univers qui nous restent inconnus, et en même temps, il nous entend et nous connaît. Et c’est avec ce Dieu-là que Jésus nous invite à vivre. Un Dieu dont la justice colore l’amour, dont la compassion fait vibrer la sainteté, un Dieu riche et profond. Comme la lumière blanche où se conjuguent les nuances des couleurs que nous connaissons, révélées dans un arc-en-ciel…

Nous sommes souvent touchés plutôt par un aspect de Dieu (Dieu est saint, Dieu est amour, Dieu est la vérité, Il est juste, artisan de paix…), parfois au détriment des autres. Mais le risque c’est de passer à côté du reste, et de rétrécir Dieu, comme on rétrécirait un arc-en-ciel à une seule couleur. Dieu est riche en nuances ; du coup, notre relation avec lui doit refléter ces différentes nuances pour être riche et authentique.

Par exemple, nous disons souvent « Dieu est amour ». C’est vrai. Mais parfois nous finissons par dire : « Dieu n’est qu’amour » – or il est aussi le Dieu saint, juste et vrai. Sa sainteté appelle notre crainte et notre respect, car nous sommes indignes, indignes de nous approcher du Créateur ! Mais Jésus a assumé cette indignité, et lorsque nous croyons en lui, nous pouvons utiliser son nom pour approcher Dieu, comme avec un laissez-passer : je connais le fils du patron ! Mieux, je suis son frère adoptif !  Mais Dieu reste le même, il est saint. On ne s’approche pas de lui comme d’un copain, ou d’un égal, même s’il nous aime. Il n’est pas à notre service, même s’il vient à notre secours. Et venir à lui, dans la prière, c’est dire d’abord : que ta volonté soit faite. Passe en premier. Qu’il n’y ait dans ma bouche aucune parole qui te déplaise, par mes mains aucun geste indigne, dans mes pensées aucun vice ni mensonge. Que ce qui doit brûler en t’approchant se détruise… Ce n’est pas une crainte peureuse qui nous habite, mais un respect admiratif, impressionné, humble devant la grandeur de Dieu…

Cela dit, n’insister que sur la sainteté de Dieu, c’est négliger les trésors de patience qui l’habitent. Négliger sa compassion et sa grâce : Il a pris l’initiative de nous sauver sans autre raison que son amour pour nous, sans que nos « mérites » y soient pour quelque chose. Et il continue ! Nous vivons dans la grâce de Dieu. Chaque jour, il renouvelle son pardon, et il œuvre pour nous transformer, par son Esprit qui habite en nous.

Voilà juste quelques couleurs sur l’arc-en-ciel de Dieu, mais rien que ces qualités-là interrogent : comment va votre relation avec Dieu en ce moment ? Y a-t-il une dimension de Dieu que vous avez oubliée récemment, ou des textes bibliques que vous évitez parce qu’ils vous mettent mal à l’aise ? Qu’avez-vous besoin de redécouvrir dans votre relation avec Dieu ? Sa justice, sa patience ? Sa sainteté, sa compassion ? Sa grandeur, sa présence ? Prenons un moment de silence pour demander à Dieu de nous éclairer, et nous conduire dans une relation plus riche et plus profonde avec lui.

Prier ou agir, faut-il choisir ?

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/prier-ou-agir-faut-il-choisir

Tout à l’heure, nous avons prié pour les actions du SEL. Nous offrons aussi la possibilité de donner pour soutenir financièrement ces actions.

Plus proche de nous, nous sommes tous confrontés à des besoins, des attentes autour de nous, et on ne sait pas toujours comment y répondre, ni même si nous devons y répondre… Peut-être qu’alors nous prions pour ces besoins.

Est-ce suffisant ? Ici se pose en fait la question du lien entre nos prières et nos actions. Finalement, en tant que croyant, ne sommes-nous pas convaincus que c’est Dieu qui agit ? La Bible ne dit-elle pas que la prière du juste a une grande efficacité ? Alors pourquoi la prière ne suffirait-elle pas ? Plutôt que de faire des bêtises, ne faudrait-il pas seulement prier et laisser Dieu agir ?

Je vous propose de chercher des éléments de réponse à ces questions dans un extrait du chapitre 15 de l’Evangile selon Jean :

Jean 15.5-10

5 (Jésus dit 🙂 « Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Si quelqu’un reste attaché à moi comme je suis attaché à lui, il donne beaucoup de fruit. En effet, sans moi, vous ne pouvez rien faire. 6 Celui qui ne reste pas attaché à moi, on le jette dehors, comme les branches. Alors les branches deviennent sèches, on les ramasse, on les jette dans le feu, et elles brûlent. 7 Si vous restez attachés à moi, et si mes paroles restent en vous, demandez ce que vous voulez, et vous l’aurez. 8 Donnez beaucoup de fruits et soyez ainsi mes disciples, alors vous montrerez la gloire de mon Père. 9 Je vous ai aimés comme le Père m’a aimé. Restez dans mon amour. 10 J’ai obéi aux commandements de mon Père et je reste dans son amour. De la même façon, si vous obéissez à mes commandements, vous resterez dans mon amour.

“Demandez ce que vous voulez, et vous l’aurez !” Au coeur de ce texte, cette affirmation ressemble un peu à un slogan publicitaire…” On pourrait presque ajouter : appelez le 08 777 et dites “Jésus !”

Sauf que ce n’est pas un slogan publicitaire mais une promesse de la Bible. Une promesse que Jésus répète à plusieurs reprises dans les évangiles, pas toujours avec les mêmes mots mais toujours avec la même idée. Demandez et vous recevrez !

On perçoit bien qu’il n’y a pas derrière ces formules l’évocation d’un Dieu qui serait prêt à répondre à tous nos caprices ! La formule n’est ni magique ni automatique : il ne suffit pas de demander et ça arrive !!! Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne…

Le sens de la promesse est précisé par les contextes dans lesquels elle apparaît. Selon les cas, Jésus y insiste sur la façon de demander (en son nom), ou sur les bonnes choses qu’on demande (sous-entendu : si on demande de mauvaises choses, Dieu ne va pas forcément nous les donner !).

Dans notre texte (Jean 15), le promesse est bien là, formulée de façon assez absolue : “demandez ce que vous voulez, et vous l’aurez.” Mais elle apparaît dans le développement d’une image, celle de la vigne. Jésus est la vigne, nous ne sommes que les sarments, les branches de la vigne. D’où la nécessité de rester attaché à lui. Et cela apparaît comme une condition à la promesse : “Si vous restez attachés à moi, et si mes paroles restent en vous, demandez ce que vous voulez, et vous l’aurez.”

Or, rester attaché au Christ, c’est demeurer dans son amour. Et comment demeurer dans son amour ? En obéissant à ses commandement (cf. v.10). Le lien entre la prière et l’action est au coeur de ce texte. Jésus le dit clairement : “sans moi, vous ne pouvez rien faire.”

Bref, la promesse toute seule semble absolue : “demandez ce que vous voulez, et vous l’aurez.” mais ajoutez les conditions explicites qui lui sont associées : “si vous restez attachés à moi, et si mes paroles restent en vous” et le contexte de la métaphore qui souligne que sans lui nous ne pouvons rien faire, et on se rend compte qu’on est très loin d’une formule magique !

En fait, si on est vraiment attaché à Jésus-Christ, on ne lui demandera pas n’importe quoi, on sera conduit à lui demander ce qui correspond à sa volonté… et il l’accordera. Et si on est attaché à Jésus-Christ, alors on accomplira sa volonté dans notre vie, on agira en conséquence… et certaines de nos demandes pourraient bien se concrétiser dans notre engagement. C’est aussi à travers nous que le Seigneur les exaucera.

Pour le chrétien, il est aussi problématique de prier sans agir que d’agir sans prier

Prier sans agir, c’est réduire la prière à des paroles en l’air, qui n’engagent pas. Même si elle est bien formulée, pleine de citations bibliques et d’expressions spirituelles, une telle prière n’est guère plus qu’un voeu pieu. Pire, c’est l’occasion de se décharger sur Dieu de notre responsabilité… “Vas-y, Seigneur, agis ! Et moi je m’en lave les mains…”

Alors bien sûr, dans certaines circonstances plutôt extrêmes, la prière sera la seule action que nous pourrons mener. Il peut arriver que nous n’ayons aucune emprise sur les événements, que nous soyons totalement démunis… et là, le seul refuge, la seule action possible, c’est de prier.

Mais parfois, à l’inverse, la réponse à notre prière dépendra entièrement de nous, de notre engagement, de notre décision. Par exemple, on peut parfois demander à Dieu d’appeler ou d’envoyer quelqu’un pour un service… et que la personne qu’il veut envoyer, c’est nous qui sommes en train de prier !

Et puis il y a toutes les nuances possibles entre ces deux extrêmes… On peut par exemple prier pour la guérison de quelqu’un mais être appelé en même temps à visiter le malade pour lequel on prie et cette visite pourrait contribuer à sa guérison. Ou on peut prier pour un projet humanitaire à des milliers de kilomètres de chez nous et en même temps envoyer de l’argent pour le soutenir.

En réalité, un des rôles de la prière sera de discerner quelle part je suis appelé à prendre pour qu’elle soit exaucée ! C’est une question que nous pouvons intégrer dans toute démarche de prière : “quelle part Dieu veut-il que je prenne dans l’exaucement de ma prière ?”

Prier sans agir est problématique. Mais agir sans prier l’est aussi ! Parce que toute action ou toute initiative n’est pas forcément bonne. Parce qu’on peut toujours faire des mauvais choix. Parce que nous sommes appelés à “demeurer en Jésus-Christ” comme le disait notre texte, c’est-à-dire à accomplir sa volonté. Agir sans prier, c’est prendre le risque d’agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes, d’accomplir notre volonté plutôt que celle de Dieu, de se réfugier dans l’activisme ou d’aller droit dans le mur.

“Priez sans cesse !” disait l’apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique. On peut entendre cette fameuse parole comme un encouragement à accompagner notre vie, toute notre vie, de la prière. Une invitation à prier avant, pendant et après l’action.

Il nous faut prier avant d’agir pour discerner ce qu’il convient de faire. Ça ne nous garantira pas le succès, nous ferons encore des mauvais choix parfois… mais si nous ne prions pas avant d’agir, nous augmentons considérablement les risques d’erreur ! Car il s’agit toujours de discerner ce que Dieu attend de nous aujourd’hui.

Prier pendant l’action, ce n’est pas forcément s’arrêter à se mettre à genoux. C’est être conscient, au coeur de l’action, d’avoir besoin du soutien et de l’aide de Dieu, et que nos efforts, notre intelligence et notre expérience ne suffisent pas. L’oeuvre bienveillante de Dieu demeure essentielle en toutes circonstances. Prier pendant l’action, c’est aussi être prêt à ajuster nos projets, modifier la trajectoire si les circonstances l’exigent.

Et puis il convient aussi de prier après l’action. Lorsque nous avons fait notre part, continuer de prier c’est confier à Dieu la suite, et accompagner ceux qui ont pris le relais dans l’action, d’une manière ou d’une autre.

On peut dire que l’apôtre Paul était un homme d’action, vu tous ses voyages missionnaires et toutes les Eglises qu’il a fondées. Mais je suis frappé, dans ses lettres, combien la prière occupe une place importante. Voyez toutes les fois où il dit prier constamment pour les Eglises auxquels il écrit. Et voyez combien souvent il demande aux chrétiens de prier pour lui, pour l’exercice de son ministère. Il priait sans cesse. Avant, pendant et après l’action !

Conclusion

Prier ou agir, il ne faut pas choisir ! L’un ne peut pas aller sans l’autre. Pour le chrétien, il est aussi problématique de prier sans agir que d’agir sans prier !

Si nous pouvons être convaincus que c’est Dieu qui agit, nous pouvons être également convaincu qu’il choisit d’agir à travers nous. La prière n’est pas un moyen de nous décharger sur Dieu de notre responsabilité mais une façon de mettre notre vie au diapason de Dieu, d’harmoniser nos actions au projet de Dieu.

Dans notre vie de prière, une question ne doit pas être laissée de côté et je vous la laisse pour conclure : “quelle part Dieu veut-il que je prenne dans l’exaucement de ma prière ?”

Vivre la fraternité (6) Avec toute la création !

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-la-fraternite-6-avec

Dans nos prédications, on vous parle de fraternité depuis plus d’un mois… Et si on a commencé par parler de fraternité entre nous, dans l’Eglise – et ce n’est pas toujours facile!- on s’est permis d’élargir le cercle, d’abord aux autres Eglises, ensuite à l’ensemble de l’humanité. Et vous vous disiez peut-être qu’on ne pouvait pas aller plus loin…

Sauf que les êtres humains ne sont pas les seuls êtres vivants sur cette terre. Peut-on parler de nos frères et soeurs les animaux ? Ou même de nos soeurs les fleurs et nos frères les arbres ? Forcément, si on parle de fraternité créationnelle, elle ne sera pas de même nature que la fraternité humaine. Mais ne peut-on pas affirmer une solidarité fondamentale avec le vivant, sous toutes ses formes ?

En tout cas, la préoccupation écologique est incontournable aujourd’hui. Les enjeux écologiques font partie des débats internationaux majeurs. On parle de transition écologique, d’énergie verte. Le marché du bio est en pleine expansion, on se soucie plus qu’avant de la cause animale, on nous incite à manger moins de viande, le véganisme est à la mode…

Que penser de tout cela d’un point de vue biblique ?

Forcément, pour répondre à ces questions, nous devons nous tourner en priorité vers ce que la Bible dit de la Création. Or, il y a deux récits de la création au début de la Genèse. Les deux affirment globalement la même chose : il y a un Créateur à l’origine de toutes choses et il a placé les êtres humains dans cette création avec un rôle particulier. Mais les deux récits le disent différemment, en mettant l’accent sur des points différents. Chacun des deux récits nous dit quelque chose de spécifique, et complémentaire, quant à la place des êtres humains dans la création.

Il faudrait lire tout le premier chapitre de la Genèse pour admirer la beauté de ce poème, cet hymne magnifique évoquant la Création du ciel et de la terre en six jours, parfaitement équilibrés. Mais centrons-nous sur ce qui est dit de la création des êtres humains, nous sommes au sixième jour :

Genèse 1.24-27
24 Dieu dit : « Que la terre produise toutes sortes d’animaux : animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce ! » Et cela arrive. 25 Ainsi, Dieu fait les différentes espèces d’animaux : les animaux sauvages, les animaux domestiques et les petites bêtes. Dieu voit que c’est une bonne chose.
26 Dieu dit : « Faisons les êtres humains à notre image, et qu’ils nous ressemblent vraiment ! Qu’ils commandent aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel, aux animaux domestiques et à toutes les petites bêtes qui se déplacent sur le sol ! »
27 Alors Dieu crée les humains à son image,
et ils sont vraiment à l’image de Dieu.
Il les crée homme et femme.

Un animal comme les autres

Que nous dit ce texte de la place de l’être humain dans la création ? Qu’il est un animal comme les autres ! En effet, il n’y a pas un jour spécifique de création de l’être humain : il est créé le 6e jour, le même jour que tous les animaux terrestres.

Alors vous me direz que quand même, l’être humain a une place particulière parmi les autres créatures. C’est la seule dont on dise qu’elle est faite “à l’image de Dieu” et elle reçoit une mission particulière pour “commander” sur les autres animaux. C’est vrai. Et c’est ce qui fait que l’antispécisme n’est pas biblique… Un antispéciste dira que l’humain ne prime pas sur les autres espèces animales, il prône l’égalité entre toutes les espèces vivantes. Et le spécisme serait une sorte de racisme à l’égard des animaux… La Bible n’est pas antispéciste.

Il n’empêche… on ne peut pas nier que le récit biblique ne réserve pas un jour particulier de création pour l’homme. Les humains ne sont pas créés le 7e jour, comme couronnement de la Création. Ils sont créés le 6e jour, comme tous les autres animaux terrestres. Le même jour que les lions, les vaches et les vers de terre !

Même si on peut lui accorder un statut particulier, l’être humain n’est pas en dehors de la nature, il en fait partie. Il est solidaire de toute la Création qui, toute entière, est appelée à rendre gloire à Dieu ! Dans les Psaumes par exemple, on voit les animaux, les arbres et tous les éléments de la nature louer le Seigneur !

Un jardinier

Le deuxième récit de la Création nous transporte dans un jardin. La Création de l’homme et de la femme, leur relation à Dieu, sont plus développés que dans l’hymne du premier chapitre. D’une certaine façon, on y voit comment l’être humain agit en image de Dieu. Lisons deux paragraphes qui évoquent le lien des humains avec leur environnement.

Genèse 2.7-9,15-17
7 Le SEIGNEUR Dieu prend de la poussière du sol et il forme un être humain. Puis il souffle dans son nez le souffle de vie, et cet homme devient un être vivant. 8 Ensuite, le SEIGNEUR Dieu plante un jardin dans le pays d’Éden, vers l’est. Là, il met l’homme qu’il a formé. 9 Le SEIGNEUR Dieu fait pousser du sol toutes sortes de beaux arbres, avec des fruits délicieux. Au milieu du jardin, il place l’arbre de vie et l’arbre qui fait connaître ce qui est bien ou mal.
(…)
15 Le SEIGNEUR Dieu prend l’homme et il le place dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. 16 Le SEIGNEUR Dieu donne cet ordre à l’homme : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin. 17 Mais tu ne dois pas manger les fruits de l’arbre qui fait connaître ce qui est bien ou mal. Oui, le jour où tu en mangeras, tu mourras, c’est sûr. »

L’homme est créé à partir de la poussière du sol. Son nom, Adam, signifie “le terreux”, “le glaiseux”. Il est indissociablement lié à la terre dont il est tiré. Il fait partie intégrante de la nature créée, il en est solidaire.

Mais il reçoit une mission de la part de Dieu : cultiver et garder le jardin. Il est un jardinier. Les deux verbes utilisés sont complémentaires : vécus dans l’équilibre, nous évitent deux excès. Celui de l’idolâtrie de la nature : on est appelé à la cultiver, on peut agir sur elle, elle n’est pas sacrée ou divine. Mais aussi celui du non-respect de la nature : on est appelé à la garder, la protéger, la respecter.

J’aimerais m’arrêter un peu plus sur le deuxième verbe : garder. Parce qu’on peut se demander contre quel danger le jardin devait être gardé… Il n’y avait pas de danger au temps de Genèse 2 ! Tout était harmonieux et paisible dans le jardin. Pour constater le premier dérèglement de la nature, il faut aller au chapitre 3. L’homme et la femme se sont révolté contre Dieu, ils ont mis en doute la parole du Seigneur et on mangé du fruit interdit. Les malédictions prononcées par Dieu à leur égard expriment alors les conséquences du péché. Et parmi elles nous lisons :

Genèse 3.17-18
À cause de toi je maudis le sol.
Tu devras te fatiguer
tous les jours de ta vie
pour tirer ta nourriture de la terre.
Le sol produira pour toi
des plantes épineuses de toutes sortes.

C’est avec le péché de l’humanité qu’intervient le dérèglement de la nature. Autrement dit, le plus grand danger pour le jardin, c’était le jardinier ! Lorsqu’il le saccage, le surexploite, le défigure. Et ça n’a pas changé aujourd’hui… N’est-ce pas le péché de l’humanité qui s’exprime aujourd’hui encore dans la surexploitation et la surconsommation des ressources naturelles, dans la recherche du profit immédiat, de la rentabilité maximum, du bien-être égoïste ? Tous des comportements qui finissent par défigurer, détruire, polluer la création de Dieu…

Des chrétiens éco-responsables

Aimer Dieu, c’est aussi aimer sa Création. Soyons donc des chrétiens éco-responsables !

Gardons notre capacité d’émerveillement devant la création, admirons l’oeuvre de Dieu. Et sentons nous concernés quand elle est mise en péril. Ne doit-on pas s’inquiéter de voir la liste des espèces animales en voie de disparition s’allonger à cause de l’activité humaine ? Des chefs d’oeuvre de Dieu disparaissent devant nos yeux ! Et que dire de la forêt amazonienne pillée, de la fonte de la calotte glacière, de la profusion de déchets plastiques dans la Mer Méditérannée…

On parle beaucoup, aujourd’hui, de transition écologique. Et je trouve que cette démarche n’est pas sans résonance avec certaines notions bibliques. Cette idée d’une transformation intérieure, d’un changement de regard, qui se traduit dans le comportement n’est pas sans rappeler les notions de conversion et de sanctification où Dieu nous transforme intérieurement pour nous rendre capable de changer de comportement.

Notre mission prioritaire est, certes, d’annoncer l’Evangile à tout homme et à toute femme. Mais les exhortations du Nouveau Testament à une vie simple et respectueuse, au contentement, peuvent faire de nous des chrétiens éco-responsables, qui refusent la fuite en avant de la consommation à outrance. Nous pouvons intégrer des petits gestes éco-responsables dans notre quotidien. Et les intégrer aussi dans notre vie d’Eglise !

Nous pouvons soutenir ceux qui portent un plaidoyer pour la planète et questionnent nos gouvernants. Prier pour eux, et pour les dirigeants de notre monde, notamment ceux qui préfèrent les impératifs économiques aux impératifs environnementaux.

Conclusion

Sommes-nous donc frères et soeurs des animaux et des arbres ? Peut-être… en tout cas nous sommes interdépendants, et nous sommes appelés à être solidaires de toute la Création. Ne pas se soucier de la nature que Dieu a créée, c’est ne pas respecter le Créateur. Tout simplement.

D’autant que Dieu a un projet pour cette Création qui “souffre les douleurs de l’enfantement” selon les paroles de l’apôtre Paul aux Romains. Elle aussi aura part à la gloire promise aux enfants de Dieu. C’est une raison de plus de respecter et préserver cette terre, destinée elle aussi au salut !

Soyons donc des chrétiens éco-responsables, pour honorer le Créateur et le Sauveur de ce monde !

Vivre la fraternité (5) L’amour sans frontières

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En Christ, nous sommes frères, et sœurs, par la foi. Un même Père, Dieu, un même Sauveur, Jésus, un même Esprit dans notre cœur, une même espérance – voilà de quoi fonder notre lien fraternel, au-delà des affinités, des accrocs du temps ou des malentendus. En Christ, nous sommes frères et sœurs, appelés à vivre entre nous l’amour qui vient de notre Dieu. Ca fait un mois que nous explorons quelques implications de cette affirmation.

Mais la richesse de ce que nous pouvons vivre dans cette « famille » qu’est l’Eglise pose indirectement une autre question. Que faire envers ceux qui ne sont pas des nôtres ? Qui ne sont pas de notre famille ? C’est magnifique de voir une famille unie, mais vous l’avez peut-être déjà vu, certaines familles très unies sont aussi des clans impénétrables, où ils se serrent tellement les coudes qu’ils tournent le dos à ceux de l’extérieur.

C’est vrai pour tous les groupes, mais dans l’église particulièrement. Plus on partage de points communs ensemble, plus c’est difficile de s’ouvrir à ceux qui ne nous ressemblent pas. Exalter nos liens fraternels peut nous conduire à poser la question : mais au fait, quel lien – et y a-t-il un lien ? – avons-nous avec les autres ? Ceux qui ne nous ressemblent pas, ceux qui ne partagent pas notre essentiel, ceux qui parfois nous choquent ou nous heurtent dans ce que nous avons de plus précieux !

Cette question, on se la posait déjà à l’époque de Jésus…

Lecture biblique : Luc 10.25-37

25 Alors (un juif) un maître de la loi arrive. Il veut tendre un piège à Jésus et lui demande : « Maître, qu’est-ce que je dois faire pour recevoir la vie avec Dieu pour toujours ? » [= pour être sauvé]

26 Jésus lui dit : « Qu’est-ce qui est écrit dans la loi ? Comment est-ce que tu le comprends ? » 27 L’homme répond : « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force et de toute ton intelligence. (Deutéronome 6.5) Et tu dois aimer ton prochain comme toi-même. (Lévitique 19.18) » 28 Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras. » (à une autre occasion, racontée dans l’évangile de Matthieu, Jésus donne quasiment la même réponse)

29 Mais le maître de la loi veut montrer que sa question est juste. Il demande à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » 

Le maître de la loi, cet érudit, cet expert en droit religieux juif, avec sa question rejoint ce que nous évoquions tout à l’heure : qui dois-je aimer ? Sous-entendu : qui puis-je ne pas aimer ? Il ne s’agit pas de haïr ou de faire du mal, mais n’y a-t-il pas des groupes que je pourrais laisser de côté ? Depuis plusieurs siècles avant Jésus, on se donnait des limites : tu dois aimer ton prochain, mais ton prochain c’est le Juif. Celui qui ne te ressemble pas, celui qui t’envahit (Israël est à l’époque sous domination étrangère, romaine) ou celui qui menace ton identité personnelle ou communautaire – celui-là, ne te sens pas obligé de l’aimer !

Même si nous ne vivons plus dans le même contexte, il nous arrive d’avoir nos critères pour délimiter une définition acceptable du « prochain » à aimer. Pour certains, ce sera un critère religieux : ceux qui croient comme nous ; ou un critère ethnique (ça s’est fait ! le racisme n’est malheureusement pas loin de nous !) ; ou un critère social (on évite ceux qui sont « en-dessous » de nous, ou ceux qui sont très au-dessus) ; ou encore un critère éthique, en fonction des choix de vie que font les uns et les autres et qui peuvent être en opposition radicale avec nos valeurs.

30 Jésus répond (par une histoire): « Un homme descend de Jérusalem à Jéricho. Des bandits l’attaquent. Ils lui prennent ses vêtements, ils le frappent et ils s’en vont en le laissant à moitié mort. 31 Par hasard, un prêtre descend aussi sur cette route. Quand il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin. 32 Un lévite (chargé d’assister les prêtres, au culte) fait la même chose. Il arrive à cet endroit, il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin.

Un homme est sur le bas-côté : Jésus choisit une victime non identifiée, dont on ne saura pas si, aux yeux de l’expert juif, elle est éligible comme prochain.

Passent deux hommes, qui ont la même réaction : ils voient la victime à moitié morte et changent de trottoir. On a pu justifier leur attitude à cause de leur fonction religieuse et de leur service au Temple : comme toucher un cadavre (et de loin, la victime y ressemble) empêche de servir au Temple pour cause d’impureté (on ne touche pas un mort avant d’aller prier le Dieu de la vie), le prêtre et le lévite auraient eu une raison de passer leur chemin.

En fait, dans la tradition juive, un prêtre pouvait, exceptionnellement, prendre soin d’un cadavre qui aurait été abandonné sans se rendre impur. De toute façon, Jésus ne donne pas d’explication – et ça ouvre la porte à nos bonnes excuses : « oui, mais la route est dangereuse. Je n’ai pas le temps. Clairement cette personne l’a cherché – elle a bu, elle est droguée, court vêtue… »

33 Mais un Samaritain en voyage arrive près de l’homme. Il le voit, et son cœur est plein de pitié pour lui. 34 Il s’approche, il verse de l’huile et du vin sur ses blessures et il lui met des bandes de tissu. Ensuite, il le fait monter sur sa bête, il l’emmène dans une maison pour les voyageurs et il s’occupe de lui. 35 Le jour suivant, le Samaritain sort deux pièces d’argent, il les donne au propriétaire de la maison, et il lui dit : “Occupe-toi de cet homme. Ce que tu dépenseras en plus pour lui, je le rembourserai moi-même quand je reviendrai par ici.”  »

Un Samaritain… Pour nous, c’est le bon samaritain. La bonne pâte. Mais pour ce maître de la loi, Jésus évoque un faux frère. Les Samaritains sont un peuple aux origines mi-juives mi-païennes, aux croyances mixtes, des hérétiques et des bâtards que les Juifs détestaient. Ils évitaient même de traverser leur territoire ! Jésus met en contraste d’un côté la quintessence du bon Juif (prêtre, lévite, ceux que tous admirent, les prochains par excellence !) et un Samaritain, le dernier de ceux qu’un Juif inviterait chez lui. Un homme qui suscite le recul et le dégoût… Qui ce serait pour vous ?

Et c’est ce Samaritain que Jésus donne en exemple : il n’y a plus frontières. Il vient en aide au blessé, apporte les premiers secours et l’emmène se faire soigner, tous frais payés.

36 Et Jésus demande : « À ton avis, lequel des trois voyageurs a été le prochain de l’homme attaqué par les bandits ? » 37 Le maître de la loi répond : « C’est celui qui a été bon pour lui. » Alors Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais la même chose ! »

Pour conclure la discussion, Jésus revient à la question du prochain, mais il la renverse : ce n’est plus « qui est (éligible pour être) mon prochain, pour que je l’aime ? » mais « qui aime vraiment ? Qui est le prochain de la victime ? » Il ne s’agit plus de mettre des frontières, de définir des degrés de proximité avec un barème d’aide dégressif, mais de se mettre au service de celui que l’on croise. Pour Jésus, l’amour est sans frontières.

Devenir un prochain qui aime

Qu’est-ce qui caractérise ce Samaritain ? Qu’est-ce qui fait de lui un prochain ?

Le point clef, là où tout commence, c’est dans son cœur : il est pris de pitié. Le terme exact, c’est : il est pris aux tripes, une expression qui évoque la compassion. Pas la condescendance ! Mais il se laisse toucher, bouleverser par la situation. Quand le cœur est convaincu, la faisabilité de l’opération n’est plus un problème. Tout commence par le cœur.

Cette compassion viscérale, dans les Evangiles, on ne la trouve que chez Jésus ou dans des histoires qui parlent de Dieu (le père du fils prodigue p. ex.) – c’est une qualité divine par excellence ! Jésus ému de compassion devant les foules affamées et désorientées… Emu de compassion devant nous, au point de donner plus que les premiers secours, plus qu’un séjour en maison de repos : Jésus porte nos maladies, nos blessures, notre mort dans sa mort, afin de nous donner la vie.

Comment être le prochain qui aime comme Dieu aime ? D’abord en laissant Dieu nous remplir de sa compassion pour ceux qui nous entourent. En demandant à Dieu de modeler notre cœur, nos tripes, par son Esprit. Dans la prière : « Seigneur, quand je ne vois pas mon prochain, donne-moi ton regard. Quand je suis tentée de passer mon chemin, donne-moi ton cœur. » Et le Saint Esprit de Dieu en nous travaille, travaille, pour que nous devenions semblables à Dieu au plus profond de nous, et que ça imprègne tout ce que nous faisons.

Etre le prochain de ceux qui nous entourent : vous remarquez que le Samaritain ne toque pas à toutes les portes pour proposer ses services ! Mais quand le cas se présente, il ne se défile pas. Il se rend disponible. Bien sûr nous pouvons croiser des centaines de gens dans la même journée, mais statistiquement, la personne qui a vraiment besoin de votre aide dans votre entourage, ça n’arrive pas toutes les deux minutes ! Et le critère pour venir en aide à l’autre, ce n’est pas qui il est, mais son besoin. Et là encore, c’est la prière : Seigneur, je veux me rendre disponible à ce que tu veux faire de bien dans mon entourage. Que je sois tes mains et ta voix.

Enfin, l’action ! L’amour dont parle Jésus est un amour concret, un amour de service, qui vient en aide à l’autre. Et cet amour-là, on peut le donner à tous, peu importe ce qui pourrait nous diviser. L’exemple du Samaritain montre un service qui va jusqu’au bout du besoin de la victime : ne nous mettons pas de limites d’avance ! Laissons-nous guider par Dieu et par le besoin de l’autre, osons une vraie rencontre, une vraie écoute. Cela dit, le Samaritain gère aussi ses priorités, il ne reste pas jusqu’au bout, il assume un certain retard mais il prévoit aussi un relais. Il n’y a pas  de recette, mais son exemple montre qu’aller loin dans le service n’implique pas forcément de s’y noyer. Là encore, c’est en demandant l’inspiration de Dieu qu’on trouvera le bon équilibre.

Et en église? 

La question que posait le scribe concernait l’attitude individuelle du croyant. Mais c’est aussi une question d’église : si les communautés de croyants sont appelées à manifester le caractère du Christ dans ce monde, alors sa compassion sans frontières est incontournable. En quoi notre communauté reflète-t-elle la compassion de Dieu pour ce monde ? Ce n’est pas vraiment notre point fort… C’est sûrement un point où nous devons grandir en priorité. Et ça commence dans la prière : Saint Esprit, travaille notre communauté ! Travaille notre cœur, bouleverse-nous comme le Christ s’est laissé bouleverser !

Et encore dans la prière : montre-nous, montre-nous qui sont nos prochains ici. Est-ce que c’est des membres de notre communauté qui traversent des difficultés – financières, personnelles, physiques ? Où dans notre quartier pourrions-nous être utiles ? Vers Jolimont, Marengo, Bonnefoy, la Roseraie ? Y a-t-il des associations où nous pouvons nous investir ?

Tout le monde ne prendra pas forcément l’initiative, mais il suffit de quelques uns qui imaginent des projets où nous pouvons ensuite largement nous investir, pour refléter ensemble la compassion du Christ.

Prions. Seigneur, si nous vivons c’est grâce à ta compassion viscérale pour nous. C’est ton amour sans frontières qui nous a rejoints et sauvés, malgré ce qui nous séparait de toi. Par la foi nous t’aimons, mais nous voulons aussi te ressembler en aimant ceux que tu mets sur notre route. Et nous t’en prions : transforme-nous à ton image. Si nous manquons de compassion, si notre cœur s’est asséché, viens le transformer. Donne-nous tes priorités, tes motivations, tes tripes.Si nos yeux sont aveugles, éclaire-nous, montre-nous qui est le prochain sur le bord de notre route. Si nos mains sont fermées, viens les ouvrir pour que nous puissions ensemble te ressembler et témoigner de ton amour.

 

Vivre la fraternité (4) Vivre l’unité

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-la-fraternite-4-vivre

Il y a aujourd’hui entre 2 milliards et 2,5 milliards de chrétiens dans le monde. Tous ne sont pas pratiquants mais ça représente quand même environ un tiers de la population mondiale. Plus d’un milliard sont catholiques, 900 millions protestants, et puis il y a les orthodoxes, les orientaux, les anglicans ou d’autres…

En France, il y aurait plus de 40 millions de chrétiens (plus ou moins pratiquants), avec une très forte majorité de catholiques. Les Protestants seraient autour de 2 millions. Et pour combien d’Eglises et d’Unions d’Eglises ? Bien plus de 50 Unions d’Eglises différentes ! Certaines sont membres de la Fédération Protestante de France, d’autres du Conseil National des Evangéliques de France, certaines des deux… et d’autres encore d’aucun des deux !

En janvier, nous sortons de deux semaines de prière pour l’unité des chrétiens. Deux semaines différentes, à une semaine d’écart ! Là encore, certaines Eglises participent aux deux, d’autres à une seule, voire à aucune des deux…

Franchement, est-ce que vous trouvez ça normal ? Tout le monde se dit chrétien, disciple de Jésus-Christ, et chacun marche de son côté… quand on ne se tire pas dans les pattes les uns des autres !

Bien-sûr, vous me direz que c’est compliqué, qu’il y a des histoires différentes, des traditions et des pratiques différentes, des divergences théologiques… Il ne suffit pas de claquer des doigts pour balayer ces difficultés, et dire que finalement on est tous pareils et qu’on devrait tous se retrouver dans une seule Eglise. Ce serait irréaliste, naïf.

Mais peut-on vraiment se satisfaire de cette dispersion ? Peut-on vraiment se contenter de dire que l’unité de l’Eglise est en Jésus-Christ, qu’elle est spirituelle, qu’elle ne dépend pas de nous ? Peut-on parler de fraternité chrétienne en excluant tous ceux qui n’appartiennent pas à notre Eglise ou qui ne partagent pas nos convictions théologiques ? Ou dire que c’est mon Eglise qui est fidèle, et que l’unité passe par l’intégration à mon Eglise !

Vivre la fraternité, c’était aussi vivre l’unité ! Mais qu’est-ce qu’on entend par là ? Et comment le vivre ? Pour répondre à cette question, je vous propose de lire un extrait de la dernière prière de Jésus pour ses disciples, en Jean 17.

Cette prière clôt les discours d’adieu de Jésus à ses disciples. On y trouve ses dernières instructions : la promesse du Saint-Esprit, l’annonce de son retour, l’avertissement que ça ne sera pas toujours facile pour eux, l’importance de l’amour les uns pour les autres… Dans sa prière, il s’en remet d’abord à son Père : « Maintenant, Père, donne-moi cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. » (v.5). Ensuite il prie pour ses disciples, pour leur mission dans le monde : « Je ne te demande pas de les retirer du monde mais je te demande de les protéger du Mauvais. » (v.15). Et puis, à la fin, il élargit sa prière, au-delà de ses disciples :
Jean 17.20-23
20 « Je ne prie pas seulement pour mes disciples. Je prie aussi pour ceux qui croiront en moi à cause de leur parole. 21 Que tous soient un ! Père, tu vis en moi et je vis en toi. De la même façon, que tous soient un en nous, ainsi le monde croira que tu m’as envoyé.
22 « Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée. Alors ils seront un, comme nous sommes un, 23 moi en eux et toi en moi, ainsi ils seront parfaitement un. Alors le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les aimes comme tu m’aimes.

On comprends bien qui est concerné par cette prière : « ceux qui croiront en moi à cause de leur parole. » (v.20) On peut difficilement faire plus large… Il s’agit de tous les croyants, dans toutes les générations, depuis les premiers disciples. Bref, nous sommes concernés !

Or, dans ces quatre versets, l’objet de la prière de Jésus est claire. Il le répète quatre fois : « Que tous soient un ! » (v.21), « Que tous soient un en nous » (v.21), « alors ils seront un » (v.22), « ainsi ils seront parfaitement un » (v.23) !

Si on n’a pas compris, je ne sais pas ce qu’il faut faire… Jésus prie pour l’unité de ses disciples. Et s’il insiste autant, c’est qu’il devait se douter que cette unité n’irait pas de soi. Et il ne la présente pas comme une option facultative mais comme un absolu : « que tous soient un » et l’objectif est d’être « parfaitement un ».

Jésus précise toutefois une condition qui rend possible cette unité. Au verset 21 : « Père, tu vis en moi et je vis en toi. De la même façon, que tous soient un en nous. » De même ensuite, il précise : « ils seront un, comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi » (v.22-23).

L’unité est donc en Christ, elle est reçue de Dieu. Les hommes n’ont pas à la construire artificiellement… C’est vrai ! Mais ne peut-on pas dire aussi que ne pas la vivre, c’est refuser ce que Dieu veut donner ?

D’autant que l’enjeu est de taille, souligné deux fois par Jésus. Au verst 21 : « ainsi le monde croira que tu m’as envoyé. » et au verset 23 : « Alors le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les aimes comme tu m’aimes. » L’enjeu, c’est le témoignage, la gloire de Dieu. L’unité de l’Eglise est un témoignage en faveur de l’unique Christ, qui nous unit dans notre diversité. Et la division est donc forcément un contre-témoignage.

Vivre l’unité n’est pas une option facultative pour le chrétien. On ne peut pas être personnellement en communion avec le Christ sans rechercher la communion avec les autres chrétiens, parce qu’eux aussi sont en communion avec le Christ : « ils seront un, comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi ».

Bref, ma relation aux autres chrétiens dit quelque chose de ma relation à Dieu !

Ma relation aux autres chrétiens dit quelque chose de ma relation à Dieu

Elargir/approfondir mes relations

Qu’est-ce que la vie chrétienne, sinon le fait d’approfondir sa relation avec Dieu ? Avec toutes les conséquences que ça implique pour ma vie, mon comportement, mes relations, etc… Et justement, il me semble qu’une de ces conséquences devrait être le fait d’élargir et d’approfondir mes relations avec les autres chrétiens, ceux qui appartiennent à d’autres confessions que la mienne et qui sont aussi, à leur façon, dans une relation avec le Christ.

Mais pour cela, deux qualités sont à développer : l’ouverture et la curiosité. L’ouverture pour être capable d’accueillir ce que je ne connais pas encore. Et la curiosité pour aller chercher chez l’autre des richesses nouvelles. L’ouverture et la curiosité permettent la véritable rencontre, en surmontant les a prioris et les peurs.

Il me semble d’ailleurs que l’ouverture et la curiosité sont aussi importantes dans ma relation à Dieu. C’est terrible quand on pense tout comprendre et tout connnaître de Dieu ! En réalité, on est sûr de se tromper, parce que c’est impossible ! Être ouvert à Dieu, c’est le laisser nous surprendre et ne pas l’enfermer dans un système théologique clos. Être curieux de Dieu, c’est le chercher, encore et encore, tout au long de notre vie. Avoir envie de toujours mieux le connaître.

Et si nous avions le même élan dans notre relation aux autres chrétiens ? Car c’est aussi terrible quand on pense tout comprendre et tout connaître des autres ! “Je n’ai pas besoin de les rencontrer, je les connais !”

Un chrétien qui ne cultive pas l’ouverture et la curiosité est un chrétien qui s’enferme, dans sa vision des autres et, pire, dans sa vision de Dieu !

Exercer mon discernement

Il ne s’agit pas pour autant de gommer toute différence, ni même de nier les divergences qui existent ! Ce n’est pas parce qu’on cherche à élargir ses relations qu’on perd tout esprit critique ! Être ouvert et curieux ne signifie pas être naïf. Au contraire, l’esprit critique est essentiel, dans toute relation authentique… mais pas l’esprit de jugement. Celui qui est animé d’un esprit critique écoute et interroge, il approfondit, il réfléchit, il se positionne. Celui qui est animé d’un esprit de jugement enferme, il critique sans réfléchir, et finalement il n’écoute pas.

Dans le regard que nous portons sur les autres, et en particulier les autres chrétiens, quel esprit nous anime ?

On entend dire parfois : “Si on va à la rencontre des chrétiens d’autres confessions, on risque de perdre notre identité ou de mettre en péril nos convictions !” Au contraire, je crois que le dialogue et la rencontre forgent notre identité et renforcent nos convictions, soit en les enrichissant d’autres traditions, soit en discernant chez l’autres des convictions ou des pratiques que nous ne partageons pas… mais alors on sait pourquoi.

La rencontre nous fait grandir. Elle affine notre discernement, éclairé par le Saint-Esprit. Ce même discernement qui est essentiel dans notre vie chrétienne, pour nos choix de vie, pour nos orientations… et pour notre cheminement avec Dieu.

Conclusion

Finalement, pourquoi est-ce si important de chercher à vivre l’unité ? Parce que cela me donne l’occasion de rencontrer, chez l’autre, le même Christ qui vit en moi. Je ne parle pas ici d’institution et d’Eglises d’un point de vue structurel. Je parle de chrétiens, d’hommes et de femmes, de disciples du Christ. Certes, ils peuvent avoir des traditions, des façons d’exprimer leur foi différents de moi, et qui parfois m’étonnent ou me dérangent… Bien-sûr qu’on n’est parfois en désaccord ! Mais dites-vous bien que pour eux, ma façon de dire et de vivre ma foi peut leur paraître aussi tout à fait étrange !

L’enjeu est dans la rencontre du Christ, chez l’autre. Il s’agit de se rapprocher du Christ pour se rapprocher de nos frères et sœurs… et de se rapprocher de nos frères et soeurs pour se rapprocher du Christ !