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Et Jésus pleura.

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Voir la vidéo ici: https://www.youtube.com/watch?v=42DoVie49YM

Imaginez ce que vivent Marthe & Marie. Elles ont perdu leur frère, encore jeune, d’une maladie foudroyante, en quelques jours seulement. Quand un jeune meurt, si vite, si brutalement, la question qui surgit, c’est « pourquoi ? » « Pourquoi lui ? pourquoi comme ça ? C’est injuste ! » Peut-être même : « Si Dieu est là… pourquoi ? » La mort de Lazare est une tragédie.

Comme les tragédies qui nous touchent, nous, aujourd’hui. Au niveau mondial ou personnel : la mort d’un proche, un accident, une rupture, une injustice, quoi que ce soit qui soudain nous enlève la joie.

En lisant l’ensemble du chapitre 11 de l’évangile de Jean, nous comprenons que Jésus a volontairement retardé sa visite à Lazare : lui le faiseur de miracles retarde son intervention, pas par cruauté, mais pour que le miracle soit plus grand. Pour montrer matériellement que par lui, Jésus, la vie va vaincre la mort. Il va ressusciter Lazare, et ce miracle, à quelques jours de son arrestation, de sa propre mort, annonce sa résurrection à lui, et la résurrection qu’il promet à toute personne qui a foi en lui.

Dans l’histoire, les pleurs se changent en joie, la lamentation en allégresse – comme un prototype de ce que Jésus nous promet : Dieu ajoute un chapitre à nos tragédies, un chapitre d’espérance et de joie.

Mais Jean ralentit son témoignage pour nous faire observer les réactions personnelles de Jésus.

Lecture biblique : Jean 11.28-39

28 Après avoir [parlé avec lui], Marthe s’en alla. Puis elle appela Marie, sa sœur, et lui dit en secret : « Le maître est arrivé, il t’appelle. » 29 Dès qu’elle entendit cela, celle-ci se leva vite pour venir à lui ; 30 car Jésus n’était pas encore entré dans le village ; il était encore au lieu où Marthe était venue au-devant de lui. 

31 Les Juifs qui étaient dans la maison avec Marie pour la réconforter la virent se lever vite et sortir ; ils la suivirent, pensant qu’elle allait pleurer au tombeau. 32 Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus et qu’elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! »

33 Quand Jésus la vit pleurer, et qu’il vit pleurer aussi les Juifs qui étaient venus avec elle, son esprit s’emporta et il se troubla. 34 Il dit : Où l’avez-vous mis ? — Seigneur, lui répondirent-ils, viens voir ! 

35 Jésus fondit en larmes. 

36 Les Juifs disaient donc : C’était vraiment son ami ! 37 Mais quelques-uns d’entre eux dirent : Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas aussi faire en sorte que cet homme ne meure pas ?

38 Jésus, s’emportant de nouveau, vint au tombeau. C’était une grotte, et une pierre était placée devant. 39 Jésus dit : Enlevez la pierre.

    [v.31-33a] On est loin d’une scène intimiste : il y a tout un cortège de visiteurs, et de professionnels du deuil. A l’époque, même une famille pauvre était censée engager deux joueurs de flûte et une pleureuse pour honorer la personne défunte. Or la famille de Marthe, Marie et Lazare est sûrement une famille de notables, connus jusqu’à Jérusalem. Donc il y a du monde, et du bruit, et de l’agitation ! D’une manière très différente de la pudeur occidentale – il y a des rituels, des manifestations physiques, des cris…

Au milieu de tout cela, Marie accourt vers Jésus. Elle lui dit la même chose que Marthe : « si tu avais été là… » et elle s’effondre à ses pieds. Avec Marthe, Jésus avait parlé foi, doctrine, il avait raisonné. Mais ici, devant l’émotion nue de Marie, Jésus réagit différemment : l’émotion le saisit alors même qu’il part faire le miracle. Revenons sur les expressions utilisées :

  • v.33b et v.38: Jésus s’emporte, dans son esprit. Littéralement, c’est le mouvement du cheval qui se rebiffe, un mouvement d’irritation. On peut y lire de l’indignation, du rejet. Il aura la même réaction devant le tombeau de Lazare.
  • v. 33b: et il se trouble en lui-même. Dans le reste des évangiles, ce trouble on le trouve chez ceux qui voient Jésus faire des miracles. Devant l’impensable, le surnaturel, ils sont bouleversés. Mais ici, et dans tout son chemin vers la Croix, c’est Jésus qui est bouleversé, comme devant quelque chose d’impensable.
  • v.35 : en route vers le tombeau, Jésus verse des larmes. Ce n’est pas le même mot que les pleurs bruyants des autres (klaiô). Ce verbe (dakruô) n’est utilisé qu’une seule fois dans tout le Nouveau Testament – les larmes coulent. Il ne rejoint pas les autres dans leur lamentation funèbre, mais il est rattrapé par l’émotion. Et ça se voit ! Puisque ceux qui sont présents s’interrogent : est-ce qu’il pleure son ami Lazare ?

Il n’est pas forcément facile d’interpréter les émotions de quelqu’un, ici, des larmes, du trouble, de l’irritation. Essayons quand même de comprendre…

C’est peu probable que Jésus pleure l’absence de Lazare (comme c’est le cas pour nous quand un proche meurt et nous manque) : Jésus est en route pour le ressusciter !

Est-ce qu’il est troublé par la peine des proches de Lazare, en particulier en voyant Marie, sa disciple, pleurer ? Jésus n’en est pas à son premier miracle, ni à sa première résurrection… Mais là c’est différent : ce sont ses amis, qui souffrent. On ne vit pas les choses pareil quand la tragédie touche un proche : c’est autrement réel…

Jésus est aussi rattrapé par ce qui l’attend : dans quelques jours, c’est lui qui subira la rupture, la séparation, la mort – d’avec les autres, et d’avec Dieu : il endurera le poids total de la réprobation de Dieu devant le mal. C’est lui qui sera abandonné de tous, mis au tombeau, plongé dans l’affliction. La Croix se rapproche, et il le sait. C’est d’ailleurs après ce miracle que les religieux vont comploter pour faire condamner Jésus à la peine de mort.

Et peut-être qu’avec tout cela (parce que quand on pleure, qu’on s’indigne, il peut y avoir plusieurs raisons), Jésus se révolte simplement contre la mort elle-même. Derrière la mort, il y a le mal qui a séparé l’être humain de Dieu, qui l’a coupé du bien, de la justice, de la vérité, et de la vie. Jésus pleure peut-être sur ce poids qui pèse sur l’être humain. Sur la rupture d’avec Dieu, sur ce gâchis : que les êtres que Dieu a créés par amour puissent être brisés.

Jésus est en route vers un miracle et il pleure. Il est en route vers notre salut et il pleure. Même s’il sait que ça finira bien, le chemin à parcourir est lourd, douloureux, presque insupportable. C’est pareil pour nous : croire que Dieu nous fera vivre au-delà de la mort nous donne un espoir, mais ça n’empêche pas que la mort soit insupportable – celle des autres, dont nous subissons l’absence, ou la nôtre, dont nous parlons si peu mais qui nous terrifie, qui devient toujours plus réelle à mesure que notre corps se dégrade. Espérer dans le Dieu de la vie n’empêche pas de pleurer, de se révolter, face à la mort, et à tout ce qui est mortifère dans nos vies. En fait, ça montre la gravité du problème et l’urgence de notre besoin de vie. Si la mort n’est rien, pourquoi espérer la vie ? Notre révolte intérieure face à la mort, qui n’est jamais vraiment acceptable, révèle combien nous sommes faits pour la vie. Dans la vie de foi, l’espérance n’est pas qu’un sourire rayonnant et triomphant – c’est parfois un cri lancé à Dieu à travers les larmes, la colère, la tristesse.

Jésus, vrai homme et vrai Dieu 

Ce que Jésus montre de sa révolte et sa peine témoigne qu’il est bien humain. Il ne se contente pas de réfléchir, en décryptant la situation, ou d’agir, en apportant une solution, il en ressent l’impact émotionnel… C’est un homme, un vrai, dans toute sa sensibilité (pas la sensiblerie ! mais les tripes !). Il expérimente la vie jusqu’au bout. Par exemple, quand mon père est mort, c’est la colère qui est venue avant la tristesse – et c’est ce moment d’indignation de Jésus qui m’a soutenue. Jésus est vraiment humain, jusque dans ses tripes, il nous comprend dans notre plus profonde intimité.

Dans la Bible, il n’y a pas que les humains qui ont des entrailles et un cœur… Dieu aussi ! Dieu se présente à nous comme le sage, le vrai, le puissant, celui qui pense et qui agit, et celui qui ressent – qui aime, qui se réjouit, qui est jaloux quand on le trahit, qui se met en colère quand ceux qu’il aime souffrent… Jésus, vrai homme, est aussi l’image d’un Dieu sensible, proche, un Dieu qui est prêt à tout pour nous rejoindre, porter nos fardeaux avec nous et nous en délivrer. C’est le mystère de la Croix, où Dieu fait homme porte à la fois nos fautes et nos blessures – mais sa vie transperce la mort.

Quel réconfort ! Dieu (et Jésus l’incarne parfaitement), Dieu n’est pas insensible, mais il nous rejoint et il agit. Pas toujours par une résurrection, quoi qu’il y ait des miracles, mais en dénouant des situations, en ouvrant des perspectives, en accordant une aide inimaginée, ou tout simplement en accordant sa paix dans la confusion. En donnant la force de faire le prochain pas. Par son Esprit, il nous rejoint, de l’intérieur, pour traverser l’épreuve avec nous et nous conduire vers la vie.

Une inspiration : être des témoins compatissants

C’est un vrai réconfort, de savoir que rien n’est trop terrible pour Dieu : il nous rejoint. Parfois, nous recevons la réponse à nos « pourquoi » après coup ; parfois jamais. Mais quelle que soit la réponse, il y a la présence et l’espérance – présence de Dieu par son Esprit, proche, intime, espérance dans le Christ qui a vécu le pire comme nous et qui a fait surgir la vie malgré tout, au-delà de tout.

C’est un réconfort, et une inspiration : à l’image du Christ, nous sommes appelés à être des relais de la compassion de Dieu. Réconfortés par Dieu, appelés à devenir réconfortants, à rejoindre l’autre pour porter un peu de son fardeau. On ne remplace pas Dieu, mais on prend part à son activité réconfortante.

Alors c’est vrai qu’on est tous différents : certains préfèrent réfléchir, d’autres, agir !, et d’autres écouter. Il y a aussi des questions de culture et de tempérament… Alors on pourrait se partager les tâches ? Mais on a tous un peu des trois. Se priver de nos tripes, c’est comme se priver de notre tête ! Dieu nous invite à l’imiter, à aimer celui qui est à côté, avec tout ce que nous sommes, en 3 dimensions.

C’est difficile parce que l’émotion est inconfortable/ elle nous bouscule, rarement convenable ou polie, et elle paraît incontrôlable – chez soi ou chez l’autre. Jésus comme Dieu assume cette part émotionnelle. Ce n’est pas parce qu’on pleure ou qu’on s’indigne qu’on va rester bloqué et qu’on ne va pas réfléchir ou agir : mais accepter l’émotion, c’est accepter l’impact des choses, les laisser résonner pour mieux se mettre en route.

Dans notre monde, hors de l’Eglise mais pas que !, il faut toujours avancer, être efficient, c’est dangereux de baisser sa garde, et l’émotion… il y a des lieux pour ça ! on préfère la laisser aux professionnels ou à l’art. Aujourd’hui, participer à l’action de Dieu pour rejoindre ceux qui nous entourent, c’est dire les paroles de Dieu, c’est agir selon la volonté de Dieu, et, c’est peut-être aussi être présent, ouvrir un espace dans la relation pour l’accueil et l’écoute, où l’autre peut se sentir entendu et soutenu. En particulier dans une époque où on reste quand même rapide dans nos communications, où on est isolé, souvent démuni devant les grandes questions de la vie.

Il y a des conditions bien sûr : on ne se transforme pas en psy gratuit, on met des limites pour se protéger, et on donne ce qu’on a reçu (c’est le réconfort reçu en Christ que nous offrons un peu). Mais si nous pouvons transmettre, dans l’Eglise et en dehors, à un ami, une collègue, un patient, une élève, un peu de ce réconfort que Jésus nous apporte… quelle bénédiction !

 

La Croix: une folie!

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Regarder la prédication en vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=JuaASAonr1Q

Il n’est pas toujours facile d’assumer sa foi devant les autres. Même dans un cadre privé et relativement bienveillant, avec des amis par exemple, notre foi paraît tellement décalée que nous pouvons être dans l’embarras pour décrire, expliquer, notre foi. On est gênés !

Il y a du surnaturel dans ce que nous croyons, qui s’entrechoque avec un discours ambiant censé être logique. Je dis « censé » parce que nombre de nos contemporains, sous un vernis rationnel, ont en réalité des convictions non rationnelles – le nombre de personnes qui consultent des voyants, qui croient dans les lois de l’attraction ou dans le karma, qui croient aux esprits… est impressionnant !

Cela dit, quand j’étais jeune , étudiante, le nombre de fois qu’on m’a dit : « je ne crois pas en Dieu, je suis trop cartésien ! » ce qui sous-entendait quoi ? Qu’il fallait être stupide pour croire ? Accessoirement, on fait difficilement plus cartésien que Descartes lui-même – et Descartes était profondément croyant !

D’autres me disaient : « ah non, moi je n’ai pas besoin de cette béquille, je m’en sors tout seul » là encore, c’est agréable à entendre : celui qui croit est un faible ? un nul, quoi !

Alors devant ces réactions, et toute leur déclinaison, on peut être tenté de simplement taire notre foi, pour éviter les problèmes, ou de rendre notre foi acceptable, de relativiser ce qui choque et d’interpréter autrement.

Cet embarras, et les tentations qui vont avec, nous ne sommes pas les premiers à le ressentir. Déjà les premières générations de chrétiens, très vite après la mort de Jésus (au 1er s.), se sentent en décalage avec le discours ambiant. C’est le cas dans l’église de Corinthe, ville grecque et cosmopolite, où l’Evangile s’écarte à la fois du discours juif, et de la mentalité grecque, très marquée par la philosophie et la recherche du rationnel.

L’apôtre Paul, au début de sa première lettre aux Corinthiens, prend le temps d’aborder le côté embarrassant de l’Evangile.

Lecture biblique : 1 Corinthiens 1.18-25 (TOB)

18 La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu.

19 Car il est écrit (chez le prophète Esaïe) :

Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents.

20 Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas rendue folle la sagesse du monde ?

21 En effet, puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la prédication [de la croix] que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient.

22 Les Juifs demandent des signes, et les Grecs recherchent la sagesse ; 23 mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, 24 mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.

25 Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

 

Un non-sens      

Dans l’église de Corinthe, on apprend par la lettre que beaucoup sont en prise avec l’orgueil, et cherchent toujours à faire mieux, à avoir plus d’influence, à aller plus loin ! Ca pose un certain nombre de problèmes dans l’église, que Paul va aborder, mais le principe de toutes ses réponses est ici : il faut revenir à la base, à la Croix, toujours à la Croix.

La Croix est non négociable, pour le chrétien, même si elle est embarrassante. Paul insiste, presque avec délectation : la Croix est une folie.

[v.18-20] Il commence par affirmer que la Croix va à contre-courant de la sagesse humaine. La Croix, ici, c’est bien sûr l’événement de la mort du Christ mis en croix par les Romains, mais c’est aussi toute la démarche de l’abaissement du Fils de Dieu qui se fait homme, plus bas que les hommes, pour relever l’humanité. Dès Noël, Dieu s’abaisse pour nous rejoindre.

En gros, le moyen pour accepter la Croix, c’est la foi. Si on en reste seulement à la spéculation intellectuelle, cette « théorie » est trop choquante pour être acceptée.

[v.22-23] La Croix est choquante parce qu’elle va à contre-courant de ce que nous attendons. Paul mentionne alors les deux grandes catégories de gens qu’il connaît bien : les Juifs, et les non-Juifs qui sont de mentalité grecque. Ces deux mentalités correspondent assez bien à deux systèmes de valeur courants.

D’un côté, les Juifs, qui réclament des signes miraculeux – on le voit à plusieurs reprises dans les Evangiles. Ils veulent de la puissance ! Du pouvoir ! Des gestes forts, quelqu’un qui impressionne ! Un leader ! Leur Dieu, créateur, tout-puissant, saint, est un Dieu majestueux ! Pour croire en Jésus, il leur faut cette puissance. Même aujourd’hui, on retrouve cette attente de l’homme fort, celui qui impressionne, celui qui fascine et fait vibrer, qui nous fait vivre des expériences… parfois jusqu’au gourou !

De l’autre côté, les Grecs réclament logique, sagesse, rigueur et esprit mathématique. On veut du rationnel ! Là aussi, c’est aujourd’hui très prégnant !

Or l’événement de la Croix évite toutes ces attentes.

Même si Jésus a fait des miracles, il meurt comme le dernier des perdants. Pour nous, la croix c’est un bijou ou un signe plus ou moins esthétique, mais il y a 2000 ans, la croix c’est une guillotine, c’est la honte totale. Pour un Juif de l’époque, mourir sur le bois, c’est le signe de la condamnation divine – comment un Sauveur pourrait-il être maudit ?

Pour les Grecs aussi, la croix, c’est le châtiment qu’on n’infligerait jamais aux citoyens, le plus humiliant, comme si on avait jeté Jésus dans une déchèterie. Comment un Dieu qui se respecte pourrait-il, non seulement devenir créature, mais en plus accepter cette humiliation ? Ca n’a aucun sens !! C’est fou ! La source de vie qui endure la mort ! Non, c’est inacceptable !

Entre parenthèses, les difficultés à adhérer à la folie de la Croix chez les Juifs et les Grecs, attestent que l’Evangile n’est pas un message plaisant pour l’être humain. Si c’était une invention humaine, pourquoi aller inventer quelque chose qui choque autant ? Et on n’a pas parlé de la résurrection, du rejet du racisme ou de la fraternité entre maîtres & esclaves… L’Evangile n’a pas les ingrédients pour être populaire à son époque.

La folie de Dieu

[24-25] Et Paul n’essaie pas de justifier. Il accepte. Oui, c’est fou ! C’est incompréhensible ! La Croix va à l’encontre de tous nos réflexes, de toutes nos théories, de tous nos systèmes. Nous éprouvons, durement, notre nullité personnelle, nos hontes, et tout ce qui nous déforme : la réponse de Dieu n’est pas de donner des clefs pour nous optimiser ou nous améliorer, dans le but que nous devenions une bonne personne – il devient un homme comme nous, en Jésus, pour les porter, et il en meurt, de nos hontes et de nos nullités.

Alors ça n’a pas de sens, ou plutôt ça dépasse nos sens, mais c’est la seule chose qui marche. Que Dieu fait homme, vienne prendre nos travers sur ses épaules, pour nous en délivrer.

D’ailleurs, quand est-ce que la loi de plus fort nous a libérés du mal ? de la mort ? quand est-ce que l’intensité d’une expérience nous a fait devenir meilleurs ? Malgré nos bonnes résolutions, nous retombons dans nos travers… Quand est-ce que les théories et les philosophies ont changé le réel – pas notre point de vue ! le réel ? Paul souligne même que nos théories ne nous ont pas permis de comprendre Dieu, de le rejoindre (au v.21), ce qui est un signe de sagesse divine, car on se serait encore enorgueilli d’avoir trouvé Dieu – comme si c’était possible d’atteindre le Tout-Puissant, avec nos petits bras et nos petites idées, si celui-ci ne se révélait pas à nous !

Dieu vient à nous dans la folie de la Croix parce que nous sommes dans une situation insensée : les enfants que Dieu a créés ont fugué ! Ils vivent sans penser à lui, dilapidant des biens sans se demander d’où ils viennent, étourdis par un tourbillon d’activités, par l’illusion d’une vie réussie sans connexion à celui qui les fait vivre, enclins à blesser ceux qui les entourent, par égoïsme ou par ignorance. Il faut un acte fou pour renverser la folie de nos situations, pour rétablir la connexion avec Dieu.

Pour déchirer la mort et la vaincre, il fallait que le Vivant lutte avec elle. Pour anéantir le mal sans anéantir ceux qui le commettent (c’est nous !), pour pardonner tout en restant juste, seul le Sage qui déborde nos petits cadres logiques pouvait trouver une solution efficace. Pour payer les dommages & intérêts aux victimes sans faire payer le coupable, le Juge a préféré endurer lui-même la peine de mort, même si c’est la pire des humiliations et la pire des souffrances.

Oui, la Croix paraît faible et folle, mais c’est un acte de victoire – le Christ a triomphé du mal – et la meilleure solution à nos problèmes humains : Dieu plonge dans la boue pour nous rejoindre et nous en sortir. Par la foi, peu importe l’arrière-plan spirituel ou philosophique (juifs et grecs), par la foi nous pouvons saisir cette réalité.

 Un amour fou

Derrière la folie de la Croix, ce qui émerge, c’est la folie de l’amour de Dieu pour nous. Oui, Dieu éprouve pour nous un amour fou.

Le Dieu qui s’abaisse pour nous rejoindre est un Dieu qui nous choque parce qu’il agit avec passion. On est prêts à entendre que Dieu est amour, même dans la société, oui, mais on imagine plutôt un Dieu qui aime poliment, un Dieu convenable, bien élevé, un Dieu serein qui nous regarde avec bienveillance depuis son trône, avec un petit sourire qui n’engage à rien. Un Dieu raisonnable ! Mais ce Dieu-là ne nous donne pas d’espoir… Il nous sourit mais ne nous tend pas la main.

Or nous avons besoin d’un Dieu « fou », peut-être pas souriant ou paisible, mais qui descend de son trône pour nous rejoindre dans la boue. Imaginez un père dont l’enfant n’est pas rentré cette nuit : il n’est pas beau, ni souriant, ni paisible. Il a des cernes, les traits tirés, mal au ventre, il fait le tour du quartier, il harcèle les amis de son enfant pour en savoir plus. La croix nous dit que Dieu ressemble à ce père-là, qui nous aime à la folie.

Assumer le scandale de la Croix

Pour les Corinthiens ou pour nos contemporains, tentés par des systèmes de sagesse sophistiquée ou par la recherche de démonstrations impressionnantes, la démarche de Dieu en Christ, sur la croix, est difficile à assumer. Mais notre embarras, il faut le supporter ! Nous n’avons pas d’autre solution – si nous arrangeons la Croix pour la rendre plus acceptable, pour faire de Jésus un simple témoin persécuté de la justice par exemple, ce n’est plus Dieu qui nous sauve, c’est un prophète admirable, mais en rien la preuve de l’amour de Dieu pour nous.

Ne nous laissons pas impressionner par les réactions parfois méprisantes et qui se veulent plus « logiques »… Ce qui serait fou, c’est de croire que l’être humain a tout compris  et que Dieu devrait se conformer à nos critères, rentrer dans nos systèmes… Mais Dieu est tellement plus grand ! sa logique dépasse, déborde, parfois dérange la nôtre : Il n’est pas « comme nous mais en plus grand », il est autre. Heureusement, sinon d’où viendrait l’aide pour sauver notre monde ?

Alors, oui, il faut faire des efforts pour expliquer le plus clairement possible notre foi, faire des efforts pour viser la cohérence et la crédibilité – et Paul l’a fait ! – mais le cœur de la Croix restera toujours une folie qu’on ne peut pas complètement justifier, expliquer, rationaliser, et qui oblige chacun à se positionner : est-ce une folie / un non-sens ? Ou est-ce une folie qui sauve ? Est-ce une folie qu’on rejette, ou une folie qu’on accueille comme on accueille une déclaration d’amour passionnée ?

Libérer la parole

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Regarder la vidéo

Il y a parfois des sujets dans l’actualité qui nous touchent, nous interpellent ou nous scandalisent. Il y en a un qui a fait la une, alors même que la crise du Covid occupe presque toute la place médiatique. Vous en avez forcément entendu parler. Je pense à ces accusations d’inceste ou de violence sexuelle contre des personnes publiques parfois très connues.

La parole se libère depuis quelque temps, et c’est heureux, autour des questions de violences sexuelles et conjugales. On pourrait se dire, peut-être, que les temps changent…

Vous avez peut-être vu ces vidéos d’archives qui refont surface, pas si anciennes que cela, puisqu’elles datent des années 70 ou 80. Il y a par exemple ce micro-trottoir ou des hommes répondaient à une journaliste qui leur demandaient s’il leur arrivait de battre leur femme. Et certains disaient, devant la caméra, que ça leur arrivait… quand leur femme le méritait ! Ou cette vidéo d’une grande émission de télévision des années 80, autour de l’inceste, où un médecin disait que dans bon nombre d’incestes il y a quand même beaucoup de romantisme et de tendresse…

Voir ces images et entendre de telles affirmations aujourd’hui fait vraiment froid dans le dos… Il serait évidemment impossible de tourner de telles vidéos aujourd’hui. Mais le drame des violences sexuelles et conjugales a-t-il pour autant cessé ? Certainement pas !

La parole se libère, certes, notamment sur les réseaux sociaux avec différents hashtags, et les témoignages se multiplient, y compris dans des ouvrages publiés. Mais ça dérange, parce que le problème est toujours là…

Il y a aujourd’hui des scandales qui éclatent dans tous les milieux, y compris dans des Églises évangéliques… Encore très récemment, vous avez peut-être entendu ces révélations terribles et accablantes sur un célèbre pasteur et apologète américain, décédé l’année dernière, qui dissimulait un comportement de prédateur sexuel. Vous me direz peut-être que ça ne se voit pas trop en France, dans nos Églises… mais ne nous faisons pas d’illusion, j’ai peine à croire qu’on en soit complètement indemne.

Car tous les milieux sont touchés ! D’après une enquête récente, 1 français sur 10 dit avoir été victime de violence sexuelle durant son enfance !

Aujourd’hui en France, une femme meurt tous les 2 jours et demi sous les coups de son conjoint. Et la situation ne s’est pas améliorée pendant la crise sanitaire. Les signalements pour violence conjugale ont augmenté de 40% pendant le premier confinement, et de 60% pendant le deuxième…

Dans l’écrasante majorité des cas, les victimes de ces violences, sous toutes leurs formes, sont des femmes ou des enfants. Et les auteurs de ces violences, à une écrasante majorité, sont des hommes. Le problème est encore bien là… malheureusement.

Non seulement on ne peut pas rester insensible à ces drames mais nous devons être conscients qu’ils touchent aussi nos milieux. Nous avons forcément parmi nous, et autour de nous, des personnes qui ont été ou sont victimes de telles violences.

N’avons-nous pas quelque chose à dire en tant que chrétiens ? Qu’est-ce que la Bible nous dit sur ces questions ? Pour y réfléchir, je vous propose de lire une partie d’un récit que l’on trouve dans l’Evangile selon Jean, celui de la rencontre de Jésus avec la femme Samaritaine.

Voici le contexte. Jésus s’était rendu en Galilée. Alors qu’il était seul, ses disciples étant allé en ville pour acheter des provisions, Jésus rencontre une femme, seule elle aussi, venue chercher de l’eau à un puits, en plein milieu de la journée. Jésus engage alors un dialogue avec elle, et lui demande de puiser de l’eau pour lui. C’était déjà surprenant, étant donné l’inimitié qu’il y avait entre les Juifs et les Samaritains. Mais Jésus en profite pour parler d’une autre eau, spirituelle celle-là, dont tous, Juifs, Samaritains ou n’importe qui d’autre ont réellement besoin. Lisons la suite du récit, à partir du verset 13, dans le chapitre 4 de l’Évangile selon Jean :

Jean 4.13-30

13 Jésus lui répondit : « Toute personne qui boit de cette eau aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. »
15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. »
16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari et reviens ici. »
17 La femme lui répondit : « Je n’ai pas de mari. »
Et Jésus ajouta : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari ; 18 car tu as eu cinq maris, et l’homme avec lequel tu vis maintenant n’est pas ton mari. Tu as donc dit vrai. »
19 « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète. 20 Nos ancêtres samaritains ont adoré Dieu sur cette montagne, mais vous, les Juifs, vous dites que l’endroit où l’on doit adorer Dieu est à Jérusalem. »
21 « Crois-moi, continua Jésus, l’heure vient où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. 22 Vous, vous adorez Dieu sans le connaître ; nous, nous l’adorons et nous le connaissons, car le salut vient des Juifs. 23 Mais l’heure vient, et elle est même déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père par l’Esprit qui conduit à la vérité ; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. 24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent le fassent par l’Esprit qui conduit à la vérité. »
25 La femme lui dit : « Je sais que le Messie, c’est-à-dire le Christ, va venir. Quand il viendra, il nous enseignera toutes choses. »
26 Jésus lui répondit : « Je le suis, moi qui te parle. »
27 À ce moment-là, les disciples de Jésus revinrent ; et ils s’étonnèrent de le voir parler avec une femme. Pourtant aucun d’eux ne lui demanda : « Que lui veux-tu ? » ou : « Pourquoi parles-tu avec elle ? »
28 Alors la femme laissa sa jarre et retourna en ville, où elle dit aux gens : 29 « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! Ne serait-il pas le Christ ? » 30 Ils sortirent donc de la ville et vinrent à la rencontre de Jésus.

Vous me demanderez peut-être : mais quel est le rapport entre ce récit et la question des violences sexuelles et conjugales ? Le lien, je le vois dans le dialogue initié par Jésus, qui permet une libération de la parole pour une femme en souffrance. Regardons cela plus en détail…

Changer de regard

Quel regard portez-vous sur cette femme lorsque vous entendez Jésus lui dire qu’elle a eu 5 maris et que l’homme avec lequel elle vit n’est pas son mari ? En “bon évangélique”, on pourrait avoir tendance à porter un regard accusateur sur elle. Eh oui, qu’est-ce qu’elle a bien pu faire pour avoir 5 maris successifs ? Et qu’est-ce que c’est que cette relation avec cet homme qui n’est pas son mari ? Ce n’est pas clair…

Mais pensez-vous vraiment qu’elle a choisi d’avoir eu 5 maris ? A l’époque, comment est-ce que ça se passait ? Qui avait tout pouvoir dans un couple pour répudier son conjoint, pour tout et n’importe quoi ? Les hommes, évidemment ! Les femmes, elles, ne pouvaient pas répudier leur mari…

Dans quelles conditions les choses se sont passées pour elle ? On ne le sait pas. On ne connaît pas son histoire. Jésus, lui, visiblement, connaissait son histoire. Et il ne la juge pas. Voyez-vous la moindre parole de jugement de la part de Jésus sur cette femme ?

Ca me rappelle un autre récit de l’Evangile selon Jean, le récit dit de la femme adultère. Mais elle n’était pas toute seule à être adultère, que je sache ! Ceci dit, on ne parle que d’elle… On ne dit rien de l’homme qui était au moins aussi coupable qu’elle ! Lui, la foule ne cherchait pas à le lapider. Et qu’est-ce que Jésus dit à la fin à cette femme ? Certes, il lui dit de ne plus pécher… mais il lui dit aussi “Moi non plus, je ne te condamne pas !”

Tout cela me fait un peu penser à ces arguments scandaleux qu’on entend encore parfois, à propos d’une femme violentée qui l’a peut-être un peu cherché, ou d’une femme violée qui aurait quand même dû faire attention à sa manière de s’habiller !

Et si nous changions notre regard sur la femme Samaritaine… à partir du regard que Jésus porte sur elle ?

Jésus connaît notre histoire

Revenons donc à ce dialogue entre Jésus et la femme Samaritaine. Pourquoi Jésus lui demande-t-il d’aller chercher son mari, d’autant que, visiblement, il connaît très bien son histoire ? Il sait parfaitement qu’elle vit avec un homme qui n’est pas son mari…

D’ailleurs, on peut s’interroger sur l’intention de Jésus. Vous remarquerez que la femme ne va finalement jamais chercher son “mari” ou l’homme avec qui elle vit. Et Jésus ne s’en soucie plus, il ne le lui redemande pas après leur dialogue. Donc, ce n’était pas vraiment la question…

Et si ce que Jésus dit à cette femme était là plutôt pour lui montrer qu’il connaît, justement, son histoire. Et qu’il connaît sa souffrance, sa honte, sa véritable soif.

Quand la femme dit à Jésus qu’elle n’a pas de mari, est-ce qu’elle joue sur les mots ? Est-ce qu’elle essaie de dissimuler à Jésus la réalité de sa situation ? Ou exprime-t-elle une souffrance, un constat d’échec ou de honte après ses 5 mariages successifs et sa situation actuelle compliquée ?…

Certes, en théorie, elle pourrait avoir été veuve 5 fois par exemple, et ça serait déjà une source de souffrance ! Mais ce qui est le plus probable, vu le contexte de l’époque, c’est qu’elle ait été répudiée 5 fois, et ça pouvait être pour n’importe quelle raison, même futile. Vous croyez que, si elle avait été volage et frivole, dans un village où tout se sait, elle aurait trouvé facilement des maris ? Il est tout à fait possible qu’elle ait été trimballée d’un mari à un autre… Et qui sait, l’homme avec qui elle vit l’accueille peut-être en secret, bien plus bienveillant envers elle que ses 5 maris successifs ?

Alors, certes, j’extrapole, on n’en sait rien parce que le texte ne nous en dit rien. Nous ne connaissons pas l’histoire de cette femme… Et c’est justement pourquoi nous ne pouvons porter de jugement sur elle. Jésus, lui, connaît son histoire. Et il ne la juge pas…

Une parole libérée

On ne connaît pas l’histoire de cette femme Samaritaine, mais on se rend bien compte qu’elle ne va pas bien. Pourquoi aller chercher de l’eau à midi, sinon pour être seule et ne croiser personne ?

Cette femme est peut-être bien un exemple d’une femme qui souffre en silence et qui cache sa souffrance. Elle porte avec elle le poids du silence et de la honte, des non-dits et des secrets qu’on cache. Mais Jésus y est sensible et veut lui apporter la consolation et l’espérance. Jésus permet, ici, une sorte de libération de la parole…

Car le dialogue que cette femme a avec Jésus montre qu’elle a une soif spirituelle évidente. Voyez sa réponse à Jésus : « Seigneur, donne-moi cette eau, pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus besoin de venir puiser de l’eau ici. »

Est-ce qu’elle n’a pas compris que Jésus parle d’une eau spirituelle ? Peut-être… Mais peut-être aussi qu’elle a compris que si elle découvre cette eau dont parle Jésus, une eau qui donne la vie éternelle, elle sera libérée, elle n’aura plus besoin de se cacher.

Et d’ailleurs, que se passe-t-il à la fin du récit (v.28-29) ? Elle laisse sa jarre et retourne en ville. Elle n’a plus besoin d’aller puiser l’eau au puits. Et elle ne se cache plus, elle va à la rencontre des habitants du village. Sa peur, sa honte n’est plus : “Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait !”

Sa parole est libérée. Elle est, elle-même, libre comme elle ne l’a jamais été !

 

Conclusion

C’est vrai, je me suis permis quelques extrapolations face à ce récit… Mais le plus important, c’est l’attitude de Jésus envers cette femme Samaritaine. Sa compassion, son regard sans jugement
Le plus important, c’est aussi le chemin parcouru par cette femme. N’est-il pas évident qu’elle n’est pas la même au début et à la fin du récit ? Ne voit-on pas qu’elle est libérée d’un poids lié à des souffrances accumulées au cours de son histoire ?

Aujourd’hui encore, il y a beaucoup de femmes qui portent un lourd secret, qui souffrent en silence, à cause de blessures, de souffrances endurées. Elles ne parlent pas. Comme pour la femme Samaritaine, on ne connaît pas forcément leur histoire. Mais Jésus, lui, la connaît.

Elles ont besoin d’écoute, d’être prise en considération, de ne pas être cataloguée ou jugée.

Tous, hommes ou femmes, vous avez peut-être vos blessures, vos souffrances, le poids d’une histoire douloureuse. L’eau que Jésus vous offre est une eau bienfaisante. Déposez votre jarre, allez à la source de la grâce et de la bonté de Dieu, brisez le silence, soyez restaurés !

Nourrir notre espérance

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Dans cette période de crise, une des difficultés, c’est le manque – de différentes choses ! Pour certains un manque financier dû à une perte d’emploi, pour d’autres le manque de relations sociales, pour d’autres encore le manque d’activités ressourçantes (sport, culture). Ou encore le manque de projets pour dessiner l’avenir. Même ceux qui sont très occupés manquent – de relations informelles avec les collègues, de liberté de déplacement (18h c’est tôt !), de voir la famille ou les amis sans crainte. Et on en souffre aussi en église : les petits groupes, les repas d’église, l’hospitalité, et au-delà, la chaleur et la fluidité des relations nous manquent ! tout comme la possibilité de nous projeter, la clarté sur la ligne à suivre, nous manquent !

Dans ce contexte de privation et de frustration, j’aimerais vous parler ce matin… du jeûne ! oui, oui, le jeûne !  cette privation supplémentaire… mais volontaire ! Le jeûne, c’est la privation volontaire de nourriture – partielle (comme p. ex. ce qu’on appelle le jeûne de Daniel où on ne mange que du végétal) ou totale (sans nourriture, pendant une partie de la journée, une journée ou plusieurs). Par extension, certains pratiquent des jeûnes électroniques, de réseaux sociaux, de télé… Le jeûne, comme la prière et l’aumône, fait partie des pratiques spirituelles courantes dans la plupart des religions, et aussi chez les chrétiens.

Alors chez les évangéliques, on trouve plusieurs positions. Certains sont très assidus dans le jeûne comme soutien de la prière, avec des soirées jeûne et prière en communauté p. ex. ou des jeûnes individuels. D’autres sont indifférents ou allergiques à cette pratique, qui paraît peut-être trop rituelle, ou dont on ne saisit pas bien l’objectif.

On sait que Jésus a pratiqué le jeûne, notamment juste après son baptême, pendant 40 jours, comme pour se préparer à sa mission qui allait aboutir à un renoncement total : le don de sa vie sur la Croix. Il ne s’est pas privé de nourriture : il s’est privé de sa vie, pour que nous soyons pardonnés et réconciliés avec Dieu !

Sinon, Jésus parle rarement du jeûne : comme ça fait partie des pratiques spirituelles juives, on part du principe que Jésus et ses auditeurs le pratiquaient mais Jésus ne le met pas particulièrement en avant.  Il en donne l’explication dans un échange avec les disciples de Jean-Baptiste, qui nous est transmis dans l’évangile de Matthieu ch.9.

Lecture biblique : Matthieu 9.14-17

14 Les disciples de Jean le baptiste s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous souvent, tandis que tes disciples ne jeûnent pas ? » 

15 Jésus leur répondit : « Pensez-vous que les invités à un mariage pourraient pleurer pendant que le marié est avec eux ? Mais des jours viendront où le marié leur sera enlevé ; alors ils jeûneront.

16 Personne ne répare un vieux vêtement avec un morceau de tissu neuf ; car ce morceau tirerait sur le vieux vêtement et la déchirure s’agrandirait encore. 

17 On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. On verse au contraire le vin nouveau dans des outres neuves et ainsi le tout se conserve bien. »

[verset 14] A l’époque de Jésus, il y a une diversité spirituelle. Les pharisiens et les disciples de Jean-Baptiste ne sont franchement pas pareils, mais les deux mouvements regroupent des personnes consacrées, engagées, qui essaient de suivre Dieu dans tout ce qu’ils font. Et ces personnes pratiquent le jeûne. Tous les Juifs sont censés pratiquer le jeûne, une fois par an au moins, lors du Jour des Expiations (Yom Kippour), en signe de repentance devant Dieu. D’autres jeûnes existent, dont on retrouve des exemples dans l’Ancien Testament : jeûne spontané pour se repentir d’une faute collective ou individuelle, jeûne qui exprime la lamentation, le deuil, devant des tragédies, et parfois des jeûnes pour se consacrer à la prière et chercher la volonté de Dieu. Certains pharisiens jeûnaient volontiers 2 jours par semaine. Les disciples de Jean-Baptiste, dans ce mouvement de renouveau centré sur la repentance et la recherche de la volonté de Dieu, intégraient manifestement eux aussi le jeûne à leur pratique régulière.

Leur question vient du fait qu’ils reconnaissent en Jésus, et en ses disciples, des croyants engagés, consacrés, sincères, entiers. Pourtant, ils ont un mode de vie plutôt festif, léger, et on ne les voit guère jeûner. Dans l’épisode qui précède, les pharisiens étaient choqués de voir Jésus participer à une fête avec des gens peu recommandables… Nul doute que Jésus est attaché à Dieu, mais pourquoi se démarque-t-il autant du bon ton spirituel ?

[v.15] Jésus répond avec 3 images qui soulignent la radicalité du changement. Avec son arrivée à lui, sous l’image du marié, la situation a changé si profondément, qu’il faut changer la façon de voir les choses, et la façon de vivre – on ne peut pas bricoler en intégrant quelques nouveautés à un état d’esprit ancien, ça ne va pas ensemble : d’où les images du tissu qui se déchire ou de l’outre de vin qui éclate. Le changement de fond va avec un changement de forme !

Et qu’est-ce qui change avec l’arrivée de Jésus ? C’est la fête ! La fête de l’amour de Dieu qui se révèle à travers Jésus ! Dieu qui pardonne à ceux qui se repentent, et qui offre un nouveau départ. Dieu qui communique sa vie – vivifiante, restauratrice – à tous ceux qui sont blessés ou moribonds. Dieu qui donne la joie à ceux qui pleurent, et la paix à ceux qui ont peur. Dieu qui montre le chemin à ceux qui cherchent sa volonté. Tout ce que le jeûne exprime comme attente reçoit une réponse en Christ.

Pourquoi s’humilier, se lamenter, se frustrer, alors que la paix, la vie, la vérité sont présentes là, physiquement, en Christ ? On ne cherche plus, on reçoit ! Jésus n’est pas un prophète comme Jean-Baptiste ou un enseignant doué, dans le genre des maîtres rabbiniques – c’est là que ses interlocuteurs se trompent – il est Dieu lui-même qui ouvre ses bras avec amour. C’est la fête ! Et rien de mieux que l’image du mariage pour exprimer cette joie exubérante de voir Dieu nous rejoindre à travers Jésus…

Mais dans notre lecture, on s’arrête trop souvent là ! Car Jésus ajoute une précision : tant qu’il est là, pas besoin de jeûner ou de se lamenter… mais le jour viendra où il sera enlevé, et la tristesse du deuil sera à nouveau appropriée.

A quoi Jésus fait-il référence ? Sûrement à sa mort violente. Les disciples, sonnés de voir Jésus disparaître, sombreront dans l’incompréhension, la peur, le découragement. En annonçant ce moment, Jésus montre qu’il y a encore des ombres au tableau.

Déjà et pas encore, la fête et le jeûne

Où nous situer, nous, aujourd’hui ? Sommes-nous dans la fête de la présence du Christ ? Ou dans la tristesse de son absence ?

Les deux !

Jésus est mort, c’est vrai, mais il est ressuscité. Il a rejoint Dieu, aux côtés de qui il règne aujourd’hui. A ses disciples, et à nous, il fait cette promesse extraordinaire : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. […] sachez-le : je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » ( Matthieu 28.18, 20). C’est la fête ! En Christ, nous avons accès à Dieu, librement, joyeusement, abondamment… Notre vie a changé !

Cependant, il reste des ombres au tableau. Le mal demeure, avec son lot de tragédies, d’injustices, de souffrances et de larmes. Et même à titre personnel, intérieur : même si nous sommes pardonnés, nous subissons encore les tentacules du péché, de ce mal en nous qui nous déforme de l’intérieur. Nous sommes enfants de Dieu, mais trop souvent encore alourdis de pensées, réflexes, comportements, qui ne sont pas en accord avec cette vie nouvelle. Nous vivons avec Dieu, mais pas encore dans la plénitude.

Nous sommes donc dans le « déjà », et dans le « pas encore ». C’est comme si Jésus avait acheté une maison, elle lui appartient, son nom est sur la porte, mais il n’a pas encore emménagé… Nous nous réjouissons que notre monde ait été racheté par Dieu, mais ô combien nous attendons son emménagement ! Il y a encore trop de moments d’ombre, de vide et de froid. Il nous manque la chaleur et la présence, la pleine lumière de notre Dieu.

Oui, la rencontre avec le Christ nous rassasie comme une fête, mais elle attise aussi en nous la faim de plus – plus de sainteté, dans notre cœur ; plus de justice, dans notre vie et notre monde. Et cette faim s’exprime dans cette prière qui crie à Dieu : que ton règne vienne ! Une prière d’espérance qui modifie peu à peu nos priorités et nos comportements.

Que pourrait bien apporter le jeûne dans cette démarche d’espérance ?

Nourrir notre espérance

Au niveau du jeûne alimentaire, ou même des autres (électronique p. ex.) il y a bien des avantages : le temps libéré pour prier ou lire la Bible, ou bien l’économie, par exemple d’un repas qui peut se transformer en don équivalent – à une association, à un proche dans le besoin… Et c’est vrai, le jeûne donne du temps et change notre rapport à ceux qui sont vraiment dans le manque (matériellement et spirituellement).

Mais le jeûne est aussi intéressant en lui-même, en tant qu’exercice spirituel du « pas encore ».

1/ l’expérience. Parfois notre spiritualité est un peu désincarnée : tout se passe dans la réflexion, les intentions… Le jeûne est une façon concrète d’exprimer, de ressentir, la faim réelle que Dieu se révèle.

C’est comme sourire pour accueillir, prendre dans ses bras pour réconforter,… Tous ces gestes qui nous manquent, et qui appuient, soutiennent, la parole ! Ces gestes qui nous impliquent autrement. Je ne crois pas que le jeûne change la valeur ou l’intensité de la prière, mais d’une certaine façon, notre corps entre à son tour dans cette démarche d’attente, d’espérance – et ça nous implique autrement. Un ami jeûneur me disait même que son corps l’incitait à prier. Quand son ventre gargouille, première pensée : j’ai faim ! Mais il le réoriente : non, Seigneur, c’est de ta présence que j’ai vraiment faim.

2/ l’exercice. Le jeûne est aussi un exercice de la frustration. Alors, dit comme ça, ça ne fait pas rêver ! La frustration, aujourd’hui, c’est presque une insulte – quelqu’un de frustré, c’est l’inverse de quelqu’un d’épanoui. Le jeûne alimentaire, comme frustration volontaire, est une façon de prendre position, et d’affirmer (à soi-même d’abord !) que le bonheur, l’épanouissement, le repos et la satisfaction ultimes nous manquent. Que la vie aujourd’hui nous frustre, oui, qu’elle ne correspond pas à ce que nous désirons vraiment au fond de nous. Vous pouvez avoir une famille, un super travail, une maison, de quoi vivre au large… le mal est toujours là ! peu importe sous quelle forme – nous ne sommes pas au paradis.

Pourquoi appuyer sur ce qui nous manque ? N’est-ce pas masochiste ? Parce que notre société nous invite sans relâche à combler nos manques – nos envies, nos désirs, nos révoltes – par des succédanés temporaires et parfois monnayés. Mais ces satisfactions sont rarement justes et équitables, rarement durables, rarement profondes. Le jeûne, en nous forçant à expérimenter un manque ponctuel, nous rappelle que le seul qui puisse vraiment nous satisfaire au plus profond de nous, c’est Dieu ! Par son pardon, son amour, sa vie, sa justice, sa vérité, sa paix… Dieu seul comble notre faim, à travers le Christ.

 

Conclusion

Alors, en réalité, peu importe que vous jeûniez ou pas… Le jeûne est une discipline vraiment intéressante, facile à essayer (vous pouvez trouver des conseils pratiques sur internet) et sans danger si vous n’êtes pas enceinte ou malade. Peu importe que vous jeûniez, parce que ce qui compte vraiment, et c’est ce que Jésus interrogeait, c’est le sens. Au-delà de la pratique, quelle faim avez-vous de Dieu ? Avez-vous soif de le voir se révéler, dans votre vie et dans le monde ? Comment cette espérance se manifeste-t-elle dans votre vie, qu’est-ce qu’elle vient transformer ?

« Heureux ceux qui ont faim et soif d’un monde juste, disait Jésus, car ils seront rassasiés » (Matthieu 5.6)

Apprendre à écouter Dieu

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Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=UuCsUzCb1Eo

Il y a une excellente série qui passe en ce moment sur Arte. Elle s’appelle “En thérapie”. C’est l’adaptation française d’une série israélienne, déjà adaptée dans plusieurs pays. Chaque épisode est une séance de psychothérapie, du lundi au jeudi, avec les mêmes patients, de semaine en semaine. Et le vendredi, c’est le psychanalyste lui-même qui rencontre son analyste. C’est passionnant !

Il y a presque un petit côté enquête, au fil des séances. Alors que se dévoilent petit à petit le passé et les traumatismes des patients, on comprend comment ils peuvent expliquer leurs souffrances et leurs problèmes d’aujourd’hui. Et on voit l’impact que cela a aussi sur le psychothérapeute lui-même. Mais en réalité, au-delà de la psychothérapie, il s’agit plus largement d’une série sur la vertu de l’écoute et de la parole. C’est grâce à l’écoute du psy que les patients peuvent parler et avancer.

La question que j’aimerais nous poser ce matin est : Est-ce que nous savons écouter ? La question se pose, évidemment, dans nos relations les uns aux autres. Dans un couple, dans une relation d’amitié, l’écoute est essentielle. Mais dans notre foi, notre relation à Dieu, l’écoute est aussi essentielle.

Mais est-ce que nous savons écouter Dieu ?

Pour nous aider à répondre à cette question, je vous propose de lire un récit dans le Premier livre de Samuel. Anne, une femme déjà d’un certain âge, n’arrivait pas à avoir d’enfant… Désespérée, elle a prié et demandé à Dieu de lui accorder un enfant, et elle s’engage alors, si Dieu l’exauce, à donner cet enfant au Seigneur. Après que Dieu ait exaucé sa prière, Anne a emmené Samuel, son fils, au sanctuaire, auprès du prêtre Héli.

Dieu avait un projet spécial pour cet enfant, il voulait faire de lui son prophète, un prophète qui aura une grande importance dans la suite de l’histoire d’Israël. Et c’est alors qu’il était encore enfant que le Seigneur a appelé Samuel. Voici le récit de sa vocation.

1 Samuel 3.1-9
1 Le jeune Samuel servait le Seigneur, sous la surveillance d’Héli.
En ce temps-là, il était rare que le Seigneur parle directement à un être humain ou qu’il lui accorde une vision.
2 Une nuit, le prêtre Héli, qui était devenu presque aveugle, dormait à sa place habituelle. 3 Samuel aussi dormait. Il était dans le sanctuaire du Seigneur, près du coffre de l’alliance. Avant l’aube, alors que la lampe du sanctuaire brûlait encore, 4 le Seigneur appela Samuel. Celui-ci répondit : « Oui, maître ! », 5 puis il accourut auprès d’Héli et lui dit : « Tu m’as appelé ; me voici ! » – « Je ne t’ai pas appelé, dit Héli ; retourne te coucher. » Samuel alla se recoucher.
6 Une seconde fois le Seigneur appela : « Samuel ! » L’enfant se leva et revint dire à Héli : « Tu m’as appelé ; me voici ! » – « Non, mon enfant ! répondit Héli, je ne t’ai pas appelé ; retourne te coucher. » 7 Samuel ne connaissait pas encore personnellement le Seigneur, car celui-ci ne lui avait jamais parlé directement jusqu’alors.
8 Pour la troisième fois, le Seigneur appela : « Samuel ! » Samuel se leva, revint trouver Héli et lui dit : « Tu m’as appelé ; me voici ! » Cette fois, Héli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant. 9 Il lui dit alors : « Va te recoucher. Et si on t’appelle de nouveau, tu répondras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !” » Samuel alla donc se recoucher à sa place.
C’est un récit de vocation particulier, pour un personnage particulier, choisi par Dieu pour un ministère particulier. Il ne s’agit pas de “sauter” dans le texte et de nous l’approprier trop vite. Ni vous ni moi ne sommes prophète comme l’a été Samuel. Il ne s’agit pas de s’attendre à vivre la même chose que lui.

Pour autant, il y a bien des leçons à tirer pour nous d’un tel texte. Il ne nous est pas donné seulement à titre informatif. Le Dieu qui a appelé Samuel à devenir prophète et le même qui nous appelle à le suivre aujourd’hui. Et il est le même à appeler certaines personnes à un ministère particulier. C’est le même Dieu qui, par son Esprit, nous conduit et nous inspire, nous met à coeur des projets et des convictions, nous appelle à le servir et à servir notre prochain. Jésus n’a-t-il pas promis à ses disciples : “l’Esprit saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.” (Jn 14.26) ?

Dieu nous parle aujourd’hui encore… si nous savons l’écouter. Mais est-ce que nous savons écouter ?

Dieu parle mais on ne reconnaît pas toujours sa voix

C’est étonnant comme, par trois fois, le jeune Samuel entend Dieu l’appeler mais il pense que c’est Héli qui l’appelle. Et Héli ne comprend pas non plus ce qui se passe. “Va te recoucher… tu as rêvé !”

Autrement dit, Dieu appelle Samuel mais Samuel ne se rend pas compte que c’est Dieu qui lui parle. Et je suis persuadé que nous vivons parfois la même chose. Peut-être même plus souvent qu’on ne le croit… Dieu nous parle mais nous ne nous en rendons pas compte !

Ca ne se passe peut-être pas comme pour Samuel, par une voix qui nous sort de notre sommeil. Mais Dieu est peut-être en train de nous parler par la voix d’un ami, par une circonstance qu’il a permise, par un texte que nous lisons. Dieu nous parle et nous, nous pensons que c’est juste un ami qui nous casse les pieds, c’est juste un hasard ou un concours de circonstance dans notre vie, c’est juste un texte lu et relu qu’on connaît déjà…

C’est la première leçon qu’on peut retirer de cet épisode de Samuel : Dieu peut nous parler sans que nous nous en rendions compte. Il nous parle mais on ne reconnaît pas sa voix. On l’entend mais on croit que c’est quelqu’un d’autre.

Dieu parle à ceux qui l’écoutent

C’est finalement Héli qui débloque la situation. Il finit par comprendre que c’est Dieu qui parle à Samuel. Il lui dit alors ce qu’il doit répondre. Et ça fonctionne. La suite du récit, que nous n’avons pas lu, montre comment Dieu va révéler ses plans à Samuel, et que ça ne sera d’ailleurs pas vraiment positif pour Héli et sa famille ! Retenons simplement ici que Héli explique à Samuel comment faire et lui apprend comment entendre la voix du Seigneur.

La réponse d’Héli peut sembler un peu simpliste au premier abord. Evidemment, il ne s’agit pas d’une formule magique qui nous garantit d’entendre Dieu nous parler. Ça se saurait ! Si vous essayez cette nuit, dans votre lit, de dire “Parle Seigneur, ton serviteur écoute” en pensant qu’une voix va raisonner du ciel et que c’est Dieu qui vous parlera, je ne vous garantis pas le résultat !

En fait, il me semble que la réponse d’Héli souligne la nécessaire disponibilité de notre part : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.”. Dieu parle à ceux qui l’écoutent… Pour entendre Dieu, il faut se mettre à son écoute, être prêt à l’entendre. Il faut croire qu’il veut nous parler.

L’écoute de Dieu, c’est une posture, pas une technique. Bien-sûr qu’il peut y avoir, dans notre vie, des moments d’écoute de Dieu particulière, lors de retraites spirituelles par exemple. On peut aussi s’aménager des temps d’écoute spécifiques dans nos journées, pour faire silence. Mais ce n’est pas à nous de dire à Dieu quand il doit nous parler. Et si nous voulons l’entendre et reconnaître sa voix, il s’agit de rester dans une posture d’écoute, en toutes circonstances.

C’est une posture qui part du principe que Dieu est présent à nos côtés, dans toutes les circonstances de notre vie. Et que c’est lui qui prend l’initiative de nous parler.

Ecouter Dieu, ça s’apprend !

Samuel était un prophète. Toute sa vie, il devra écouter le Seigneur et parler en son nom. Il a dû apprendre à écouter Dieu et ça a commencé cette nuit-là, lors de son appel. C’est une vocation particulière. Mais, dans une certaine mesure, nous sommes tous appelés à écouter Dieu. Mais ce n’est pas toujours évident. Et ça s’apprend.

On peut même dire que c’est un des fruits de la maturité chrétienne. Apprendre à discerner la présence de Dieu dans notre vie, à entendre sa voix dans les sons de notre quotidien, tout cela s’affine avec notre expérience de la vie chrétienne. Alors que l’ouïe baisse avec l’âge, l’écoute spirituelle, au contraire, s’affine avec l’expérience. C’est un peu la dynamique que l’apôtre Paul évoque quand il dit aux Corinthiens :

“Même si notre être physique se détruit peu à peu, notre être spirituel se renouvelle de jour en jour.” (1 Corinthiens 4.16 – NFC)

On pourrait dire : même si notre ouïe baisse, notre oreille spirituelle se renouvelle de jour en jour. Et c’est vrai. C’est une des leçons principale que je découvre, y compris dans l’exercice de mon ministère, avec les années d’expérience : l’essentiel, c’est l’écoute de Dieu.

Il ne s’agit pas de surinterpréter tout ce qui se passe, tout ce qu’on voit et qu’on entend. Mais il s’agit d’être attentif et convaincu que Dieu veut nous parler, à chacun, et de multiples manières. Le Seigneur ne nous parle pas toujours quand on s’y attend ni comme on s’y attend. Parfois on prend un temps d’écoute spécifique et de prière… et il ne nous parle pas. Parfois, c’est dans le feu de l’action, en plein milieu d’une activité, alors qu’on n’y pense même plus, qu’on perçoit, derrière une parole entendue, la voix de Dieu, ou derrière un événement qui survient, la main de Dieu. Comme une conviction, une certitude : Dieu est en train de me parler.

Conclusion

Dieu nous est tout proche, il fait sa demeure en nous, par son Esprit. Il n’y a pas d’intimité plus profonde.

C’est bien là l’enjeu de l’écoute de Dieu, notre intimité avec lui. L’approfondissement de l’une ne va pas sans l’autre. Voilà pourquoi l’apprentissage de l’écoute de Dieu est essentiel pour le croyant. C’est un peu comme dans un couple, ou dans une amitié très forte, on n’a pas besoin que l’autre parle pour comprendre ce qu’il veut nous dire. Un regard, un geste, un silence même suffisent… Parce qu’il y a une complicité, une intimité profonde.

C’est un peu la même chose avec le Seigneur. Plus nous serons proches de lui, plus nous entendrons sa voix dans notre vie.