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La preuve par les actes

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Samedi dernier, j’ai vu, j’ai entendu un prophète ! C’est vraiment le sentiment que j’ai eu en assistant à la conférence du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, et fils de pasteur évangélique. Il était invité par la Fédération Protestante de France à l’occasion du colloque sur les églises évangéliques membres de la FPF. Il a pendant 45 minutes raconté son parcours, son engagement et ses convictions. Et c’était vraiment impressionnant. “L’homme qui répare les femmes” (c’est le le surnom qu’on lui a donné) s’efforce de restaurer, de réparer, les femmes de tous âges (jusqu’aux bébés !) victimes de violences et notamment des viols utilisés comme armes de guerre, au Congo.

Assister à sa conférence a été une expérience dont je me souviendrai très longtemps. J’étais bouleversé, au bord des larmes, par le récit des horreurs dont il a été témoin, et qui n’ont fait qu’affermir sa détermination. J’étais secoué par ses questions et ses interpellations adressées en particulier aux Églises, aux chrétiens. Je suis admiratif pour son courage face aux menaces qui pèsent sur lui (plusieurs de ses collaborateurs ont été assassinés).

Avec le recul, je me suis demandé : qu’est-ce qui fait que ses paroles touchent autant au coeur ? Ca va bien au-delà de l’éloquence… il y a bien-sûr sa conviction profonde mais, surtout, le fait qu’il ait une vie en plein accord avec ses paroles. Ce qu’il dit, il le fait. Quand le Dr Mukwege nous interpelle sur le silence complice et l’inaction dans l’aide envers les victimes de toute violence, les délaissés, les laissés pour compte… on l’écoute. Quand il nous invite à interpeller nos théologies et nos pratiques, parfois misogynes, jusque dans les églises… on l’écoute. Parce qu’on sait ce qu’il fait dans ces domaines, l’aide qu’il apporte, le plaidoyer qu’il porte.

Il y a des hommes, ou des femmes, dont la parole porte plus que d’autres. Des personnalités exceptionnelles qui bouleversent. En un mot : des prophètes. Et la question, pour nous, est de savoir comment nous les écoutons… et qu’est-ce que ça change dans notre vie, notre comportement.

Des prophètes, évidemment, on en rencontre dans la Bible. Et il en est un dont on lit le récit chaque année, dans le temps de l’Avent. C’est Jean le baptiste. Un grand prophète, un homme au message sans concession, qui vivait comme un ermite au bord du Jourdain et que les foules venaient écouter. C’est la lecture biblique qui nous est proposée pour ce deuxième dimanche de l’Avent.

Matthieu 3. 1-12
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu’il a dit :
« C’est la voix d’un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu’il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d’Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l’eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d’enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint jamais. »

Ca devait être quelque chose d’entendre Jean le baptiste haranguer les foules ! Dans son vêtement sommaire en poils de chameaux, le corps émacié par son régime alimentaire frugal, un ermite solitaire dans le désert de Judée… Quel regard avait-il ? Quelle voix ? En tout cas on venait de toute la région pour l’écouter, fasciné par son discours sans concession. Beaucoup répondaient à son appel et se faisaient baptiser. D’autres étaient sceptiques, d’autres, sans doute, le critiquaient.

Un changement de coeur

Au coeur de son discours, il y avait cette interpellation radicale : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” (v.8) Les versions anciennes traduisaient “Produisez donc du fruit digne de la repentance” Mais le terme grec traduit traditionnellement par “repentance” implique un changement radical, en profondeur. C’est beaucoup plus que du regret ou du remord. Quant au fruit, c’est ce qui est produit par l’arbre. L’image est utilisée aussi par Jésus : on reconnaît un arbre à ses fruits. Un “fruit digne de la repentance”, c’est donc une vie qui témoigne d’un changement en profondeur. Si le fruit n’a pas changé, c’est que l’arbre n’a pas changé…

Voilà pourquoi la traduction de la Bible “Nouvelle Français Courant” est très bonne : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” !

Et l’interpellation demeure pertinente pour nous aujourd’hui. La repentance devrait faire partie du quotidien du croyant, comme une discipline de vie. Je ne parle pas ici d’une confession mécanique pour recevoir l’absolution, ou d’une simple prière de demande de pardon pour effacer l’ardoise… et recommencer jusqu’à la prochaine demande de pardon.

La repentance comme discipline de vie du croyant, c’est le fait de laisser Dieu continuer de changer notre coeur. C’est reconnaître que nous avons besoin d’être transformé, changé en profondeur, refaçonné en image de Dieu. La repentance commence par une prise de conscience de nous-mêmes, nos limites, nos failles, nos incohérences. Elle commence aussi par une prise de conscience de l’amour et de la grâce de Dieu, qui veut nous transformer.

L’arbre d’abord, les fruits ensuite

Le problème, quand on parle de repentance, c’est de se limiter aux fruits et d’oublier l’arbre. On coupe les fruits qui ne sont pas bons mais l’arbre reste le même. Or la repentance concerne moins les fruits que l’arbre, elle concerne moins les actes que le coeur. Car si le coeur change, les actes changeront aussi.

La repentance, ce n’est pas d’abord demander pardon à Dieu pour tel acte, tel péché commis. C’est demander à Dieu de changer notre coeur. Dans l’appel de Jean le baptiste : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” ce qui compte d’abord c’est le changement de vie pas les actes. Les actes ne sont que la manifestation du changement de coeur.

Dans la repentance, si on se concentre sur les fruits, alors on dresse plus ou moins consciemment une liste de péchés, d’actes à ne pas commettre, de comportements condamnables… et on risque facilement de devenir le juge de son frère ou sa soeur, autant que de soi-même.

Mais si on se concentre sur le coeur, alors on regarde d’abord à soi car qui peut connaître le coeur de son prochain ? Qui peut connaître ses intentions, ses motivations et ses aspirations profondes ?

La repentance, ce n’est pas tellement regretter nos actes, c’est comprendre que notre coeur doit changer.

Changer pour avoir une parole audible

La mission de Jean le baptiste était de préparer à la venue du Messie, puis de s’effacer lorsqu’il paraîtrait. Et c’est bien ce qu’il a fait. Il a même payé de sa vie l’audace de sa prédication…

A notre tour, nous sommes appelés à prendre la posture du prophète, car nous avons une Bonne Nouvelle à annoncer ! Et comme pour Jean, ce qui compte ce n’est pas nous, notre Eglise, mais celui qui est venu : Jésus-Christ.

Mais ce n’est certainement pas avec des discours creux, même agrémentés de belles paroles évangéliques, que nous accomplirons la mission. Et surtout pas avec des paroles contredites par nos actes et notre vie ! Mais seulement avec des paroles incarnées dans des actes, avec un discours qui se traduit dans nos vies. Sinon, nous serons inaudibles !

Qui a vraiment incarné ses paroles jusqu’au bout, en parfaite adéquation entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait ? Encore bien plus que Denis Mukwege ou Jean le Baptiste… C’est Jésus-Christ, évidemment. Sa vie démontrait son amour pour les petits, les rejetés, les délaissés… Il est venu pour nous sauver de la mort, alors il a donné sa vie. Il s’est fait serviteur, lui, le Fils de Dieu, jusqu’à la mort infâme sur une croix. Lui, l’innocent, condamné et crucifié comme un vulgaire brigand.

Conclusion

Comment pourrions-nous annoncer l’amour de Dieu si nous n’aimons pas notre prochain ? Comment proclamer la grâce si nous nous positionnons en juge de notre frère ou notre soeur ? Comment parler de réconciliation avec Dieu si nous sommes incapables de pardonner ?

Oui, notre coeur doit changer. Dieu doit nous transformer, si nous voulons montrer par des actes que nous avons changé de vie !

Le Notre Père, une prière missionnaire!

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L’attente est une position difficile à tenir. En général, nous détestons attendre – quel que soit l’évènement, bon ou mauvais. Certains sont dans l’impatience, la frustration, l’agitation parce que cette attente est insoutenable. D’autres, tout aussi impatients, se découragent et baissent les bras. J’en connais qui calculent 10 coups à l’avance, quand d’autres se laissent simplement porter – on verra bien demain.

L’attente fait partie de la foi chrétienne. Le chrétien est quelqu’un qui attend. Qui attend le règne de Dieu. La Bible en effet nous livre une promesse : le Dieu qui nous sauve en Christ n’a pas dit son dernier mot, et il prépare l’instauration d’un monde autre, un monde entièrement renouvelé par la puissance du Christ. Son règne, ou royaume, dans le Nouveau Testament.

La période de l’Avent, qui s’ouvre aujourd’hui, est traditionnellement le temps de l’espoir. Le temps de l’attente. On se tourne vers le Christ – préparant la fête de Noël, de sa naissance, on médite en parallèle la promesse de son retour, lui le ressuscité qui règne déjà avec Dieu. Ce que nous vivons aujourd’hui avec Dieu n’est qu’un avant-goût, un avant-goût incroyable et bouleversant, qui en dit long sur ce que Dieu a en réserve : pas seulement pour notre bonheur personnel, mais pour un monde entièrement renouvelé – sans faim, ni larmes, ni cruauté, ni injustice, ni maladie, ni mort.

Ce monde renouvelé, ce royaume de Dieu, c’est la priorité de Jésus : « changez, car le royaume de Dieu arrive ! » Sa vie, ses enseignements, ses miracles, proclament la possibilité d’une vie nouvelle. Sa mort et sa résurrection en posent les fondements. Assis auprès de Dieu, il inaugure cette nouvelle ère, dont nous attendons les dernières étapes de réalisation. Comment attendre ce royaume ? Dans une prédication de Jésus sur la vie spirituelle authentique, on trouve un modèle de prière qu’au maximum vous priez trois fois par jour et qu’au minimum vous avez au moins entendu dans un film. Le fameux « Notre Père ». Cette prière nous livre quelques indices sur notre attente du royaume de Dieu. Je ne vais pas le lire dans sa version récitable, mais dans une traduction plus récente.

Lecture biblique : Matthieu 6.9-13

9 Vous donc, priez ainsi :

“Notre Père qui es dans les cieux, que chacun reconnaisse qui tu es ;

10 que ton règne vienne ;

que ta volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux.

11 Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin.

12 Pardonne-nous nos torts,

comme nous pardonnons nous aussi à ceux qui nous ont fait du tort.

13 Et ne nous laisse pas entrer dans la tentation

mais délivre-nous du Mauvais.”

Hiérarchiser les priorités ou une seule priorité ?

Il y a quelques années, on m’a montré que cette prière, que je connaissais par cœur mais à laquelle j’avais finalement rarement réfléchi, était en 2 parties : une consacrée aux priorités de Dieu, la deuxième consacrée à nos besoins. D’abord Dieu, puis nous. Un peu comme dans les 10 commandements d’ailleurs, où les 3-4 premiers commandements se focalisent sur notre relation avec Dieu, et le reste sur notre relation aux autres.

Quand on croit en Dieu, notre horizon s’élargit : je ne suis plus au centre du monde. Dieu est roi. Par la foi, nous le reconnaissons vivant et puissant dans ce monde. Dans la prière, Dieu prend sa place – pas comme un simple pourvoyeur de solutions, mais comme le Maître, le roi dont les projets sont prioritaires. Et ça se voit dans la prière : Dieu prend la 1e place ! C’est légitime que ses projets prennent le pas sur les nôtres, car il voit au très long terme (l’éternité), ses plans surpassent en qualité ce que nous pouvons imaginer pour le monde, et il a la puissance pour les accomplir. D’après la Bible, pour résumer ces projets, on peut dire : justice et paix, amour et vérité.

C’est une bonne habitude de commencer nos prières par Dieu avant d’exprimer nos besoins. Peut-être un moment de louange et d’adoration (Dieu, tu es…), ou peut-être un moment d’intercession (Dieu, tu es juste, que ta justice se révèle, que ta paix s’accomplisse, que d’autres te reçoivent…) etc. Dans ce modèle de prière, Jésus nous invite à vraiment reconnaître Dieu à l’œuvre et à faire la part belle à ses projets.

Mais je me demande si ça s’arrête là. Vous voyez, j’ai l’impression que parfois, on traite les projets de Dieu comme des priorités, mais des priorités déconnectées de nos priorités. Pour transposer dans notre quotidien : il faut s’occuper de l’ado malade au fond de son lit avant de vérifier les devoirs du petit, ou payer les factures d’EDF avant d’acheter un nouveau sac. On hiérarchise nos priorités, en fonction de l’importance & de l’urgence, mais en fait, nos actions n’ont pas grand-chose à voir ensemble. Et je me demande si parfois on ne prie pas pour les projets de Dieu avec foi, zèle et consécration, et puis on referme le chapitre pour passer à nos préoccupations : la santé d’un proche, une offre d’emploi ou des relations compliquées au travail, l’éducation des enfants ou les rencontres familiales (à l’approche de Noël, c’est souvent un sujet tendu !).

Mais peut-être que Jésus nous invite à aller plus loin. A ne pas hiérarchiser nos priorités, mais à changer de priorités. A ne pas faire des prières où Dieu a la 1e place, mais où il a toute la place. Cette 2e partie, sur moi, mes besoins, est-ce vraiment une invitation à fermer le chapitre des priorités de Dieu pour enfin revenir à moi ? Et je dis ça sans donner de leçons ! Moi aussi, j’ai tendance à faire ainsi ! Ne serait-ce pas plutôt une invitation à aligner mes priorités sur celles de Dieu ? Que ta volonté soit faite – sur la terre, comme elle l’est au ciel. Que ta volonté soit faite dans le monde… A commencer par mon monde : mon cœur, mes pensées, et donc mes choix, mes relations et mes engagements, mes paroles et mes actions… Que ta volonté soit faite dans chacun des domaines de ma vie ! Et pour cela, pour que sa volonté soit faite, que Dieu nous accorde :

  • les moyens d’agir (le pain, le toit, les ressources, la force nécessaires),
  • la grâce qui encourage et offre de nouvelles chances – c’est d’ailleurs pour cela que Dieu nous sauve en Christ, qu’il nous libère du poids de nos péchés et de qu’il allège nos fardeaux, qu’il efface notre honte et notre culpabilité : pas seulement pour que nous vivions une vie plus libre, plus agréable, mais pour que nous vivions avec lui et que nous puissions entrer pleinement dans ses projets éternels, dès maintenant !
  • la protection de tentations qui nous feraient dévier de notre mission.

Que Dieu nous accorde tout ce dont nous avons besoin pour participer à sa mission. C’est une prière missionnaire ! Qui montre la mission que Dieu se donne, qui nous invite à la faire nôtre, et où nous demandons à Dieu de donner les moyens pour l’accomplir.

Un peu plus loin dans sa prédication, Jésus résume cette attitude : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes choses vous seront données en plus.

Une prière qui oriente nos priorités et nos choix

Pourquoi, en tant que croyants, ne le vivons-nous pas spontanément ? Parce que le règne de Dieu est invisible ; parce qu’il évoque des réalités si larges qu’on en a le vertige ; parce que notre réalité présente nous agrippe.

Il y a dans cette prière du Notre Père une rééducation (constante) à vivre : (ré)apprendre à élargir notre horizon, à considérer des enjeux qui dépassent ma compréhension du présent. Apprendre à scruter notre quotidien en disant : qu’est-ce que tu fais, ô Dieu ? Comment ton règne peut-il avancer dans ce que je vis, dans ce que je connais, dans ce que je suis ? Vous n’êtes pas obligés de le réciter 3 fois par jour… Mais ça reste une prière formatrice, qui façonne notre manière d’aborder nos situations.

Prier à la façon du Notre Père nous engage. Prier en se centrant sur les projets que Dieu est en train de réaliser, oriente notre vie. C’est un appel à poursuivre le règne de Dieu, à viser de tout notre être la cible qu’il nous donne, à nous y investir avec tout ce que nous sommes – nos ressources, nos lieux d’influence, nos occupations, nos talents…

  • Peut-être dans l’éducation des enfants: pas seulement désirer des enfants sages et obéissants, mais généreux et passionnés par justice, passionnés par la vérité. Ou dans le couple : ne pas attendre de l’autre qu’il me fasse plaisir d’abord, mais de le servir pour qu’il grandisse lui aussi dans la justice & la paix de Dieu.
  • Peut-être dans nos finances (sujet ô combien sensible en général, et peut-être en particulier avant Noël…) : qu’est-ce que l’utilisation de notre argent reflète ? Dans le numéro de Croire & Vivre de novembre, on lit le témoignage d’une mère de famille qui s’est retrouvée veuve, et qui a fait le choix de parrainer des enfants avec le SEL même si elle n’était pas tout à fait sûre de son budget – pour elle c’était une façon de parier sur le règne de Dieu, sur l’avancement de sa justice dans le monde. D’autres miseront sur l’équitable, en achetant moins, mais plus juste. Ou ils s’investiront dans des projets humanitaires… Comment parions-nous sur le règne de Dieu avec nos ressources (temps, argent,…) ?
  • Ou encore dans notre façon de travailler. Honnêtement, tous les emplois ne sont pas des vocations, et parfois c’est difficile de faire le rapprochement entre travail et règne de Dieu. Mon mari vend du fromage, et même si j’espère qu’il y aura beaucoup de fromage dans le monde que Dieu prépare, ce n’est pas inhérent à l’activité de commerce de fromage de préparer le règne de Dieu. Mais ! dans son activité, il peut être témoin de ce règne de Dieu qui vient : en étant honnête envers clients et patron, respectueux de ses collègues, à l’écoute et au service – et croyez-moi, vu ce qu’il me raconte, c’est pas gagné ! Franchement, cette attitude-là, quoi qu’on fasse, on peut l’adopter. Dans un travail de bureau ou de terrain, au lycée ou dans nos activités de loisirs : chercher ce qui est juste et qui favorise la paix.

Jésus nous invite à ne pas juste attendre le règne de Dieu, mais à le préparer dans notre vie personnelle, dans tout ce que nous sommes et faisons, dans toutes nos préoccupations. Il nous invite à constamment réaligner nos préoccupations sur les projets de Dieu, à le reconnaître comme Roi – non seulement du monde, mais de notre petit monde perso. Mais ce Roi est un Roi qui ne se contente pas de nous donner un sens, une orientation : il prend soin de nous et il nous donne tout ce dont nous avons besoin pour avancer dans cette direction, car il est notre Père céleste, il nous connaît, il nous aime et il nous conduit.

Vivre à contre-courant

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“Êtes-vous prêts à vivre à contre-courant ?” La vidéo nous laisse avec cette question… Une question qui prend une dimension toute particulière quand on entend ces témoignages, quand le fait de vivre à contre-courant conduit à la prison et la persécution pour sa foi. Mais la question demeure pertinente pour nous, aujourd’hui, dans notre contexte. Même si nous ne risquons pas la prison…

C’est une question qui s’est d’ailleurs posée très vite dans l’histoire de l’Eglise, dès le chapitre 4 du livre des Actes. Dans le contexte de cet épisode biblique, ce qui a déclenché le problème, c’est la guérison miraculeuse d’un infirme ! Et aussi, évidemment, la discussion qui a suivi où Pierre en a profité pour expliquer qu’ils avaient agi au nom de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Ce discours et ce miracle embarrassaient les chefs religieux. Les apôtres étaient devenus gênants, il fallait les faire taire. C’est tout de même étonnant : les apôtres étaient gênants… parce qu’ils faisaient le bien et annonçaient une bonne nouvelle ! Les raisons de leur emprisonnement étaient donc profondément injustes. Exactement comme dans la vidéo, avec le témoignage de Mojtaba.

Certes, il arrive que l’Evangile soit détourné ou instrumentalisé ! Et c’est évidemment condamnable. Il arrive aussi que les chrétiens tendent le bâton pour se faire battre, par leur attitude ou leur discours… Mais quand l’Evangile est simplement partagé, qu’il est véritablement vécu, et que c’est ça qui est perçu comme un risque de trouble à l’ordre publique, alors il y a un problème…

Portes Ouvertes nous fait part du témoignage du pasteur Wang Yi, en Chine. Lui, son épouse et d’autres responsables de leur église de 750 membres s’attendaient à être arrêtés un jour ou l’autre. Et c’est ce qui s’est passé le 9 décembre 2018 à Chengdu dans la province du Sichuan. Ce dimanche soir, plus d’une centaine de fidèles ont été interpellés à l’église, à leur domicile ou dans la rue. S’ils ont la plupart d’entre eux ont été libérés après avoir été interrogés, Wang Yi et 10 responsables sont restés en détention. Il encourt une peine de 15 ans de prison pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État.”

Quelques semaines avant d’être arrêté, le pasteur Wang Yi a rédigé sa « déclaration de désobéissance fidèle.» En voici un extrait :
« La Bible nous dit de respecter les autorités, mais elle ne nous dit pas d’aller à l’encontre de notre conscience ou du message de l’Évangile. L’Église utilise donc des moyens pacifiques pour manifester sa foi et répandre l’Évangile. En tant que pasteur, ma désobéissance fait partie du mandat de l’Évangile. Le Grand Mandat du Christ exige de nous une grande désobéissance. Le but de la désobéissance n’est pas de changer le monde, mais de témoigner d’un autre monde. »

Le témoignage du pasteur Wang Yi fait écho aux paroles prononcées par les apôtres Pierre et Jean, devant le conseil religieux, à la fin de l’épisode du livre des Actes des apôtres :

Actes 4.18-20
18 (Les membres du conseil) rappelèrent (les apôtres) et leur interdirent catégoriquement de prononcer ou d’enseigner le nom de Jésus. 19 Mais Pierre et Jean leur répondirent : « Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu. 20 Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu. »

L’attitude des apôtres, comme celle de nos frères et soeurs qui font face à la persécution, nous interpelle. Arrêtons-nous donc sur les paroles de Pierre et Jean.

Soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

“Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu.”

Être à contre-courant n’est pas une valeur en soi. C’est une conséquence possible de l’impératif de fidélité à Dieu. On peut se retrouver légitimement à contre-courant quand on est dans une situation où il faut choisir entre obéir aux hommes ou obéir à Dieu. Ce n’est pas toujours le cas… mais parfois c’est nécessaire.

Alors soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons ! Soyons à contre-courant parce que nous faisons le bien, et parce que nous témoignons de notre foi.

On pensera sans doute en premier, aujourd’hui, à l’évolution des moeurs, celle des normes éthiques et sociétales, qui peuvent nous donner l’impression d’être à contre-courant. Et il me paraît légitime d’assumer nos convictions dans ces domaines, pour autant que nous les argumentions sérieusement d’un point de vue biblique et théologique, et que nous n’en restions pas à des discours simplistes. Et même si ce n’est pas le coeur de l’Evangile qui est touché, nous devons sans doute accepter d’être en décalage dans ces questions qui touchent à la famille, au mariage, à la sexualité… quitte parfois à être taxé de réactionnaires et de rétrogrades !

Mais il ne faudrait pas penser que ce sont les seules questions où nous devrions être à contre-courant ! Nous devons interroger nos comportements du quotidien… là où l’Evangile a aussi quelque chose à nous dire. Être à contre-courant, c’est peut-être aussi refuser les petites magouilles du quotidien “que tout le monde s’autorise”, ne pas cautionner “ce que tout le monde pense tout bas” pour désigner des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…), ne pas se laisser enfermer dans le moule consumériste, égocentrique, compétitif. véhiculé par la publicité, les médias sociaux… Dans toutes ces petites questions du quotidien, nous pouvons facilement nous laisser emporter par le courant !

Soyons donc à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

Assumons-le et osons le dire !

“Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu.”

Les apôtres assument ouvertement leur désobéissance ! Ils ne peuvent pas se résoudre à se taire en ce qui concerne “ce qu’ils ont vu et entendu”. Cette formule sera reprise par Jean au début de sa première épître :

1 Jean 1.1-3
1 La parole qui donne la vie existe depuis le commencement. Nous l’avons entendue. Nous l’avons vue de nos propres yeux. Nous l’avons observée. Et nos mains l’ont touchée. 2 Cette vie s’est manifestée et nous l’avons vue ! Nous en sommes témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. 3 Ce que nous avons vu et entendu, c’est à vous que nous l’annonçons aussi ; ainsi vous serez comme nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

Ce que les apôtres ne peuvent pas garder sous silence, c’est le témoignage à propos de la personne et de l’oeuvre de Jésus. Ca, on ne peut pas le taire. C’est le coeur de notre foi, ce qui a changé notre vie, c’est la même bonne nouvelle qui est pour tous. Comment ne pas en parler ?

C’est une vraie interpellation pour nous, aujourd’hui, dans un contexte où on veut de plus en plus enfermer la foi dans la sphère privée. Et qu’on le veuille ou non, je pense que nous sommes influencés, conditionnés par cela. Est-ce que, si on en parle, ça va nous conduire à être persécuté ? Non. Pas en France. Mais être incompris, rejeté, moqué, oui, peut-être… Et on n’en a sans doute pas envie ! Alors on s’auto-censure. On arrive presque à avoir honte d’être chrétien, et pour éviter les ennuis, on ne le dit pas, on se tait…

En réalité, dire notre foi publiquement, même affirmer que les religions doivent avoir pleinement leur place dans le débat publique… c’est déjà presque vivre à contre-courant aujourd’hui !

Conclusion

Les apôtres Pierre et Paul devant le conseil religieux, Mojtaba en Iran, le pasteur Wang Yi en Chine… autant de chrétiens persécutés à cause de leur foi qui nous interpellent.

Ce n’est pas parce que nous ne risquons pas la persécution qu’il n’y a pas d’enjeu pour nous. Car le Seigneur nous appelle à être des témoins de la Bonne Nouvelle. Et il y a plein de raisons qui pourraient nous pousser à nous taire. Mais comme le dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains :

Romains 10.14
Comment feront-ils appel (au Seigneur) sans avoir mis leur foi en lui ? Et comment mettraient-ils leur foi en lui sans en avoir entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler si personne ne l’annonce ?

Et tant pis si on répondant à cet appel, nous nous nous retrouvons à contre-courant…

Miser sur l’éternité

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Dans les moments de joie, de bonheur, c’est facile de se sentir connecté. Connecté à Dieu, aux autres, à soi… La vie semble couler de source, on est dans la gratitude, ou, plus souvent, dans l’insouciance. Le hic, c’est quand les difficultés arrivent – et il y a toujours des difficultés qui arrivent, pour tout le monde, à tous les âges, de… 7 à…, non, en dessous de 7 ans ! 7 mois, 7 jours ? jusqu’à la fin, 77 ans ou plus !

Un collègue qui vient nous compliquer la vie, un projet qui coince, un accident, une crise familiale ou financière, une trahison… ou tout simplement la vie qui répand son lot de séparations, de maladies, de deuils. Dans ces difficultés-là, en plus du problème à résoudre ou de la douleur qu’on ressent, bien souvent, s’ajoute la sensation d’être isolé, démuni, seul pour porter ces fardeaux. Dans ces moments-là, on peut se sentir déconnecté – de soi (on se sent perdu), des autres (qui pourrait nous comprendre, ou nous aider ?), et même de Dieu : où est-il, lui, quand le bonheur s’effondre ?

Ces questions se posent à nous, qu’on ait la foi ou pas d’ailleurs. Pour un chrétien, cela peut le porter au doute, puisque la foi nous rapproche d’un Dieu qui nous bénit, nous protège, nous guide. Mais parfois on va plus loin et on imagine que la foi c’est comme un joker – puisqu’on est connecté à Dieu, on est déconnecté des réalités d’un monde en souffrance qui ne tourne pas rond… nos enfants sont protégés, notre couple va bien, nos finances sont abondantes, notre maison est assurée et notre corps est sain. Certains se sentiront même coupables : « si ça m’arrive, c’est que j’ai mal fait quelque chose. J’ai dû déplaire à Dieu d’une certaine façon ou alors je n’ai pas assez la foi ». Et même chez ceux qui ne croient pas, les épreuves, les crises, auront parfois un côté « séisme » qui nous met devant les « pourquoi » de la vie. Pourquoi ? Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

On trouve dans la Bible quelques lettres d’un chrétien dont la foi a beaucoup rayonné. Il a fondé et influencé bien des églises en Méditerranée. Il s’appelle Paul, et lui aussi a traversé bien des difficultés : disputes et trahisons, arrestations et séances de torture, problèmes de santé, problèmes d’argent… Dans une lettre qu’il écrit aux chrétiens de Rome, pour les aider à progresser dans la foi, il aborde la question de cette connexion avec Dieu, en particulier dans les difficultés. Romains 5.1-5

1 Ainsi, nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 

Paul commence par rappeler toutes les bonnes et belles choses que Dieu nous offre grâce au Christ : puisque Jésus a assumé nos fautes devant Dieu, nous sommes déclarés justes, libérés de la honte et de la culpabilité. Nous n’avons plus à prouver notre valeur ou à mériter l’amour de Dieu – nous comptons sur le Christ. Nous sommes donc en paix avec Dieu : une paix paisible, oui, mais plus que ça – nous sommes unis à Dieu, partenaires, amis. Nous vivons, nous demeurons, dans l’amour débordant, généreux (la grâce) de Dieu. Voilà notre lot ! La grâce ! L’amour patient, bienveillant, encourageant de Dieu. Et, nous sommes pleins d’espoir : puisque le Dieu d’éternité nous rejoint aujourd’hui et nous aime aujourd’hui, ce n’est pas pour nous abandonner… Il nous promet de vivre pour toujours avec lui : Jésus a vaincu tout ce qui pouvait nous séparer du Dieu qui fait vivre, jusqu’à la mort même.

Ainsi Paul peut-il dire qu’il met sa fierté dans son espérance. Sa fierté ! Quand on met notre fierté dans quelque chose, c’est qu’on y met notre joie, notre assurance, notre identité. Paul met son assurance, sa joie, son identité, dans la certitude de vivre pour toujours avec Dieu, dans sa gloire, c’est-à-dire, son éternité.

Mais c’est surtout la suite qui m’intéresse, parce que, je le disais tout à l’heure, la vie n’est pas toujours si simple !

… nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné.

Paul ne s’étend pas sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons dans la difficulté. Notre monde est perturbé et tous en font les frais, depuis les catastrophes naturelles jusqu’aux recoins sombres de notre cœur. Par contre, même sans donner d’explication sur ce qui nous arrive personnellement, Paul nous oriente sur la façon de vivre ces difficultés.

         L’épreuve : moment de vérité et exercice

Paul choisit de voir nos difficultés comme des moments de vérité. On le fait assez naturellement avec Dieu : “aha, puisqu’il m’arrive cela, ça prouve que… Dieu n’existe pas, Dieu est indifférent ou il se moque de nous, Dieu nous en veut…” Mais là, Paul regarde à sa longue expérience de chrétien, et il nous invite à changer de perspective. Nos difficultés sont des moments de vérité, oui, aussi sur ce que nous sommes. sur notre vie. sur ce qui en fait sa valeur.

Car c’est dans la difficulté que se révèle notre caractère : tout le monde peut être optimiste quand tout va bien. Si vos enfants sont toujours sages et obéissants, pas besoin d’être patients. Si vos amis tiennent toujours parole, il n’est pas question de leur pardonner.

Pour être plus précis, la difficulté révèle notre caractère, mais elle le forge aussi ! Je suis tombée une fois sur un sondage qui rapportait qu’une étonnante majorité de personnes (j’ai oublié les chiffres) reconnaissait que c’est dans l’épreuve qu’ils avaient grandi. Évidemment, ça on le sait après, parce que pendant l’épreuve, on se sent juste écartelé. L’épreuve nous exerce, nous oblige à grandir. On le voit autour de nous : ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche sont souvent moins déterminés que ceux qui ont dû se battre pour arriver là où ils sont aujourd’hui.

Comment l’épreuve peut-elle forger notre caractère ? Paul évoque 3 éléments : la persévérance, le courage, et l’espérance. C’est quand il est difficile de croire que la foi grandit, c’est quand on a peur que le courage se manifeste, et c’est quand on ne voit plus très bien où on va que l’espérance joue son rôle. Dans les histoires de héros, il y a quelque part un rêve tellement grand que le futur héros surmonte tous les obstacles pour y arriver. Et dans ce processus, il ne fait pas qu’affirmer son rêve, il mise dessus, il s’y accroche, et plus il avance, plus son rêve est solide parce qu’il l’a choisi, re-choisi, et re-choisi.

Le point commun de la persévérance, du courage et de l’espérance, c’est de nous tourner vers ce qu’on ne voit pas encore. De nous exercer à miser sur Dieu.

Choisir l’éternité

Mais à quoi bon s’exercer et surmonter des épreuves ? Est-ce qu’il y a un sens à tout ça ? Sinon, l’épreuve, c’est juste une expérience qui nous vide et nous casse. Le rêve de Dieu, c’est que nous devenions des personnes qui misent sur l’éternité.

Attention, loin de moi l’idée de relativiser les horreurs que nous pouvons vivre. Perdre un proche ou un enfant, être agressé physiquement, sentir son corps se désagréger, vivre dans l’insécurité ou la précarité – dans la Bible, Dieu ne justifie pas ces expériences, il ne vous envoie pas des calamités pour vous pousser à travailler telle compétence. Il n’est pas question de rechercher les détresses pour progresser, comme une discipline de la douleur.

Là où Paul nous interroge c’est sur notre perspective : puisque nous traversons tous des difficultés, (tous ! croyants ou pas), qu’est-ce que nous en faisons ? Cette perspective est essentielle. Vous connaissez l’adage : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Sauf que je suis sûre que vous avez dans votre entourage plein de personnes qui ont beaucoup souffert et qui ne sont pas pour autant devenues plus courageuses ou pleines d’espoir ! Les obstacles ne nous rendent pas automatiquement plus forts – selon la gravité de ce qu’on vit, ils nous fragilisent même plutôt et nous font entrer en mode « auto-défense » (résignation, amertume, méfiance…).

Bien des croyants diront : « je n’aime pas les épreuves, mais c’est vrai que dans ces cas-là, je me sens plus proche de Dieu, car à ce moment-là j’ai besoin de sa présence et de son aide (sous-entendu : quand ça va bien, on pense moins à se tourner vers Dieu) ».  Peut-être même que sans croire vraiment, quelqu’un pourrait prier dans la difficulté, et puis, une fois le problème résolu, on passe à autre chose. On peut très bien utiliser la foi comme béquille au cœur de la tourmente, et ranger la béquille au placard dès que c’est fini, comme après une entorse. Et finalement, Dieu nous aura aidés à traverser la difficulté, mais rien n’aura vraiment changé dans notre vie. Cette difficulté sera un souvenir mais elle ne nous aura pas rapprochés de Dieu. C’est comme dans un couple : face aux crises, on peut craquer et se séparer, chercher une solution à court terme (p. ex. l’un des deux prend sur lui mais le couple s’assèche), ou bien chercher une solution à long terme (et c’est là que le couple se rapproche et devient plus fort).

Dieu ne se rapproche pas de nous en Christ, pour nous éviter les problèmes ou pour résoudre plus vite nos problèmes. Il n’est pas le « Waze » de la vie, pour nous éviter les embouteillages, les accidents, et nous aider à aller plus vite là où nous voulons aller. Souvent, même en tant que chrétiens, nous avons une vision à très court terme de ce qu’est le bonheur ou la vie en paix : famille, travail, maison, et surtout la santé ! Mais Dieu veut nous conduire à sa destination – éternelle, pas à notre destination bien humaine, fragile et à validité limitée. Dieu veut nous conduire plus loin ! Alors il est ravi de nous faire passer dans des petits coins sympa le long de la route. Mais quand il y a un problème sur la route, son rêve, c’est que nous gardions le cap. Et le cap, c’est d’être avec lui, aujourd’hui, demain, pour l’éternité.

La conséquence directe, c’est que Dieu ne nous abandonne pas ! Il est avec nous, aujourd’hui et pour toujours, qu’on le voie à l’œuvre, ou pas. Notre part, à nous, dans la difficulté – mais aussi dans les bons moments d’ailleurs – c’est de miser sur Dieu. De placer notre assurance en lui, notre joie, notre identité – quoi qu’il arrive ! De lui demander, pas seulement de l’aide ponctuelle pour aujourd’hui, mais aussi de nous faire grandir dans sa perspective d’éternité. De nous remplir de ce qui ne périt pas. Et ça, seul le Dieu éternel peut le faire. Lui, il nous remplira de son amour, de sa présence, de sa force. Lui, il remplira notre présent de son éternité.

Faux débats et vraies questions

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J’ai de plus en plus de mal à regarder à la télévision les émissions de débat politique ou sociétal, en particulier sur les chaînes d’information continue… On nous y abreuve de débats qui attisent la suspicion, les peurs voire la haine. Ces derniers temps, c’est à propos du voile et des soi-disant signes extérieurs de radicalisation… J’ai vu que sur une chaîne de télévision, on a quand même débattu sur la différence entre une barbe innocente et une barbe signifiante ou préoccupante !

Et puis il est de bon ton, depuis quelque temps, pour ne pas être taxé d’islamophobie, de mettre dans le même sac les islamistes et les évangélistes (sic!). Ca c’est nous… décrits comme de dangereux obscurantistes rétrogrades, des prosélytes qui bafouent la laïcité. Bonjour les clichés et les amalgames !

Ceci dit, ce n’est pas nouveau. De tout temps, il y a eu des faux débats qui occultaient les vraies questions. Même dans l’Eglise… N’est-il pas arrivé, et n’arrive-t-il pas encore parfois, que des questions secondaires prennent tellement d’importance qu’on en vient à oublier l’essentiel ? Certains doivent se souvenir qu’il y a quelques années, dans le milieu évangélique, on se jetait mutuellement l’anathème pour des questions de chronologie des événements liés à la fin des temps ! Il peut même arriver encore que des Églises se déchirent pour des questions de choix de cantiques ou de tenues vestimentaires !

Bref, hier comme aujourd’hui, il y a des faux débats qui peuvent occulter les vraies questions, et faire oublier ce qui est vraiment important. Le texte de l’Evangile de ce matin nous en donne un exemple édifiant :

Luc 20.27-40
27 Quelques sadducéens vinrent auprès de Jésus. Ce sont eux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection. Ils l’interrogèrent 28 de la façon suivante : « Maître, Moïse a écrit pour nous : “Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme sans enfant, il doit épouser la veuve pour donner une descendance à celui qui est mort.” 29 Or, il y avait sept frères. Le premier se maria et mourut sans laisser de descendance. 30 Le deuxième épousa la veuve, 31 puis le troisième. Il en fut de même pour tous les sept, qui moururent sans laisser de descendance. 32 Finalement, la femme mourut à son tour. 33 À la résurrection des morts, de qui sera-t-elle l’épouse ? Car tous les sept l’ont eue comme épouse ! » 34 Jésus leur répondit : « Les hommes et les femmes de ce monde-ci se marient ; 35 mais les hommes et les femmes qui sont jugés dignes de ressusciter d’entre les morts et de vivre dans le monde à venir ne se marient pas. 36 Ils ne peuvent plus mourir, ils sont pareils aux anges. Ils sont enfants de Dieu, car il les a ressuscités. 37 Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter. Dans le passage qui parle du buisson, il appelle le Seigneur “le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob” 38 Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » 39 Quelques spécialistes des Écritures prirent alors la parole et dirent : « Tu as bien parlé, maître. » 40 Et ils n’osaient plus lui poser d’autres questions.

Les Sadducéens étaient un parti religieux important au temps de Jésus, différent des Pharisiens. En fait, les deux partis n’étaient pas vraiment amis, ils s’opposaient même souvent quant à la façon de comprendre la Bible ! Luc précise ici un point important, essentiel même pour comprendre la question qu’ils vont poser à Jésus : ils affirmaient qu’il n’y a pas de résurrection. Or, la foi en une résurrection finale était largement répandue parmi les Juifs du temps de Jésus. Les Pharisiens le croyaient par exemple. Mais pas les Sadducéens…

Quelques membres de ce parti religieux viennent donc poser une question à Jésus, en se référant à la loi de Moïse, qui faisait autorité pour tous. Et, justement, la question qu’ils posent est liée à la résurrection ! On peut donc déjà s’interroger sur la sincérité de leur question, eux qui n’y croyaient pas… Et puis leur question est quand même assez tarabiscotée. Évidemment, le cas qu’ils évoquent est théoriquement possible. On peut imaginer une femme être veuve sept fois, de sept frères successivement ! Même si, d’ailleurs, la question pourrait se poser à partir de deux mariages successifs, pas besoin d’aller jusqu’à sept…

La réponse de Jésus a fait couler beaucoup d’encre. Et je vous avoue que je ne suis pas sûr de bien tout comprendre. Jésus affirme-t-il que les liens tissés dans ce monde-ci ne compteront plus après la résurrection ? Que signifie l’expression désignant les hommes et les femmes ressuscités comme étant “pareils aux anges” ? C’est une phrase qui a pu alimenter un vieux débat, pendant le Moyen- ge, sur le sexe des anges ! C’est fou quand même : alors que Jésus répond à une question tarabiscotée, les chrétiens ont trouvé dans la réponse de Jésus une occasion de débattre sur une autre question tarabiscotée !

Comment faut-il donc comprendre la réponse de Jésus ? Je me demande s’il ne reste pas volontairement mystérieux dans sa réponse, pour nous dire qu’on ne peut pas vraiment comprendre. On ne peut pas comparer notre situation ici-bas à celle qui nous est réservée dans l’éternité, après notre résurrection. C’est comme vouloir se comparer aux anges… Se perdre dans des hypothèses ou des élucubrations sur le sujet est une perte de temps.

Parce que finalement, le point important est ailleurs. On le voit apparaître à la fin de la réponse de Jésus, lorsqu’il affirme explicitement quelque chose de clair et sans ambiguïté : “Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter.” (v.37) En réalité, Jésus répond donc à la question que les Sadducéens ne lui ont pas posée… celle de la réalité ou non de la résurrection à venir. Pour Jésus, c’est clair, il y aura bien une résurrection, parce que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Essayons de comprendre l’argument de Jésus.

Il fait référence à l’épisode du buisson ardent, lorsque le Seigneur s’est révélé à Moïse et qu’il lui dit : “Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.” (Exode 3.6) Plus loin il l’enverra vers le Pharaon pour délivrer son peuple de l’esclavage. C’est alors que Moïse demanda à Dieu de lui révéler son nom. Et Dieu lui répondit par une phrase un peu énigmatique que l’on peut traduire par “Je suis qui je suis”, ou “je serai qui je serai”. Et il ajoute : ”Voici donc ce que tu diras aux Israélites : “‘Je serai’ m’a envoyé vers vous”. (Exode 3.14).

Dieu est et il sera. Il est éternel, sans commencement ni fin. Et pour Jésus c’est à cause de la personne et de la nature même de Dieu qu’il peut affirmer qu’il y aura une résurrection. Parce que ce Dieu “qui est et qui sera” a choisi, depuis Abraham et même avant, de se révéler aux humains et de les sauver. “Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob” : Comment ce Dieu-là pourrait-il laisser se perdre dans la mort ceux avec qui il fait alliance ? D’ailleurs, Jésus l’affirme avec force : “Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui.”

De plus, ce que personne alors, ni les Sadducéens ni les disciples, ne pouvait savoir, c’est que Jésus lui-même allait en donner la preuve la plus éclatante par sa résurrection !

La vraie question n’est donc pas seulement de savoir s’il y aura ou non une résurrection d’entre les morts, mais de savoir si on connaît vraiment aujourd’hui le Dieu des vivants. Ce n’est pas une question théologique abstraite, c’est une question existentielle et relationnelle ! Voilà ce qui est vraiment important et qu’aucun faux débat ne devrait occulter !

C’était vrai pour les Sadducéens… ça reste vrai pour nous aujourd’hui !

Une question de curseur

Quels sont, aujourd’hui, les faux débats qui peuvent nous faire oublier ce qui est vraiment important ? Ou peut-être pourrait-on poser d’abord la question de façon positive : qu’est-ce qui est vraiment important ? Quel est le coeur du message que nous proclamons et que nous nous efforçons de vivre ?

Quelques éléments de réponse possibles : l’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Là on touche à l’essentiel. Et tout le reste n’est pas sans importance… mais doit avoir une importance relative. Et c’est important de le reconnaître. Nous devons accepter une certaine hiérarchisation dans la foi. Tout, dans la foi chrétienne, dans la vie chrétienne, tout n’a pas la même importance. Sinon, plus rien n’a d’importance… on nivelle toujours par le bas !

Nous devons accepter qu’il y ait des choses importantes et d’autres moins. Accepter qu’on puisse ne pas être d’accord sur la compréhension de certains textes bibliques, sur la façon de prier, sur certaines convictions doctrinales, sur des positionnements éthiques… et pour autant s’aimer, se respecter, se reconnaître comme frères et soeurs. Sinon aucune Église n’est possible… ou alors comme un groupement sectaire !

Tout est ici une question de curseur. Toutes les questions peuvent être intéressantes… dans la mesure où on y consacre le temps et l’énergie appropriés.

Il y a des questions vraiment secondaires. Là, le curseur est tout en bas. Pourtant elles peuvent prendre parfois une importance démesurée. Ce sont des questions de goût, de sensibilité personnelle. Je me souviens (pas dans cette Église !) du temps que nous avons consacré à choisir la couleur des nouveaux rideaux et des nouvelles chaises ! Incroyable ! Sur la question des cantiques et des tenues vestimentaires, évoquées en introduction, je suis sûr qu’on trouverait des versets bibliques pour alimenter le débat. Et c’est pareil pour plein d’autres questions… par exemple, en vrac, la longueur des cheveux, ou celle des jupes pour les jeunes filles, les tatouages, le fait de boire ou non de l’alcool, de fumer…

Je ne dis pas qu’on n’a rien à dire sur toutes ces questions. Je dis simplement qu’on peut facilement se perdre dans des débats stériles, faire de ces questions somme toute secondaires, des sujets de dispute, parfois même de division !

Je pousse un peu le curseur, avec des questions plus polémiques… mais qui peuvent aussi prendre trop de place ! Le fait de parler en langues ou pas, la compréhension du Millénium, le ministère pastoral féminin, la Création et l’évolution…

Allez, je monte encore un peu le curseur ? On se rapproche de la zone rouge… ça commence à devenir chaud ! L’interprétation des prophéties bibliques, la défense du modèle familial traditionnel, notre attitude face aux revendications LGBT…

Vous me direz que là, quand même, ce sont des questions importantes. C’est vrai… Mais ne sont-elles pas moins importantes que celles qui sont au coeur de l’Evangile, et qui doivent être notre motivation première ? Les questions pour lesquelles nous devons consacrer le plus de temps et d’énergie ?

Je les rappelle ? L’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Conclusion

Ne laissons pas des questions secondaires, ou moins importantes, nous faire passer à côté de l’essentiel. Soyons bien au clair sur ce qui constitue le coeur de notre foi. Nous pourrons toujours discuter des autres questions, sans y mettre trop d’énergie… et surtout sans perdre de vue le plus important : le Dieu vivant qui nous aime et qui nous sauve !