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La tentation du pouvoir et le modèle du serviteur

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Quel est le point commun entre toutes ces séries ? Elles tournent autour de la question du pouvoir et nous font entrer, d’une manière ou d’une autre, dans les coulisses où se jouent les alliances et les trahisons, les tractations et les coups bas… Bref, les jeux de pouvoir.

Bien-sûr, ce sont des fictions, pas des documentaires (même The Crown)… Mais les jeux de pouvoir existent bien dans la vraie vie ! Et ils sont parfois violents aussi. On risque de le voir dans les prochains mois, avec l’élection présidentielle qui commence. Sans tomber dans la caricature et dire que c’est magouilles et compagnie, reconnaissons que le petit jeu électoral, avec ses tractations, ses alliances et ses jeux de pouvoir n’est pas toujours très reluisant… et bien des choses se passent en coulisse.

Mais ne nous faisons pas d’illusion : à peu près partout, dans tout groupe humain, il y a des enjeux de pouvoir, et beaucoup de choses se passent en coulisse. Et croire que les institutions chrétiennes et les Églises ne seraient pas concernées relèverait d’une naïveté coupable.

Ça a d’ailleurs commencé dès le groupe des disciples de Jésus. Les Evangiles n’hésitent pas à s’en faire l’écho… comme dans le texte de l’Evangile du jour. Une véritable tranche de vie ! Ça sent le vécu…

Marc 10.35-45
35 Alors, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, viennent auprès de Jésus. Ils lui disent : « Maître, nous désirons que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. » – 36 « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » leur dit Jésus. 37 Ils lui répondirent : « Quand tu seras dans ta gloire, accorde-nous de siéger à côté de toi, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche. » 38 Mais Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Êtes-vous capables de boire la coupe de douleur que je vais boire, ou de recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? » 39 Ils lui répondirent : « Nous en sommes capables. » Jésus leur dit : « Vous boirez en effet la coupe que je vais boire et vous serez baptisés du baptême où je vais être plongé. 40 Mais ce n’est pas à moi de décider qui siègera à ma droite ou à ma gauche ; ces places sont à ceux pour qui Dieu les a préparées. »
41 Quand les dix autres disciples entendirent cela, ils s’indignèrent contre Jacques et Jean. 42 Alors Jésus les appela tous et leur dit : « Vous le savez, ceux que l’on regarde comme les chefs des peuples les commandent en maîtres, et les personnes puissantes leur font sentir leur pouvoir. 43 Mais cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur, 44 et celui qui veut être le premier parmi vous sera l’esclave de tous. 45 Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon pour libérer une multitude de gens. »
Mais quelle mouche a piqué ces deux frères pour faire cette demande à Jésus ? S’attendaient-ils vraiment à ce que Jésus leur dise : “OK, pas de problème, c’est noté ! Je vous réserve les deux places de choix dans mon Royaume puisque vous me le demandez si gentiment !”

Tout ne nous est pas dit dans le récit mais j’imagine, quand même, que Jacques et Jean sont allés discrètement faire leur demande à Jésus. Ils ont sans doute profité d’un moment où Jésus était isolé pour aller le voir. Dans l’Evangile de Matthieu, pour ce même épisode, c’est leur mère qui va le demander à Jésus pour ses deux fils. Quoi qu’il en soit, on perçoit bien qu’ils ont préparé leur coup !

Pourtant, dans la deuxième partie du récit, les 10 autres disciples réagissent fortement. Ils ont donc compris la demande de Jacques et Jean, et ils s’en indignent. J’imagine que c’est à cause de la réponse de Jésus, dite suffisamment fort pour que tout le monde entende. Jésus ne l’a pas forcément fait exprès pour confondre les deux frères. Mais il a pu s’emporter. On imagine le ton du verset 38 : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Êtes-vous capables de boire la coupe de douleur que je vais boire, ou de recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? » Je ne vois pas Jésus dire cela calmement et d’une voix douce… Et en entendant la réponse de Jésus, même par bribes, les autres disciples ont vite compris la nature de la demande que leurs deux collègues avaient faite… Alors ils s’indignent !

Mais Jésus va ensuite calmer le jeu en s’adressant à tous. Sans doute aussi parce qu’ils avaient tous besoin de l’entendre. Ne peut-on pas se demander si l’indignation des 10 autres disciples était pure de toute jalousie ? S’indignent-ils de la demande faite par Jacques et Jean, choqués de ce qu’ils n’auraient jamais osé demander ? Ou regrettent-ils un peu de ne pas avoir osé le demander avant eux… et ils ragent d’avoir été devancés ? J’extrapole, évidemment… Mais je constate quand même que la mise au point que Jésus fait, il la fait non pas seulement à Jacques et Jean mais à l’ensemble des 12 disciples : “Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous !” Tout le monde est concerné par l’enseignement que Jésus tire de cet épisode…

Et je note, pour nous, au moins deux enseignements en application de ce récit :

  • La tentation du pouvoir
  • Le modèle du serviteur

 

La tentation du pouvoir

Qu’est-ce que Jacques et Jean espéraient obtenir avec leur demande ? Un privilège ! Ils sont 12 disciples, il n’y a que deux places ! Ils ne sont ni meilleurs, ni pires, que les autres. Ils ne méritent pas plus, mais sans doute pas moins non plus, que les autres, les places d’honneur qu’ils réclament. Mais ils savent qu’il n’y a que deux places autour du trône.

Là où les choses se complexifient c’est que dans la formulation de leur demande, il y a aussi l’expression d’un attachement à Jésus, et même une affirmation de foi : “Quand tu seras dans ta gloire…” Alors qu’ils suivent Jésus sur les chemins de Judée et de Galilée, ils croient l’un et l’autre que Jésus est le Messie, et qu’il montera sur le trône du Royaume de Dieu. Ils veulent être associés à son règne… et à son pouvoir. Mais leur demande se fait au détriment des 10 autres disciples ! Et le problème est bien là…

“Vous le savez, ceux que l’on regarde comme les chefs des peuples les commandent en maîtres, et les personnes puissantes leur font sentir leur pouvoir. Mais cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous.”

Quand Jésus évoque ici les dirigeants et les puissants de ce monde, il souligne combien ils aiment faire sentir leur pouvoir. C’est le même reproche qu’il adresse aux Pharisiens : ils profitent de leur pouvoir spirituel, pour contrôler voire humilier les gens, et pour rechercher les honneurs. Le pouvoir procure des privilèges, et on a envie de les montrer et d’en profiter…

Le pouvoir est une drogue. Il faut en consommer avec modération…

La formule utilisée par Jésus est intéressante : il parle de “ceux que l’on regarde comme les chefs des peuples”. Jésus insiste sur le regard qu’on porte sur eux… Le pouvoir des puissants se mesure dans le regard que les autres portent sur eux. Un regard qui peut être un regard de peur, d’admiration, de jalousie… et les puissants s’en nourrissent.

Mais Jésus le dit explicitement : “Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous.”

Nous devons, en tant que croyant, sans cesse nous interroger sur la tentation du pouvoir dans nos relations, dans toutes nos relations. Car nous sommes tous concernés ! Il y a bien des enjeux de pouvoir dans toutes les sphères de notre vie. Dans notre famille, au travail, dans notre cercle d’amis, et forcément aussi dans l’Eglise…

Dans nos familles, les abus peuvent se manifester dans les relations de couple, dans les relations de parents à enfants, ou dans une rivalité entre frères et soeurs… Ces enjeux de pouvoir se manifestent parfois de manière évidente, parfois de manière plus sournoise mais réelle. Ils prennent la forme de tensions, d’affrontements, de paroles humiliantes, parfois de violence, qu’elle soit verbale ou physique… Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous, dans vos familles… et pourtant !

Au travail, les enjeux de pouvoir sont évidents, avec les relations hiérarchiques, avec les ambitions carriéristes qui se font souvent au détriment voire au mépris des autres… et on peut se laisser entraîner facilement. Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous, dans votre travail… et pourtant !

Dans notre cercle d’amis, les enjeux de pouvoir sont probablement moins évidents. Quoique… Les jalousies et les rivalités y existent aussi, on peut y rechercher la popularité ou la place de chef de bande… Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous, avec vos amis… et pourtant !

Et dans l’Eglise aussi, ne nous faisons pas d’illusion… Il y a des jeux d’influence, des jalousies et des rivalités, des enjeux de pouvoir qui peuvent conduire, dans les pires des cas, à des abus spirituels ou pire. Avec le rapport Sauvé qui vient de sortir, il ne faudrait pas croire que seule l’Église catholique puisse être touchée… Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous, dans votre Église… et pourtant !

 

Le modèle du serviteur

Face aux tentations du pouvoir, Jésus oppose le modèle du serviteur. Et le contraste est radical :

“Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur, et celui qui veut être le premier parmi vous sera l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon pour libérer une multitude de gens.”

Il faut souligner tout le paradoxe des paroles de Jésus : pour devenir grand et être le premier, il faut prendre la position du serviteur et même de l’esclave. Il n’y a pas de position plus basse dans l’échelle sociale que celle d’esclave ! L’idée de Jésus, ce n’est pas que chacun se considère comme un moins que rien mais que chacun considère les autres comme importants. Dans la perspective du Christ, ce qui doit présider aux relations ce n’est pas le pouvoir mais le service.

Il n’y a personne de plus légitime que Jésus pour dire cela. C’est exactement l’exemple qu’il a donné. Le modèle, c’est le Christ ! Plus que quiconque, il aurait pu se prévaloir de son rang de Fils de Dieu mais il a choisi le chemin du service. Il a accepté de devenir un être humain, d’embrasser la condition humaine, avec tout ce que cela implique. Quel chemin d’humilité ! “Il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie…”

Qu’est-ce que ce modèle du serviteur implique dans nos relations ? Quelles sont les différences entre le modèle du puissant et le modèle du serviteur ?

  • Le puissant fait sentir son pouvoir et cherche à impressionner. Le serviteur est prêt à s’effacer pour mettre l’autre en valeur.
  • Le puissant sert ses propres intérêts. Le serviteur se préoccupe des intérêts des autres.
  • Le puissant s’élève au dépend des autres. Le serviteur cherche à élever les autres.

Dans toutes nos relations, en famille, au travail, avec nos amis, à l’Église… quel modèle suivons-nous ? Celui du puissant ou celui du serviteur ?

Évidemment, ce modèle fonctionne parfaitement si tout le monde adopte la posture du serviteur, si le service est réciproque. C’est plus compliqué s’il y a d’un côté les serviteurs et de l’autre les puissants… Mais même face aux puissants, Jésus nous invite à prendre la posture du serviteur. Comme lui l’a fait. Il a accepté l’injustice, il s’est tu devant les puissants qui l’accusaient.

Ce n’est pas un chemin facile… mais c’est celui que le Christ a emprunté avant nous !

Mais souvenons-nous que le service n’est pas un aveu de faiblesse, c’est une preuve de force. Les faibles, finalement, sont ceux qui ont besoin de se servir des autres pour avoir de la valeur à leurs propres yeux. Les forts, ce sont ceux qui n’ont pas besoin d’écraser ou d’humilier les autres pour connaître leur valeur.

 

Conclusion

“Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous !”

Quand Jésus dit une telle phrase, c’est bien qu’il y a un danger !

La tentation du pouvoir existe, dans toute relation. Selon notre personnalité, notre histoire, les circonstances de notre vie, elle se manifeste de différentes manières. Mais elle est là. Elle nous pousse à chercher avant-tout voire exclusivement nos propres intérêts, elle nous pousse à asseoir notre autorité ou notre popularité, elle nous pousse à nous servir des autres, quitte à les dénigrer, les humilier, elle nous pousse à diverses formes de violence, évidentes ou sournoises…

“Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous !”

Face à la tentation du pouvoir, Jésus oppose le modèle du serviteur. Un modèle qu’il a lui-même incarné. Ce n’est pas le chemin de la facilité. Mais c’est le seul chemin qui nous permette vraiment d’accomplir le grand commandement de l’amour :

“Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Il faut que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Si vous avez de l’amour les uns les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples.” (Jean 13.34-35)

Le défi de l’amour sincère

Quand on parle d’amour, à quoi pensez-vous ? Aux amoureux des films d’Hollywood ? Aux retrouvailles pleines de chaleur lors des fêtes de famille ? A ce que vous ressentez en regardant votre bébé dormir ? A la force qui permet de surmonter les obstacles pour aider, soutenir, protéger ? Au souci que vous vous faites pour vos proches ? A l’écoute et à l’encouragement reçus auprès de vos amis ?

Nos représentations de l’amour peuvent varier… Mais il y a une constante, quand on pense à l’amour, c’est l’intensité : on ne peut pas être aimé à moitié ! En tout cas, on ne veut pas être aimé à moitié ! Dès qu’une incohérence survient, un compromis ou une condition, la question se pose : est-ce un amour véritable ? L’amour semble souvent nous glisser entre les doigts, alors qu’il est si essentiel. Et l’apôtre Paul surenchérit, en parlant de l’église dans une lettre aux chrétiens de Rome : il lance toute une série d’exhortations, qui vont un peu dans tous les sens, pour nous motiver à aimer plus et mieux.

Lecture biblique Romains 12.9-21

9 L’amour sincère.

Détestez le mal, embrassez le bien. 10 Aimez-vous de tout votre cœur comme des frères et sœurs chrétiens. Soyez toujours les premiers à vous respecter les uns les autres. 11 Soyez zélés, et pas paresseux. Soyez fervents, par l’Esprit. Servez le Seigneur avec dévouement.  12 Réjouissez-vous à cause de votre espérance. Restez patients dans le malheur, continuez à prier fidèlement. 13 Prenez part aux besoins des chrétiens, poursuivez l’hospitalité.

14 Souhaitez du bien à ceux qui vous poursuivent, souhaitez du bien et non du mal. 15 Soyez dans la joie avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. 16 Soyez bien d’accord entre vous. Ne cherchez pas de grandes choses, mais laissez-vous attirer par ce qui est simple. Ne vous prenez pas pour des sages.

17 Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. 18 Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous. 19 Amis très chers, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez la colère de Dieu agir. En effet, dans les Livres Saints, le Seigneur Dieu dit : « À moi la vengeance ! C’est moi qui donnerai à chacun ce qu’il mérite ! » (Deutéronome 32.35) 20 Mais il dit aussi : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire. Alors, si tu fais cela, c’est comme si tu mettais des charbons brûlants sur sa tête. » (Proverbes 25.21-22) 21 Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien.

L’amour sincère

Dans ces exhortations un peu décousues, c’est l’amour qui domine. Mais pas la nécessité de l’amour. L’amour est une évidence, puisque la Bonne Nouvelle qu’annonce et accomplit Jésus, c’est que Dieu nous aime – malgré tout. Paul insiste plutôt sur la sincérité de l’amour. Littéralement, un amour sans hypocrisie, sans faux-semblants, sans contrefaçons. Sous-entendu : il peut y avoir des faux amours, des amours superficiels, à moitié…

Cet amour sincère ne se vit qu’avec intensité (Détestez le mal, embrassez le bien [le mot évoque le fait de s’accrocher, de s’unir à, il est même utilisé dans 1 Co 6 pour parler de l’union physique entre un homme et une femme.] Embrassez le bien. Aimez-vous de tout votre cœur. Soyez toujours les premiers à vous respecter. Soyez zélés. Soyez fervents, par l’Esprit. Servez le Seigneur avec dévouement. Prenez part, poursuivez, cherchez le bien envers tous…) – c’est presque une obsession ! Comme si on se mettait des œillères afin de vivre l’amour, toujours, seulement.

Et si les conseils de Paul vont dans tous les sens, c’est que l’amour va dans tous les sens : vers Dieu, vers mes proches, vers mon frère ou ma sœur dans la foi, vers l’inconnu, même vers celui qui me cherche des noises…

Solidarité et respect

Comment définir l’amour ? Il y a une part de sentiment (la tendresse fraternelle). Mais les exemples de Paul évoquent essentiellement la solidarité, d’abord matérielle : rendre service, accueillir un voyageur chez soi (surtout à une époque où il y a peu de logement pour les voyageurs) entraide alimentaire, basique => aider à un déménagement, bricoler, entourer lors de soucis de santé… Cette solidarité, elle se vit parfois simplement dans la présence : être là, se réjouir avec dans les bons moments, accompagner dans la peine – avez-vous déjà remarqué combien la joie se multiplie quand elle est partagée ? et combien la peine s’allège quand on se sent soutenu ?

2 remarques. Aimer a un contenu objectif : vouloir le bien de l’autre, le bien tel que défini par Dieu – dans la justice, la vérité, la paix et la joie. Pour Dieu, aimer c’est plus une intention, une motivation, qu’un sentiment d’approbation (je l’aime bien car on a des atomes crochus…). Aimer, c’est vouloir le bien de l’autre, très concrètement. Si aimer largement veut dire apprécier tout le monde, on arrive vite à nos limites. Mais si aimer, c’est vouloir le bien et y contribuer quand je peux – même de celui que je ne comprends pas, même de celle que je ne connais pas trop, même de celui qui m’agace – alors aimer redevient possible.

Paul met aussi ensemble amour et respect : « soyez les premiers à vous respecter/ vous honorer les uns les autres ». Et ça, parfois, on l’oublie ! Sous prétexte de proximité, nous tombons parfois dans la familiarité, à dire des choses dont on ne tolèrerait pas le quart dans un autre contexte. Aimer, c’est aussi respecter.

Partout, tout le temps : dans l’église et en dehors

Paul entremêle ici l’amour dans l’église, et en dehors de l’église : dans tous les cas il faut aimer c’est-à-dire vouloir le bien de l’autre, depuis nos prières jusqu’à nos actions. Aimer tous ceux que nous rencontrons – Jésus n’a jamais mis d’exception à son amour. Mais Paul fait quand même une distinction : il y a l’amour entre chrétiens, et en dehors. Pourquoi cette différence ? Dans l’église, par définition, Dieu est au centre de nos relations : il nous unit en Christ, par son Esprit, pour toujours – et il nous inspire, nous transforme, pour nous apprendre à aimer comme lui.  Du coup, il peut y avoir un espoir que nous fassions chacun un pas vers plus d’amour.

Hors église, les priorités, ou les motivations, peuvent être différentes. Mais peu importe, pour Jésus, relayé par Paul, même si nous rencontrons l’agressivité ou l’injustice, nous n’avons pas d’autre choix que d’aimer ! c’est ce qu’il a fait, lui ! Il est venu nous apporter la réconciliation avec Dieu alors que nous lui tournions le dos. Il n’y a pas exigence de résultat, mais exigence de méthode : l’amour !

C’est dur… déjà en famille ou en église, quand on a tant en commun, aimer est difficile. Mais alors quand on est blessé, rejeté, méprisé, calomnié… face à l’injustice ou à la trahison, il est tentant de rendre les coups ! L’exemple du Christ, c’est de répondre à la malveillance par la bienfaisance : faire ce qu’on aimerait qu’on nous fasse (ne pas court-circuiter un collègue, ne pas dégrader les biens d’un voisin négligent, ne pas surenchérir dans la querelle, ne pas calomnier…), rester humain (ne pas rester indifférent aux besoins basiques de celui qui me tend la main), prier pour le bien de l’autre. C’est ainsi que l’amour triomphe de tout, comme le Christ a triomphé du mal et de la haine. On comprend l’idée ! Difficile à faire, mais on comprend.

Or Paul donne un argument étonnant (v.19-20): si vous restez accrochés à l’amour, alors vous laissez agir la colère de Dieu et vous accumulez des charbons ardents sur la tête de votre agresseur. L’image des charbons ardents, dans la Bible, évoque habituellement la sainteté de Dieu et sa capacité à juger. Mais alors, aimer serait-il une façon détournée, évangéliquement correcte, d’ajouter à la culpabilité de l’autre ? Plus on aime notre agresseur, plus il sera condamné ? c’est un peu tordu, non ?

Certains ont trouvé une vieille pratique égyptienne, où on mettait sur sa tête un plat rempli de braises ardentes pour signifier sa repentance : rester bienveillant pousserait l’autre à la repentance.

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D’autres attirent l’attention que dans de nombreux pays, dont le Moyen Orient antique, on transporte beaucoup de choses sur sa tête : ajouter des chardons ardents sur la tête de l’autre, serait simplement lui rendre service en lui donnant de quoi ranimer son feu chez lui – vous, vous prêteriez des allumettes ou une lampe de poche.

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Sauf que Paul parle quand même de la colère de Dieu… le plus sérieux, il me semble, c’est d’admettre qu’il s’agit là d’un jugement de Dieu, mais tel que nous connaissons Dieu : c’est-à-dire que si le coupable se repent, il sera pardonné. Notre persévérance dans l’amour peut être un déclic pour lui.

Mais quand le coupable ne se repent pas, on peut se décourager, et se dire que notre amour est vain, inutile, que nous sommes perdants dans l’histoire, et que ce n’est pas juste. Or pour Dieu, le juste qui voit tout, même une seule goutte dans un océan d’injustice est remarquée – et cela a du poids, pour lui. Quand on aime, ce n’est jamais perdu, jamais du gâchis : pour Dieu, c’est précieux.

Le défi de l’amour en église

Dans toutes ces réflexions sur l’amour, j’aimerais revenir sur l’amour en église. La pandémie qui nous distancie les uns des autres a accentué une tendance à vivre sa foi « en individuel », avec la peur de la maladie, les confinements qui ont changé nos habitudes, et l’utilisation massive, pratique, des médias pour garder le lien. Plusieurs m’en ont parlé : nos cercles sociaux, et notre cœur peut-être, se sont rétrécis – on est moins patients, moins motivés, moins ouverts… Sans parler des tensions anciennes qui peuvent creuser des fossés entre nous, masqués par le statu quo.

Alors il y a de l’amour dans cette église – je suis aux bonnes loges pour le voir : l’armoire solidaire qui déborde, les coups de fil réguliers de certains membres, le groupe de visites, l’entraide et l’écoute, les messages, l’hospitalité jusqu’à parfois accueillir des étudiants chez soi ! Mais, mais… ces exhortations nous piquent : on ne peut jamais se dire qu’on a assez aimé, ou qu’il est temps de passer à autre chose. L’amour doit toujours être notre priorité d’église, là où nous investissons en premier. Les relations aimantes, bienveillantes, solidaires – voilà une des priorités de Dieu. Ca commence peut-être par rester à la fin du culte et parler à une nouvelle personne, échanger de vraies nouvelles et être attentif aux besoins, rejoindre un groupe, passer un coup de fil dans la semaine ou envoyer un petit message… Plus difficile, prier ou recontacter quelqu’un avec qui vous êtes en froid ?…

Les exhortations de Paul sont tellement diverses que ça pourrait nous impressionner et nous accabler d’avance : en réalité, c’est une invitation à poursuivre l’amour quel que soit votre profil. Vous êtes du genre à donner un coup de main ? dénoncez-vous  Vous êtes du genre à écouter ? passez boire un café chez quelqu’un qui n’habite pas loin ! Vous préférez inviter ? allez-y, même pour une simple balade ou un goûter. Priez pour une ou deux personnes que vous avez vues ce dimanche, ou pas vues depuis longtemps, et prenez contact.

Peu importe ce que vous faites, pour qui, comment : ce qui compte c’est de poursuivre l’amour. De faire de l’amour votre obsession : ainsi, vous ressemblerez, nous ressemblerons au Dieu qui nous aime tant qu’il s’est donné pour nous.

Emerveillés pour être (Suivre le Christ 4/4)

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Prédication d’Eglantine Eldin.

Aujourd’hui, nous entamons la dernière semaine de la campagne de notre Union d’églises « Partout et tout le temps, suivre le Christ, tout simplement ».

Mardi, alors que je marchais dans la capitale, je voyais une foule devant moi. Une foule d’êtres-humains ; des centaines d’humains pressés. Une foule qui ne connaissait pas ce que moi, j’étais en train de redécouvrir… Un message de dingue qui concernait cette foule, adressé à l’humanité toute entière.

L’apôtre Paul, alors qu’il est en prison, encourage les églises d’Asie mineure. Alors qu’il est emprisonné à cause de sa foi, il est émerveillé. Émerveillé devant le grand projet de Dieu. Et c’est son émerveillement qu’il veut partager pour les relever. De tout son être, Paul est passionné par ce message : les bénédictions de Dieu ont été déversées sur vous, chrétiens d’origine païenne comme sur nous, chrétiens d’origine juive. Ainsi, nous sommes ensemble de nouvelles personnes en Christ ! Des humains bénis et canaux de bénédictions  en Christ.

Je vous propose de lire sa lettre adressée aux Éphésiens, chapitre 1, versets 3 à 14.

Bénissons Dieu, le Père   de notre Seigneur  Jésus Christ !

Il nous a bénis en nous accordant toute bénédiction spirituelle dans les cieux dans notre union     avec le Christ.

(Mais quelle est cette mystérieuse bénédiction spirituelle ?)

 4 Avant la création du monde, Dieu nous a déjà choisis pour être à lui           par le Christ,

afin que nous fassions ce que Dieu veut et que nous soyons sans défaut à ses yeux.

Dans son amour, 5 Dieu a décidé par avance qu’il ferait de nous ses enfants

par Jésus Christ ;

dans sa bienveillance, voilà ce qu’il a voulu.

6 Louons donc Dieu pour le don magnifique qu’il nous a généreusement fait     en son Fils bien-aimé.

7 Car par le sang versé du Christ, nous sommes délivrés du mal et nos péchés sont pardonnés.

Dieu nous a ainsi manifesté la richesse de sa grâce, 8 qu’il nous a accordée avec abondance en nous procurant une pleine sagesse et une pleine intelligence.

9 Dans sa bienveillance, il nous a fait connaître (nous d’origine juive), le projet de salut qu’il avait décidé par avance de réaliser                            par le Christ.

10 Ce projet, que Dieu conduira à son accomplissement à la fin des temps, consiste à rassembler tout ce qui est dans les cieux et sur la terre sous une seule tête/sous un seul représentant,                le Christ.

11 Par notre union                    avec le Christ, nous avons reçu la part qui nous était promise,

car Dieu nous a choisis par avance, selon ce qu’il a décidé ; et Dieu réalise toutes choses conformément à ce qu’il a décidé et voulu.

12 Louons donc la grandeur de Dieu, nous qui avons été les premiers à mettre notre espérance                      dans le Christ !

13 Vous aussi, ceux d’origine païenne, quand vous avez écouté sa parole, qui est la vérité, la bonne nouvelle qui vous a apporté le salut, vous avez mis votre foi            en Christ ;

alors, Dieu a mis sa marque personnelle sur vous, en vous donnant l’Esprit saint promis.

14 L’Esprit saint nous garantit l’héritage que Dieu a réservé à son peuple ;

il nous assure que nous le posséderons quand notre délivrance sera complète.

Louons donc la grandeur de Dieu !

  1. Dieu a toujours voulu bénir l’humanité,

Avant même qu’il ne suscite la vie, « Que la lumière soit », Dieu avait le projet de répandre ses bénédictions sur l’humanité.

D’abord, Il a béni le premier couple d’êtres-humains. Mais ils l’ont méprisé. Ils ont cru que Dieu, pourtant leur Ami, leur Créateur, leur cachait une connaissance qui leur permettrait d’être plus grands encore, plus honorés, plus comblés ! Grosse erreur, Dieu n’est pas menteur, ni égoïste, ni avare. Dieu est don. Le péché, c’est aussi ça : soupçonner le mal, la malveillance, l’égoïsme, l’avarice en Dieu… Refuser sa bonté.

Malgré ça Dieu n’a pas abandonné son projet. Il a choisi Abraham pour le bénir lui, sa famille, et par cette seule famille, toute l’humanité ! Il choisit le peuple hébreu, Israël, le roi David et sa postérité, et pour que toujours, ils deviennent des canaux de bénédictions pour toutes les nations. L’être-humain n’a pas voulu recevoir la bénédiction, empêtré dans son péché. Mais la promesse de Dieu de bénir ces familles n’a jamais cessé.

Son immense projet bienveillant, il l’a pleinement accompli    par lui-même, par Jésus le Christ. Dieu est don. Il a pardonné en Lui notre suspicion, notre avidité. Il s’est fait l’élu humain en Christ.

En Christ, il a réconcilié l’humanité avec lui-même, pour répandre sur elle ses bénédictions…

 

C’est cela que Paul transmet avec passion et émerveillement dans ce poème à couper le souffle.

  1. En Christ,
  • Nouvelle identité

L’apôtre Paul annonce aux églises d’Éphèse, qui étaient des églises de maison, que leur foi, leur union avec Jésus-Christ, les revêts d’une nouvelle identité : l’Église est la nouvelle famille choisie pour être bénie et canal de bénédiction.

Leur identité ne dépend pas de leur estime d’eux-mêmes ou celle des autres sur eux, ni même de leur générosité ! Leur identité dépend de ce que Dieu a décidé, a prononcé sur eux.

Dieu dit à son Eglise : Je vous choisis en Christ. Par votre foi placée en Jésus-Christ, vous êtes  unis à lui. Par cette union, vous héritez de toute sa personne. Par conséquent, vous êtes     élus pour être miens parce qu’il est mien. Vous êtes   mes bien-aimés parce que je l’aime. Vous êtes saints, sans défaut à mes yeux, délivrés du mal et pardonnés de vos péchés, parce que    je les a pris à votre place.
Vous êtes mes enfants, parce que Christ est mon Fils. Vous êtes    une famille par laquelle je veux bénir l’humanité toute entière. Je décide de vous faire confiance.

Ce matin, Paul nous rappelle l’amour bienveillant, déterminé et persévérant de Dieu… envers nous, envers toi, envers moi. Son amour nous donne une identité nouvelle. Nous sommes la famille que Dieu a béni, et par laquelle il veut bénir. Il nous fait confiance, toi, moi, et nous ensemble pour faire le bien en son nom, comme le Christ  l’a fait.

Vous vous rendez compte ??

Cette identité, tous ces cadeaux sont appliqués par l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est à la fois un des cadeaux et celui qui nous rend bénéficiaires de ces cadeaux.

  • La réconciliation

L’Esprit Saint est aussi le « pass » (excusez-moi l’expression) pour vivre les prémices de la réconciliation de deux réalités…

Au v10, Paul parle d’une réconciliation entre les cieux et la terre qui a commencée par l’œuvre de Jésus-Christ… Qu’est-ce que cela veut dire selon vous ?

Un peu vague tout de même. Dans une autre de ses lettres, celle aux Colossiens, il y a aussi un très beau poème qui parle de cette réconciliation. Colossiens 1.20 et suite :

20 « Et c’est par lui (le Fils) qu’il (Dieu le Père) a voulu réconcilier avec lui-même l’univers tout entier : ce qui est sur la terre et ce qui est au ciel, en instaurant la paix par le sang que son Fils a versé sur la croix.

21 Or vous, autrefois, vous étiez exclus de la présence de Dieu, vous étiez ennemis à cause de vos pensées qui vous amenaient à faire des œuvres mauvaises ;

22 Mais maintenant, Dieu vous a réconciliés avec lui par le sacrifice de son Fils qui a livré à la mort son corps humain, pour vous faire paraître saints, irréprochables et sans faute devant lui.

23 Mais il vous faut, bien sûr, demeurer dans la foi, fermement établis sur ce fondement sans vous laisser écarter de l’espérance qu’annonce l’Evangile. Cet Evangile, vous l’avez entendu, il a été proclamé parmi toutes les créatures sous le ciel, et moi, Paul, j’en suis devenu le serviteur. »

Cette semaine, j’ai demandé à Guy et Sylvie comment ils comprenaient la réconciliation, et on s’est rendus compte que leurs deux compréhensions se complétaient ! Tenez-vous bien.

Le monde céleste est le « lieu » où Dieu trône. Ce monde est la sphère où Christ est entré après sa résurrection et son ascension. C’est la sphère où sont les coulisses de l’histoire humaine. Et parce que Dieu y règne intensivement, la culture du Royaume y est vécue.

S’il y a réconciliation, c’est qu’il y a eut division. La division entre le monde terrestre et le monde céleste s’est opérée par le péché des premiers êtres-humains. Par leur manque de confiance en Dieu qui leur avait pourtant tout donné, ils sont sortis de la présence pleine de Dieu. C’est l’Eden métaphorique. Mais le Père a tout réuni en Christ.

 

Si vous me suivez encore, qu’est-ce que la réconciliation entre ces deux mondes signifie concrètement pour nous ?

Eh bien pour moi, cela signifie qu’en ce moment même, nous faisons l’expérience de cette réconciliation !

Là où est vécue la culture du Royaume de Dieu, on vit les prémices de cette réconciliation.

Là où le Dieu trinitaire est loué, là où l’histoire et l’identité de Jésus-Christ sont annoncées, là, on vit les prémices de la réconciliation.

Quand l’Église libre de Toulouse collabore avec les chrétiens des autres églises, là, on goûte cette réconciliation.

Quand l’Église de Toulouse est multiculturelle, multigénérationnelle, remplie d’hommes et de femmes, de tas de milieux sociaux différents, riche de ses multiples talents, des vocations d’humains touchés par la grâce de Dieu, alors là on goûte à la réconciliation.

  • Louons donc !

              Louons donc : c’est la conséquence naturelle de ce qu’on apprend. À quatre reprises, le texte nous appelle à louer Dieu. La louange encadre chaque nouveau dévoilement ! « Bénissons Dieu, louons donc Dieu, louons donc Dieu, louons donc Dieu ». La louange n’est pas seulement l’apothéose, le bouquet final, mais la louange nous accompagne constamment. Plus loin dans sa lettre, Paul conseille de chanter ensemble, mais aussi tout seul ! Est-ce que vous louez Dieu en chantant tout seul ?

La louange, c’est aussi vivre l’identité que Dieu nous a donné. Être individuellement une offrande de bonne odeur. Être l’Église, la famille bénie et bénissant…

Pour faire du bien à l’humanité, on a besoin bien sûr de se rassembler, de louer Dieu ensemble, de renouveler notre émerveillement devant qui il est, ce qu’il a accompli et prévu en Christ.

…Mais inévitablement, pour bénir la création toute entière, on a besoin de se disperser.

Pourquoi venez-vous ici le dimanche matin ? Pourquoi fréquentez-vous ces lieux ?

Pour être qui vous êtes en Christ, vous accueillerez dans une semaine ces femmes vulnérables, leur donnerait du repos, du ressourcement, de la sécurité et de la bienveillance.

Pour être qui vous êtes en Christ, vous ouvrez vos maisons pour des groupes de partages dans lesquels ceux qui ne connaissent pas Dieu pourraient être accueillis, écoutés, bénis et entendre la Parole de Dieu pour eux.

Pour être qui vous êtes en Christ,

  • vous êtes écolos : dans le soin et la restauration de la création de Dieu ;
  • vous êtes animateurs jeunesse : modèle d’une foi vivante et actuelle ;
  • vous êtes évangélistes de plein de manières : là où vous vous trouvez, vous racontez l’histoire de Christ et son identité ;
  • vous êtes engagés pour la justice sociale, l’égalité, et ainsi répandez la culture du Royaume de Dieu ;
  • vous êtes à votre travail connue pour être la personne bienveillante et encourageante, reflet du Christ au quotidien.

Et là où nous vivons notre identité en Christ, là, Dieu règne.

Louons donc notre Dieu.

CONCLUSION

Dieu a toujours voulu bénir l’humanité, la création toute entière, et il l’a accompli par lui-même, en Christ.

Nous sommes la famille que Dieu a béni, et par laquelle il veut bénir. Il nous fait confiance, toi, moi, et nous ensemble pour faire le bien en son nom, comme le Christ l’a fait.

Louons donc notre grand Dieu à toujours bienveillant.

 

Emerveillons-nous devant son beau et immense projet… Ce projet dont nous sommes au bénéfice dès aujourd’hui, et bientôt pour l’éternité !

Emerveillons-nous et faisons de cet émerveillement un élan pour bénir en Christ, au quotidien.

N’oublions pas que l’Esprit Saint est notre collaborateur pour devenir toujours plus qui nous sommes en Christ !

Dans le monde sans être du monde

Regarder la vidéo

Il y a quinze jours, pour la première prédication de notre campagne de rentrée, je vous avais posé une question : Suivre le Christ, est-ce vraiment si simple que ça ? En élargissant même la question, que vous soyez croyant ou non : est-ce que vous trouvez que c’est facile de vivre au quotidien en cohérence avec vos convictions et vos valeurs ?

Je pourrais poser à nouveau la même question aujourd’hui. Elle est au cœur de cette campagne de rentrée et elle pose le défi d’une vie de disciple du Christ à plein temps, 7 jours sur 7. La semaine dernière, Florence a rappelé que ce défi est celui de la mission que le Christ nous confie, son appel à être attaché à lui pour porter du fruit. C’est le défi d’avoir une vie épanouie et féconde, pas seulement pour soi mais aussi pour les autres.

Entre notre vie spirituelle et notre vie d’Eglise d’une part, et notre vie quotidienne, au contact de nos prochains, souvent très éloignés de notre foi, d’autre part, la posture à adopter n’est pas évidente. Une prière de Jésus dans l’évangile selon Jean va nous aider à y voir plus clair quant à cette posture.

L’évangile selon Jean a regroupé dans ses chapitres 14 à 17 un long discours d’adieu de Jésus à ses disciples. Il leur donne ses dernières instructions, en quelque sorte. Et ce discours se termine avec une longue prière qui constitue tout le chapitre 17. C’est une prière dense, riche et essentielle pour comprendre ce que le Seigneur attend de ses disciples.

Nous allons lire un extrait de cette prière, où Jésus évoque justement la posture des croyants dans le monde, dans des termes qui montrent que la juste posture est une question d’équilibre, qui demande finesse et discernement.

Jean 17.13-19
13 Maintenant je viens à toi et je dis ces choses pendant que je suis encore dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie, une joie complète. 14 Je leur ai donné ta parole, et le monde a de la haine pour eux parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, comme moi je n’appartiens pas au monde. 15 Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais. 16 Ils n’appartiennent pas au monde, comme moi je n’appartiens pas au monde. 17 Fais qu’ils soient entièrement à toi, par le moyen de la vérité ; ta parole est la vérité. 18 Comme toi tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19 Je m’offre entièrement à toi pour eux, afin qu’eux aussi soient entièrement à toi.

C’est un texte qu’on cite assez souvent en tant que croyant. Il décrit fort bien la difficile condition du disciple de Jésus dans le monde. On en tire la fameuse formule, inspirée de ce texte, disant que les chrétiens sont dans le monde sans être du monde. La formule est juste mais il est légitime de la revisiter régulièrement, pour se demander si nous l’avons bien comprise, et si nous la vivons correctement…

On cite souvent le verset 14, qui souligne la haine du monde. Et, paradoxalement, ça nous rassure parce qu’on y voit l’écho de nos difficultés à vivre au quotidien en chrétien dans un monde qui ne partage pas nos convictions. Même si ça peut nous pousser à prétendre un peu trop vite que nous sommes persécutés… Attendons le 7 novembre, où nous vivrons ensemble le culte de l’Eglise persécutée, proposé par Portes Ouvertes, pour nous souvenir que des frères et soeurs chrétiens sont vraiment persécutés à cause de leur foi dans le monde. Et ce n’est pas notre cas ici, en France !

On cite aussi souvent le verset 16 qui affirme explicitement que le croyant n’appartient pas au monde. Même si ça a pu justifier, et ça justifie encore parfois, une méfiance systématique pour tout ce qui n’est pas explicitement et clairement chrétien… ce qui me semble tout à fait excessif !

On cite aussi le verset 18, surtout si on a un coeur pour la mission. Et on se souvient, avec raison, que le Seigneur nous envoie dans le monde pour être porteurs de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Mais, et je me trompe peut-être, j’ai l’impression qu’on ne cite pas si souvent que cela le verset 15… Il me semble pourtant être à la charnière de tout ce passage, essentiel pour préserver un sain équilibre de notre vie de disciple de Jésus-Christ dans le monde :

Jean 17.15
Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais.

 

Ne pas se retirer du monde

Il est intéressant de noter que la première partie de la demande de Jésus est formulée de façon négative. Il aurait pu dire aussi : “Je te prie de les garder dans le monde”. Il préfère dire “Je ne te prie pas de les retirer du monde…”

C’est dire, probablement, que la tentation est forte de le faire. C’est peut-être même une tendance naturelle contre laquelle il faut lutter… d’où l’importance de demander à Dieu de ne pas nous retirer du monde.

Il me semble légitime de dire que le croyant est naturellement attiré vers un certain retrait du monde. Et ça peut s’expliquer. A force de ressentir un décalage entre ce qui nous anime, nos valeurs et aspirations profondes et celles que nous rencontrons autour de nous, il peut y avoir une fatigue légitime, une lassitude, un découragement et des frustrations. Surtout quand on doit faire face à l’incompréhension, voire aux moqueries ou au rejet de certains. Au bout d’un moment, on a peut-être envie de démissionner, de se retirer du monde pour se retrouver avec celles et ceux qui partagent notre foi et nos valeurs.

Se retirer du monde, c’est une tendance assez naturelle pour le croyant. Mais c’est une solution de facilité… en réalité, c’est même une fuite. Nous l’avons lu dans notre texte, Jésus nous envoie dans le monde ! On fuit cet appel quand on se retire du monde…

Il faut se rendre compte qu’on ne se retire pas forcément du monde de façon intentionnelle. C’est souvent un processus lent, presque imperceptible. Et parfois il est bon de s’arrêter et de se demander où nous en sommes.

Quand peut-on dire qu’on s’est retirés du monde ? On pourrait répondre sans doute qu’on s’est retiré du monde quand on ne le connaît plus sinon par nos aprioris et nos préjugés, quand nos contacts avec le monde ne sont plus que contraints par les nécessités de la vie sociale…

Voici quelques exemples concrets auxquels je pense :

  • Ne peut-on pas dire qu’on s’est retirés du monde quand notre cercle d’amis est constitué exclusivement de chrétiens ?
  • Ne peut-on pas dire qu’on s’est retirés du monde quand les seuls livres qu’on lit, les seules musiques qu’on écoute, les seuls films qu’on regarde sont des productions “chrétiennes” ?
  • Ne peut-on pas même dire d’une Église qu’elle s’est retirée du monde quand elle ne s’adresse qu’à des chrétiens et que ses préoccupations ne sont que de prendre soin de ses membres ?

On devient alors des chrétiens hors sol, déconnectés du monde qui les entoure. Comment pourrons-nous alors accomplir la mission que le Christ nous a confiée ?

La demande de Jésus doit nous tenir en éveil, et nous pouvons nous l’approprier en demandant à Dieu : “Garde-nous de nous retirer du monde !”

 

Être gardé du Mauvais

Mais pour garder une compréhension équilibrée de la posture du disciples du Christ dans le monde, il faut considérer la deuxième partie de la demande de Jésus : “Je te prie de les garder du Mauvais.” D’autres versions traduisent ici plutôt “garder du mal”, ce qui est aussi possible. En traduisant le Mauvais, on laisse entendre avec justesse que le mal n’est pas simplement un concept abstrait et philosophique, mais qu’il est un ennemi contre lequel il faut lutter, dont il faut discerner les manoeuvres et auquel il faut résister.

Il ne s’agit pas d’être naïf et de croire que nous vivons dans le monde des Bisounours ! Il y a bel et bien, dans le monde, des dangers dont il faut être gardés, des forces destructrices et aliénantes qu’il faut combattre. Mais il ne faut pas se tromper de combat. L’ennemi, ce n’est pas le monde, c’est le Mauvais.

Il serait absurde de dire que tout ce qui vient du monde est mauvais. D’abord parce que ce n’est pas faire justice au Dieu de grâce qui oeuvre aussi, dans sa souveraineté, dans notre monde. C’est ce qu’on appelle en théologie protestante la grâce commune, par laquelle Dieu veille sur sa création, il distribue aux humains des dons et des talents pour le bien de tous.

Il faut sortir d’un discours binaire et sans nuance. D’autant que dire que tout ce qui vient “du monde” est mauvais, c’est aussi oublier que le Mauvais n’est pas seulement extérieur à nous-mêmes ! Jésus dit bien que c’est ce qui sort de notre coeur qui nous souille ! Le Mauvais est aussi en chacun de nous…

Il ne s’agit pas non plus de faire une liste de ce qui serait bon et de ce qui serait mauvais, de ce qui vient de Dieu et de ce qui vient du diable. La réalité est bien plus complexe et nuancée que cela. On ne s’en sortira pas avec des listes !

C’est bien pour cela que Jésus adresse cette demande pour nous. C’est parce que la réalité du mal est complexe et qu’un travail fin de discernement est nécessaire que nous avons besoin d’être gardés du Mauvais.

Il n’est jamais superflu de s’interroger sur le bien-fondé de nos pratiques, de nos activités et de nos projets. Dans tous les domaines de notre vie. Quels en sont les impacts sur nous-mêmes, et sur ceux que nous côtoyons. Est-ce que ça élève ou ça abaisse ? Est-ce que ça libère ou ça emprisonne ? Est-ce que ça fait grandir ou ça humilie ? Est-ce que ça nous ouvre sur les autres ou ça nous enferme sur nous-mêmes ? Et on pourrait multiplier les questions…

Les réponses ne seront pas toujours simples, rarement binaires, souvent nuancées. Mais l’exercice est salutaire et doit se vivre nourri de prière et de méditation de la Parole de Dieu, pour avoir un discernement éclairé par l’Esprit de Dieu.

Car le solide fondement sur lequel s’appuyer, c’est la Parole de Dieu. C’est le verset 17 : “Fais qu’ils soient entièrement à toi, par le moyen de la vérité ; ta parole est la vérité.” A condition de ne pas chercher dans la Bible des listes et des opinions toutes faites, mais la pensée de Dieu à appliquer à notre vie, aujourd’hui.

 

Conclusion

L’expression “être dans le monde sans être du monde” exprime bien l’équilibre délicat auquel le disciple du Christ est appelé dans sa vie quotidienne. La double demande de Jésus, priant son Père de ne pas nous retirer du monde mais de nous garder du Mauvais, le souligne encore.

La formule renvoie aussi à une saine articulation, dans la vie de disciple, entre le rassemblement et la dispersion. Nous avons besoin des deux : des temps de rassemblement pour vivre pleinement en disciple du Christ les temps de dispersion. On pourrait comparer cela à un processus de respiration spirituelle, où nous avons besoin d’inspirer (dans le rassemblement) et d’expirer (dans la dispersion). Si on ne fait qu’expirer, on est à bout de souffle… Si on ne fait qu’inspirer, on hyperventile et on risque la syncope.

Le chétien respire vraiment, spirituellement, quand il trouve l’équilibre entre le rassemblement avec ses frères et soeurs croyants et la dispersion dans le monde où le Christ l’envoie. C’est aussi cela être dans le monde sans être du monde, ne pas se retirer du monde mais se préserver du Mauvais.

Portez du fruit

Suivre la prédication en vidéo ici.

Jésus nous rejoint, il se donne, pour que nous ayons accès à Dieu à travers lui et que nous vivions, vraiment ! Et après ? Que se passe-t-il ? Qu’est-ce que ça implique pour nous ?

La semaine dernière, nous avons commencé une série sur le thème : « partout, tout le temps, suivre le Christ tout simplement » à partir du livret proposé par notre Union d’églises. Vincent nous rappelait que si nous croyons, si nous suivons Jésus comme des disciples, c’est à plein temps ! Nous sommes unis à lui, jour et nuit !

Aujourd’hui, dans cette deuxième semaine, nous nous concentrons sur la mission que Jésus nous confie, à partir d’un extrait de son dernier discours, prononcé dans la dernière nuit avant sa mort. Jésus l’a déjà fait, il se compare à des objets très concrets de la vie quotidienne pour expliquer qui il est. Je suis le pain, je suis la lumière, je suis le berger, je suis le chemin… Ici, il se compare au cep de vigne – mais il va moins parler de lui que de nous : que se passe-t-il quand nous nous attachons au Christ par la foi, quand nous ne faisons qu’un avec lui ? Jésus brode sur l’image de la vigne sans chercher à tout décrire de A à Z : il pointe différents éléments, qui forment comme une constellation et il nous donne les contours essentiels de la vie avec lui. Il y a pas mal d’étoiles dans cette constellation… je vais lire tout le passage, mais ensuite je me concentrerai particulièrement sur la mission que Jésus nous confie, en lien avec le thème du livret que nous suivons.

Lecture biblique Jean 15.1-17

1 Moi je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. 

2 Il enlève tout sarment qui, uni à moi, ne porte pas de fruit, mais il taille, il purifie chaque sarment qui porte du fruit, afin qu’il en porte encore plus. 3 Vous, vous êtes déjà purs grâce à la parole que je vous ai dite. 

4 Demeurez unis à moi, comme je suis uni à vous. Un sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même, sans être uni à la vigne ; de même, vous non plus vous ne pouvez pas porter de fruit si vous ne demeurez pas unis à moi. 5 Moi je suis la vigne, vous êtes les sarments. La personne qui demeure unie à moi, et à qui je suis uni, porte beaucoup de fruits, car sans moi vous ne pouvez rien faire. 6 La personne qui ne demeure pas unie à moi est jetée dehors, comme un sarment, et elle sèche ; les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. 7 Si vous demeurez unis à moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voulez et cela sera fait pour vous. 

8 Voici comment la gloire de mon Père se manifeste : quand vous portez beaucoup de fruits et que vous vous montrez ainsi mes disciples. 9 Tout comme le Père m’a aimé, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10 Si vous obéissez à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, tout comme j’ai obéi aux commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. 11 Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. 

12 Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, parce qu’un serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous appelle amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. 16 Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis ; je vous ai donné une mission afin que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. Alors, le Père vous donnera tout ce que vous lui demanderez en mon nom. 17 Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres.

 Les conséquences de l’union avec le Christ : porter du fruit

Pour décrire la vie avec lui, Jésus utilise une image : nous sommes appelés à porter du fruit, comme un sarment qui sort d’un cep de vigne. Avant de préciser les contours et le goût de ce fruit que portent ses disciples, Jésus commence par une mise en garde : la personne qui est unie au Christ par la foi doit porter du fruit. C’est la priorité du vigneron, c’est-à-dire Dieu, qui soigne sa vigne, son peuple, en faisant tout pour que la vigne produise un fruit bon et beau. Et comme tout bon jardinier ou agriculteur, il taille la plante lorsque les branches inutiles ou malades empêchent la sève de circuler avec vigueur pour donner du fruit.

Et si le sarment ne porte pas de fruit ? Au bout d’un moment, le vigneron s’en occupe, le taille etc. mais si ça dure, que le sarment reste sec, ça veut dire qu’il n’est pas vraiment rattaché au cep… alors le vigneron finit par le couper et le jeter. C’est violent comme image, quand on pense que le sarment, c’est nous ! « Portez du fruit, sinon… »

Est-ce que Jésus voudrait nous faire peur, ici ? Oui, un peu. Il insiste sur la nécessité de porter du fruit : le but du sarment n’est pas d’être attaché au cep, c’est de porter du fruit. Le but du vigneron n’est pas d’occuper le plus de place possible avec des sarments… c’est d’avoir une belle récolte de fruits.

Il ne faut pas trop tirer sur l’image, mais Jésus insiste ici : porter du fruit n’est pas optionnel. Ca fait partie de la vie avec lui. Si on est son disciple, il doit en sortir quelque chose. La foi ne s’arrête pas à l’intériorité secrète de notre cœur : c’est une connexion à la vie de Dieu, à travers le Christ, qui doit rejaillir dans notre existence.

Un appel à la fécondité

On pourrait dire que lorsqu’on vit avec Jésus, il y a exigence de résultat.

Mais. Mais ce résultat, quel est-il ? Jésus parle beaucoup du fruit, il évoque l’obéissance à ses commandements, l’amour, le fait que le fruit honore Dieu. Et voilà !

Jésus en a déjà parlé ailleurs : le fruit, c’est aimer Dieu, l’honorer par une vie intègre, par une confiance grandissante, et aimer l’autre par un regard pur, une main tendue, une parole saine. Il invite ses disciples à être témoins de l’amour de Dieu, auprès de chacun, en parole et en acte. Paul, disciple de Jésus, reprendra l’image du fruit pour parler du caractère que Jésus, par son esprit (sa sève) produit en nous : amour, douceur, maîtrise de soi, bienveillance, esprit de service…

Ce qui est très beau, dans l’image du fruit, c’est que c’est organique : le fruit exprime la nature de la plante. La plante n’est pas appelée à faire semblant, à se travestir. Ce n’est pas un fardeau, de porter du fruit : c’est s’épanouir. Mais là où la culture d’aujourd’hui nous encourage à nous développer, à nous épanouir, à grandir coûte que coûte, l’image du fruit nous rappelle que nous développer n’est pas un projet qui ne concerne que nous, au mépris des autres : lorsque nous sommes vraiment épanouis, tout le monde en profite !

Si on regarde bien, depuis la création, Dieu a comme objectif que nous portions du fruit : multipliez-vous, croissez, soyez féconds… Avoir des enfants, c’est porter du fruit ! Mais au-delà, porter du fruit c’est vivre dans la justice et la vérité, construire la paix, choisir la générosité et l’amour… Être fécond, c’est ressembler à Dieu sur cette terre, Dieu le créateur de l’abondance, Dieu l’innovant, Dieu le généreux. Lorsque nous portons du fruit, nous sommes vraiment nous-mêmes, tels que Dieu nous rêve depuis la création du monde.

C’est tellement large ! Et impressionnant… Pourtant, Jésus n’insiste pas sur les critères de réussite. Ce qui compte, c’est que du fruit soit porté. Il n’y a pas de compétition ou de performance : ce qui compte, c’est que la vie de Dieu rejaillisse. Que sa vitalité ait un impact sur nous et autour de nous. Mais on peut imaginer que selon le contexte, et là je sors de l’image, le fruit n’ait pas toujours exactement la même couleur ou le même goût…

Quelles conditions météo? 

Alors, en bonne Française, j’ai envie de dire « oui, mais… » Oui, mais, ce n’est pas toujours évident de porter du fruit ! Parfois les conditions ne sont pas réunies : trop chaud, trop froid, trop sec, trop humide, il gèle trop tôt, ou trop tard… sans compter les parasites, les maladies,… On se donne ce genre d’excuses, non ? « Non, mais là, je ne pouvais pas, mais c’est pas ma faute, c’est le climat qui convenait pas ». Comme s’il fallait que les conditions extérieures soient optimales pour porter du fruit.

Jésus est très clair : la seule condition qui compte, pour porter du fruit, c’est d’être attaché à lui. Peu importe la météo, si nous sommes remplis de la vie de Dieu par le Christ, cela rejaillira d’une façon ou d’une autre.

Alors ça nous prive d’excuses : si nous ne portons pas de fruit, ce n’est pas la faute du monde qui nous entoure, mais peut-être qu’il faut revoir la vigueur de notre attachement au Christ, éventuellement laisser Dieu tailler les branches malades qui nous gangrènent ou les branches mortes qui bloquent la circulation de la sève… (là j’improvise sur l’image !)

Mais c’est aussi tellement encourageant de savoir que Jésus seul est la condition pour que nous portions du fruit : peu importe le contexte (chez vous, au travail, dans les transports, dans une réunion zoom, sur les réseaux, dans un devoir ou un dossier à rendre, quand vous faites des courses ou des démarches administratives), peu importe votre statut (jeune ou âgé ; bien portant ou non ; pauvre ou riche ; écolier, actif, retraité), peu importe votre personnalité (un peu ours ou… dauphin) – peu importe ! Le Christ vit en vous par la foi, et c’est lui qui nourrit le fruit que vous portez… Peu importe quel sarment vous êtes, tant que vous êtes attaché au Christ vivant, tout-puissant, débordant d’amour, vous avez tout ce dont vous avez besoin pour porter du fruit…

Comment être attaché ?

          La stratégie de Dieu pour que nous portions du fruit, c’est le Christ. C’est une tactique indirecte, par un travail sur nos racines. Aucune plante ne produit du fruit quand on tire sur la branche ! Porter du fruit, c’est le but, mais c’est un processus que nous ne contrôlons pas. La seule chose que nous puissions faire, c’est puiser notre sève à la source, dans le vrai et bon cep de vigne, le Christ.

Pourquoi ? Parce que Jésus-Christ et Dieu sont totalement imbriqués : nous rapprocher de Jésus, c’est nous rapprocher de Dieu lui-même. Le péché, c’est cette rupture avec Dieu qui nous coupe de la vie dans toute son abondance, qui nous fait goûter à la mort et au morbide. Or Jésus nous tend la main de la part de Dieu, il enjambe le fossé de la séparation et rouvre un accès à Dieu.

Dieu demeure en Jésus qui vient lui-même demeurer en nous par son Esprit lorsque nous croyons, et cette cascade de vie, d’amour, déborde tout autour de nous. Il y a une espèce d’alignement sur Dieu qui conduit à l’abondance. Et je crois que c’est dans ce sens qu’il faut comprendre que nos prières sont exaucées : lorsque nous nous alignons sur Dieu, ses projets deviennent nos priorités, notre prière.

Comment faire pour nous attacher au Christ de façon vivifiante ? Jésus évoque deux pistes : mettez en pratique mes commandements et aimez comme je vous ai aimés. Les deux vont ensemble, d’ailleurs le commandement principal que Jésus donne, c’est d’aimer. Mais ce n’est pas un amour éthéré, spirituel, idéal : non, c’est un amour concret. L’amour, le vrai, a un contenu : l’amour pardonne, l’amour relève l’autre, l’amour rend service, l’amour se réjouit de la vérité et de la justice, l’amour cherche ce qui est beau et bon, l’amour est patient…

Bon ben, y a plus qu’à… ! Être attaché au Christ, c’est un processus, pas un acte ponctuel. C’est une dynamique qui se renouvelle constamment : fréquenter le Christ, et Dieu en lui, à travers les Ecritures, apprendre toujours plus à le connaître pour qu’il nous inspire de mieux en mieux. Nous recentrer sur Dieu dans la prière, dans la proximité, ressentir sa présence aujourd’hui en nous. Nous encourager les uns les autres quand nous sommes démunis ou le nez dans le guidon…

 

Les méditations cette semaine nous conduiront à explorer tel ou tel aspect du fruit que Jésus nous appelle à porter, aujourd’hui, dans notre vie. Mais rappelons-nous : notre seule stratégie, c’est de nous rapprocher du Christ, de demeurer en lui pour que sa vie déborde en nous.

Livret de méditations “Partout, tout le temps, suivre le Christ tout simplement” à télécharger ici, (c) UEEL