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Ne pas passer à côté de l’Eglise

 

J’imagine que vous avez reçu des cartes de voeux en ce début d’année… Il arrive encore qu’on en reçoive par la poste, même si c’est bien plus souvent maintenant par mail ou simplement par SMS. J’avoue que quand je reçois une carte de voeux, je la lis un peu rapidement… Et je passe volontiers sur les formules traditionnelles qu’on trouve au début ou à la fin. Vous savez, du genre : “bonne année, et surtout la santé !”

On retrouve un peu la même chose dans les courriers en général, surtout s’ils ont un caractère officiel. Il y a toujours des formules qu’on utilise, au début ou en fin de lettre, et bien souvent, on ne les lit même pas. On va directement au corps de la lettre.

Toute une partie du Nouveau Testament est justement constituée de lettres, notamment écrites par l’apôtre Paul, adressées à des Églises ou des collaborateurs. Comme dans toute lettre, on y trouve aussi des formules de salutation, en introduction et en conclusion.. Et on peut facilement passer un peu vite sur ces formules. On se dit que ce n’est pas très important et qu’il vaut mieux aller tout de suite au développement qui suit.

Mais si on considère que toute la Bible est la Parole de Dieu, alors ces formules aussi sont importantes, non ? Il est légitime de s’y arrêter.

Ce matin, c’est justement les tout premiers versets d’une lettre de Paul qui nous sont proposés comme l’un des textes bibliques du jour. Au premier abord, ça peut paraître surprenant… mais c’est l’occasion de découvrir les richesses qui se cachent dans ces paroles qu’on pourrait laisser de côté trop vite.

1 Corinthiens 1.1-3
1 De la part de Paul, qui par la volonté de Dieu a été appelé à être apôtre de Jésus Christ, et de la part de Sosthène, notre frère.
2 À l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui, là-bas, appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ, et qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre : 3 Que Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ vous donnent la grâce et la paix !

Les versets 1-3 forment une seule longue phrase, en grec. La première partie (verset 1) indique l’auteur de la lettre, la deuxième partie (verset 2) indique les destinataires. Ces derniers sont désignés de façon courte par une première proposition : “A l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe”. Ensuite, il y a deux propositions relatives qui vont préciser ce que Paul entend par cette Eglise. Ce sont “ceux qui appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ” et, dit autrement et de façon encore plus précise : ceux “qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.”

Les formules sont, certes, un peu longues… mais elles sont aussi riches théologiquement. Au-delà de simplement désigner les destinataires de sa lettre, Paul nous dit ici quelque chose de ce qu’est l’Eglise aux yeux de Dieu. Arrêtons-nous plus en détail sur chacune des trois propositions.

“L’Eglise de Dieu qui est à Corinthe”

La formulation mérite qu’on s’y arrête. L’apôtre parle de l’Eglise de Dieu. Pas celle de Paul ou d’un autre apôtre, pas celle des responsables de l’Eglise. C’est l’Eglise de Dieu. Ca peut paraître évident, mais c’est important de le rappeler. Trop souvent l’histoire de l’Eglise, et l’histoire des Églises, est marquée par des jeux de pouvoir, des stratégies d’influence, la recherche de prestige, où tel ou tel s’approprie “son“ Eglise, ou en devient le gourou, le maître absolu.

Toute Eglise demeure l’Eglise de Dieu. Aucun être humain, aussi instruit, aussi spirituel, aussi charismatique soit-il ne peut se l’approprier.

“Ceux qui appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ”

Ou, plus littéralement, “ceux qui ont été consacrés en Jésus-Christ”. L’Eglise n’est évidemment pas d’abord un bâtiment, mais il n’est pas non plus d’abord une structure, une organisation ou une institution. Elle est d’abord le rassemblement des croyants, de ceux qui, par leur foi en Jésus-Christ, appartiennent à Dieu.

Une Eglise, ce sont des hommes et des femmes. Une réalité humaine. C’est ce qui en constitue les limites, voire même la faiblesse. C’est ce qui explique en tout cas son imperfection… Mais c’est aussi ce qui est fait sa beauté et sa richesse. Une Eglise est d’abord une communauté de croyants, un lieu de relations, de rencontres, d’enrichissement mutuel… et pas une institution à notre disposition pour répondre à nos attentes et nos besoins.

“Ceux qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre”

Cette deuxième proposition relative est elle-même constituée de propositions relatives, ce qui en fait une formule un peu complexe. On y trouve la mention d’un appel, partagé avec d’autres. L’appel est celui d’être consacré, attaché à Dieu. Et il est partagé avec tous ceux qui ont eux-mêmes répondu à cet appel. Pas seulement à Corinthe mais partout. Et Paul précise encore, s’il le fallait, que le Christ est leur Seigneur comme le nôtre.

En d’autres termes, Paul souligne qu’une Eglise ne peut pas se comprendre comme Eglise toute seule. Et un chrétien encore moins. Le repli sectaire, quand on prétend être seul à être fidèle, à détenir la vérité ou incarner la seule façon correcte d’être une Eglise, ce repli est contraire à l’Evangile.

Voilà une précision particulièrement appropriée en ce dimanche qui se situe entre la semaine universelle de prière de l’Alliance Evangélique et la semaine de prière pour l’unité des chrétiens ! C’est un rappel utile à l’humilité…

Ne pas passer à côté de l’Eglise

Ce que Paul dit ici de l’Eglise, il pourrait le dire de toutes les Églises. Vous pouvez remplacer “Corinthe” par n’importe quel nom de ville ou de village. Lorsqu’il parle de l’Eglise, il parle de l’Eglise de Dieu, constituée des croyants qui appartiennent à Jésus-Christ, avec tous les autres croyants qui partagent le même appel.

Mais on passe à côté de l’Eglise quand on oublie que c’est l’Eglise de Dieu et qu’on se l’approprie, ou qu’on laisse quelqu’un se l’approprier. Le danger ici vise en particulier ici les responsables de l’Église, les pasteurs ou les fondateurs de l’Eglise.

On passe à côté de l’Eglise quand on oublie qu’elle est avant tout le rassemblement des croyants et pas une institution à faire tourner ou une entreprise à faire prospérer. C’est pour cela que toute “méthode” de croissance, de développement ou de gestion de l’Eglise doit être relativisée. Aucune méthode ne sera pertinente si on oublie que l’Eglise est d’abord affaire de relations, les uns avec les autres, et évidemment avec Dieu.

On passe à côté de l’Eglise quand on oublie qu’elle partage un même appel avec les autres Églises, semblables ou différentes d’elle-même. L’isolationnisme, que ce soit par orgueil spirituel ou par crainte, n’est jamais une solution pour une Eglise. Par définition, elle doit être ouverte, parce qu’elle doit avoir conscience de n’être qu’une toute petite partie de l’Eglise de Jésus-Christ.

En fait, on passe à côté de l’Eglise quand on pense qu’elle est une fin en soi. Ce n’est pas l’Eglise qui compte, ce qui compte c’est Dieu qui l’appelle. Découvrir une Eglise, c’est bien. Y rencontrer des croyants, des gens sympathiques avec qui partager sa foi, c’est bien. Mais la raison d’être de l’Eglise, c’est Jésus-Christ.

Celui qu’on vient rencontrer avant tout c’est Dieu, car c’est son Eglise. Celui qu’on vient écouter d’abord, c’est Jésus-Christ, car c’est lui qui nous appelle. Est-ce bien dans cet état d’esprit que nous venons ?

Nous devons être conscients de la responsabilité et du défi que cela représente. Comment perçoit-on notre Eglise ? Voit-on notre Eglise comme un lieu privilégié pour rencontrer non pas seulement des chrétiens mais le Christ lui-même ?

La responsabilité peut nous paraître bien lourde… mais en réalité, elle ne dépend pas vraiment de nous. De notre côté, il s’agit surtout de ne pas faire obstacle au Christ, de le laisser agir, parler, se manifester. C’est une grâce, celle de voir Jésus-Christ vivre en nous, se manifester dans nos relations les uns avec les autres, l’entendre nous parler. Parce que, dans l’Eglise, c’est Lui que nous voulons honorer, c’est Lui que nous voulons proclamer, c’est Lui que nous voulons aimer parce qu’il nous a aimé le premier.

Conclusion

Les salutations de l’apôtre Paul au début de sa lettre aux Corinthiens sont donc bien plus que de simples formules toutes faites. Ce serait dommage de passer à côté !

Elles nous invite à comprendre ce qu’est l’Eglise, et quelle est sa raison d’être : Jésus-Christ. Elle est l’Eglise de Dieu, constituée des croyants qui appartiennent à Jésus-Christ, avec tous les autres croyants qui partagent le même appel.

L’Eglise n’est pas là pour ses responsables ou pour ses membres, elle est là pour manifester Jésus-Christ, pour permettre à chacun de connaître et de rencontrer le Christ vivant.

Voir le Messie

 

Avez-vous vu le Messie ? Moi oui ! En réalité, je parle d’une série, sortie récemment sur Netflix et intitulée Messiah (Le Messie, en anglais). Elle imagine le retour, de nos jours, du Messie, ou du moins de quelqu’un qui se prétend être le Messie, et qui est accueilli comme tel par beaucoup, quelqu’un à qui on attribue des miracles, qui parle au nom de Dieu et qui semble tout connaître des personnes qu’il rencontre. Bien sûr c’est une fiction… mais c’est très intéressant de voir comment on peut imaginer la venue de Jésus, dans le contexte géopolitique actuel, dans la peau d’un migrant anonyme venant de Syrie, à l’heure des chaînes d’info continue et des réseaux sociaux !

On peut évidemment discuter la vision de Jésus qui ressort de cette série… une vision qui, personnellement, ne me convient pas vraiment sur plusieurs points ! Mais il y a un élément que je trouve intéressant : c’est seulement lorsqu’ils rencontrent personnellement ce “Jésus” que les personnages de la série sont vraiment interpellés, voire transformés. Et c’est là que se manifeste ou non leur foi…

Pour nous, c’est sans doute de cette façon que nous devons envisager notre lien à Jésus (et là je ne parle plus de la série !). C’est dans une rencontre personnelle avec lui, par la foi, que nous serons transformés. Et la façon dont les évangiles nous présentent la personne de Jésus nous invite à chercher cette rencontre et pas simplement se faire un avis sur le personnage Jésus.

Lisons le texte de l’Evangile de ce dimanche dans cette perspective :

Matthieu 3.13-17
13 À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain ; il arrive auprès de Jean pour être baptisé par lui. 14 Jean s’y opposait et lui disait : « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » 15 Mais Jésus lui répondit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Et Jean accepta. 16 Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau. Au même moment les cieux s’ouvrirent pour lui : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix venant des cieux dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

“À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain” Cette simple indication géographique en dit plus qu’on le croit au premier abord. La Galilée, c’était loin. Et c’était un territoire un peu méprisé. On entendra, dans les évangiles, cette formule : “Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?” (Jean 1.46) Forcément, en Galilée, Jésus ne pouvait être qu’un incognito… Mais tout le monde venait de Jérusalem, la capitale, et de toute la région de Judée pour voir et entendre Jean le prophète, au bord du Jourdain. Pour Jésus, venir de Galilée au Jourdain, c’était entrer dans la vie publique. Avant, personne ne le connaissait, sauf ses proches. A partir de ce jour, il va commencer son ministère publique et sa réputation va rapidement grandir.

Mais on peut se dire que Jésus a une drôle de façon d’entrer dans son ministère publique. S’il avait eu des conseillers en communication, je doute qu’ils lui auraient conseillé de faire ça ! Ca aurait été plus prestigieux, plus porteur, d’aller à Jérusalem, la capitale, peut-être même au temple. Là aussi il y a du monde !

Mais Jésus choisit d’aller au bord du Jourdain, et demander le baptême à Jean. Or, le baptême de Jean, c’est un baptême de repentance, pour changer de vie et se préparer à la venue du Messie. Jésus a-t-il besoin de repentance ? Non ! Doit-il se préparer à la venue du Messie ? Non, il est lui-même le Messie !

Il se soumet donc à quelque chose dont il n’avait pas besoin. Pourquoi ? Jean lui-même ne le comprends pas. « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Des paroles qui rappellent étrangement celles de Pierre, dans l’évangile selon Jean, lorsque Jésus lui lave les pieds. Il réagit de façon plus radicale encore : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! »
(Jn 13.8)

Pierre ne comprend pas plus que Jean ce que Jésus veut faire. Et dans les deux cas, Jésus ne leur demande pas de comprendre mais d’accepter de s’y soumettre :
A Jean il dit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. »
A Pierre il dit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » (Jean 13.7)

Jean va finalement accepter de baptiser Jésus, et Pierre va finalement accepter de se laisser laver les pieds par Jésus… Mais je doute fort que l’un et l’autre aient compris pourquoi !

Avec le recul, et la mise en perspective dans les évangiles, nous comprenons mieux. Et la mise en regard de notre épisode avec celui du lavement des pieds nous permet de mieux comprendre la portée du baptême de Jésus.

C’est le serviteur, l’esclave, qui lavait les pieds des invités lorsqu’ils arrivaient dans la maison, les sandales pleines de terre et de poussière. Or ici, le maître se fait serviteur. Il n’a pas à le faire… mais il choisit de le faire malgré tout. Il y a une sorte d’humiliation, un abaissement volontaire : pour laver les pieds de quelqu’un, il faut se mettre à genou devant lui. On comprend alors la réaction de Pierre !

En venant dans le Jourdain demander à Jean de le baptiser, Jésus a la même démarche d’humiliation. Lui, le Fils de Dieu, le Messie, il se soumet au même baptême de repentance que tous ceux qui venaient à Jean. Il prend la posture du pécheur qui a besoin de repentance.

L’un et l’autre de ces épisodes étonnants illustrent la démarche humiliante de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un homme, et non pas un homme hors-sol, protégé, à l’écart des épreuves des humains. Il devient comme les humains, dans leur condition de pécheur, et tout ce que cela implique d’épreuves, de tentations, de souffrances… Une démarche d’humiliation qui conduira, nécessairement, à la mort, la mort sur la croix. C’est ce que Paul dira dans le fameux hymne christologique de Philippiens 2 :

Philippiens 2.6-8
Il possédait depuis toujours la condition divine,
mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu.
Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait
et il a pris la condition de serviteur.
Il est devenu un être humain parmi les êtres humains,
il a été reconnu comme un homme ;
il a accepté d’être humilié et il s’est montré obéissant
jusqu’à la mort, la mort sur une croix.

Loin d’être un épisode anodin, le baptême de Jésus est donc un signe fort de la mission et de l’oeuvre de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme, pour sauver les humains. Il est le Messie serviteur, pleinement solidaire de ses frères humains, jusqu’à la mort.

C’est pourquoi l’épisode est couronné par une théophanie, une manifestation du Dieu trinitaire où au Fils vient se joindre le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe descendant sur lui, ainsi que le Père, à travers la voix qui se fait entendre du ciel : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

Trois leçons pour notre relation avec Jésus

Que peut-on retirer pour nous, aujourd’hui, de cet épisode ? Il nous révèle la personne et l’oeuvre de Jésus, nous pouvons en tirer des leçons pour notre relation à lui, par la foi, aujourd’hui. Résumons-les en trois mots :

Proximité

D’abord, cet épisode du baptême de Jésus et ce qu’il signifie doit nous conduire à un émerveillement sans cesse renouvelé pour le miracle de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un être humain. Et ça signifie une proximité incroyable du Créateur avec ses créatures.

L’amour de Dieu pour nous est si grand qu’il a accepté, en son Fils, de devenir comme nous. Impossible de nous être plus proche. Impossible de mieux nous connaître. Il s’abaisse à devenir notre égal pour nouer une relation d’intimité avec nous.

Le Dieu tout-puissant, Créateur de l’univers, est devenu notre frère. Ce Dieu infini, éternel, devient notre ami le plus proche. Il est celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes, celui à qui on peut tout dire, celui dont la fidélité ne se démentira jamais. C’est à lui que nous parlons lorsque nous prions !

Surprise

Ensuite, Jean, et plus tard Pierre, et d’autres encore, ont eu du mal à comprendre Jésus au premier abord. Ils ont été surpris, parce qu’il n’agissait pas comme ils pensaient que le Messie devrait agir.

Si on enferme Dieu, ou Jésus-Christ, dans notre doctrine, il n’y aura plus de surprise. Mais il n’y aura peut-être plus de rencontre ou de relation authentique non plus… Laissons toujours une place à la surprise dans notre relation à Dieu. Soyons disposés à être surpris par lui.

Parfois il viendra nous rencontrer à travers des personnes que nous n’imaginions même pas, parfois il nous parlera au travers de circonstances que nous ne pouvions absolument pas prévoir. Et si nous n’y sommes pas prêts, nous risquons de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe.

Confiance

Le troisième mot est confiance. Il est intéressant de voir que même si Jean, et Pierre, ne comprennent pas vraiment ce que Jésus leur demande, ils acceptent. Ils lui font confiance.

Nous non plus, nous n’avons pas besoin de tout comprendre pour obéir à ce que Dieu nous demande de faire. On se retrouve parfois dans des circonstances qui nous paraissent incompréhensibles, qui nous échappent… on ne comprend pas mais on fait confiance à Dieu. Il sait, lui, ce qu’il fait.

On comprendra, peut-être, plus tard. En attendant, la foi, ce n’est pas tout comprendre et avoir réponse à tout, c’est d’abord faire confiance à Dieu. Y compris, et surtout, quand on ne comprend pas tout…

Conclusion

Avez-vous vu le Messie ? Et là je ne parle pas de la série. Avez-vous vous le Messie, Jésus-Christ, agir dans votre vie ? L’avez-vous vu venir à votre rencontre à travers telle personne qu’il a mise sur votre route ? L’avez-vous vu vous parler à travers telle parole lue ou entendue ?

Est-il votre ami, votre confident, autant que votre Seigneur et votre Sauveur ?

Quand on en reste à une foi surtout intellectuelle, on peut voir en Jésus-Christ le Fils de Dieu devenu homme, on peut même affirmer le reconnaître comme notre Sauveur. On aura bien compris le message de l’Evangile… Mais quand notre foi développe aussi sa dimension relationnelle, à travers la prière, la méditation… alors Jésus devient aussi notre ami, notre confident, celui qui nous est le plus proche.

Ainsi il nous est possible de dire que, par la foi, dans notre vie, nous avons vu le Messie !

Eloge du bon sens

 

C’est la fin de l’année, le temps des bilans et des projets. On se demande souvent en quoi l’année écoulée a été bonne ou mauvaise. Quand on est croyant on en fait un sujet de reconnaissance ou de prière. On prend parfois de bonnes résolutions pour l’année qui vient… quitte à oublier que les bonnes résolutions prises une année auparavant ne sont souvent restée que de belles intentions !

Je ne vous propose pas ce matin de prendre des bonnes résolutions mais quand même d’écouter quelques conseils. Ils ne viennent pas de moi mais de la Bible… Et plus précisément d’un livre qui a pour objet de parler de sagesse, une sagesse pratique qui nous rejoint dans notre quotidien : le livre des Proverbes.

Dans le passage qui nous est proposé pour ce matin, le texte est écrit sous la forme de conseils qu’un père donne à son enfant pour que ce dernier se conduise avec sagesse dans la vie.

Proverbes 23.15-26
15 Mon enfant, si ton cœur s’attache à la sagesse, j’en aurai une grande joie. 16 Je serai profondément heureux si tu parles avec droiture.
17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.
19 Toi, mon enfant, écoute-moi et tu deviendras sage, tu iras droit ton chemin. 20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.
22 Écoute ton père, car tu lui dois la vie ; ne méprise pas ta mère lorsqu’elle a vieilli. 23 Apprends à être véridique, sage, discipliné et intelligent, et ne renonce pas à ces qualités. 24 Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un enfant juste et sage. 25 Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde.
26 Mon enfant, fais-moi confiance, prends plaisir à suivre mon exemple.

A part l’appel à respecter le Seigneur, au verset 17, ces conseils n’ont rien de spécifiquement “croyants”. C’est le cas, d’ailleurs, de presque tout le livre des Proverbes… Bien-sûr, on y parle parfois de Dieu, qui est considéré comme la référence ultime : “Reconnaître l’autorité du Seigneur est le commencement de la sagesse.” (Pr 1.7) Mais les Proverbes ne disent pas grand chose de la personne et de l’oeuvre de Dieu, et presque rien en rapport avec l’histoire du salut et le projet de Dieu pour les humains. A la rigueur, il n’y aurait pas besoin d’être croyant pour les suivre, ni même pour les formuler. D’ailleurs, plusieurs des proverbes bibliques sont explicitement issus de sages d’autres peuples que le peuple d’Israël !

On l’a dit, la sagesse dont parle le livre des Proverbes est une sagesse pratique. Elle se base sur l’expérience de la vie et l’observation du monde des humains, pour en tirer des leçons liées au comportements, aux relations, aux priorités à se donner dans la vie. La démarche et les objectifs des Proverbes sont d’ailleurs clairement décrits au début de l’ouvrage :

Proverbes 1.2-5
2 Ces proverbes apprennent à se conduire avec sagesse et à accepter les avertissements. Ils permettent de comprendre des paroles pleines de sens. 3 Ils enseignent à vivre de façon intelligente, en se comportant de manière juste, équitable et droite. 4 Ils donnent des exemples de bon sens aux ignorants, des connaissances et des sujets de réflexion aux jeunes gens. 5 Même les sages les consulteront avec profit, même les personnes intelligentes y trouveront des directives.

La présence même de ce livre dans la Bible est significative. Elle souligne l’importance du bon sens pour le croyant. Or, parfois, à être trop spirituels, j’ai l’impression que les croyants en arrivent à perdre leur bon sens !

Il ne s’agit pas, évidemment, de remplacer la foi par le bon sens… Il y a sans doute des croyants qui manquent d’audace dans leur foi, qui sont trop prudents, trop sages. Mais je suis persuadé qu’il y en a d’autres qui manquent de bon sens. La foi ne peut pas être un prétexte pour faire n’importe quoi et agir de manière irréfléchie !

Dans l’Eglise, on valorise en général les hommes et les femmes de foi, dans leur audace voire leur folie parfois. Et c’est bien. Mais on devrait aussi valoriser les hommes et les femmes de bon sens, qui font preuve d’une sagesse pratique. C’est moins spectaculaire… mais c’est tout aussi important. Une vie chrétienne équilibrée arrive à intégrer les deux : la foi et le bon sens, l’audace et la sagesse.

Un principe de bon sens

Quels sont donc ces principes de bon sens que l’on trouve dans notre texte ? Peut-être faudra-t-il un peu les reformuler mais quelle est leur pertinence aujourd’hui ?

Le premier conseil, on l’entend à travers cet appel répété d’un père qui demande à son enfant de l’écouter pour devenir sage. C’est pour son bien et pour le bonheur de ses parents. Et je comprends très bien cela ! J’ai le privilège d’être papa de deux filles devenues adultes. Les voir aujourd’hui mener leur barque, en étant attachées à des valeurs que nous nous sommes efforcés de leur transmettre en tant que parents, et le faire à leur propre façon, c’est incontestablement une de mes plus grandes joies !

On pourrait reformuler ce premier principe de bon sens ainsi : être à l’écoute des anciens, ou apprendre de l’expérience des autres. La sagesse non seulement s’acquiert mais elle se transmet.

Il ne s’agit pas simplement de reproduire ce qu’ont fait ses parents. Vous savez comme moi qu’il y a toujours plein de choses que nous ne voulons ni ne devons faire comme nos parents, et que nos enfants ne doivent pas faire comme nous ! Mais même si chacun doit prendre sa vie en main, nous ne partons pas de zéro. On ne se fait pas tout seul. Jamais. On ne construit pas son identité, ses valeurs tout seul, on ne mène pas sa vie tout seul. On est précédé par des anciens, dont les premiers sont nos parents, mais ils ne sont pas les seuls. Et le bon sens veut qu’on les écoute et qu’on apprenne de leurs exemples. C’est vrai dans tous les domaines de notre vie, y compris dans sa dimension spirituelle évidemment.

Deux conseils de bon sens

On peut encore souligner deux conseils plus spécifiques dans notre texte. Le premier apparaît au verset 17 :

17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.

C’est ici la seule parole qui intègre le Seigneur. Le danger souligné est celui de l’envie, de la jalousie, mais aussi celui des frustrations et de l’insatisfaction. Le pécheur, c’est celui qui se conduit mal. Le danger souligné ici, c’est de mettre le bien-être personnel, ou la réussite, avant les valeurs morales. Pourquoi envier le pécheur ? Parce que, malgré voire à cause de son comportement condamnable, il semble aller bien, il réussit, il prospère. Alors pourquoi ne pas agir comme lui ?

C’est une vision à court terme… qui vaudra bien des déconvenues à ceux qui s’y limitent. La vision à long terme met les valeurs morales en premier, d’où le respect du Seigneur. Sans cette vision à long terme, il n’y a pas d’espérance possible.

Le deuxième conseil est au verset 20 :

20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.

Le conseil peut résonner de façon particulière en cette période de fêtes, où on se laisse plus facilement aller aux plaisir de la table… En fait, la mise en garde concerne surtout ceux qui mettent le plaisir avant le devoir ou la responsabilité, la fête avant le travail.

Dit de la sorte, ça fait un peu rabat-joie… En réalité, c’est un conseil de bon sens. La vie facile, sans contrainte, où on estime que tout nous est dû, est une illusion. Tôt ou tard, ça se retournera contre nous. Ce que veut dire le proverbe ici, c’est qu’on n’a rien sans rien !

Je trouve que ces deux conseils de bon sens gardent toute leur pertinence aujourd’hui.
C’est particulièrement vrai dans notre monde hyper-connecté, où tout est à portée de clic, en une fraction de seconde. On est formaté à vouloir tout tout de suite, à rechercher le plaisir immédiat, à ne s’intéresser finalement qu’au court terme.

Et il existe des versions “spirituelles” de ce formatage. On les trouve dans les théologies de la prospérité qui promettent aux croyants la prospérité physique et matérielle ici et maintenant, en réponse à leur foi. Tout et tout de suite ! On les trouve aussi dans les réponses toutes faites, qui font l’économie de la réflexion pour proposer des solutions simplistes : “il suffit de prier”, “il suffit de se repentir”…

Voilà des attitudes qui manquent, pour le moins, de bon sens ! Et qui, du coup, ne sont pas spirituellement pertinentes non plus !

Conclusion

Les paroles de bon sens du sage qui s’expriment dans notre texte de ce matin sont pertinentes pour nous aujourd’hui. Elles sont de bon conseil sur la façon d’envisager notre quotidien.

On peut même en faire une lecture spirituelle et y voir une invitation à privilégier une vision à long terme, qui nourrit l’espérance, plutôt qu’une vision à court terme, qui nourrit l’immaturité spirituelle.

Et si c’était une bonne résolution à prendre pour la nouvelle année ? Privilégier une vision à long terme, pour nourrir notre espérance !

La preuve par les actes

 

Samedi dernier, j’ai vu, j’ai entendu un prophète ! C’est vraiment le sentiment que j’ai eu en assistant à la conférence du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, et fils de pasteur évangélique. Il était invité par la Fédération Protestante de France à l’occasion du colloque sur les églises évangéliques membres de la FPF. Il a pendant 45 minutes raconté son parcours, son engagement et ses convictions. Et c’était vraiment impressionnant. “L’homme qui répare les femmes” (c’est le le surnom qu’on lui a donné) s’efforce de restaurer, de réparer, les femmes de tous âges (jusqu’aux bébés !) victimes de violences et notamment des viols utilisés comme armes de guerre, au Congo.

Assister à sa conférence a été une expérience dont je me souviendrai très longtemps. J’étais bouleversé, au bord des larmes, par le récit des horreurs dont il a été témoin, et qui n’ont fait qu’affermir sa détermination. J’étais secoué par ses questions et ses interpellations adressées en particulier aux Églises, aux chrétiens. Je suis admiratif pour son courage face aux menaces qui pèsent sur lui (plusieurs de ses collaborateurs ont été assassinés).

Avec le recul, je me suis demandé : qu’est-ce qui fait que ses paroles touchent autant au coeur ? Ca va bien au-delà de l’éloquence… il y a bien-sûr sa conviction profonde mais, surtout, le fait qu’il ait une vie en plein accord avec ses paroles. Ce qu’il dit, il le fait. Quand le Dr Mukwege nous interpelle sur le silence complice et l’inaction dans l’aide envers les victimes de toute violence, les délaissés, les laissés pour compte… on l’écoute. Quand il nous invite à interpeller nos théologies et nos pratiques, parfois misogynes, jusque dans les églises… on l’écoute. Parce qu’on sait ce qu’il fait dans ces domaines, l’aide qu’il apporte, le plaidoyer qu’il porte.

Il y a des hommes, ou des femmes, dont la parole porte plus que d’autres. Des personnalités exceptionnelles qui bouleversent. En un mot : des prophètes. Et la question, pour nous, est de savoir comment nous les écoutons… et qu’est-ce que ça change dans notre vie, notre comportement.

Des prophètes, évidemment, on en rencontre dans la Bible. Et il en est un dont on lit le récit chaque année, dans le temps de l’Avent. C’est Jean le baptiste. Un grand prophète, un homme au message sans concession, qui vivait comme un ermite au bord du Jourdain et que les foules venaient écouter. C’est la lecture biblique qui nous est proposée pour ce deuxième dimanche de l’Avent.

Matthieu 3. 1-12
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu’il a dit :
« C’est la voix d’un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu’il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d’Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l’eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d’enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint jamais. »

Ca devait être quelque chose d’entendre Jean le baptiste haranguer les foules ! Dans son vêtement sommaire en poils de chameaux, le corps émacié par son régime alimentaire frugal, un ermite solitaire dans le désert de Judée… Quel regard avait-il ? Quelle voix ? En tout cas on venait de toute la région pour l’écouter, fasciné par son discours sans concession. Beaucoup répondaient à son appel et se faisaient baptiser. D’autres étaient sceptiques, d’autres, sans doute, le critiquaient.

Un changement de coeur

Au coeur de son discours, il y avait cette interpellation radicale : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” (v.8) Les versions anciennes traduisaient “Produisez donc du fruit digne de la repentance” Mais le terme grec traduit traditionnellement par “repentance” implique un changement radical, en profondeur. C’est beaucoup plus que du regret ou du remord. Quant au fruit, c’est ce qui est produit par l’arbre. L’image est utilisée aussi par Jésus : on reconnaît un arbre à ses fruits. Un “fruit digne de la repentance”, c’est donc une vie qui témoigne d’un changement en profondeur. Si le fruit n’a pas changé, c’est que l’arbre n’a pas changé…

Voilà pourquoi la traduction de la Bible “Nouvelle Français Courant” est très bonne : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” !

Et l’interpellation demeure pertinente pour nous aujourd’hui. La repentance devrait faire partie du quotidien du croyant, comme une discipline de vie. Je ne parle pas ici d’une confession mécanique pour recevoir l’absolution, ou d’une simple prière de demande de pardon pour effacer l’ardoise… et recommencer jusqu’à la prochaine demande de pardon.

La repentance comme discipline de vie du croyant, c’est le fait de laisser Dieu continuer de changer notre coeur. C’est reconnaître que nous avons besoin d’être transformé, changé en profondeur, refaçonné en image de Dieu. La repentance commence par une prise de conscience de nous-mêmes, nos limites, nos failles, nos incohérences. Elle commence aussi par une prise de conscience de l’amour et de la grâce de Dieu, qui veut nous transformer.

L’arbre d’abord, les fruits ensuite

Le problème, quand on parle de repentance, c’est de se limiter aux fruits et d’oublier l’arbre. On coupe les fruits qui ne sont pas bons mais l’arbre reste le même. Or la repentance concerne moins les fruits que l’arbre, elle concerne moins les actes que le coeur. Car si le coeur change, les actes changeront aussi.

La repentance, ce n’est pas d’abord demander pardon à Dieu pour tel acte, tel péché commis. C’est demander à Dieu de changer notre coeur. Dans l’appel de Jean le baptiste : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” ce qui compte d’abord c’est le changement de vie pas les actes. Les actes ne sont que la manifestation du changement de coeur.

Dans la repentance, si on se concentre sur les fruits, alors on dresse plus ou moins consciemment une liste de péchés, d’actes à ne pas commettre, de comportements condamnables… et on risque facilement de devenir le juge de son frère ou sa soeur, autant que de soi-même.

Mais si on se concentre sur le coeur, alors on regarde d’abord à soi car qui peut connaître le coeur de son prochain ? Qui peut connaître ses intentions, ses motivations et ses aspirations profondes ?

La repentance, ce n’est pas tellement regretter nos actes, c’est comprendre que notre coeur doit changer.

Changer pour avoir une parole audible

La mission de Jean le baptiste était de préparer à la venue du Messie, puis de s’effacer lorsqu’il paraîtrait. Et c’est bien ce qu’il a fait. Il a même payé de sa vie l’audace de sa prédication…

A notre tour, nous sommes appelés à prendre la posture du prophète, car nous avons une Bonne Nouvelle à annoncer ! Et comme pour Jean, ce qui compte ce n’est pas nous, notre Eglise, mais celui qui est venu : Jésus-Christ.

Mais ce n’est certainement pas avec des discours creux, même agrémentés de belles paroles évangéliques, que nous accomplirons la mission. Et surtout pas avec des paroles contredites par nos actes et notre vie ! Mais seulement avec des paroles incarnées dans des actes, avec un discours qui se traduit dans nos vies. Sinon, nous serons inaudibles !

Qui a vraiment incarné ses paroles jusqu’au bout, en parfaite adéquation entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait ? Encore bien plus que Denis Mukwege ou Jean le Baptiste… C’est Jésus-Christ, évidemment. Sa vie démontrait son amour pour les petits, les rejetés, les délaissés… Il est venu pour nous sauver de la mort, alors il a donné sa vie. Il s’est fait serviteur, lui, le Fils de Dieu, jusqu’à la mort infâme sur une croix. Lui, l’innocent, condamné et crucifié comme un vulgaire brigand.

Conclusion

Comment pourrions-nous annoncer l’amour de Dieu si nous n’aimons pas notre prochain ? Comment proclamer la grâce si nous nous positionnons en juge de notre frère ou notre soeur ? Comment parler de réconciliation avec Dieu si nous sommes incapables de pardonner ?

Oui, notre coeur doit changer. Dieu doit nous transformer, si nous voulons montrer par des actes que nous avons changé de vie !

Le Notre Père, une prière missionnaire!

L’attente est une position difficile à tenir. En général, nous détestons attendre – quel que soit l’évènement, bon ou mauvais. Certains sont dans l’impatience, la frustration, l’agitation parce que cette attente est insoutenable. D’autres, tout aussi impatients, se découragent et baissent les bras. J’en connais qui calculent 10 coups à l’avance, quand d’autres se laissent simplement porter – on verra bien demain.

L’attente fait partie de la foi chrétienne. Le chrétien est quelqu’un qui attend. Qui attend le règne de Dieu. La Bible en effet nous livre une promesse : le Dieu qui nous sauve en Christ n’a pas dit son dernier mot, et il prépare l’instauration d’un monde autre, un monde entièrement renouvelé par la puissance du Christ. Son règne, ou royaume, dans le Nouveau Testament.

La période de l’Avent, qui s’ouvre aujourd’hui, est traditionnellement le temps de l’espoir. Le temps de l’attente. On se tourne vers le Christ – préparant la fête de Noël, de sa naissance, on médite en parallèle la promesse de son retour, lui le ressuscité qui règne déjà avec Dieu. Ce que nous vivons aujourd’hui avec Dieu n’est qu’un avant-goût, un avant-goût incroyable et bouleversant, qui en dit long sur ce que Dieu a en réserve : pas seulement pour notre bonheur personnel, mais pour un monde entièrement renouvelé – sans faim, ni larmes, ni cruauté, ni injustice, ni maladie, ni mort.

Ce monde renouvelé, ce royaume de Dieu, c’est la priorité de Jésus : « changez, car le royaume de Dieu arrive ! » Sa vie, ses enseignements, ses miracles, proclament la possibilité d’une vie nouvelle. Sa mort et sa résurrection en posent les fondements. Assis auprès de Dieu, il inaugure cette nouvelle ère, dont nous attendons les dernières étapes de réalisation. Comment attendre ce royaume ? Dans une prédication de Jésus sur la vie spirituelle authentique, on trouve un modèle de prière qu’au maximum vous priez trois fois par jour et qu’au minimum vous avez au moins entendu dans un film. Le fameux « Notre Père ». Cette prière nous livre quelques indices sur notre attente du royaume de Dieu. Je ne vais pas le lire dans sa version récitable, mais dans une traduction plus récente.

Lecture biblique : Matthieu 6.9-13

9 Vous donc, priez ainsi :

“Notre Père qui es dans les cieux, que chacun reconnaisse qui tu es ;

10 que ton règne vienne ;

que ta volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux.

11 Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin.

12 Pardonne-nous nos torts,

comme nous pardonnons nous aussi à ceux qui nous ont fait du tort.

13 Et ne nous laisse pas entrer dans la tentation

mais délivre-nous du Mauvais.”

Hiérarchiser les priorités ou une seule priorité ?

Il y a quelques années, on m’a montré que cette prière, que je connaissais par cœur mais à laquelle j’avais finalement rarement réfléchi, était en 2 parties : une consacrée aux priorités de Dieu, la deuxième consacrée à nos besoins. D’abord Dieu, puis nous. Un peu comme dans les 10 commandements d’ailleurs, où les 3-4 premiers commandements se focalisent sur notre relation avec Dieu, et le reste sur notre relation aux autres.

Quand on croit en Dieu, notre horizon s’élargit : je ne suis plus au centre du monde. Dieu est roi. Par la foi, nous le reconnaissons vivant et puissant dans ce monde. Dans la prière, Dieu prend sa place – pas comme un simple pourvoyeur de solutions, mais comme le Maître, le roi dont les projets sont prioritaires. Et ça se voit dans la prière : Dieu prend la 1e place ! C’est légitime que ses projets prennent le pas sur les nôtres, car il voit au très long terme (l’éternité), ses plans surpassent en qualité ce que nous pouvons imaginer pour le monde, et il a la puissance pour les accomplir. D’après la Bible, pour résumer ces projets, on peut dire : justice et paix, amour et vérité.

C’est une bonne habitude de commencer nos prières par Dieu avant d’exprimer nos besoins. Peut-être un moment de louange et d’adoration (Dieu, tu es…), ou peut-être un moment d’intercession (Dieu, tu es juste, que ta justice se révèle, que ta paix s’accomplisse, que d’autres te reçoivent…) etc. Dans ce modèle de prière, Jésus nous invite à vraiment reconnaître Dieu à l’œuvre et à faire la part belle à ses projets.

Mais je me demande si ça s’arrête là. Vous voyez, j’ai l’impression que parfois, on traite les projets de Dieu comme des priorités, mais des priorités déconnectées de nos priorités. Pour transposer dans notre quotidien : il faut s’occuper de l’ado malade au fond de son lit avant de vérifier les devoirs du petit, ou payer les factures d’EDF avant d’acheter un nouveau sac. On hiérarchise nos priorités, en fonction de l’importance & de l’urgence, mais en fait, nos actions n’ont pas grand-chose à voir ensemble. Et je me demande si parfois on ne prie pas pour les projets de Dieu avec foi, zèle et consécration, et puis on referme le chapitre pour passer à nos préoccupations : la santé d’un proche, une offre d’emploi ou des relations compliquées au travail, l’éducation des enfants ou les rencontres familiales (à l’approche de Noël, c’est souvent un sujet tendu !).

Mais peut-être que Jésus nous invite à aller plus loin. A ne pas hiérarchiser nos priorités, mais à changer de priorités. A ne pas faire des prières où Dieu a la 1e place, mais où il a toute la place. Cette 2e partie, sur moi, mes besoins, est-ce vraiment une invitation à fermer le chapitre des priorités de Dieu pour enfin revenir à moi ? Et je dis ça sans donner de leçons ! Moi aussi, j’ai tendance à faire ainsi ! Ne serait-ce pas plutôt une invitation à aligner mes priorités sur celles de Dieu ? Que ta volonté soit faite – sur la terre, comme elle l’est au ciel. Que ta volonté soit faite dans le monde… A commencer par mon monde : mon cœur, mes pensées, et donc mes choix, mes relations et mes engagements, mes paroles et mes actions… Que ta volonté soit faite dans chacun des domaines de ma vie ! Et pour cela, pour que sa volonté soit faite, que Dieu nous accorde :

  • les moyens d’agir (le pain, le toit, les ressources, la force nécessaires),
  • la grâce qui encourage et offre de nouvelles chances – c’est d’ailleurs pour cela que Dieu nous sauve en Christ, qu’il nous libère du poids de nos péchés et de qu’il allège nos fardeaux, qu’il efface notre honte et notre culpabilité : pas seulement pour que nous vivions une vie plus libre, plus agréable, mais pour que nous vivions avec lui et que nous puissions entrer pleinement dans ses projets éternels, dès maintenant !
  • la protection de tentations qui nous feraient dévier de notre mission.

Que Dieu nous accorde tout ce dont nous avons besoin pour participer à sa mission. C’est une prière missionnaire ! Qui montre la mission que Dieu se donne, qui nous invite à la faire nôtre, et où nous demandons à Dieu de donner les moyens pour l’accomplir.

Un peu plus loin dans sa prédication, Jésus résume cette attitude : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes choses vous seront données en plus.

Une prière qui oriente nos priorités et nos choix

Pourquoi, en tant que croyants, ne le vivons-nous pas spontanément ? Parce que le règne de Dieu est invisible ; parce qu’il évoque des réalités si larges qu’on en a le vertige ; parce que notre réalité présente nous agrippe.

Il y a dans cette prière du Notre Père une rééducation (constante) à vivre : (ré)apprendre à élargir notre horizon, à considérer des enjeux qui dépassent ma compréhension du présent. Apprendre à scruter notre quotidien en disant : qu’est-ce que tu fais, ô Dieu ? Comment ton règne peut-il avancer dans ce que je vis, dans ce que je connais, dans ce que je suis ? Vous n’êtes pas obligés de le réciter 3 fois par jour… Mais ça reste une prière formatrice, qui façonne notre manière d’aborder nos situations.

Prier à la façon du Notre Père nous engage. Prier en se centrant sur les projets que Dieu est en train de réaliser, oriente notre vie. C’est un appel à poursuivre le règne de Dieu, à viser de tout notre être la cible qu’il nous donne, à nous y investir avec tout ce que nous sommes – nos ressources, nos lieux d’influence, nos occupations, nos talents…

  • Peut-être dans l’éducation des enfants: pas seulement désirer des enfants sages et obéissants, mais généreux et passionnés par justice, passionnés par la vérité. Ou dans le couple : ne pas attendre de l’autre qu’il me fasse plaisir d’abord, mais de le servir pour qu’il grandisse lui aussi dans la justice & la paix de Dieu.
  • Peut-être dans nos finances (sujet ô combien sensible en général, et peut-être en particulier avant Noël…) : qu’est-ce que l’utilisation de notre argent reflète ? Dans le numéro de Croire & Vivre de novembre, on lit le témoignage d’une mère de famille qui s’est retrouvée veuve, et qui a fait le choix de parrainer des enfants avec le SEL même si elle n’était pas tout à fait sûre de son budget – pour elle c’était une façon de parier sur le règne de Dieu, sur l’avancement de sa justice dans le monde. D’autres miseront sur l’équitable, en achetant moins, mais plus juste. Ou ils s’investiront dans des projets humanitaires… Comment parions-nous sur le règne de Dieu avec nos ressources (temps, argent,…) ?
  • Ou encore dans notre façon de travailler. Honnêtement, tous les emplois ne sont pas des vocations, et parfois c’est difficile de faire le rapprochement entre travail et règne de Dieu. Mon mari vend du fromage, et même si j’espère qu’il y aura beaucoup de fromage dans le monde que Dieu prépare, ce n’est pas inhérent à l’activité de commerce de fromage de préparer le règne de Dieu. Mais ! dans son activité, il peut être témoin de ce règne de Dieu qui vient : en étant honnête envers clients et patron, respectueux de ses collègues, à l’écoute et au service – et croyez-moi, vu ce qu’il me raconte, c’est pas gagné ! Franchement, cette attitude-là, quoi qu’on fasse, on peut l’adopter. Dans un travail de bureau ou de terrain, au lycée ou dans nos activités de loisirs : chercher ce qui est juste et qui favorise la paix.

Jésus nous invite à ne pas juste attendre le règne de Dieu, mais à le préparer dans notre vie personnelle, dans tout ce que nous sommes et faisons, dans toutes nos préoccupations. Il nous invite à constamment réaligner nos préoccupations sur les projets de Dieu, à le reconnaître comme Roi – non seulement du monde, mais de notre petit monde perso. Mais ce Roi est un Roi qui ne se contente pas de nous donner un sens, une orientation : il prend soin de nous et il nous donne tout ce dont nous avons besoin pour avancer dans cette direction, car il est notre Père céleste, il nous connaît, il nous aime et il nous conduit.